«C'est la première crise totale de l'histoire d'un pays qui n'est pas en guerre» estime Alain Bauer

  • il y a 8 mois

Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari et ses invités débattent de la multiplicité des crises et des colères sociales en France.
Retrouvez "Punchline" sur : http://www.europe1.fr/emissions/punchline

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00:00 18h19, Laurence Ferrari sur CNews et Europe 1.
00:04 18h39, on se retrouve en direct dans "Punchline" sur CNews et sur Europe 1.
00:08 Alain Bauer nous a rejoint. Bonsoir, Alain Bauer.
00:10 - Bonsoir. - Merci beaucoup.
00:11 Vous êtes professeur de criminologie.
00:13 Ce dernier livre que vous publiez, "Tu ne tueras point",
00:16 aux éditions Fayard, "Choses vues",
00:18 "Violence, notre vie en insécurité".
00:20 Ça parle évidemment à tous les Français.
00:22 Le Premier ministre, Gabriel Attal,
00:24 en a parlé très brièvement dans son discours politique général
00:26 il y a quelques instants.
00:28 Dis-moi juste qu'on évoque la détresse des agriculteurs, leur colère.
00:31 Je ne sais pas si on peut écouter quelques-uns de ces agriculteurs,
00:34 mais ils disent tous la même chose.
00:36 Ce sentiment de déclassement, ce sentiment de mépris,
00:38 cette arrogance dont ils affublent les élites par rapport à eux.
00:42 Vous comprenez ce sentiment-là, Alain Bauer ?
00:44 La France est un pays de mille ans de jacquerie.
00:46 Mille ans de jacquerie.
00:48 Ça fait mille ans que les agriculteurs, les éleveurs, les viticulteurs,
00:52 tous ceux dont le produit est à la fois nourrir et vient de la terre,
00:58 se révoltent contre l'arrogance, le mépris et l'impôt.
01:01 La taille, la gabelle, les fermiers généraux.
01:04 C'est une histoire permanente que l'État n'a jamais digérée ni compris
01:08 parce que la logique de la relation entre l'État et le mouvement social,
01:14 alors agriculteurs, viticulteurs, pêcheurs, chasseurs parfois,
01:19 transporteurs routiers, de temps en temps les étudiants,
01:22 les gilets jaunes qui étaient des travailleurs pauvres
01:25 qui manifestaient le week-end parce qu'ils travaillaient le reste de la semaine.
01:29 Les agriculteurs actuels, je vous explique,
01:32 on en discutait à la sortie du plateau,
01:35 qu'à un moment, il faut aller traire les vaches et gérer le bétail.
01:38 Ce n'est pas tous des agro-céréaliers industrialisés.
01:42 En fait, il y a un problème,
01:44 c'est que l'État en France ne sait fonctionner qu'au rapport de force.
01:47 Avant qu'il y ait un rapport de force,
01:49 donc un processus de confrontation, ce n'est pas grave.
01:52 Donc on ne va pas négocier parce qu'en fait,
01:54 tout ça n'est pas suffisamment puissant.
01:56 Puis le rapport de force arrive et l'État découvre subitement
01:59 que ce qu'il a créé lui-même,
02:01 les règles, les taxes, les impôts, les normes et tout le reste,
02:06 pose un problème.
02:07 Et il est plein d'injonctions contradictoires, d'ailleurs.
02:10 Achetez tous des voitures diesel.
02:12 Oui, mais le diesel, c'est mal, il faut s'en séparer.
02:15 On n'a pas de transport en commun,
02:17 mais on va vous réduire la vitesse sur des routes
02:21 dont, a priori, la mortalité n'est pas pire,
02:24 ou même moindre, d'ailleurs, dans la réalité.
02:26 Et ainsi de suite. Vous avez une accumulation de mesures
02:28 discrétionnaires prises par Paris de manière impérative
02:32 et qui heurtent de manière régulière la réalité.
