Des policiers racontent la traque du conducteur du fourgon et l'attaque de Cambrils. Les personnes interrogées évoquent les manifestations pacifiques organisées ensuite.
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00:00 Le terrorisme jihadiste
00:06 Plus de 90% des victimes du terrorisme jihadiste sont musulmans.
00:20 Il est ironique de voir qu'en Occident on continue d'assimiler l'islam au terrorisme.
00:25 Il suffit de voyager dans n'importe quel pays musulman touché par le terrorisme.
00:30 Je vous garantis que là-bas, personne ne considère ces organisations comme musulmanes en tant que telles.
00:37 Parce que les musulmans considèrent que tuer une personne, musulmane ou non, est contraire à l'islam.
00:52 De nouvelles images nous parviennent à l'instant même de Gambries.
00:56 Les coups de feu que l'on entend sont ceux qui ont été tirés par les forces de l'ordre.
01:16 Redoutiez-vous personnellement une autre attaque au cours des heures suivant l'attentat des remblasses ?
01:22 Oui, c'était une éventualité.
01:24 Mais bien entendu nous ne disposions d'aucune information concrète qui nous aurait permis de penser qu'un autre attentat allait se produire.
01:31 Je considère que les analyses qu'on fait a posteriori depuis son bureau pour dire si seulement ceci ou si seulement cela, c'est très facile.
01:40 [Musique]
01:50 Mohamed Hichami décide de réunir les membres de la cellule pour discuter de la suite à donner aux opérations au vu du contexte nouveau.
02:03 Après l'attentat sur les remblasses, c'est Hichami, l'autre grand frère, qui se charge de mobiliser les plus jeunes.
02:10 Le plan A est hors jeu, Younes a agi de son propre chef.
02:16 Dans ce contexte, Hichami se dit qu'il faut se réunir.
02:21 C'est ce qui les conduit à planifier la suite et à mener plusieurs actions logistiques avant de se lancer dans une attaque contre la population de Gambries.
02:29 [Musique]
02:34 Ensuite, on lui retrouve sur les images de surveillance d'une station service en train d'acheter des boissons.
02:40 [Musique]
02:46 Ils rejoignent les marais bordant un hôtel abandonné de Rué Descaniens.
02:50 [Musique]
02:53 Là, on pense qu'ils mettent sur pied leur plan d'action.
02:56 [Bruit de chien]
03:00 Voici le périmètre où a été découvert le premier groupe d'indices.
03:04 Il s'agissait de divers papiers et documents.
03:08 On a retrouvé des reçus pour des achats d'acétone et de dissolvant, leur ticket de parking de Paris.
03:15 On a ensuite le périmètre correspondant au groupe d'indices numéro 2.
03:19 Ici où le sol est encore noirci, c'est là qu'ils ont fait brûler divers documents qui formaient un tas compact et calciné.
03:27 [Bruit de chien]
03:30 Brûler les passeports, c'est une façon de dire qu'il n'y a plus de retour possible.
03:34 Puisque je vais mourir en martyr, je n'ai plus besoin de passeport.
03:38 C'est aussi un rite de passage qui renforce davantage encore la cohésion du groupe.
03:42 [Bruit de chien]
04:03 Je ne suis ni français ni espagnol.
04:05 [Bruit de chien]
04:11 Brûler ces papiers, c'est rejeter son identité et les autorités.
04:15 Comme pour dire vos considérations humaines ne m'importent pas.
04:18 Je n'ai de compte à rendre qu'à Dieu.
04:21 [Bruit de chien]
04:28 Si on a retrouvé le passeport de Houli dans la fourgonnette des Ramblas,
04:31 c'est parce qu'ils avaient prévu de se filmer en train de brûler leurs papiers
04:35 avec le caméscope utilisé pour filmer la fabrication des explosifs.
04:39 [Bruit de chien]
04:43 Ils se filment en train de brûler leurs papiers
04:46 parce qu'ils ne veulent plus revenir sur la terre des infidèles.
04:49 [Bruit de chien]
04:56 On a retrouvé deux bouts de tissu rouge.
04:58 Et trois des terroristes de Cambrils portaient un foulard rouge.
05:02 Les premiers compagnons du prophète portaient de tels foulards rouges
05:07 pour se différencier des autres combattants pendant les batailles.
05:10 Les terroristes émulent ce modèle parce que le foulard rouge
05:13 associe la violence qu'ils infligent à la violence épique des premiers guerriers
05:17 et héros de l'Islam, comme si leurs actions actuelles
05:21 s'inscrivaient dans la continuité de ces batailles passées.
05:24 [Musique]
05:31 À 21h20, trois des terroristes sont entrés dans ce magasin.
05:35 C'est ici que les djihadistes ont acheté les armes blanches
05:38 avec lesquelles ils ont semé la terreur hier soir
05:40 sur la promenade de cette station balnéaire de la Costa de Rada.
05:43 [Musique]
05:54 Ils ont acheté quatre couteaux de grande taille,
05:56 une hache et un tuyau de raccordement pour bonbonnes de gaz.
06:00 [Musique]
06:12 [Bruit de la mer]
06:23 [Bruit de la mer]
06:32 Ils nous ont repéré devant l'entrée du club nautique.
06:35 C'était un lieu de très grande affluence,
06:37 d'autant plus qu'il y avait derrière nous un orchestre en train de jouer.
