Le directeur général de l'Insee Jean-Luc Tavernier vient présenter les derniers chiffres de l'inflation et de la croissance en France. Le PIB français est resté stable au quatrième trimestre et a progressé de 0,9 % en 2023. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mardi-30-janvier-2024-8720931
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00:00 Nous recevons ce matin dans le Grand Entretien le Directeur Général de l'INSEE, l'Institut
00:05 National de la Statistique et des études économiques.
00:10 Vos questions et réactions au 01 45 24 7000 et sur l'application de Radio France.
00:16 Jean-Luc Tavernier, bonjour.
00:17 Bonjour.
00:18 Et bienvenue sur Inter où vous allez nous révéler, en ce jour où Gabriel Attal prononce
00:23 son discours de politique générale, le tableau économique de la France.
00:27 Dans quel état est le pays ? La croissance tient-elle le choc si la situation est préoccupante,
00:33 par exemple en Allemagne ? Sommes-nous affectés par ricochet ? L'inflation est-elle vraiment
00:39 derrière nous comme le dit Bruno Le Maire ? Bref, vous le voyez, nous avons beaucoup
00:44 de questions à vous poser ce matin.
00:45 Mais pour commencer, en quelques mots, même si vous êtes un homme de chiffre, comment
00:50 voyez-vous 2024 sur le front économique ? Est-ce que le pire est passé ? En 2023, va-t-on
00:55 vers le meilleur ? Vers la stagnation ? A quoi peut ressembler le paysage ?
00:59 Bien, en 2023, on vient de sortir le dernier trimestre de l'année, ce matin même.
01:04 Donc une croissance à zéro.
01:07 0,0 au quatrième trimestre de l'année.
01:09 Pas de changement par rapport au trimestre précédent.
01:11 C'était la même chose au troisième trimestre.
01:13 Donc ça fait un ralentissement quand même assez fort sur la fin de l'année 2023.
01:17 On peut y voir, comme toujours, le verre à moitié plein ou le verre à moitié vide.
01:21 Le verre à moitié vide, c'est qu'effectivement on est dans un ralentissement assez sensible
01:25 au cours de l'année 2023.
01:26 Le verre à moitié plein, c'est que, pour être sincère, on nous aurait dit il y a
01:30 un an, au plus fort de la crise énergétique, on s'en sort avec pas de récession, puisqu'on
01:36 évite la récession, et finalement une croissance en moyenne annuelle sur l'année 2023 qui
01:40 sera 0,9%.
01:41 Oui, ça c'est le chiffre que vous vous révélez ce matin.
01:44 En fait, vous avez sorti toute une série de chiffres qui sont les chiffres définitifs.
01:49 Parce qu'il faut expliquer aux gens, en général, il y a les prévisions, les prévisions de
01:53 Bruno Le Maire, les prévisions de la Banque de France, et puis à un moment l'INSEE dit
01:57 tranche à la fin en disant "voilà à combien était la croissance en 2023".
02:01 Et donc le gouvernement prévoyait une croissance de 1%, ils ne se sont pas tellement trompés
02:06 puisqu'elle est de 0,9% sur 2023, malgré, c'est ce que vous dites, une croissance nulle
02:11 au dernier trimestre et au trimestre d'avant.
02:13 Donc en fait, le début d'année 2023 a été très bon et ensuite pas trop.
02:17 Voilà, exactement.
02:18 Alors, c'est un peu plus compliqué que ça.
02:20 On passe de l'année disconjunctuelle de la prévision à, pour la première fois, la
02:24 publication des comptes.
02:25 Ce n'est pas complètement définitif parce qu'il peut encore être révisé au fur et
02:28 à mesure qu'on a des informations nouvelles.
02:30 Quand on sort les comptes du trimestre à la fin du mois qui suit le trimestre, il y a
02:34 encore plein d'informations à venir.
02:35 Donc il y aura peut-être des révisions.
02:36 Mais ça ne changera pas l'image globale.
02:38 Mais ce qu'on doit lire sur le tableau économique de la France, c'est que l'année 2023 avait
02:41 bien, très bien commencé.
02:43 Ce qui nous permet de terminer l'année 2023 avec une croissance.
02:46 Il n'y a pas de récession contrairement à l'Allemagne, par exemple.
