Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari et ses invités débattent de l'affaire Mohamed Haouas, condamné pour violences conjugales.
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00:00 (Générique)
00:03 Punchline, Laurence Ferrari sur Europe 1.
00:06 (Générique)
00:11 18h35, on se retrouve en direct
00:13 dans Punchline sur CNews et sur Europe 1.
00:15 On a décidé de parler de l'affaire Mohamed Hawass.
00:19 C'est ce pilier droit du 152 France
00:21 qui a été condamné hier à un an de prison ferme
00:23 sans mandat de dépôt pour violence conjugale.
00:26 Des faits commis évidemment sur sa femme en public,
00:28 vendredi dans le centre de Montpellier.
00:30 Une peine qui sera aménageable.
00:32 Il n'y aura pas d'appel de cette décision.
00:35 Sa femme, ce qui est le plus marquant,
00:37 a pris la parole, M. Henri Bovis,
00:40 lors de l'audience au tribunal.
00:42 Elle a dit qu'elle se sentait soulagée qu'il n'aille pas en prison.
00:46 Elle a tenté de dire qu'il fallait lui pardonner,
00:48 que c'était une erreur, qu'il allait s'amender.
00:51 C'est un phénomène assez classique
00:53 dans le cadre de violences conjugales.
00:55 Et donc, grâce à ce témoignage,
00:58 alors que c'est elle la victime et l'agressé,
01:00 il ne va pas dormir en prison, sa peine est aménagée.
01:03 Qu'est-ce qui est marquant pour vous dans cette affaire ?
01:05 Plusieurs choses.
01:07 Déjà, il faut rappeler que les violences conjugales
01:10 sont en hausse systématique depuis à peu près...
01:13 On va dire depuis toujours,
01:15 mais en tout cas, on augmente une hausse depuis cinq ans,
01:18 des hausses des violences conjugales.
01:19 A peu près 400 000 interventions policières
01:22 sont pour les violences conjugales, ce qui est énorme.
01:25 400 000 interventions de l'ordre concernent des violences conjugales
01:28 lorsque des femmes appellent pour des violences,
01:31 signalent, sont effectuées par des voisins, etc.
01:33 400 000.
01:34 Et ce qu'on peut remarquer dans plusieurs dossiers,
01:37 c'est ce que vous disiez à l'instant, à juste titre,
01:39 c'est qu'on se rend compte, et je le vois aussi dans les dossiers,
01:42 que les épouses, lorsqu'elles sont victimes de violences conjugales,
01:45 ont ce syndrome,
01:47 qu'on pourrait peut-être caricaturer syndrome de Stockholm,
01:50 qui consiste à vouloir évidemment pardonner à l'auteur,
01:54 mais aussi également retourner vers l'auteur.
01:56 Et donc, une sorte de pardon,
01:58 et donc recommencer ensuite une relation derrière
02:01 en pensant que la personne...
02:02 - Souvent quand il y a des enfants... - Il y a un phénomène d'emprise,
02:05 contrôle coercitif.
02:06 Exactement, aussi avec des intérêts.
02:08 Il y a des intérêts financiers, des intérêts personnels,
02:11 notamment familiaux, avec l'apparence d'enfants, etc.
02:14 Et donc, on va mettre de côté sa vie personnelle,
02:16 ses sentiments, sa peur, au profit justement d'intérêts,
02:19 et c'est là où le risque récidif de la personne qui a commis ces violences...
02:23 Avec une gradation dans les violences.
02:25 Avec une gradation vers les violences et aussi ce sentiment de culpabilité.
02:29 Je le vois dans certains dossiers, lorsque je suis en partie civile,
02:32 je défends des femmes victimes de violences,
02:34 ce sentiment de culpabilité qui veut...
02:37 Effectivement, maintenant, on est au tribunal,
02:39 on est face à un procureur, face à un magistrat,
02:42 il y a l'auteur des violences qui est en face de vous,
02:44 qui se fait juger,
02:45 et déjà, arriver à ce stade-là, c'est un soulagement,
02:48 et on ne veut plus maintenant que la personne aille en prison
02:52 ou que le scénario s'arrête.
02:53 C'est bon, on a eu ce qu'on voulait,
02:55 c'est-à-dire qu'on est devant la justice,
02:57 on a franchi un certain pas, c'est important,
03:00 mais on ne veut plus que ça continue,
03:02 on ne veut pas que la personne aille en prison.
03:04 Et donc, parce qu'on va culpabiliser,
03:06 on va se dire "Mince, comment je vais expliquer à mes enfants
03:09 que j'ai envoyé le père de mes enfants en prison ?
