Comment aller vers un secteur du luxe vraiment responsable, de la mode à la joaillerie ? Marie-Claire Daveu, directrice du développement durable et des affaires institutionnelles de Kering, a mis en place un « compte de résultat environnemental » (EP&L). Il permet de mesurer l’impact de l’activité du groupe sur la nature et ensuite de changer les process pour le réduire.
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00:06 Le grand entretien de ce Smart Impact avec Marie-Claire Daveux. Bonjour.
00:10 Bonjour.
00:11 Bienvenue. Vous êtes la directrice du développement durable et des affaires institutionnelles du groupe Kering.
00:16 Faut-il présenter Kering, groupe français, groupe de luxe, rayonnement mondial ?
00:21 C'est combien de marques aujourd'hui et dans quel secteur ?
00:23 Kering, c'est déjà 47 000 collaborateurs à travers le monde.
00:27 Ce sont des marques comme Gucci, Saint Laurent, Balenciaga, Bottega Veneta, Alexander McQueen.
00:33 J'en profite, je fais la pub, je cite tout le monde.
00:35 Donc là, on est dans le secteur du luxe, mode, vêtements, accessoires, etc.
00:40 Il y a de la joaillerie aussi.
00:42 Il y a de la joaillerie avec Boucheron, Pomélato italien et Keline qui est une marque chinoise.
00:49 En 2015, le groupe de la famille Pineau qui s'appelait PPR a changé de nom pour devenir Kering, prendre soin.
00:56 Est-ce que ça concernait déjà la planète en 2015 ?
00:59 Ça concernait non seulement la planète, mais ça concernait aussi l'humain.
01:04 Ce qui est intéressant, si vous me laissez 30 secondes sur Kering...
01:07 On a plus de 20 minutes, c'est grand temps de sortir.
01:09 Kering, c'est "ker" qui veut dire "la maison" en breton et c'est aussi les origines bretonnes de la famille Pineau.
01:17 Moi-même qui suis bretonne, j'en suis ravie.
01:20 Et le ING, c'est le mouvement, c'est l'international, c'est l'avenir.
01:24 Et c'est vrai que quand on le prononce, on a cette notion de prendre soin, faire attention.
01:29 Et évidemment, dès cette époque-là et même bien avant le changement de nom,
01:33 tout ce qu'on met derrière l'ARSE, le développement durable, sustainability, c'est au cœur de la stratégie.
01:38 Mais je vous pose cette question parce qu'en 2015, il n'y avait pas forcément beaucoup de groupes, peut-être encore moins dans le luxe,
01:43 qui se posaient la question de prendre soin de la planète ou de faire twister en toute ou partie son modèle économique pour avoir moins d'impact.
01:51 Là-dessus, ça remonte même avant 2015, c'est-à-dire que quand François-Henri Pineau a pris les rênes de ce qui s'appelait PPR puis Kering,
01:59 il était convaincu que ce que l'on met derrière les notions de développement durable et donc de planète et aussi le côté humain,
02:06 c'était clé non seulement pour des raisons éthiques mais aussi pour des raisons de business.
02:11 Et il a toujours considéré qu'un groupe, PPR puis Kering, devait apporter sa pierre à l'édifice pour changer de paradigme
02:20 et qu'en même temps, il y aurait un impact positif pour le groupe.
02:24 Et c'était très avant-gardiste puisque quand on parle des années 2011, 2012, etc., où déjà il s'exprimait sur cette thématique-là,
02:32 oui, on n'était pas nombreux.
02:34 Avec dès 2015 le premier compte de résultats environnemental. Alors c'est quoi ? Ça marche comment ça ?
02:40 Alors si vous me laissez 30 secondes, mais ça va quand même être extrêmement synthétique de l'expliquer en 30 secondes, c'est un outil.
02:46 Donc en fait, en français, ça serait le compte de résultats pour l'environnement.