02:49 Mais qu'elle est nulle au dernier trimestre.
02:54 Ça se voit dans les enquêtes de conjoncture.
02:55 On a un ralentissement progressif des enquêtes de conjoncture depuis plusieurs mois.
03:00 C'est vrai du climat des chefs d'entreprise sur l'activité.
03:04 C'est vrai de leur climat sur l'emploi aussi, qui est revenu à la moyenne historique alors
03:07 qu'il était longtemps au-dessus.
03:09 En revanche, la confiance des ménages remonte un petit peu.
03:12 Elle avait plongé en 2022 au moment de la guerre en Ukraine.
03:16 Elle est tombée très, très bas.
03:17 Elle leur fait la moitié du chemin déjà, la confiance des ménages.
03:20 Et c'est un peu les motifs d'espérance pour l'année 2024.
03:23 C'était votre question.
03:24 On peut espérer que la désinflation, on va en parler, fait son œuvre.
03:28 On regagne du pouvoir d'achat et ça alimente de la consommation.
03:32 Et il y a à nouveau de la croissance positive.
03:34 Ce qu'on avait prévu dans la dernière note de conjoncture, alors là on est dans le domaine
03:37 de la prévision pour les premiers et deuxièmes trimestres de 2024, c'était 0,2% de croissance
03:44 chacun des trimestres.
03:45 0,2% chacun des trimestres de début de l'année 2024.
03:50 Ce qui serait pas mal.
03:52 Vous voyez toujours la verre à moitié de l'huile.
03:55 C'est mieux que les zéros de la fin d'année 2023.
03:59 Et 0,2% par trimestre, ça vous fait quelque chose sur l'année.
04:03 Mais si vous comparez à nos voisins, comment résiste l'économie française par rapport
04:08 à l'Allemagne ?
04:09 Ça ne va pas.
04:10 Mais nos autres voisins, l'Italie, l'Espagne, la Grande-Bretagne, comment vous jugez la
04:14 France ?
04:15 On compare assez facilement les chiffres de la zone euro de la même manière.
04:18 Je pense qu'on sera un petit peu au-dessus.
04:19 Ce qu'on prévoyait plutôt sur la zone euro, c'était 0,5%.
04:22 Là on a 0,9% pour 2023.
04:24 Si on compare avec les autres pays, c'est assez net que l'Allemagne est en dessous,
04:27 plombée par un poids beaucoup plus important des industries énergivores, très consommatrices
04:33 d'énergie.
04:34 Et que l'Espagne est au-dessus, qu'il y avait encore un potentiel de rattrapage post-Covid,
04:39 le tourisme, etc.
04:40 Et puis avec l'Italie, on est à peu près dans les mêmes zones.
04:42 Et le taux de croissance pour 2024 ? Vous dites +0,2% +0,2% sur les deux premiers trimestres,
04:46 c'est vos prévisions.
04:47 Le gouvernement vise 1,4% sur l'année 2024.
04:50 Est-ce que vous aussi, vous voyez une croissance qui redémarrera à l'été et le deuxième
04:55 semestre ?
04:56 Ça peut aller plus vite.
04:57 Les raisonnements pourraient conduire à ce que ça accélère en fin d'année 2024.
05:01 Pas jusqu'à aller à 1,4% de moyenne annuelle sans doute.
05:04 Vous êtes prudent là-dessus.
05:06 Le ministre aura sans doute l'occasion de vous en reparler.
05:09 La Banque de France dit 0,9%, vous êtes plutôt sur ce…
05:12 Franchement, notre horizon, il s'arrête à la fin du deuxième trimestre.
05:17 A la fin du deuxième trimestre, l'acquis, c'est s'il n'y avait pas de croissance
05:21 du tout à la fin d'année 2024, ça serait 0,5%.
05:24 Quelque chose comme ça.
05:25 Il y aura un peu de croissance, donc ça sera plus.
05:27 Mais vraiment, je ne vous donnerai pas de chiffres, car on ne fait pas l'exercice complet
05:30 sur l'année.
05:31 Alors, qu'en est-il maintenant Jean-Luc Tavernier de l'inflation ? Vous avez révélé
05:35 qu'elle a été niée 4,9% sur un an en 2023 contre 5,2 en 2022.