06:41 Le concert rassemblait une foule nombreuse.
06:44 On était venus là pour assister à un concert.
06:47 C'était un groupe qui reprenait des chansons à la mode.
06:50 Quand ça a été l'heure d'aller prendre le bus, on s'est dirigés vers l'arrêt.
06:53 Il y avait beaucoup de monde ?
06:55 Oh oui, c'était plein à craquer.
06:57 La soirée battait son plein.
06:59 Les gens étaient à tabler ou prenaient un verre.
07:02 On venait de dîner, on était avec des amis.
07:04 On était en train de boire quelques verres.
07:06 La soirée se terminait, on était sur le point de rentrer.
07:10 On partait, il était presque minuit.
07:12 Presque minuit ? Non, non, non, presque une heure.
07:15 Le concert venait de finir.
07:17 J'ai parlé avec quelques habitués quand j'ai entendu une voiture.
07:21 Je vois une voiture venir percuter celle des policiers catalans qui a été postée devant.
07:26 J'ai entendu un moteur vrombir et je me suis retourné.
07:29 La voiture a volé au-dessus de celle de la police.
07:38 Un type en a été éjecté.
07:40 J'ai à peine eu le temps de crier "attention"
07:44 et je me suis jeté au sol vers la gauche.
07:46 L'Audi qui a foncé sur la jetée venait de là-bas ?
07:49 L'Audi venait de la cahier-remblage à Aumé-Primé.
07:52 Elle a accéléré, mon collègue s'est jeté sur le côté
07:56 et moi qui étais à sa gauche, je l'ai prise de plein fouet.
07:59 Elle vous a percuté ?
08:00 Oui, elle m'a percuté au niveau des jambes.
08:02 D'ailleurs...
08:03 Ça a été violent ?
08:04 J'ai été projetée sur plusieurs mètres jusqu'ici.
08:07 Et j'ai perdu conscience.
08:08 Je vois.
08:09 Et l'Audi a fini à peu près ici.
08:11 D'accord.
08:12 Sur le toit.
08:13 Elle s'est retournée ?
08:14 Oui.
08:15 Plus ou moins ici.
08:16 On entend un coup de frein, un grand boum.
08:21 On se retourne et on voit une voiture sur le toit.
08:24 Quand la voiture s'est retournée, je me suis baissé.
08:27 Juste après, j'ai relevé la tête et les coups de feu ont suivi presque aussitôt.
08:32 On s'est levés et les coups de feu ont suivi.
08:41 Les gens fuyaient entre les tables.
08:44 D'instinct, j'ai foncé me réfugier dans le restaurant.
08:47 Ceux qui étaient avec moi m'ont suivi à l'intérieur.
08:49 Certains se sont cachés là-bas.
08:51 Les tables valsaient dans tous les sens.
08:54 On s'est mis là-bas.
08:56 Quand on est arrivé ici, j'ai pris une table longue,
08:59 que j'ai renversée sur le côté comme ceci,
09:01 et j'ai dit aux autres de se cacher derrière,
09:04 parce que ça tirait par là-bas.
09:06 De ce côté, c'est l'accès entre les tables du restaurant et les cuisines.
09:10 On est entrés par là.
09:12 Le plus incroyable, c'est que parmi les gens cachés de l'autre côté, là-haut,
09:19 dont certains étaient étrangers,
09:21 il y avait des personnes de plus de 100 kilos,
09:24 et toutes ont réussi à se refiler par là.
09:26 C'était celle-là.
09:27 Les gens se glissaient à l'intérieur,
09:29 mais moi qui suis claustrophobe, je n'ai pas pu.
09:31 En plus, quelqu'un a dit qu'ils avaient des ceintures explosives.
09:34 On a eu très peur qu'ils fassent sauter tout le bâtiment.
09:38 Alors, comme on a un bateau, on a pensé à monter à bord.
09:41 Les gens se sont mis à courir.
09:43 Tout le monde s'est précipité de ce côté.
09:45 On a fait pareil, mais presque aussitôt, les coups de feu ont redoublé.
09:49 Quand la voiture se retourne, Omar part seul d'un côté,
09:54 sans doute parce qu'il est sonné,
09:56 parce que les quatre autres partent dans l'autre sens.
09:59 Plusieurs individus bardés d'explosifs sont sortis de la voiture.
10:06 J'en ai vu un se précipiter à toute vitesse vers moi,
10:09 une hache à la main, en hurlant "Allahu akbar".
10:12 J'ai juste eu le temps de le mettre en joue,
10:15 et quand il n'a plus été qu'à quelques mètres,
10:19 j'ai fait feu,
10:21 jusqu'à l'avoir abattu.
10:24 Je ne sais pas combien de balles j'ai tirées,
10:27 ni combien il en restait dans le pistolet mitrailleur,
10:30 l'arme que j'ai utilisée contre lui.
10:32 Quand il est tombé,
10:35 j'ai vu trois autres personnes,
10:37 qui se sont à leur tour précipités vers moi,
10:40 dans l'intention manifeste de m'attaquer.
10:43 J'ai couru vers la droite,
10:46 parce que mon pistolet mitrailleur n'avait plus de munitions.
10:50 Eux me poursuivaient en criant "Allahu akbar".