02:51 Donc c'est un outil qui permet de mesurer notre empreinte environnementale, non seulement dans nos propres opérations,
02:57 c'est-à-dire nos ateliers, nos boutiques, nos bureaux, mais aussi de mesurer notre empreinte environnementale
03:03 tout au long de notre chaîne d'approvisionnement.
03:06 Donc je remonte à l'élevage de bovins, je remonte au champ de coton,
03:11 également sur la partie avale jusqu'à la fin de vie du produit, donc quand le client l'utilise, etc.
03:18 Et on lui donne une valeur monétaire, donc on parle en euros,
03:23 ce qui permet aussi, et pardon c'est un peu jargonneux, de voir quels sont non seulement les impacts directs, mais aussi indirects.
03:32 C'est-à-dire que quand j'émets des émissions de gaz à effet de serre, j'ai aussi un impact sur la biodiversité.
03:38 Quand j'émets des polluants locaux, j'ai un impact sur la santé humaine.
03:42 Et la grande force de cet outil, c'est vraiment de s'exprimer en euros.
03:46 Donc nous on demande aujourd'hui à nos patrons de maison de manager leur PNL classique et à côté avec leur EPNL.
03:54 Est-ce que c'est si facile à calculer justement ? Parce que le carbone c'est assez simple,
03:58 mais dès qu'on parle de biodiversité, c'est déjà plus compliqué.
04:00 Alors, c'est pas facile du tout. C'est un outil qui est, je dirais en termes de méthodologie, en progrès permanent.
04:08 C'est pour ça aussi qu'avant de publier ce premier compte de résultats groupe en 2015, nous avions démarré dès 2011.
04:15 Et on a travaillé aussi bien avec des cabinets de consultants qu'avec des universités.
04:22 Donc on a travaillé avec le Cambridge Institute, on a travaillé avec des universités allemandes quand on parle produits chimiques.
04:29 Donc on travaille aussi avec des experts du sujet.
04:32 Et ce qui était très important pour nous aussi, vous voyez, quand vous donnez une valeur monétaire à la nature, à la biodiversité,
04:38 c'est que ça soit aussi compris par nos parties prenantes, par les ONG, par les autres acteurs.
04:43 Et donc à chaque phase du process, on inclut ces personnes-là.
04:47 Vous parlez des parties prenantes. Est-ce que c'est plus facile d'embarquer aussi ces fournisseurs, ces sous-traitants,
04:52 quand on parle en euros ou en dollars ?
04:54 Alors moi ce que je trouve formidable avec l'IPNL, au-delà du fait que vous voyez, de dire je consomme un litre d'eau dans une région aride
05:01 ou dans une région qui pleut beaucoup, ça n'a pas le même impact environnemental, c'est surtout, c'est un peu comme l'anglais.
05:06 Vous avez en fait un langage commun. Et on est un peu tous formatés à avoir une approche plus business, plus financière.
05:14 Si je vous dis aujourd'hui j'ai consommé pour produire, j'en sais rien, un mètre carré de cuir, c'est vraiment des chiffres au hasard,
05:21 100 litres d'eau, personne ne comprend. Si en revanche je dis j'ai eu un impact sur l'environnement de 10 euros, de 100 euros,
05:28 j'ai ce langage commun qui est très puissant.
05:30 C'est aussi un outil qui permet de progresser ? Vous le publiez chaque année ?
05:34 On le publie chaque année. Et quand on parle comment travailler avec les fournisseurs, c'est aussi très important d'avoir une base de départ.
05:42 Nous on doit faire des efforts, mais on demande aussi des efforts à nos fournisseurs.
05:47 Et si vous ne mesurez pas ce que vous faites, c'est sympa, mais ce n'est pas péjoratif ce que je veux dire, mais ça reste de la com.
05:54 Si vous voulez objectiver, c'est important d'avoir de la mesure et de la mesure fiable.
05:59 Honnêtement avec les fournisseurs, ça a été un gros travail pour eux.