05:43 Bruno Le Maire dit lui que l'inflation est derrière nous.
05:46 Est-ce que vous employez les mêmes mots que le ministre de l'économie ?
05:50 Alors nous, ce qu'on a mis, c'était le titre de notre dernière note de conjoncture
05:52 en décembre, c'était « désinflation en bonne voie ». On est toujours dans l'institut
05:56 des etc.
05:57 Là, on se mouillait un peu.
05:58 On disait vraiment, on est dedans, ça…
05:59 Là, vous êtes au max de se mouiller.
06:02 Ah oui, là, mais vraiment…
06:03 Vous étiez dans l'eau là, carrément.
06:05 Au taquet, je vous assure.
06:06 Parce que l'INSEE est toujours prudente et s'appuie sur les chiffres.
06:10 Si on regarde les moyens annuels que vous citez, on est passé de 5,2 en 2022 à 4,9
06:17 en 2023, ce que vous venez de dire.
06:19 Donc là, on se dit, ça ne change pas d'une année sur l'autre.
06:21 En fait, ça masque des mouvements importants.
06:23 Parce que l'inflation, elle a monté jusqu'au début de l'année 2023, l'année passée.
06:28 Elle a dépassé plus de 6% au printemps 2023, donc il y a un peu moins d'un an.
06:35 Et elle a baissé continuellement depuis.
06:37 Le dernier glissement annuel d'inflation, c'est le 8 décembre, il est de 3,7%.
06:42 Demain, on sort le glissement annuel d'inflation de janvier.
06:44 Alors, je vous vois gourmand, mais je ne vais pas vous l'annoncer là.
06:47 Oui, on est gourmand, bien sûr.
06:48 Mais ce qu'on avait prévu, c'était que ça continuait à baisser.
06:52 Ça va continuer à baisser en janvier.
06:53 Alors, on dit bien, le rythme d'inflation baisse.
06:55 Ça ne veut pas dire que les prix baissent d'autant.
06:56 Ça veut dire que la hausse des prix sur 12 mois ralentit.
06:59 Donc, on s'attend, je serais très surpris s'il n'y avait pas, conformément à la
07:04 prévision qu'on a mise, une nouvelle réduction du glissement annuel d'inflation demain,
07:10 dans les chiffres de janvier.
07:11 Et notre prévision à horizon de juin, on s'arrêtait, c'était de revenir dans des
07:14 hauts de 2,5%, et même pour l'inflation sous-jacente, autour de 2%.
07:19 Donc, c'est effectivement en bonne voie.
07:22 Vous savez ce que vont vous dire les Français qui font leurs courses ? C'est qu'eux,
07:25 ils ne voient pas la baisse de l'inflation, ils continuent de voir que les prix alimentaires
07:31 ont augmenté nettement, avec des paquets de pâtes, de l'huile qui est à +10, parfois
07:37 +15, +20, parfois +30% du prix avant l'inflation.
07:42 Oui, alors, j'insiste beaucoup sur le fait que l'inflation, ce n'est pas le niveau
07:45 des prix.
07:46 C'est-à-dire que quand on dit que l'inflation baisse, ça ne signifie pas qu'on revient
07:50 au niveau des prix.
07:51 D'avant, c'est le poussé inflationniste qu'on a connu depuis 2021.
07:54 Et donc, les prix des pâtes, des œufs, du lait restent plus élevés.
07:58 Mais je ne crois pas qu'ils continuent d'augmenter.
08:01 Et quand on voit nos derniers chiffres qu'on compare au mois le mois, on est plutôt sur
08:07 une stabilité aujourd'hui des prix des produits alimentaires.
08:09 Pour beaucoup de Français, les salaires restent trop bas et la moindre hausse des prix de
08:14 l'énergie, du carburant est difficilement surmontable.
08:17 L'annonce de Bruno Le Maire que les prix de l'électricité augmentent de presque
08:21 10% en février.
08:23 Est-ce que ça passe particulièrement mal ?
08:25 Écoutez, je ne peux guère en juger que par les enquêtes de conjoncture.
08:31 On interroge 2000 ménages chaque mois.
08:34 Ce que je vous disais tout à l'heure, leur moral était tombé très bas.