02:35 Et tant que ça n'explose pas, on ne discute pas et on ne négocie pas.
02:38 Et donc le processus de la France, c'est un moteur à explosion,
02:41 un peu particulier parce qu'il est un peu diesel,
02:42 ce qui est rare d'un point de vue chimique,
02:45 mais en tout cas, c'est exactement ce qui est en train de se passer.
02:47 On ne peut aller à la confrontation.
02:50 Au moment de la confrontation, on commence à lâcher du nez,
02:52 le moins possible, puis un peu plus, puis encore plus,
02:55 parce qu'on se rend compte que l'ampleur de la souffrance
02:59 et donc de la violence rentrée qui, du coup, bouillonne
03:02 et qu'on essaye de contenir comme une cocotte minute,
03:05 et cela, donc les agriculteurs, en fait, c'est une longue histoire
03:08 de mille ans de violence sociale en France
03:10 au nom de revendications parfaitement légitimes
03:13 que l'État a le plus grand mal à admettre.
03:16 Donc, Anna Bauer, si je vous entends bien,
03:17 vous dites qu'on va aller à l'affrontement.
03:19 C'est ça qui nous attend dans les prochains jours.
03:21 C'est ce qui est en train de se passer.
03:23 D'ailleurs, quand vous écoutez la représentation de "ici, il se passe ça,
03:28 là, il y a un désordre, mais on monte vers Paris",
03:30 il y a eu une opération réussie qui était sur la A64
03:34 où, en répondant directement à des revendications extrêmement précises
03:37 sur un sujet très précis, l'agriculteur qui dirigeait le blocus
03:41 a dit "moi, je suis content, je rentre à la maison".
03:43 Voilà, au moins, il y a une cohérence dans le truc.
03:45 Maintenant, vous avez plein de revendications complexes.
03:47 Quand vous avez les 122 revendications de la FNSA,
03:50 vous comprenez la diversité du problème.
03:52 Comme le disait le patron des jeunes agriculteurs,
03:55 il y a des choses qui ne coûtent rien et qui sont simples.
03:56 Tu supprimes tout ce qui est inutile, superfétatoire,
03:59 rajouté aux emmerdements existants déjà
04:02 du fait de toute une série de réglementations
04:03 qui sont communes à tout le monde. Parfait.
04:05 Ça, c'est facile. Tu dis "voilà, j'ai la liste".
04:07 D'ailleurs, quand le Premier ministre, la première fois sur sa botte de paille,
04:11 explique qu'il y a 18 manières de tailler les haies...
04:13 - C'est 14, je crois. - 14, pardon.
04:15 - On va devoir avoir 14. - Enfin, bref.
04:17 - Vous comprenez que... - De toute manière, c'est 14.
04:19 - Réglementations pour pouvoir... - Vous comprenez que c'est ridicule.
04:21 Donc, que lui-même comprend que c'est ridicule,
04:23 il vient d'arriver, il trouve le truc, il pense que c'est ridicule,
04:26 et vous vous demandez comment un bureau a pu inventer...
04:29 Pardon, 14 bureaux ont pu inventer autant de réglementations
04:32 dont, naturellement, vous ne comprenez pas la légitimité, la logique...
04:36 Le reste, voilà, ça, c'est de l'autoproduction bureaucratique.
04:38 En fait, la bureaucratie tue la bureaucratie.
04:41 Vous pouvez inverser le processus en disant
04:43 "j'élimine les processus bureaucratiques",
04:45 et une longue ordonnance, qui sera votée massivement par le Parlement,
04:48 permet de régler tout ça.
04:50 Après, il y a les problèmes qui sont les contradictions.
04:53 Les grands céréaliers qui ont pris ce que c'était que l'agro-industrie,
04:57 qui ont compris les mécanismes européens,
04:59 qui bénéficient massivement de la PAC,
05:01 eux, ils sont assez satisfaits de ce qui se passe.