06:02 Et donc il a fallu aussi faire preuve de pédagogie pour leur montrer que quand on demandait de la donner aux fournisseurs, ça allait être aussi utile pour eux.
06:10 Vous en avez perdu en route ?
06:11 Non.
06:12 C'est une vraie question. Quand on est un géant de quel que soit le secteur et qu'on donne d'une certaine façon des injonctions environnementales à ceux qui travaillent avec vous,
06:21 on peut en perdre en chemin ou alors essayer de les accompagner, de prendre son temps.
06:27 Mais c'est la question du rythme de la transition et on est au cœur de la transformation de notre économie.
06:32 Donc pour un groupe comme le vôtre, ça se pose aussi.
06:34 Oui, mais c'est ce que vous évoquiez, c'est-à-dire qu'on ne fonctionne pas sous forme d'injonction, mais nous sommes partis très tôt.
06:40 D'accord. Donc on a été dans une démarche partenariale et on n'a pas mis dans un contrat une clause "donnez-moi telle et telle quantité d'émissions de gaz à effet de serre du jour au lendemain",
06:52 sachant en plus que comme vous le savez, on mentionnait les marques, on est vraiment dans le secteur du luxe et beaucoup de nos fournisseurs sont des petites structures.
06:59 C'est très artisanal. Donc du jour au lendemain, on ne va pas leur demander de rapplier des tableaux Excel avec plein de chiffres sans les accompagner.
07:07 Et puis ensuite, ce qui est important, c'est que nous avons aussi développé des programmes avec eux pour qu'eux-mêmes puissent s'améliorer de façon opérationnelle.
07:14 Et vous dites qu'on est en pleine transformation de l'économie avec cette transition.
07:19 Ce qu'ils font est à la demande de Kering, mais c'est maintenant aussi utile par rapport à leurs autres clients.
07:26 Évidemment, ça leur sert pour d'autres clients. Un engagement, il y en a plusieurs, mais un engagement de Kering sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
07:34 Engagement à réduire de 40% ses émissions absolues de gaz à effet de serre d'ici 2035 par rapport à 2021. Vous en êtes où aujourd'hui ?
07:43 Sur l'ensemble des scopes. Sur l'ensemble des scopes.
07:45 Sur un, deux et trois. En engageant toute la chaîne de valeur.
07:48 Alors où est-ce que nous en sommes aujourd'hui ? C'est que ça, ça a été une décision extrêmement importante de dire on a mis des programmes, on est le plus efficient possible.
07:57 On avait déjà atteint un objectif avec quatre ans d'avance de réduire de moins 40% en intensité.
08:03 Mais quand votre business augmente, vous émettez de plus en plus. Donc d'où ce choix de l'absolu.
08:08 Aujourd'hui, où nous en sommes, nous avons établi marque par marque quel est le chemin à parcourir.
08:15 Et donc, nous mettons en place les premières mesures.
08:19 Premières mesures qui vont de développer tous les programmes qu'on a fait pour avoir de la matière première issue de l'agriculture régénératrice.
08:28 Pour trouver des matériaux alternatifs. Par exemple, on a Balenciaga qui a utilisé du mycélium de champignons pour se substituer au cuir.
08:38 On viendra sur les innovations. C'est très intéressant.
08:40 C'est comme ça qu'on y arrive concrètement. C'est d'avoir à l'intérieur de nos propres frontières légales 100% d'électricité issue des énergies renouvelables.
08:51 Et puis surtout extrêmement important, et ça le luxe, je dirais un avantage intrinsèque, c'est de produire la bonne quantité.
08:59 Pour limiter les invendus. Et puis j'en arrêterai là, on a aussi développé beaucoup de programmes de réutilisation de la matière première.
09:10 Et donc, c'est ça qui est aussi compliqué pour ceux qui mettent en oeuvre.
09:14 Parce que moi, au Corporate, quelque part je suis leur sparring partner, mais je ne fais pas concrètement.