08:37 On regarde leurs indications sur le niveau d'activité, sur le niveau des prix, sur
08:42 le niveau de chômage.
08:43 Et ça remonte quand même graduellement.
08:44 Et ce qu'on a vu encore, dans ce qu'on a publié la semaine dernière, ça continuait
08:49 à remonter.
08:50 Donc le moral des ménages tombait très bas mais quand même redevient à des niveaux
08:54 plus raisonnables.
08:55 Dans les prévisions d'inflation que je vous ai donné là, qui arriveraient à autour
09:00 de 2,5% en milieu d'année, qui pourraient même être un peu en dessous au printemps,
09:06 on tient bien compte de la hausse des prix de l'électricité qui est prévue.
09:10 On a fait une hypothèse.
09:11 Mais Nicolas parlait des salaires.
09:14 Est-ce qu'on peut imaginer, c'est la une du Parisien ce matin, quelle hausse de salaire
09:17 en 2024, les experts imaginent que les salaires pourraient augmenter de 3,5 à 4% cette année.
09:24 Est-ce que vous voyez des salaires qui augmentent plus vite que l'inflation en 2024 ? Est-ce
09:30 que ça, ça serait de l'ordre d'une bonne nouvelle économique ?
09:32 On est sans doute au moment où ça se croise.
09:34 C'est-à-dire que pendant les deux années 2022-2023, c'est normal quand il y a de l'inflation,
09:38 c'est de l'inflation importée.
09:39 Il faut bien en avoir en tête.
09:41 Les salaires suivent avec retard l'inflation.
09:45 Le SMIC est indexé avec un peu de retard et les autres salaires le suivent aussi avec
09:51 retard.
09:52 Donc on a des pertes de pouvoir d'achat qui sont attendues.
09:56 Mais on sait aussi que quand il y a de la désinflation, on va avoir l'effet contraire.
09:59 C'est-à-dire qu'on peut penser que les évolutions de salaire vont devenir plus fortes que les
10:04 évolutions des prix à partir de ce début d'année 2024.
10:07 Et donc ça va avoir un effet sur la consommation notable ?
10:10 Ça va avoir un effet sur le pouvoir d'achat comme l'effet des revalorisations de prestations.
10:14 Des revalorisations de prestations, de retraite notamment, de prestations familiales qui arrivent
10:18 là en début d'année, qui sont fondées sur l'inflation de l'an dernier, qui sont
10:21 assez élevées et qui vont donc aussi alimenter...
10:23 Et qui se traduiront dans la croissance.
10:25 Et qui vont alimenter du pouvoir d'achat et pour peu qu'il y ait un peu de confiance
10:28 des ménages, de la consommation et de la croissance.
10:30 Ça c'est le bon côté, comme vous dites, le verre à moitié plein.
10:34 Sur les salaires, le verre à moitié vide, c'est de voir qu'il y a, et même le Premier
10:38 ministre Gabriel Attal l'a évoqué, une SMICARDISATION de la société.
10:42 Alors que les SMICAR, ceux qui touchaient le SMIC ne constituaient que 12% des salariés
10:47 français il y a 3 ans, aujourd'hui ils sont à plus de 17%.
10:51 Qu'est-ce que ça dit de la société ? Est-ce qu'on va vers une SMICARDISATION du monde
10:56 du travail ?
10:57 Il y a un phénomène un peu conjoncturel et puis quelque chose de plus structurel.
11:00 Un mot sur le phénomène conjoncturel.
11:02 Quand on a comme ça cette hausse d'inflation qui vient des prix étrangers, des prix importés,
11:08 des prix des matières premières, alimentaires, des prix d'énergie, le SMIC est indexé,
11:13 c'est la loi.
11:14 Dès qu'on a 2 points d'inflation, on remonte le SMIC.
11:16 Ce n'est pas le cas des autres salaires.
11:18 Donc ça se tasse forcément, pour cette raison-là.
11:21 Ça c'est le phénomène conjoncturel et il y a plus de personnes qui sont au SMIC ou
11:25 à proximité du SMIC.
11:27 Le phénomène plus structurel, c'est qu'on a des gris dans toutes les branches qui sont
11:31 très tassés.