10:53 Ils étaient déjà sur moi,
10:55 j'ai tout juste eu le temps d'ouvrir le feu et de les abattre.
10:58 Tous les trois.
11:04 Un policier n'a pas hésité à tuer quatre des cinq terroristes,
11:08 sans quoi le bilan de ce bain de sang aurait pu être bien plus lourd.
11:12 Là, je me suis rendu compte que ma collègue était debout,
11:26 et qu'elle saignait.
11:28 J'ai dû rester inconsciente quelques minutes.
11:31 Et c'est justement pendant ces quelques minutes,
11:34 que mon collègue a ouvert le feu.
11:36 Quand j'ai repris conscience, il régnait un silence absolu,
11:39 à tel point que je me suis dit que j'étais la seule à être au courant de ce qui s'était passé.
11:43 Je me suis mise à avancer.
11:46 J'ai vérifié que j'avais sur moi la radio qu'on utilise pour communiquer.
11:49 - La radio ? - Oui.
11:51 Après coup, mes collègues m'ont félicité d'avoir si bien su leur décrire la situation que je venais de vivre.
11:56 - Attentat, attentat, attentat !
12:00 - Aller en fer ! - A où ?
12:02 - Au port de Cambryl, aller en fer, il pleut !
12:05 Omar, lui, part de l'autre côté, un couteau à la main.
12:09 - J'étais comme ça. - D'accord, il était là où je suis.
12:13 Oui, je ne savais pas s'il venait vers moi ou ma femme.
12:16 Je me tourne, et quand je vois qu'il se lance sur moi,
12:19 je fais ça et il me le plante.
12:21 - Vous l'esquivez. - Je m'écarte, mais il me le plante.
12:24 Je tombe les bras en avant et je retire le couteau de la plaie.
12:28 Il s'est enfui par là, mais il s'est fondu dans la foule.
12:31 Et je n'ai pas eu le temps de voir quels vêtements il portait, ni rien d'autre.
12:35 - Votre cicatrice, c'est... - Oui, c'est lui qui me l'a faite.
12:39 On a nagé tous les trois le long de ce ponton.
12:44 Au début, on a pensé faire tout le tour pour rejoindre notre embarcation plus loin là-bas,
12:50 mais c'était plus long à faire qu'on pensait.
12:53 - Trop long. Et finalement... - On est montés dans un autre.
12:56 - C'était un bateau comme celui-ci. - Oui, enfin...
12:59 - Ou plus petit. - Celui où on est montés était loin d'être aussi grand.
13:02 On est remontés ici, et deux mètres devant la porte,
13:06 on a vu une personne qui avait été abattue.
13:09 Sur le coup, on ne savait si c'était un policier ou un terroriste.
13:13 Et puis on a remarqué qu'il avait une ceinture explosive.
13:16 C'était une fausse, mais ça, on ne l'a su qu'après.
13:22 Moi qui veux mourir en martyr, en attaquant les ennemis d'Allah,
13:25 je sais que si mes ennemis voient un homme bardé d'explosifs,
13:28 ils ne tenteront pas de le capturer. Ils vont l'abattre, comme ce fut le cas.
13:32 Un martyr ne finit pas en prison. Son destin s'accomplit dans la mort.
13:36 Une mort que cette fausse ceinture rendait certaine.
13:40 Quelqu'un qui se disait médecin s'est approché de moi,
13:46 il m'a regardé et m'a dit "Ce n'est pas une plaie par balle, c'est une coupure."
13:50 Il a demandé le gilet d'un passant et me l'a appliqué sur le visage.
13:53 Un peu comme celui-ci ?
13:55 Oui. Je l'ai maintenu sur mon visage, on s'est levé et on s'est dirigé par là-bas, vers le secouriste.
14:02 Le policier était au fond. La policière gisait ici et le secouriste s'est approché et m'a dit
14:09 "Éloignez-vous, ils ont des explosifs."
14:12 Je lui ai dit "Mais soignez-moi." "Non, éloignez-vous."
14:16 On est reparti 200 mètres plus loin. Vous voyez là où ils ont abattu le gamin ?
14:19 Oui.
14:20 C'est là qu'on était, du bas.
14:22 [Cris de panique]
14:45 [Musique]
15:04 Je suis en état de choc. Je ne comprends pas ce qui s'est passé.
15:08 Tout est allé très vite. J'entends des gens crier.
15:11 Regarde, ils portaient des explosifs.
15:14 Il y en a deux là-bas.
15:17 Il y en a deux et un là-bas.
15:19 Il y en a trois morts.
15:20 Il y en a trois. Il y en a un avec des explosifs.
15:22 Il y en a un autre.
15:25 [Musique]
15:28 Double attentat terroriste en Catalogne. L'un sur les Ramblas de Barcelone,
15:32 l'autre à Cambrils, près de Tarragone, où la police catalane a abattu dans la nuit
15:36 cinq terroristes ayant forcé un barrage et fauché une policière et six civils.
15:41 Les terroristes portaient des ceintures apparemment explosives,
15:44 ce qui a obligé la police à réaliser une série d'explosions contrôlées.
15:49 [Musique]
16:14 [Musique]
16:38 Quand j'apprends l'attentat de Cambrils, il ne se passe que quelques minutes
16:42 avant que j'entende mes collègues sur place dire "abattu, abattu, abattu".