09:19 C'est qu'il n'y a pas la solution magique, il n'y a pas le miracle.
09:23 Donc c'est vraiment à tout instant, depuis le design, le choix de la matière première, l'utilisation des process, où il faut que ça soit vraiment au cœur des actions.
09:33 Je vous propose de détailler une action à impact autour du projet Cachemire qui a été lancé en 2014.
09:41 Alors déjà pour bien comprendre, le Cachemire c'est forcément la Mongolie, c'est la région où il faut se fournir.
09:48 C'est une des régions et de toute façon, c'est vraiment dans ce type de zone géographique que vous trouvez le Cachemire.
09:56 Et le Cachemire est effectivement un bon exemple, puisque nous avons décidé, quand on parlait du compte de résultat pour l'environnement, d'agir le plus en amont possible.
10:05 Puisque, en gros, en ordre de grandeur, 80% de nos impacts ne sont pas liés à nos propres opérations, mais sont dans la supply chain.
10:14 Et donc de monter des programmes d'approvisionnement. Et en termes de volume, à l'échelle du groupe, le Cachemire n'est pas forcément la matière la plus significative.
10:23 En revanche, en termes d'impact environnemental, c'est une matière qui a pas mal d'impact.
10:30 Donc on s'est dit, on travaille avec les éleveurs en Mongolie, donc avec une sorte de coopérative.
10:36 - Donc c'est pour des éleveurs de chèvres, c'est ça ?
10:38 - Exactement. Avec une ONG locale, parce que c'est pareil, mais c'est pas depuis Paris, vous imaginez bien qu'on va manager et suivre les programmes.
10:47 Et puis vraiment de détailler en disant combien d'animaux à l'hectare, les fameuses bandes enherbées.
10:53 Et aussi, ce qui est très important pour le groupe, c'est le bien-être animal. Et donc aussi de mettre des critères.
10:59 Et il y a tout un programme de formation au départ. Et maintenant, on le met dans nos matières premières.
11:04 - Qu'est-ce qui se passait ? Est-ce qu'on peut dire que le Cachemire était, alors pas seulement pour vous, mais victime de son succès au niveau mondial ?
11:09 Et que donc ça a obligé ces régions à finalement de moins en moins respecter l'environnement ?
11:15 - Alors moi, je ne parlerai pas spécifiquement de ces régions. Je parle globalement de la production de toutes ces matières premières,
11:22 où il y a une marge de progrès justement pour introduire des critères environnementaux qui sont plus exigeants.
11:30 Mais c'est vrai aussi pour le coton, c'est vrai pour la laine, c'est vrai pour le cuir.
11:35 Et c'est pour ça que, basé, on va dire, sur l'expérience qu'on a eue avec le Cachemire, on a développé un fonds sur l'agriculture régénératrice.
11:45 Alors, agriculture régénératrice, en deux mots, on n'est pas dans l'agriculture conventionnelle, mais on n'est pas non plus dans l'agriculture bio.
11:52 Vous avez le droit à utiliser des intrants, etc. Mais vous laissez au sol la capacité en fait de se régénérer.
11:58 Et notamment, vous augmentez sa capacité de séquestration carbone.
12:02 Vous le faites avec une ONG, je crois que ça s'appelle Conservation Internationale.
12:05 Oui, avec Conservation Internationale.
12:06 Et donc, c'est quoi ? Il y a différents projets un peu partout dans le monde.
12:08 Oui, oui. Alors, nous, en tant que Kering, on a pris l'engagement d'ici 2025 d'avoir transformé un million d'hectares d'agriculture conventionnelle en agriculture régénératrice.
12:20 Nous avons en fait 7 projets dans 6 pays. J'en ai visité un il y a quelque temps, par exemple, avec la présidente de la FNSEA en France.
12:31 On en a aussi en Afrique du Sud, dans différentes régions du monde.