05:03 Leur problème, c'est plutôt l'arrivée de l'Ukraine, le Mercosur, etc.,
05:07 les grands accords internationaux.
05:09 Mais le petit éleveur avec ses 40 vaches,
05:12 son problème, c'est la fin du mois.
05:13 Et il a en même temps la fin du mois et la fin du monde,
05:16 pour le même prix.
05:17 Tout ça sur ses épaules.
05:18 Tout ça sur ses épaules.
05:19 Et il ne comprend pas non plus que quand on lui dit
05:22 "revenu minimum agricole",
05:23 ce qui était une idée de Michel Rocart quand on a fait les cotalités,
05:25 au moins, j'ai un souvenir,
05:26 parce qu'Emmanuel Valls aussi, probablement,
05:29 ils n'acceptent pas les cotalités
05:31 parce qu'ils ne comprennent pas ce que c'est que cette régulation
05:33 qui réduit la production pour augmenter les revenus.
05:36 Dix ans après, on supprime les cotalités à un autre gouvernement
05:39 et ils font les mêmes manifestations pour maintenir les cotalités
05:41 parce qu'ils en ont compris les vertus.
05:43 Mais ils ne veulent être ni assistés ni salariés.
05:45 Le problème, c'est que le revenu minimum garanti,
05:48 il ne se gère, et ils ont raison de le dire,
05:50 qu'avec ceux qui sont les intermédiaires,
05:52 ceux qui achètent et ceux qui vendent.
05:53 Et vous avez un ministère, Bercy,
05:56 qui lui-même est dans un enjeu contradictoire.
05:57 Il faut faire baisser les prix.
05:59 Très bien, on baisse les prix dans le supermarché,
06:01 donc on baisse les prix à l'achat.
06:03 Il y a quand même quelqu'un qui...
06:04 Alors, évidemment, on refait de la marge au milieu.
06:06 Et puis, ensuite, on dit "il faut augmenter le revenu".
06:09 Il dit "mais il n'y a pas de problème",
06:10 et il y a un consommateur qui va repayer.
06:11 Il y a un moment où il faut qu'il y ait
06:13 une cohérence générale dans l'activité de l'État.
06:15 Et ce que j'indique d'ailleurs dans le livre
06:17 qui relève d'autres problématiques de violence,
06:20 c'est que l'incohérence générale de l'État,
06:22 les injonctions contradictoires,
06:23 son incapacité à assumer sa mission traditionnelle,
06:26 puisque c'est l'État qui a créé la nation en France,
06:28 c'est un seul État-nation, les autres sont des nations-États,
06:31 amène mécaniquement, la nature ayant horreur du vide,
06:34 la violence à remplacer l'ordre.
06:35 Alors, Alain Beaumont, je voudrais qu'on revienne
06:37 au sujet de votre livre qui est la sécurité.
06:38 On a entendu Gabriel Attal, cet après-midi,
06:40 annoncer "l'impunité, c'est fini".
06:43 Vaste programme.
06:44 Écoutons Gabriel Attal à l'Assemblée nationale.
06:47 Le réarmement civique, c'est bien entendu le respect de la loi.
06:51 Nos concitoyens attendent de nous que nous agissions
06:53 encore et toujours contre les violences,
06:55 contre les trafics, contre les cambriolages,
06:58 contre l'insécurité du quotidien et la délinquance.
07:01 Ils demandent de l'ordre dans nos rues.
07:03 Tout n'est pas une question de moyens,
07:05 il faut les mettre au service d'une stratégie
07:06 plus offensive encore.
07:08 Comme l'a dit le président de la République,
07:10 nous allons doubler la présence policière
07:11 dans les rues d'ici à 2030.
07:13 Contre l'insécurité, nous nous sommes fixés 2 priorités.
07:16 La lutte contre les stupéfiants
07:18 et la lutte contre la délinquance du quotidien.
07:20 En particulier, les cambriolages.