16:46 Bien sûr, je suis inquiet et je sais que cette attaque terroriste a fait un mort et plusieurs blessés,
16:50 mais la situation est sous contrôle. L'incident est clos.
16:53 Notre priorité reste de trouver Younes.
16:57 [Musique]
17:02 Younes à Boyacoub a été filmé juste après avoir fauché des dizaines de personnes avec la fourgonnette.
17:09 [Musique]
17:12 Un individu se jette sur le véhicule de Pao qu'il poignarde mortellement dès qu'il le voit.
17:16 Le véhicule a blessé au pied un agent de police avant de prendre la fuite.
17:20 [Musique]
17:24 Plusieurs perquisitions sont en cours dans les provinces de Tarragone et de Géronne.
17:29 [Musique]
17:33 L'enquête de la police se concentre donc essentiellement sur Ripoll,
17:36 où résident au moins quatre des membres de la cellule djihadiste.
17:40 [Musique]
17:47 Plusieurs domiciles ont été perquisitionnés dans les environs de Ripoll
17:50 et une première arrestation a déjà eu lieu ce matin.
17:54 Je crois qu'on a fait douze perquisitions.
17:57 [Cris de la foule]
17:59 Et les premières arrestations.
18:02 Je garde un souvenir très précis du matin où la police est arrivée
18:06 et qu'ils ont débarqué au domicile des frères Alla.
18:09 Le quartier était plein à craquer de journalistes.
18:12 C'était fou.
18:13 Il y en avait sur toute la plaça Gran, dans tous les bars.
18:16 La presse attendait de voir ce que faisait la police qui est restée des heures sur place.
18:21 Je me souviens aussi de l'arrestation du jeune homme qui tenait le cybercafé.
18:26 Ça reste d'ailleurs l'un des moments les plus sombres qu'a connu cette ville.
18:30 C'est quand la police l'a emmenée et les insultes se sont mises à pleuvoir sur lui.
18:35 D'autres se sont mis à injurier ceux qui l'injuriaient.
18:39 C'était terriblement triste à vivre.
18:42 [Cris de la foule]
18:45 [Musique]
18:48 [Cris de la foule]
18:51 [Musique]
18:54 [Cris de la foule]
18:57 [Musique]
19:00 [Cris de la foule]
19:03 Ces événements ont mis à mal la logique du vivre ensemble qu'on essayait d'encourager depuis des années.
19:09 La ville de Ripoll dans la province de Gironne est l'un des épicentres de l'enquête.
19:14 [Musique]
19:16 L'effervescence qui s'est emparée de notre ville était en opposition totale avec la façon qu'on a de vivre et de se comporter à Ripoll.
19:24 Ça a bouleversé notre quotidien.
19:26 On avait l'impression de se retrouver en état de siège.
19:29 Des rues entières étaient barrées.
19:31 Les voisins jetaient un coup d'œil aux fenêtres mais sans se risquer à sortir.
19:35 Il y a des habitants qui n'osaient même plus sortir de chez eux pour acheter le pain.
19:39 Les gens avaient peur.
19:41 Peur de ce qui se passait à Ripoll.
19:43 Beaucoup de gens ont peur parce qu'ils sont amis ou voisins des terroristes.
19:47 Mais aussi beaucoup d'entre eux parce qu'ils ne savent pas si leurs propres voisins sont des terroristes.
19:51 Ni même si on va venir faire une perquisition chez eux.
19:55 Ripoll se retrouve assiégée.
19:57 Mais le fait est qu'on recherche deux personnes directement impliquées dans des actes terroristes.
20:02 Sans compter le conducteur de la fourgonnette.
20:05 [Musique]
20:14 L'entreprise où il travaille vous contacte et vous vous rendez sur place.
20:18 On apprend qu'un vol a été commis dans l'entreprise.
20:21 Mais un vol très curieux.
20:23 Le lendemain de l'attentat, on nous a informé d'une effraction.
20:27 On a commencé à se demander s'il avait pu s'introduire dans les locaux avant ou après les attentats.
20:34 Soit il était toujours caché sur place, soit il était reparti.
20:39 Et en passant par cette fenêtre, il était possible d'accéder à des zones de l'entreprise non sécurisées.
20:46 Des zones non couvertes par l'alarme.
20:49 La police a tout perquisitionné.
20:52 Ils ont passé les locaux au peigne fin, derrière il y a quoi, et là ?
20:57 Ils ont inspecté le faux plafond.
20:59 Plusieurs spécialistes sont montés vérifier que tout était normal là-haut.
21:03 Et voir les conduits de ventilation.
21:05 Ils ont même regardé à l'intérieur des boîtiers des moteurs des machines.
21:09 Au cas où il aurait eu la place de se cacher à côté des engrenages.
21:14 Ça vous donne une idée de l'étendue des fouilles qu'ils ont menées.
21:17 Ils ont inspecté le moindre recoin possible et imaginable.
21:21 Mais ils n'ont pas trouvé Younes.
21:23 Ce vol a pu être commis une ou deux semaines plus tôt.
21:27 Mais on écarte la possibilité que Younes se soit introduit là-bas durant ces dates.
21:32 Je pense que c'est lui qui est entré.
21:34 Mais je ne sais pas pour prendre quoi.
21:37 Et l'effraction a eu lieu là où Younes travaillait habituellement.