12:35 Et c'est vraiment de se dire, notre objectif à terme, en moyenne, il faut 3 ans pour changer de conventionnel à régénératrice.
12:42 Et c'est qu'ensuite, on puisse avoir toute une supply chain qui, au fur et à mesure, s'alimentera à partir de cette matière première.
12:48 L'exemple français, c'est quoi ? Qu'est-ce qui change en l'occurrence ? Et pour produire quoi ?
12:52 Alors, l'exemple français, c'est notamment dans les pratiques culturales et c'est dans le lot.
12:58 On a réintroduit, en fait, dans la nourriture des animaux, ce qui s'appelle le sain foin.
13:04 Et le sain foin, c'est une petite légumineuse qui permet à la fois d'avoir une couverture des sols pour éviter l'érosion
13:14 et qui permet aussi, en fait, de mettre moins d'azote dans les sols, puisque c'est une légumineuse et elle nourrit l'azote.
13:23 Vous avez... Allez-y, allez-y, vous voulez dire quelque chose ?
13:25 Non, non. Et en fait, ce qui est assez marrant quand on parle de ce type de pratiques, c'est des pratiques qui existaient de manière ancestrale.
13:31 Donc, honnêtement, on n'est pas dans la disruption comme quand on parle du mycélium de champignons.
13:35 Ce n'est pas l'innovation.
13:36 Mais c'est simplement de remettre ces pratiques au bout du jour et aussi que ça soit rentable pour l'éleveur.
13:41 Évidemment. On est en plein dans l'actualité en ce moment avec les manifestations de l'agriculteur.
13:45 Justement, l'innovation, vous avez évoqué ce que faisait Balenciaga. C'est quoi ? C'est une sorte de nanocellulose ?
13:52 C'est ça qu'ils sont en train de créer ?
13:53 Alors, non, non, non, non, là-dessus, voilà.
13:55 Là-dessus, ce que j'évoquais, c'est le fait qu'on a été capable à partir du mycélium de champignons, qui est la racine du champignon,
14:03 de faire une matière première, donc qui a un touché, qui a une résistance, etc., qui est extrêmement intéressante.
14:11 Et donc, de faire, par exemple, des manteaux à base de mycélium de champignons.
14:16 Mais nous, l'innovation, on considère, vous voyez, qu'il y a le côté bonne pratique qui est essentiel.
14:22 Mais que si on veut justement atteindre cet objectif extrêmement ambitieux de 40%, on n'y arrivera pas sans l'innovation.
14:28 Oui, c'est aussi l'objectif de trouver des alternatives au cuir animal ?
14:33 Aussi au cuir animal.
14:34 C'est la innovation, notamment, ce même jeu ?
14:36 Tout à fait. Et donc, par exemple, c'est trouver des alternatives au cuir d'origine animale,
14:41 trouver aussi simplement de nouvelles matières premières qui peuvent être intéressantes.
14:46 Vous voyez, la marque Gucci utilise un produit qui s'appelle Demetra,
14:50 qui a été conçu vraiment par la marque en partenaire avec des tanneries, etc.,
14:57 et qui est 100% d'origine végétale.
15:01 Et donc, à chaque fois aussi, il faut faire attention quand on met un nouveau produit,
15:05 c'est qu'il n'y ait pas des externalités négatives qui viendraient d'utilisation de produits chimiques ou de trop consommation d'eau.
15:11 C'est sûr que c'est si l'alternative est ultra-consommatrice en énergie fossile, il n'y a pas de logique ?
15:15 Il n'y a pas de logique.
15:16 Voilà. Donc, on essaye. Et c'est ça aussi la complexité.
15:19 Et puis après, vous voyez, pour vous donner un ordre de grandeur,
15:21 on travaille entre les marques et le corporate avec plus de 250 startups.
15:25 Donc, sur les matières premières, aussi, par exemple, comment faire de la coloration avec des micro-organismes
15:31 jusqu'à la fin de vie du produit, comment je peux faire du sur-cyclage, du recyclage à grande échelle.