07:22 Nous allons encore monter d'un cran
07:24 dans notre combat contre la drogue
07:26 en mettant en oeuvre un nouveau plan de lutte
07:28 contre les stupéfiants.
07:29 Notre stratégie de harcèlement et de pilonnage
07:31 contre les dealers porte ses fruits.
07:32 Nous avons réussi à faire disparaître
07:34 un quart des points de deal.
07:36 Alors nous allons poursuivre avec 10 opérations
07:38 place nette par semaine.
07:39 Nous devons aussi taper les dealers au porte-monnaie
07:41 et leur couper les vivres.
07:43 C'est pourquoi nous allons désormais geler les avoirs
07:45 des trafiquants de drogue qui se sont identifiés.
07:48 Notre réarmement civique passe par une justice
07:50 plus rapide et plus efficace.
07:52 Ensemble, nous allons envoyer un message clair.
07:54 L'impunité, c'est fini.
07:56 Nous avons décidé de moyens exceptionnels
07:58 pour notre justice.
07:59 Ils seront au rendez-vous pour accélérer les délais.
08:01 Nous allons améliorer le fonctionnement de la justice.
08:05 L'impunité, c'est fini, Alain Bauer.
08:06 Est-ce que...
08:08 Il n'est pas le premier des ministres...
08:09 Heureusement qu'il dit ça plutôt que l'inverse.
08:11 Oui, mais bon, il y en a beaucoup qui l'ont dit avant lui.
08:13 Oui, alors...
08:14 Peut-être une trentaine.
08:15 C'est toujours un problème du discours politique général.
08:17 C'est le catalogue de la redoute.
08:19 Par ailleurs, c'était un vrai discours
08:20 de premier ministre,
08:22 article 20 de la Constitution.
08:23 Pour l'instant, on ne peut pas lui reprocher
08:25 de ne pas avoir embrassé
08:27 à la fois la fonction et le problème
08:28 au milieu, par ailleurs, d'une crise agricole
08:30 qui n'était pas véritablement prévue au calendrier.
08:34 Et le vrai drame du gouvernement
08:36 et du président de la République, d'ailleurs,
08:37 c'est que d'habitude, on gère des crises
08:39 les unes après les autres.
08:41 On a une crise, elle s'arrête,
08:42 on a un petit moment pour se remettre,
08:44 on reprend une deuxième crise...
08:45 Là, non, là, c'est tout en même temps.
08:46 Oui. Aucune ne s'est finie.
08:49 La crise sociale n'est pas terminée,
08:50 la crise sanitaire n'est pas terminée,
08:51 la crise des hôpitaux n'est pas terminée.
08:53 Elles sont toutes... C'est la première crise totale
08:55 de l'histoire d'un pays qui n'est pas en guerre.
08:57 Quand t'es en guerre, t'es en guerre.
08:59 C'est la guerre. Mais là, c'est pas le cas.
09:01 Nous ne sommes pas encore en guerre.
09:02 Elle est proche de nous, elle se rapproche,
09:04 elle est aux alentours, mais sur le reste,
09:06 nous avons une multiplicité de crises cumulatives
09:09 qui sont nées d'un seul et unique malaise,
09:12 le retrait de l'État.
09:13 L'État a une promesse en France, il fait tout,
09:16 il est le seul à pouvoir le faire,
09:17 il doit tout faire et personne d'autre n'y connaît rien
09:20 et lui seul est en charge de...
09:22 À partir du moment où il a commencé à se retirer
09:24 sur l'ensemble des secteurs de souveraineté,
09:26 puisque ce mot est très à la mode,
09:28 le réarmement, c'est pas Louis Dragnel que j'expliquais,
09:31 qu'on a une armée échantillonnaire expéditionnaire
09:34 qui a un peu tout et beaucoup de rien
09:35 et qui est dans la panade la plus totale
09:37 parce qu'elle a été déshabillée, désossée
09:39 et à moitié détruite par Bercy.
09:41 C'est la réalité, c'est comme ça.