11:32 Donc quand on gagne un peu en ancienneté, on monte en gris, mais on gagne un petit
11:39 peu de salaire, pas beaucoup, parce que le SMIC lui-même est assez proche en fait dans
11:42 ce pays du salaire médian de l'ensemble des salariés.
11:46 Et l'autre problème que l'on connaît, c'est qu'il y a beaucoup de dispositifs
11:50 qui ont été faits pour inciter les gens à la reprise du travail, comme ça a été
11:55 la prime de la PPE, le RSA, maintenant ça va être la prime d'activité.
11:59 Évidemment, quand on augmente en salaire, on va perdre du bénéfice de ces dispositifs,
12:05 on va perdre des allocations au logement, éventuellement on rentre dans le barème
12:07 de l'impôt sur le revenu.
12:08 Donc en plus, ce qu'on gagne un petit peu en termes salarial, on en gagne moins en
12:12 termes de revenus.
12:13 Donc on a ce problème effectivement d'une classe moyenne qui voit peu le fruit de ses
12:23 efforts lorsqu'elle gagne en ancienneté, en compétence.
12:26 Pourquoi la classe moyenne pour le patron de l'INSEE que vous êtes ? Vous savez définir
12:30 la classe moyenne ?
12:31 Je pense qu'on l'a fait dans une publication récente.
12:37 Nous, clairement, on a défini le seuil de pauvreté, c'est des règles internationales
12:43 et parce qu'il y a une politique de lutte contre la pauvreté.
12:45 On nous avait demandé il y a quelques années de faire un seuil de richesse et j'avais
12:49 répondu avec une collègue dans un billet de blog, non, nous n'allons pas le faire.
12:54 Ce n'est pas aux statisticiens de dire qui est riche.
12:58 Et dans la classe moyenne, vous pouvez avoir des situations très différentes selon que
13:03 vous ayez des intérêts d'emprunt parce que vous êtes en train d'acheter votre
13:08 maison et que vous n'avez pas à rembourser, que vous êtes un loyer plus ou moins élevé.
13:12 Vous avez des situations très différentes.
13:14 Alors moi, une espèce de fétichisme de mettre les gens dans un truc, non, pas tellement.
13:19 On a des tas de publications qui vous montrent la situation des ménages selon leur décile
13:25 de revenus, c'est un peu technique, mais dans quel dixième de revenus ils sont, etc.
13:29 - Allez, on passe au standard.
13:30 Jacques nous appelle d'Arras, je crois.
13:33 Bonjour.
13:34 - Merci France Inter de prendre ma question.
13:37 Je voudrais demander aux spécialistes des chiffres qu'est le président de l'INSEE,
13:43 comment il peut m'expliquer que mon pouvoir d'achat va augmenter alors que le prix de
13:49 l'électricité va augmenter de 10% prochainement avec les taxes et que mon salaire n'augmentera
13:55 pas ? Pour information, l'évolution du prix du kWh d'électricité depuis 2002, c'est
14:04 plus de 101%.
14:05 Et on va dire que c'est l'augmentation la moins forte.
14:09 Le mètre cube de gaz a augmenté de 187% et le mètre cube d'eau, lui, n'a augmenté
14:15 que de 20%.
14:16 - Merci Jacques.
14:18 Pour cette intervention, on va donner la parole également à Claude qui nous appelle de Seine-et-Marne.
14:23 Bonjour, bienvenue.
14:24 - Oui, bonjour.
14:25 - On vous écoute.
14:26 - Je reprends un peu la réflexion de la personne d'avant.
14:29 C'est-à-dire que moi je conteste le calcul de l'inflation parce qu'on ne tient pas compte
14:34 de plein de...
14:35 On a notamment par exemple la taxe foncière qui va augmenter également, qui a augmenté
14:38 l'année dernière et qui va augmenter encore cette année de 7%.
14:41 Et par contre, dans le calcul de l'inflation, on intègre des choses que moi je ne consomme
14:45 pas tous les jours, genre des téléviseurs, des ordinateurs portables, des ordinateurs
14:51 d'une façon générale, des téléphones, etc.
14:53 En fait, les calculs sont faussés.