15:37 Ça veut dire que ces startups, vous les accompagnez, parfois vous les rachetez ?
15:41 Alors, il y a différents modèles. Ça va de "on fait un petit partenariat, on essaye ensemble de faire quelque chose"
15:49 jusqu'à "on prend des participations et pourquoi pas avoir une intégration".
15:55 On est très agile, si je peux me permettre, dans comment travailler.
15:58 Et je pense que les startups sont aussi contentes de travailler avec nous
16:04 parce que si ça marche dans le luxe, elles pourront s'y vendre à d'autres marchés.
16:08 Je vous pose la question parce que l'innovation, elle vient aussi en interne.
16:12 Je crois que vous avez ouvert, ça fait plus de 10 ans, le Material Innovation Lab à Milan.
16:17 Là, c'est quoi ? Vous testez des nouveaux textiles en permanence ?
16:21 Alors, on a ouvert ça et vous voyez, c'était assez précurseur puisqu'on a créé ça en 2013.
16:25 Et c'est ça, c'est à la fois, on essaye de trouver de nouveaux textiles et encore une fois, de nouvelles matières premières,
16:34 mais c'est aussi un rôle d'accompagnement de l'écosystème des fournisseurs.
16:37 Et donc, c'est pareil de stimuler les fournisseurs pour qu'eux-mêmes, sur de la matière peut-être un peu plus traditionnelle,
16:45 arrivent à faire des innovations qui permettront de réduire l'impact.
16:48 Et aujourd'hui, on est à plus de 3 800 échantillons de textiles que le Mille peut proposer à nos marques.
16:57 Vous avez rejoint le programme SBTN, Science Based Targets for Nature.
17:02 Ça permet quoi ? De faire des choix éclairés ? Parce que la difficulté quand on est face à une transformation du modèle,
17:11 en tout ou partie, comme je le disais tout à l'heure, c'est de prendre le bon chemin, surtout quand on investit pas mal d'argent.
17:16 Est-ce que c'est pour ça que vous êtes allé vers le programme SBTN ?
17:21 Alors, d'abord, ça rejoint le sujet que vous mentionnez.
17:24 Quand on parle carbone, c'est beaucoup plus facile parce que les métriques existent depuis plus longtemps.
17:30 On a su avoir des modèles assez rapidement qui transformaient le méthane, les autres gaz à effet de serre en équivalent carbone.
17:39 En revanche, et c'est un bien public mondial, on raisonne à l'échelle planétaire.
17:44 Quand on parle biodiversité, c'est pas pareil d'avoir un impact sur des espèces liées à la nature ordinaire
17:51 ou avoir des impacts sur des espèces endémiques.
17:54 Et on voit bien que d'avoir des métriques, de mesurer son impact, c'est quand même beaucoup plus compliqué.
18:00 Moi, je suis en train de coordonner à la demande du ministère un groupe de travail sur la biodiversité avec des concurrents
18:09 et d'autres, on va dire, industries qui sont dans le textile mais pas sur nos séinements de luxe.
18:15 On voit la première question, mais c'est comment on mesure ?
18:18 Et donc SBTN nous semblait extrêmement intéressant pour devenir peut-être la SBTI du climat.
18:24 Justement, est-ce qu'il y a une coalition du secteur, au-delà du luxe, mais du secteur de l'habillement pour réduire son impact ?
18:33 Ou est-ce que finalement, vous êtes en concurrence, donc chacun suit son chemin ?
18:37 Alors nous, on a positionné, et ça c'est vraiment à la demande de François-Henri Pinault,
18:42 on est dans un secteur concurrentiel, donc on n'est pas au monde des bisounours.
18:46 En revanche, lui, dès le début et avant que ce sujet devienne quelque part tendance,
18:51 il a été convaincu que si on voulait changer de paradigme, il fallait qu'on travaille, et pardon de l'anglicisme,
18:57 dans une méthode ouverte, voyez, l'open source, etc. et qu'on partage tout ce que l'on fait.