21:41 Il cherchait quelque chose, mais quoi ? On ne sait pas.
21:44 L'enquête se poursuit alors que la police catalane s'efforce de localiser Younes à Boyacoup.
21:50 Ces dernières heures, l'hypothèse que Younes conduisait la fourgonnette des Ramblas avant de fuir est devenue la plus crédible.
21:57 Il a été filmé en train de fouiller les poubelles d'une station-service avec d'autres vêtements.
22:16 Le terroriste des Ramblas sera un certain Younes à Boyacoup.
22:21 Younes à Boyacoup, qui a été identifié comme étant le conducteur de l'attentat perpétré à Barcelone,
22:27 est actuellement recherché par l'ensemble des forces de police nationale.
22:32 Nous demandons à toute personne qui serait susceptible de détenir des informations en relation avec cet individu
22:39 de se mettre immédiatement en contact avec la police catalane.
22:43 Il a tenté de voler la voiture d'une femme.
22:50 Elle a eu de la chance de s'en tirer indemne, parce qu'elle a été dans la même situation que Pao Perez, face à la même personne.
22:57 Mais elle, elle est en vie. Pao Perez est mort.
22:59 Je venais de faire mes courses. J'ai retiré mon sac et je l'ai mis sur le siège passager.
23:06 Je me suis assise, j'avais une jambe dehors. C'est à ce moment-là que c'est arrivé.
23:11 Robert, tu peux venir t'asseoir à ma place ?
23:13 D'accord.
23:15 Du côté passager, quelqu'un s'est approché et a mis ses mains sur la vitre.
23:22 Aussitôt, il a ouvert la portière de la voiture. Il s'est jeté sur moi en brandissant un objet coupant et il m'a donné un coup à la poitrine.
23:31 Comme j'étais à moitié hors de la voiture, j'ai pu sortir.
23:34 Je me suis reculée, j'ai essayé de courir, mais j'ai fait comme un genre de malaise et je suis tombée par terre.
23:41 D'où je suis, je le vois monter dans la voiture.
23:46 Robert, tu peux t'installer au volant ?
23:48 Moi, paniquée, je me mets à crier "Au secours, au secours !"
23:52 Je vois sortir un agent de sécurité avec une dame.
23:55 Ils accourent vers moi. Il est sorti de la voiture et il a couru vers la zone industrielle.
24:01 Quand on est arrivé à ce niveau, il descendait déjà du talus, un peu plus loin.
24:16 Vers les oliviers ?
24:18 Là. Il est descendu par ce talus.
24:22 Il s'est planté au milieu de cette voie en regardant du côté où on venait, par là-bas.
24:29 Ensuite, il a traversé la route et il a franchi l'autre talus en face.
24:34 J'ai appelé la police pour leur demander s'il était possible qu'une personne que je venais de voir à Subirat ait été le djihadiste.
24:42 Il avait un pantalon de couleur moutarde et une chemise vaguement bleue.
24:46 L'appel à témoin des autorités semble avoir porté ses fruits.
24:50 À une heure de l'après-midi, une riveraine a signalé la présence d'un homme qui serait Younes Abouyakoub.
24:56 La police aurait été alertée par une femme.
24:59 La police catalane a lancé une opération sur les hauteurs de Subirat, près de Barcelone.
25:05 Plusieurs patrouilles se rendent sur les lieux et repèrent une personne dans les vignes.
25:10 On va sur place. On garde la voiture le long de la route qui mène à Gelida.
25:21 À partir de là, on continue à pied.
25:25 On descend par un chemin.
25:30 On avait fait quatre ou cinq pas quand un individu est apparu au milieu du chemin à une trentaine de mètres de nous.
25:45 Il a soulevé sa chemise et on a vu alors qu'il portait une ceinture explosive autour du ventre.
25:51 Elle avait l'air métallisée, avec des cylindres devant et sur les côtés.
25:58 Il s'est mis à courir dans notre direction.
26:01 Il a crié "Allahou Akbar" et mon collègue a donné l'alerte.
26:05 J'ai lâché ma radio et nous avons sorti notre arme de service et l'avons mis en joue.
26:14 Il courait en zigzag avec le bras gauche relevé devant lui, comme s'il brandissait un bouclier imaginaire.
26:20 Son autre main était refermée sur quelque chose, un détonateur ou un couteau.
26:25 Je l'ai sommé de se mettre à terre.
26:28 À terre, à terre, ne bougez plus.
26:30 Mais face à son refus d'obtempérer, nous avons ouvert le feu.
26:34 Il est tombé.
26:43 Il y a eu un grand silence.
26:46 Un silence assourdissant alors que je m'attendais à ce qu'il lâche le détonateur et que tout explose et qu'on meurt.
26:56 Le jour où il a été déclaré mort.
27:00 Je pense que tous mes amis sont morts.
27:11 Tous.
27:14 [Musique]
27:38 J'ai entendu mes collègues arriver, on est allé se mettre à l'écart.
27:43 Je suis monté dans une voiture de police et j'ai craqué. J'ai pleuré.
27:47 [Cris de la foule]
28:02 Nous pouvons affirmer que la cellule a été intégralement démantelée dans la province de Barcelone.
28:09 Suite à l'examen de l'identité des personnes décédées et des personnes détenues.
28:13 Ainsi qu'à la lumière d'opération en cours dont nous ne pouvons pas préciser les contours à l'heure actuelle.