14:54 Moi, je m'excuse, quand on est dans les catégories des gens qui sont moyens, on va dire, on consomme
15:00 de la nourriture tous les jours, on consomme de l'électricité, surtout comme moi, j'ai
15:04 acheté une PAC, une pompe à chaleur, pour mon installation personnelle, j'ai acheté
15:10 une voiture électrique, tout ça, ça va peser énormément sur mon budget quotidien.
15:14 Par contre, je m'excuse, je n'achète pas un ordinateur tous les jours, c'est sûr.
15:18 Donc voilà, je pense qu'on fausse les calculs de l'inflation.
15:22 La vraie inflation, c'est celle qu'on consomme tous les jours.
15:24 - Merci Claude pour cette question.
15:27 Alors, que répondez-vous Jean-Luc Tavernier à nos deux auditeurs dont les interpellations
15:32 vont dans le même sens ?
15:33 - Oui, bien sûr, je vais répondre à la fois à Jacques et à Claude.
15:36 À Jacques, je dis bien que d'abord, sur l'année 2023, ce qu'on a, c'est une très
15:42 forte, très très faible hausse du pouvoir d'achat sur 2023.
15:46 Si on tient compte de l'augmentation de la population, des situations familiales, c'est
15:50 vraiment à peine un maintien du pouvoir d'achat pour les ménages.
15:53 Pour 2024, ce qu'on disait tout à l'heure, c'est qu'on pouvait prévoir que le pouvoir
15:58 d'achat allait se rebondir un petit peu.
16:00 C'est en moyenne, pour quelqu'un qui ne voit pas d'augmentation de son salaire,
16:04 clairement il n'y aura pas de hausse du pouvoir d'achat.
16:06 Mais il y aura beaucoup de gens qui vont voir une augmentation de leur salaire, on l'a
16:09 dit, les personnes qui bénéficient de prestations sociales vont avoir des revalorisations.
16:13 Donc en moyenne, bien sûr, mais il faut échapper à la dixature de la moyenne, c'est pour
16:17 ça qu'encore une fois, on a des tas de publications qui montrent l'évolution des
16:20 inégalités.
16:21 Et puis à Claude, je vais répondre que bien sûr, il faut aussi qu'on rende compte
16:28 de ce que c'est que la consommation courante.
16:30 Chaque mois, en même temps qu'on publie l'indice des prix, vous pourrez le vérifier
16:33 demain, il y aura un indice des prix des produits de la grande consommation, ce qu'on
16:38 achète notamment dans la grande distribution, et vous verrez que ça augmente beaucoup plus.
16:42 Ça a augmenté de 12% les mois précédents sur l'année, conformément à ce qu'on
16:49 entend, à ce que les uns ou les autres pouvaient faire dans certains médias pour suivre des
16:52 paniers de type, des chariotypes.
16:54 Donc il n'y a pas de problème de cohérence entre nos chiffres et ceux-là.
16:58 Mais il est aussi important, nous, dans l'indice des prix, qu'on prenne en compte
17:02 les achats qui sont faits moins fréquemment.
17:04 La télévision, même si on ne l'achète pas tous les ans, ou l'ordinateur, ou la
17:08 pompe à chaleur que vient d'acheter Claude, elle rentre en fonction de son poids moyen,
17:16 zéro pour la plupart des années, et puis de temps en temps, un point important l'année
17:19 où l'on consomme ses dépenses.
17:20 Petite question de Renaud sur l'appli d'Inter.
17:22 J'habite un village de 300 habitants en milieu rural.
17:25 Pouvez-vous nous parler de la différence d'inflation entre milieu urbain et milieu
17:28 rural ?
17:29 Oui, alors il faut aller voir dans les notes de conjoncture des deux années dernières,
17:35 Renaud, on a des publications où on a essayé de tenir compte du fait que les paniers sont
17:41 différents, les biens et services consommés par les ménages sont différents selon leur
17:45 âge, leur revenu, leur lieu de résidence.
17:48 Et quand c'est une augmentation forte du prix d'énergie, alors c'était beaucoup
17:52 le cas les trimestres précédents, qui boostaient l'indice des prix, on voit qu'effectivement
17:57 en milieu rural, on a plus d'inflation sur son panier, parce qu'on consomme plus de
18:02 transport et souvent de chauffage, qu'en milieu urbain.
18:05 Il y avait une différence assez forte, entre 2 ou 3%, entre les habitants de l'agglomération
18:11 parisienne et les habitants des milieux ruraux.