09:42 Quand on gouverne avec un plan, une feuille Excel,
09:45 on ne gouverne pas, on ratiocine.
09:48 Le gouvernement, c'est pas des comptables.
09:49 Les comptables, c'est fait pour garantir
09:51 le bon usage du dénié public, c'est très utile,
09:52 mais c'est pas des financiers.
09:54 La stratégie, c'est la stratégie.
09:55 L'état stratégique, il a disparu.
09:56 Je préfère que Gabriel Attal dise ce qu'il dit.
09:59 Après, c'est comment il le fait.
10:01 - Oui. - Parce que...
10:02 - Comment ? - Personne ne donne d'ordre
10:03 aux magistrats, qui, par ailleurs, sont beaucoup moins laxistes
10:05 que ce que tout le monde raconte,
10:06 mais qui ne savent plus où mettre des gens en prison.
10:08 Le plan stupéfiant, j'ai été auditionné hier par le Sénat,
10:13 il n'y a pas de cohérence dans notre politique
10:15 de lutte contre les stupéfiants.
10:16 On sait pas contre quoi on lutte.
10:17 On sait pas contre quoi on lutte, pas contre les consommateurs.
10:19 Les consommateurs devaient être considérés
10:21 comme des malades qu'il faut traiter d'une addiction.
10:23 Ce qu'on a fait, il y a 100 ans, en créant la première loi
10:27 pour aider les gens à sortir de l'addiction aux stupéfiants.
10:30 Mais on ne traite pas un consommateur malade
10:32 comme un gros trafiquant lié à Pablo Escobar ou ses successeurs.
10:36 Et donc, ce problème est là,
10:38 c'est que nous avons des injonctions contradictoires permanentes.
10:40 Vous pouvez pas avoir une circulaire du tribunal de Cayenne
10:42 qui dit qu'à moins d'un kilo, on ne poursuit plus
10:44 parce qu'on ne sait pas quoi faire.
10:45 On parle d'un kilo, là, oui.
10:46 Un kilo. Un kilo, pas 100 grammes.
10:48 - Pas 100 grammes, oui. - Je précise que la loi prévoit
10:50 zéro gramme. Elle prévoit...
10:52 - Oui, normalement, en théorie. - En théorie, c'est rien.
10:54 Voilà. Mais on n'a aucune clarification.
10:58 Il dit "tout doit être clair, tout doit être clarifié".
11:00 Très bien. Et d'ailleurs, c'est mieux d'entendre ça que le contraire,
11:03 mais la difficulté, elle, va être de construire à l'intérieur.
11:06 Vous allez avoir demain les chiffres officiels de la délinquance 2023.
11:11 Ils vont être catastrophiques.
11:12 Ils sont très mauvais. Sur les violences, en tout cas.
11:15 Coups et blessures volontaires, homicides,
11:17 et demain, je publierai, ou après-demain,
11:18 mon traditionnel "homicidité", c'est un homicide plus tentative.
11:21 Alors, homicide, c'est facile.
11:22 Pour la première fois depuis presque dix ans,
11:24 nous repassons la barre des 1 000 homicides.
11:27 On était descendus à moins de 700 en 2011-2012, par an.
11:33 Nous repassons la barre des 1 000 homicides.
11:35 Tentative d'homicide, normalement,
11:38 c'est-à-dire tout ce que j'appelle des homicidités,
11:40 parce qu'une tentative d'homicide, c'est juste un homicide qu'a raté,
11:42 soit par l'efficacité des services de secours,
11:45 qui sont venus plus vite, soit par l'incompétence du tireur,
11:47 parce qu'à la Kalachnikov, ça tire un peu partout,
11:50 mais ça tire pas droit.
11:51 Et donc, cumulativement,
11:52 nous allons être encore au-dessus de la barre des 4 000
11:54 que nous avons atteints pour la première fois en plein confinement.
11:57 En plein confinement.
11:59 Donc, on a une situation de dégradation de tout ce qui est violence.