03:12 Je vais pas réussir à l'expliquer, je vais pas me le pardonner."
03:15 C'est un sentiment très dur, la plupart du temps,
03:18 il y a des psys qui accompagnent les femmes victimes de violences
03:21 - dans ces suces. - Pas assez souvent.
03:23 - Pas assez souvent. - C'est pas la règle.
03:25 C'est pas la règle, parce qu'il y a beaucoup de femmes
03:28 qui ont honte d'aller en parler,
03:30 et elles se font accompagner par les avocats
03:32 qui recommandent très fortement d'aller voir des psychologues,
03:36 notamment pour justifier du préjudice moral,
03:38 mais effectivement, pas assez souvent.
03:40 Et ce qu'on peut regretter dans ces affaires-là,
03:43 je prends ce cas particulier,
03:46 parce que ça illustre mon propos,
03:48 c'est que la plupart du temps, les magistrats, les juges,
03:51 c'est la disposition des procureurs de la République.
03:53 Là, c'était largement en dessous.
03:55 Généralement, les procureurs de la République,
03:58 qui défendent les intérêts de la société
04:00 et se rangent du côté des victimes,
04:02 ont la main lourde, notamment sur les violences conjugales,
04:05 parce qu'ils sont à la tête des forces de l'ordre,
04:08 et donc ils voient les interventions de faits
04:10 qui ne vont pas devant les tribunaux,
04:12 parce que ça s'arrange à l'amiable,
04:14 parce que, après une garde à vue,
04:16 on voit que la personne n'est pas nécessaire
04:19 et donc on arrive à résoudre ces problèmes.
04:21 Et il y a des retraits de plainte.
04:22 Mais en tout cas, les parquetiers peuvent avoir la main très lourde,
04:26 parfois même trop, mais en tout cas, la main lourde,
04:29 et les magistrats ne suivent pas ces réquisitions
04:31 et prononcent des peines largement inférieures.
04:34 La plupart du temps, c'est des peines aménageables,
04:36 ce n'est pas de prison,
04:38 et je ne sais pas si vraiment ça rend service
04:40 aussi bien à la victime qu'à l'auteur des violences,
04:43 qui peut aussi se dire,
04:45 "S'il y a une récidive, je suis l'auteur de coup."
04:47 Et d'ailleurs, et j'en conclurai sur ce point,
04:52 moi, j'ai été heurté,
04:54 sans rentrer encore une fois dans les détails du dossier,
04:57 mais j'ai été heurté et choqué par les propos
04:59 qui ont servi d'axe de défense de ce genre de rugby,
05:02 qui consiste à dire que c'était pas vraiment une violence,
05:05 c'était un crochepas, une giffe...
05:07 - C'est une giffe,
05:08 parce qu'elle fumait devant son travail.
05:11 - Il s'est dit, "Elle me ment,
05:12 "parce que je ne savais pas qu'elle fumait,
05:14 "elle m'a dit qu'elle ne fumait pas,
05:16 "elle peut me mentir pour autre chose."
05:18 C'est délirant comme axe de défense,
05:20 mais c'est surtout que c'est dramatique
05:23 et que ça renvoie quel message, justement,
05:25 à ceux qui peuvent être auteurs de violences conjugales ?
05:28 - J'ouvre à le jeune, il y a carrément...
05:30 - J'ai bien conscience que ce que je vais dire
05:32 n'est pas très politiquement correct,
05:34 mais c'est pas pour minimiser quoi que ce soit dans cette histoire,
05:37 mais je me mets à la place des juges
05:39 qui ont la main beaucoup moins lourde que les réquisitions.
05:42 C'est compliqué, je me mets à leur place.
05:44 - Je vais vous expliquer, dans le cas de l'affaire Hawass,
05:47 où la victime elle-même ne demande pas qu'il soit condamné
05:49 et où, en fait, je me dis que si vous condamnez très lourdement,
05:52 mettons, de la prison ferme, avec un mandat de dépôt,
05:55 vous infligez peut-être une forme de double peine à cette victime.
05:58 Je sais bien qu'elle a récidivité...
06:00 Je pense, en fait, que des victimes
06:03 qui souhaitent que leur bourreau n'aille pas en prison,
06:06 j'ai aucune statistique, évidemment,
06:08 mais ça doit être bien plus fréquent que ce qu'on imagine,
06:11 et je me mets à la place du juge,
06:13 et vous savez comment ça doit être très délicat
06:15 de dire à une dame que vous lui avez dit de lui pardonner,
06:18 "Vous souhaitez qu'il n'aille pas en prison,
06:20 "mais moi, je vais l'y coller."