28:19 On peut en tout cas affirmer que la cellule est démantelée.
28:23 [Musique]
28:46 La population exprime sa reconnaissance aux forces de police.
28:50 Un hommage qui s'adresse tout particulièrement à l'agent de la police catalane.
28:53 Qui a abattu quatre des terroristes venus à Cambrils.
28:56 Le héros de Cambrils.
28:58 C'est ainsi qu'on surnomme depuis jeudi dernier ce policier qui a tué par balle quatre des cinq djihadistes morts dans cette localité.
29:05 Tuer quatre personnes, même dans le cadre d'une mission de police.
29:09 Ce n'est pas une chose facile à surmonter.
29:12 Quelles séquelles a entraîné chez vous cet attentat ?
29:16 On m'a diagnostiqué un stress post-traumatique sévère.
29:21 J'ai aussi été confronté à plusieurs crises.
29:25 Des crises de dépression.
29:30 Quand ça me prend, je m'isole de tout.
29:35 C'est dur au quotidien ?
29:40 J'ai de grosses difficultés à dormir.
29:43 Je prends des médicaments pour tout ça.
29:49 Je suis constamment en état d'alerte quand je sors dans la rue.
29:55 Je ne me sens jamais en sécurité.
29:58 J'ai très peur qu'on me reconnaisse.
30:01 Et que je me refasse attaquer.
30:04 Mais le pire, c'est ce fort sentiment de culpabilité que j'éprouve.
30:09 Je suis en colère à cause de ce qu'endure ma famille.
30:13 Nous avons une dette très lourde à l'égard des victimes psychologiques.
30:17 Certaines personnes peuvent avoir des séquelles psychologiques
30:20 entraînant une incapacité de travail de plusieurs mois, voire plusieurs années.
30:24 Mais encore faut-il démontrer que ces séquelles sont dues à l'attentat.
30:28 Et donc, discuter des limites juridiques du concept de victime.
30:34 En outre, il faut présenter des documents attestant d'une prise en charge médicale
30:38 dès le jour de l'attentat, ou les jours suivants.
30:43 Mais qui fait cela ?
30:46 L'immense majorité de ceux qui étaient là ont fui sans réfléchir.
30:55 Ils n'avaient qu'un but, être en famille.
31:13 Cette nuit-là a été un cauchemar.
31:17 Le vendredi, je n'ai pas réalisé, et le samedi, j'ai craqué.
31:23 Vous avez eu des crises d'angoisse ?
31:27 La totale. La totale, je pleurais tout le temps.
31:33 Oui. On peut faire une pause ?
31:36 Bien sûr. Vous voulez de l'eau ?
31:42 Mon instinct me disait de ne pas sortir de chez moi.
31:47 J'ai bien mis une semaine avant de sortir.
31:52 C'est comme si quelque chose en moi me disait qu'être dehors était dangereux.
31:59 Des fleurs et de nombreux messages, dont le plus récurrent est "Nous n'avons pas peur",
32:04 ont été déposés le long du parcours macabre de la fourgonnette.
32:14 Manifestation monstre à Barcelone contre le terrorisme.
32:28 Cette semaine-là, avez-vous été contacté par les services de l'État, les autorités ou la police ?
32:35 Non.
32:38 On ne m'a pas dit de porter plainte. Il fallait le faire pour le procès, mais ça a tardé plus d'un an.
32:45 Personne ne m'a rien dit. Personne ne m'a parlé des aides dont on pouvait bénéficier.
32:50 Ils ont fini par envoyer une psychologue, pour toute la famille.
32:54 Les services de l'État vous ont-ils contacté ?
32:57 Non, jamais. La toute première fois que j'ai été contacté, c'était par le Wavat,
33:02 le groupe de prise en charge et d'accompagnement des victimes du terrorisme.
33:07 C'est à partir de là que j'ai reçu de l'aide, non seulement pour les démarches administratives,
33:11 mais aussi un soutien émotionnel. Enfin, je ne me sentais plus seul.
33:17 Tant qu'il restera des personnes souffrant de séquelles physiques ou psychologiques de ces attentats,
33:23 et dont les droits de victimes du terrorisme ne seront pas reconnus, nous ne nous arrêterons pas.
33:29 Le UAVAT ne devrait pas exister.
33:32 Ce n'est pas aux victimes de prendre en charge d'autres victimes,
33:35 ni de les orienter vers des professionnels comme Sarah et son équipe.
33:38 C'est à l'État de le faire.
33:40 On se sent deux fois victime.
33:58 Victime de l'attentat terroriste en lui-même, mais aussi victime de l'État,
34:03 qui jusqu'à l'intervention de cette association de victimes n'a pas bougé le petit doigt.
34:08 Il a fallu qu'ils fassent pression et qu'ils nous expliquent comment nous y prendre.
34:12 L'administration devrait être là pour nous aider, mais c'est l'inverse,
34:18 parce qu'on n'est pas reconnus en tant que victime.
34:25 Quand on se heurte à la mauvaise volonté de l'administration au cours des démarches à accomplir,
34:30 c'est un traumatisme supplémentaire.
34:33 Pourtant, celui-là, on pourrait l'éviter.
34:36 Les services de renseignement espagnol étaient en contact avec l'imam de Ripoll,
34:51 le cerveau de l'attentat d'Hérens-Blas, juste avant l'attentat terroriste.