18:13 Ils ont plus souffert de l'inflation des prix de l'énergie que le milieu urbain.
18:18 Deux critiques théoriques sur l'application, Alex et Christophe, pourquoi Alex, toujours
18:25 prendre le PIB comme indicateur pour savoir si l'économie d'un pays va bien ou pas,
18:29 c'est un indicateur périmé avec l'évolution délirante des économies.
18:34 Christophe, ne voulez-vous pas réfléchir à la remise en cause de l'indicateur croissance,
18:40 on sait très bien qu'il est mal corrélé au bien commun, alors que c'est le bien
18:44 commun qui doit guider les décisions, polluer activement, contribue à la croissance.
18:50 Monsieur le patron de l'INSEE, que répondez-vous à nos auditeurs ?
18:54 Jean-Luc Tavernier.
18:55 Alors, ils ont raison, pas tout à fait.
18:58 C'est-à-dire que je dirais que le PIB est insuffisant mais il n'est pas périmé.
19:01 Il est insuffisant parce qu'il faut bien rendre compte, et on le fait, on publie des
19:04 statistiques tous les jours, vous le savez bien ici, on ne fait pas que le PIB, on parle
19:09 d'inflation, on parle de bien-être, on parle de redistribution, on parle d'artificiation,
19:17 il y a une focalisation sur le PIB.
19:19 Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain parce que aussi longtemps qu'on
19:22 s'intéresse au revenu dans l'économie, au partage des revenus, il faut s'intéresser
19:26 au PIB.
19:27 Le PIB c'est non seulement ce qu'on produit, c'est aussi ce qu'on peut distribuer en
19:30 revenu à l'ensemble des agentes d'économie.
19:32 Donc le jour où on ne s'intéressera plus au revenu, on pourra jeter le PIB, en attendant
19:36 il faut le garder, mais il faut le compléter par bien d'autres choses et donc on fera
19:39 de plus en plus d'ailleurs de comptabilité verte, ou de comptabilité en matière d'inégalité.
19:45 Alors on a encore beaucoup de questions et on en reçoit plein sur l'appli d'Inter,
19:49 c'est une avalanche de questions précises d'ailleurs sur des auditeurs à vous poser,
19:54 cher patron de l'INSEE comme on dit.
19:56 Parlons de la santé des entreprises, les chiffres inquiétants ont été publiés il y a quelques
20:01 jours, 240 000 emplois seraient menacés par les défaillances d'entreprises en 2023
20:05 en France, un record depuis au moins 7 ans.
20:07 Est-ce que vous regardez ce point des défaillances d'entreprises avec attention ? Est-ce que
20:12 c'est un point qui vous fait peur pour l'année à venir ?
20:15 Oui, c'est un point qu'on regarde pour l'analyse conjoncturelle.
20:18 C'est une statistique qui est publiée par la Banque de France.
20:22 Nous on publie des statistiques de création d'entreprises qui au passage sont très dynamiques.
20:26 C'est plus d'un million en 2023, ça ne signifie pas un million d'entrepreneurs
20:32 nouveaux, parce que ça peut être plusieurs entreprises ou ça peut être des gens qui
20:35 sont aussi salariés en même temps.
20:37 Mais il y a beaucoup de création d'entreprises.
20:38 Les défaillances, on sait que pendant toute cette période Covid, du fait de l'ensemble
20:42 des dispositifs de soutien, elles ont été très réduites.
20:45 Donc il y a une sorte de retour à la normale, voire un peu de rattrapage.
20:48 A ce stade, je n'y vois pas d'alarme plus forte que ça.
20:52 Et le taux de chômage qui avait atteint son plus bas depuis 15 ans je crois ? Non, depuis
20:58 1982, son plus bas historique à 7% au premier semestre 2023.
21:02 Il est légèrement remonté au deuxième semestre.
21:04 Est-ce que vous avez une inquiétude sur le taux de chômage ?
21:06 Nous prévisions qu'il continue à remonter un peu.
21:08 On a eu des créations d'emplois très très fortes, avec des pertes de productivité
21:13 dans l'ensemble de l'économie, c'est l'autre côté de la face.
21:15 Mais des créations d'emplois très très fortes depuis la sortie du Covid.