06:22 Je trouve cette situation...
06:23 - Humainement, c'est difficile. - Oui, mais c'est leur métier.
06:27 Il faut vraiment un tout petit mot.
06:29 - Sans porter aucun jugement sur les femmes
06:31 qui subissent, de manière, j'allais dire, pérenne,
06:36 que pour certaines d'entre elles, les violences,
06:38 je n'ai jamais compris comment une femme
06:40 pouvait rester avec un homme violent.
06:42 Lorsque celui-ci avait porté la main sur elle.
06:45 Je ne l'ai jamais compris.
06:46 Et parfois, j'ai eu des explications,
06:49 j'ai parlé avec une femme qui a été victime de violences,
06:51 et un jour, je lui ai dit, "Pendant des années, tu dis qu'il t'a battu.
06:54 "Pourquoi tu restais ?"
06:56 Elle me répond, "Il me faisait de la peine."
06:59 Il revenait en pleurant.
07:01 Et je ne pouvais pas le quitter, mais vous vous rendez compte ?
07:05 - Les mécanismes des pervers dans ce système.
07:07 - Ces mécanismes, je veux dire, de perversion,
07:10 moi, je pense qu'il faut vraiment, vraiment...
07:12 La justice, oui, la police, oui,
07:14 les associations en appui des femmes battues, oui,
07:16 effectivement, le chiffre qui est effrayant,
07:20 qui est de plus en plus important, mais surtout l'éducation.
07:22 Je pense qu'il faut qu'on mette le paquet là-dessus.
07:24 Du côté des garçons et du côté des filles,
07:28 n'accepte pas, n'accepte pas qu'on t'insulte,
07:31 n'accepte pas qu'on te porte la main.
07:33 Donc, dis-le, libère-toi, n'en ai pas honte
07:38 et ne t'enferme pas dans ce type de relation.
07:41 Je trouve que peut-être on ne le fait pas assez
07:42 en matière d'éducation dans les familles,
07:44 et peut-être au-delà.
07:45 Je l'ai dit tout à l'heure, je le redis,
07:47 moi, j'ai toujours dit à mes filles,
07:49 si on te met la main dessus, on t'insulte, quoi que ce soit,
07:51 tu pars de suite, de suite,
07:53 et tu viens en informer ta famille, ton père en particulier.
07:57 Et on peut pas laisser passer.
07:59 Et on peut pas laisser passer.
08:00 Je trouve que l'affaire Katniss, de ce côté-là,
08:02 elle a fait quand même des ravages,
08:04 parce que c'est quand même passé assez facilement
08:07 du côté de ses proches, ses amis,
08:09 il revient au boulot comme si de rien n'était,
08:11 il est presque ovationné, le gars, quand il revient par ses amis.
08:14 Je trouve que c'est un exemple
08:15 qui n'est pas réjouissant dans le contexte de notre société.
08:18 Un tout dernier mot.
08:19 Sur l'emprise, c'est un phénomène qui est très particulier.
08:22 C'est-à-dire qu'au début, ça part sur des réflexions, des remarques,
08:26 puis ça peut basculer sur des insultes,
08:27 après, des petits bousculements, et ça monte en gradation.
08:30 Et on parlait de pervers narcissiques,
08:32 on voit jusqu'où la personne est prête à...
08:35 On s'en rend pas compte,
08:37 c'est comme quand on est dans une casserole d'eau bouillante,
08:39 si on vous met toute une eau bouillante, vous avez mal,
08:41 mais si, petit à petit, la température monte,
08:42 vous vous en rendez pas compte.
08:43 Vous n'avez pas la lucidité pour réagir dans la situation.
08:46 Pour vous donner une dernière image,
08:47 un des derniers dossiers que j'ai eu récemment à traiter,
08:50 il y a eu tout ce processus pendant un an et demi
08:52 de violences psychologiques et de violences physiques,
08:54 mais qui sont montées en gradation,
08:56 et la goutte d'eau a été quand même une cigarette écrasée
08:59 sur le front de la victime.
09:01 Et ça a été l'élément déclenchant, en se disant,
09:03 "Je ne peux pas accepter ça, je ne dois pas l'accepter, je pars."
09:05 -Il faut dire à toutes les petites filles,
09:07 un homme qui porte la main sur toi
09:09 ne peut pas être un homme qui perd.