34:55 C'est en tout cas ce qu'affirme le journal Publico,
34:58 selon qui les services secrets espagnols avaient mis sous surveillance la cellule terroriste
35:02 quelques mois avant les attentats.
35:04 Je me suis dit, comment est-ce possible ? Qui est responsable de ça ?
35:08 Pourquoi, quand on demande une commission parlementaire,
35:13 nos chers élus sont aux abonnés absents,
35:16 alors que partout ailleurs dans le monde, on chercherait la responsabilité politique d'un tel attentat ?
35:22 Les traités internationaux encadrant le statut de victime,
35:26 et la législation espagnole elle-même,
35:29 exigent que l'ensemble des autorités compétentes
35:31 assument le rôle qui leur incombe à l'égard des victimes des faits.
35:35 Mais en Espagne, le Congrès des députés refuse de nommer une commission d'enquête.
35:40 On veut comprendre quelles erreurs ont été commises pour ne pas les commettre à nouveau.
35:46 Que les services de renseignement soient en cause parce qu'Es Sati l'aurait échappé,
35:50 ça reste à voir. Mais on ne peut pas mettre ça sous le tapis.
35:53 De nombreux indices attestent des liens entre Es Sati et les services secrets espagnols.
35:59 Il est avéré qu'il a reçu la visite des services secrets durant son séjour en prison.
36:04 Il est avéré par ailleurs qu'en 2016,
36:08 lorsque Es Sati est allé briguer le poste d'imam à la mosquée de Diem en Belgique,
36:13 le président de l'agglomération a déclaré avoir entendu Es Sati
36:17 en train d'avoir une conversation téléphonique en espagnol.
36:20 Il a dit avoir parlé à des agents secrets espagnols qui s'interrogeaient sur ses allées et venues.
36:26 Je ne sais pas si Es Sati était un indicateur,
36:32 ni les propos précis qu'il a pu échanger avec des fonctionnaires du renseignement espagnol.
36:37 Ce que je sais en revanche, c'est qu'à la lumière de ces circonstances,
36:42 les démarches nécessaires ont été entreprises afin qu'il soit établi
36:46 si ses contacts ou si ses relations pouvaient avoir eu le moindre lien concret avec les faits eux-mêmes,
36:51 avec les attentats commis sur les Ramblas et à Cumbrils.
36:55 Mais il s'est avéré qu'aucun lien n'a pu être mis en évidence,
36:59 si bien que cette hypothèse a été écartée des pistes envisagées durant l'instruction.
37:04 Pensez-vous qu'il subsiste des zones d'ombre autour de l'imam ?
37:09 Des informations dont nous ne pourrions avoir connaissance que dans quelques années ?
37:13 Oui, je pense qu'on ne sait pas encore tout.
37:17 Es Sati aurait pu nous révéler l'identité d'autres protagonistes éventuels de cette affaire,
37:22 qui seraient susceptibles de l'avoir incité à constituer cette cellule.
37:26 Selon moi, il reste dans cette enquête des zones d'ombre anticipées.
37:31 C'est ce que nous avons trouvé dans cette enquête, monseigneur.
37:35 L'État de la Rambla
37:39 La Rambla de la Rambla
38:05 La mère d'Omar, l'épouse de Mohamed Allah, la mère de Youssef Allah,
38:11 toutes sont ici aujourd'hui.
38:13 Le problème de ces deuils, c'est qu'ils sont proscrits.
38:32 Ils ne sont pas légitimes parce que mal acceptés.
38:35 Comment ces familles peuvent-elles éprouver de la peine à l'égard d'un terroriste ?
38:40 Depuis plusieurs jours, la communauté musulmane a clairement pris position
38:49 en différents endroits de la Catalogne contre la barbarie et ses causes.
38:53 Ici, à Ripoll, nous disons clairement ceci.
38:57 Non au terrorisme, non à la violence, oui à la paix.
39:00 Nous devons tous nous unir pour que cela ne se reproduise pas.
39:04 Pour moi, une chose est évidente.
39:23 Ces gamins n'ont pas agi tout seuls.
39:25 J'en suis certaine, j'y mettrai ma main au feu.
39:28 Ils n'ont pas agi seuls.
39:30 Et ça ne remonte pas non plus à de nombreuses années.
39:32 C'est un phénomène bien plus récent que ça.
39:34 Je ne peux pas non plus dire qu'ils se soient radicalisés.
39:37 La vérité, c'est qu'ils ont été manipulés.
39:40 Durant la première année après l'attentat,
39:46 nous avons tenté de croire que les membres de la cellule avaient agi seuls
39:49 et qu'il n'y avait rien d'autre à savoir.
39:52 Mais nous avions besoin de croire que le processus de radicalisation
39:55 impliquait une intervention extérieure,
39:58 peut-être par le biais de drogue.
40:01 Il nous était très difficile d'accepter que des gens dont on avait été proches
40:04 aient pu agir ainsi de leur propre volonté.
40:07 Mais au bout d'un an, l'enquête a révélé qu'ils avaient bien agi librement.
40:11 [Musique]
40:14 J'ai changé d'avis du tout au tout en voyant les vidéos.
40:39 Même si j'aurais préféré continuer à croire qu'on les avait manipulés,
40:42 j'ai compris que ça venait vraiment d'eux.