21:18 Ça se voyait dans le climat conjoncture et les entreprises qui nous disaient toutes
21:21 avoir des difficultés de recrutement, vouloir embaucher, etc.
21:24 Et ça, ça se retourne un peu.
21:27 Donc on s'attend à des créations d'emplois beaucoup plus faibles dans les trimestres
21:30 qui viennent et une petite remontée du chômage.
21:32 On prévoyait 7,6% à l'horizon de la mi-année.
21:36 Jean-Luc Tavernier, Jonathan, sur l'application d'Inter, vous demande si vous avez une prévision
21:43 pour la démographie française sur les 20 à 50 prochaines années.
21:47 À l'aune de ces chiffres qui ont été publiés sur la baisse record du nombre de bébés.
21:53 Vous savez, il faut un peu d'humilité.
21:55 C'est pas facile, il faut se forcer, mais il faut un peu d'humilité quand on fait
21:57 des prévisions économiques.
21:58 Mais alors quand on fait des prévisions démographiques, il faut énormément d'humilité.
22:02 On fait des projections démographiques, on les fait ne serait-ce que pour les besoins
22:05 du conseil d'orientation des retraites.
22:07 Le conseil d'orientation des retraites fait des prévisions à l'horizon de 2070.
22:11 Pour ça, il faut des hypothèses sur la mortalité, la natalité.
22:14 Mais ça va continuer à baisser, c'est ça la question.
22:15 Vous savez, on a toujours plein de scénarios.
22:17 Là, vous ne vous mouillez pas.
22:21 Non, mais là, j'ai l'air du mal à mouiller.
22:23 Ce que simplement je peux vous dire, c'est que ces derniers temps, c'est toujours été
22:26 les scénarios du bas qui se sont révélés en matière de natalité.
22:30 On a une baisse de la natalité qui est assez continue depuis maintenant pas mal d'années.
22:35 Il faut qu'on travaille sur ces sujets dans les mois qui viennent pour comprendre si c'est
22:39 à tous les niveaux de revenus.
22:40 Les premières études montraient que c'était à tous les niveaux de revenus.
22:42 Donc, ce n'était pas forcément la responsabilité du durcissement des politiques familiales.
22:46 Mais c'est à confirmer.
22:47 Si ça concerne les familles d'enfants, les premiers enfants ou les familles nombreuses,
22:52 etc.
22:53 On va y travailler et après, on reviendra vers vous pour essayer de...
22:57 Mais là, on ne s'en mouille pas.
22:59 Dernière question très rapidement, Gary sur Lapidinter.
23:02 Monsieur Ince, il vous appelle Monsieur Ince, faut-il épargner ou pas votre conseil ?
23:06 Faut-il épargner ou pas ? Non, mais ça, je ne fais pas encore du conseil de patrimoine.
23:12 Ce que je peux vous dire en revanche, c'est qu'un des sujets, un des mystères qu'on
23:16 a, on a deux mystères en gros dans l'économie.
23:19 C'est la perte de productivité depuis le Covid, importante.
23:21 Donc, le bon côté, c'est les créations d'emplois.
23:24 Mais le moindre côté, c'est les pertes de productivité.
23:26 Et qui dit baisse de productivité dit difficulté à augmenter les salaires, bien entendu.
23:30 Le deuxième mystère qu'on a, c'est un taux d'épargne qui est, c'est vrai dans d'autres
23:35 pays aussi, mais particulièrement en France, plus élevé qu'avant Covid.
23:38 Même quand on a une situation où il y a de l'inflation, où il y a beaucoup de gens
23:41 qui disent avoir du mal à joindre les deux bouts, le taux d'épargne globale a augmenté.
23:47 Alors, je pense qu'il a augmenté chez les gens qui peuvent épargner pour des raisons
23:51 de manque de confiance dans l'avenir, etc.
23:53 Mais non, ayez confiance et pas trop d'épargne parce que si on veut que ça reparte, il faut
23:58 qu'on somme un petit peu quand même.
23:59 Voilà, vous faites quand même du conseil en patrimoine financier.
24:03 Merci beaucoup Jean-Luc Tavernier, directeur général de l'INSEE d'avoir été à notre
24:08 micro ce matin.