12:02 Le cœur de "Tu ne tueras point",
12:04 c'est que l'indicateur de la violence d'une société, c'est l'homicide.
12:07 Quand tu as une augmentation massive des homicides,
12:09 des tentatives d'homicide, des coups et blessures volontaires
12:12 qui peuvent se traduire de temps,
12:13 des règlements de comptes entre criminels,
12:15 ce qui est le cas dans les trafics de stupéfiants,
12:16 et particulièrement à Marseille,
12:18 mais dans beaucoup d'autres endroits,
12:20 c'est un étalement des zones de deal.
12:22 4 000, identifié par mon collègue Jérôme Fourquet,
12:25 avec qui on travaille beaucoup,
12:27 sur la question, justement, de l'étalement géographique.
12:29 Après tout, la cartographie, c'est un indicateur comme un autre.
12:32 C'est l'art de la guerre, c'est la carte.
12:34 Et donc, vous découvrez absolument l'étalement général
12:37 des grandes villes vers les agglos,
12:39 des agglos vers les petites et moyennes villes,
12:41 et vers les toutes petites villes.
12:43 Vous avez aujourd'hui une culture et une économie du stup
12:46 qui concerne des centaines de milliers de personnes
12:49 qui, à un moment ou à un autre,
12:51 sont impliquées, complices, actrices,
12:53 ou vivent, ou en tout cas, essayent de vivre du trafic.
12:57 C'est donc pas simplement des opérations coup de poing.
13:00 C'est autre chose qui doit être structurée,
13:02 et notamment sur la question du traitement médical
13:05 des consommateurs et du traitement pénal des trafiquants.
13:09 Rapidement, deux questions.
13:10 Alain Boer, je voulais simplement vous faire rebondir
13:12 sur une phrase que je trouve intéressante,
13:14 dans ce qu'a dit Gabriel Attal cet après-midi.
13:16 Il dit "il doit y avoir une exception agricole française".
13:19 Qu'est-ce que vous comprenez ?
13:20 Est-ce que vous comprenez qu'il faut un retour
13:22 à la souveraineté française en matière agricole ?
13:25 Moi, je pense qu'il faut un retour à la souveraineté en toute matière.
13:28 La souveraineté française,
13:29 parce qu'il y a aussi la souveraineté européenne.
13:30 Non, je ne sais pas ce que c'est.
13:31 On n'a pas encore découvert le concept de souveraineté européenne.
13:34 Nous ne sommes pas d'accord sur grand-chose.
13:36 Il y a des éléments qui permettent des accords.
13:38 On voit d'ailleurs à quel point ils sont difficiles
13:39 au fur et à mesure de l'expansion de l'Europe.
13:43 Il y a une cohérence militaire à peu près claire,
13:48 qui est l'OTAN, qui n'est pas l'Union européenne.
13:50 C'est justement pour ça que c'est cohérent et clair,
13:52 parce qu'il n'y a qu'un seul chef, les États-Unis.
13:56 Mais pour le reste, non, il n'y a pas de souveraineté européenne.
13:58 Il n'y en a pas encore. On peut le regretter.
14:00 Moi, j'appartiens à ceux qui, comme Michel Rocard,
14:03 pensaient qu'il y avait écrit un très joli petit livre
14:05 que tout le monde oubliait,
14:06 qui s'appelait "Le marché commun contre l'Europe",
14:07 en disant que l'Europe des citoyens,
14:09 ce n'était pas l'Europe des consommateurs et des...
14:12 Voilà, qu'on n'était pas dans une Europe de la consommation,
14:14 qu'on devait être dans une Europe construite autour du citoyen.
14:17 D'autres appellent ça l'Europe des nations.
14:19 On peut l'appeler comme on veut, mais dans la réalité,
14:22 il n'y a pas de souveraineté européenne.