19:01 Première chose, et que deuxièmement, même quand on était un groupe Kering,
19:05 et que nos volumes étaient si significatifs, on n'était pas suffisamment grand pour changer tout seul l'ensemble de la supply chain, etc.
19:13 Donc ça, c'est vraiment une conviction profonde qu'on a depuis des années.
19:16 Et en 2019, à l'occasion du G7, quand la France présidait le G7,
19:22 le président Macron a confié en fait à François-Henri Pinault la création d'une coalition pour le secteur du textile,
19:29 donc là, tout segment, toute catégorie confondue, et qui a donné naissance au Fashion Pact.
19:34 Et donc aujourd'hui, on a le Fashion Pact, où vous avez aussi bien Chanel-Kering,
19:40 vous avez en même temps le groupe Aditex, vous avez Nike, vous avez Adidas,
19:46 vraiment tous les segments sont représentés.
19:48 Il y a des marques de fast fashion là-dedans ?
19:49 Oui, parce que encore une fois, c'est vraiment le secteur textile qui se mobilise ensemble pour avoir des actions concrètes.
19:56 Et pour la partie joaillerie-horlogerie, donc en dehors du cadre, on va dire, du G7,
20:04 nous avons monté en 2021 avec nos amis de quartier, donc du groupe Richemont, le même type de coalition,
20:11 mais pour l'horlogerie et la joaillerie, et nous co-présidons avec quartier.
20:15 Je vous pose cette question parce que c'est vrai que le modèle de la mode, c'est de nous inciter à renouveler,
20:22 j'allais dire au mieux une fois par saison, et puis au pire toutes les semaines, quand on parle de l'ultra fast fashion.
20:29 Il y a là une contradiction presque philosophique quand on est dans un groupe comme Kering.
20:34 Vous voyez ce que je veux dire ?
20:35 Je vois très bien.
20:36 On a ses enjeux environnementaux, mais on continue d'inciter les consommateurs à changer parce qu'on veut suivre la mode.
20:41 Mais pour moi, si vous voulez, quand on est chez le groupe Kering, on produit des produits de luxe,
20:47 qui sont des produits de qualité et qui sont faits pour durer.
20:50 Quand vous demandiez comment on agit avec les startups, on a cru très tôt dans le groupe, à la seconde main.
20:57 C'est pour ça qu'on a investi dans vestiaires, collectives, etc.
21:02 Les produits, et là au sens premier du terme, sont faits pour durer, pour avoir un deuxième usage.
21:07 D'ailleurs, c'est très intéressant parce que quand on parle seconde main pour le luxe, c'est intéressant d'un point de vue business,
21:12 c'est intéressant pour la planète et c'est aussi intéressant d'un point de vue social, puisque vous donnez accès.
21:17 Après, et je trouve ça très courageux de la part d'un certain nombre de marques qui ont rejoint le fashion pact,
21:25 où pour eux, le volume est essentiel et sont en train d'avoir des actions significatives pour transformer leur business model.
21:34 Et vous le mentionnez vous-même au début, ce n'est pas facile.
21:37 Quelque part, quand je suis dans le luxe, je ne vais pas m'auto-flageller en disant tout est facile.
21:42 Pour moi, loin 100 fois, je vous assure, le quotidien n'est pas si simple que ça.
21:46 Mais je fais de la qualité, je suis sur des volumes restreints parce que le luxe, par essence, n'est pas inclusif.
21:54 Et donc, c'est intéressant que vous ayez des marques, des groupes qui puissent aussi partager leurs bonnes pratiques
22:01 pour que d'autres puissent les mettre en œuvre.
22:03 Merci beaucoup Marie-Claire Daveux et à bientôt sur JobySmart.
22:06 Merci à vous.
22:07 On passe à notre rubrique consacrée aux startups, c'est Smart Ideas.