14:23 Donc, je préfère qu'on ait une souveraineté française
14:25 et qu'on négocie des accords bilatéraux, multilatéraux,
14:28 en conservant des décisions qui sont les nôtres,
14:31 et puis en voyant ensuite comment on gère des espaces multiples.
14:34 Nicolas Sarkozy avait eu l'idée, vous savez,
14:36 de cette Europe à géométrie variable,
14:38 qui permettait de faire un peu de défense ici,
14:40 un peu de sécurité intérieure là, un peu de Maastricht ailleurs.
14:43 Valérie Giscard d'Irsaing aussi.
14:44 Une petite question, Rachel Kahn.
14:46 C'est un très beau titre, "Tu ne tueras point".
14:48 Et je me demandais si c'était une référence au code pénal
14:54 ou plutôt au tableau de la loi,
14:56 et si la délinquance, finalement, et aujourd'hui, l'islamisme, etc.,
15:02 c'était pas directement une atteinte au tableau de la loi.
15:06 Alors, d'abord, c'est un commandement.
15:09 Mais c'est un très beau commandement,
15:10 parce qu'il est plus laïque qu'on ne le croit.
15:13 D'abord, c'est pas le premier, mais le cinquième ou le sixième.
15:15 Je cite d'ailleurs toutes les autres religions
15:17 en disant qu'en fait, tout le monde, à un moment ou à un autre,
15:18 a considéré que l'homicide, l'assassinat ou le meurtre,
15:20 c'était pas bien.
15:22 Les laïcs comme les croyants.
15:24 Alors, il y a beaucoup de croyants qui tuent au nom de Dieu
15:25 parce qu'ils n'ont pas bien compris les textes,
15:27 d'autres qui les ont trop bien compris,
15:29 contrairement à ce qu'on raconte,
15:30 quand on lit attentivement les textes et qu'on sait de quoi on parle,
15:33 la violence, elle est aussi consubstantielle à l'idée
15:36 qu'il faut convertir tout le monde ou soumettre tout le monde.
15:39 Soumission, c'est un très beau titre.
15:41 Mais dans la réalité, ce qu'on découvre,
15:43 c'est que quand une société civilise le crime, elle va mieux.
15:47 Quand une société arrête de faire société,
15:50 c'est-à-dire que ces institutions se retirent
15:52 pour considérer que tout le monde fait ce qu'il veut
15:54 parce qu'une nouvelle forme de liberté existe,
15:57 eh bien, c'est comme conduire sans code de la route,
16:01 le Far West sans shérif ou Internet sans régulation.
16:05 Vous avez la rage aux sphères et des trolls
16:07 parce que c'est la nature.
16:08 Et donc, il faut réguler, institutionnaliser,
16:10 accepter des règles.
16:12 Ces règles s'appellent la loi.
16:13 Et quand la loi est remplacée par le désordre et le chaos,
16:16 il y a de la violence et des victimes.
16:18 L'idée générale est de revenir aux fondamentaux.
16:20 L'État, en France, est celui qui doit garantir.
16:23 Il doit donc revenir sur le terrain d'abord
16:26 avec le dialogue qui nécessite d'être dans un État de droit.
16:30 Et ça, c'est l'enjeu le plus important.
16:32 Et de ce point de vue-là, le besoin du retour de l'État,
16:35 c'est la garantie de la protection des individus et des citoyens.
16:38 Et donc, d'avoir moins de victimes,
16:40 parce que derrière le tune-ture à points...
16:42 - Il y a des homicides. - Il y a des homicides et des assassinats.
16:44 Anna Bauer, Tune-ture à points aux éditions Fayarch
16:47 au juin, recommandé à nos auditeurs et à nos téléspectateurs.
16:49 Merci beaucoup d'être venu. Merci, Rachel Canouilh de Ragnel.
16:51 Dans un instant, sur Europe 1,
16:53 vous avez rendez-vous avec Céline Giraud pour Europe 1 soir
16:55 et Christine Kelly pour Facein Info.
16:57 Bonne soirée à vous sur nos deux antennes. À demain.

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