40:45 Ils avaient organisé et commis ces attentats.
40:48 Une personne qui commet un attentat est indéfendable.
40:57 Mais peut-être que plusieurs années avant, elle était vue comme quelqu'un de bien.
41:00 Et cela a eu beaucoup de répercussions à Ripoll.
41:03 Ici, plein de gens se sentent trahis.
41:06 On éprouve un sentiment de trahison et d'impuissance aussi.
41:09 A se dire que des gens qu'on connaissait ont été capables de faire de telles choses.
41:12 Quand je dis autour de moi que c'était des gars bien,
41:15 on me répond bien évidemment que s'ils avaient été des gars bien,
41:18 ils n'auraient pas tué tous ces gens.
41:21 J'ai beau dire ma vérité, on a du mal à me croire.
41:24 Je comprends que ça puisse sembler impossible qu'ils échangent à ce point.
41:27 Ça me paraît impossible à moi aussi.
41:30 Il s'agit d'un acte trop choquant.
41:33 Les gens ne conçoivent pas qu'un terroriste ait pu, à une autre époque, être quelqu'un de bien.
41:38 J'ai pleuré la mort d'un enfant de 3 ans.
41:41 Et j'ai pleuré la mort de Pao.
41:44 Mais j'ai aussi pleuré la mort de leur meurtrier.
41:47 J'aimerais vous expliquer comment c'est possible.
41:50 Mais moi-même, je ne comprends pas.
41:53 C'est contradictoire.
41:56 C'est politiquement incorrect.
41:59 Ça ne se dit pas. Je suis d'accord.
42:02 Ce sont des meurtriers, je suis d'accord.
42:05 J'aimerais avoir une explication, mais je n'en ai pas.
42:08 Il y a une méfiance à tous les niveaux, entre les Catalans de souche et les musulmans.
42:15 Mais aussi entre musulmans, d'après ce qu'ils disent eux-mêmes.
42:18 Avant l'attentat, je n'avais pas l'impression que l'identité musulmane était perçue comme clivante.
42:24 Ni dans la vie courante, ni en entreprise.
42:29 Mais depuis l'attentat, j'ai le sentiment qu'il règne une certaine méfiance.
42:33 Certaines personnes qui n'avaient peut-être pas de préjugés racistes jusque-là ont pu commencer à éprouver de la peur.
42:40 On sent de la peur.
42:42 Et avant, non ?
42:43 Non. On était normaux.
42:45 Et pour trouver du travail, par exemple ?
42:48 Ce n'est pas évident.
42:50 Moi, j'ai déjà du travail, mais si je devais trouver du boulot en ce moment, ce serait difficile.
42:54 Je prendrais plutôt un espagnol.
42:56 Si on veut mettre fin à l'islamophobie, je crois que le premier message qu'il faut faire passer, c'est que l'islam n'est pas un pays.
43:10 Il y a des hommes et des femmes marocains, turcs, madrilènes, barcelonais, qui entre autres choses sont musulmans.
43:19 Nous sommes musulmans, nous sommes terroristes !
43:30 Le second point fondamental, c'est que l'islamophobie n'est pas une opinion, c'est un délit.
43:37 Les gens nous prennent à partie.
43:40 Et encore plus depuis les attentats.
43:43 Dans la rue, dans le métro, dans les boutiques, quelle explication donner à un jeune de 13 ans sur le sens de ce qui s'est passé ?
43:53 Que dire ?
43:55 Ça pourrait m'arriver à moi, à ma mère, à mon père, à mes enfants, à n'importe qui.
44:02 C'est absurde.
44:04 Il n'y a aucune explication.
44:07 Critiquer l'islam est une chose.
44:10 C'est une démarche tout à fait légitime, et d'autant plus dans une démocratie.
44:14 Mais le fait de rejeter ou de haïr une personne parce qu'elle est musulmane, ou parce qu'on croit qu'elle est musulmane, c'est de l'islamophobie.
44:23 Et ce n'est pas une opinion, c'est un délit.
44:26 [Musique]
44:41 Cet attentat est une blessure que nous garderons pour toujours.
44:45 Barcelone ne l'oubliera pas.
44:48 Mais cet attentat n'a pas réussi à changer notre identité de ville ouverte.
44:52 Au contraire, cela nous a confortés dans nos valeurs.
44:56 Plus de 100 000 personnes se sont réunies pour dire "nous n'avons pas peur".
45:01 C'est le pire cauchemar de n'importe quel groupe terroriste, car le but d'un attentat est de faire régner la peur et la division.
45:09 [Cris de la foule]
45:12 Je pense à la France, au Royaume-Uni et aux États-Unis, où des attentats ont été suivis de déclarations de guerre.
45:20 [Cris de la foule]
45:23 Nous traînerons nos ennemis en justice, ici ou chez eux. Justice sera faite.
45:30 [Applaudissements]
45:35 C'est un acte de guerre et face à la guerre, le pays doit prendre les décisions appropriées.
45:42 Le président a dit que son pays était en guerre contre un ennemi intérieur.
45:48 Ici, le discours est différent.
45:52 Notre pays a dit "nous sommes unis contre le terrorisme, nous n'avons pas peur, ils ne nous diviseront pas et les auteurs de ces attentats font partie de notre pays".
46:02 [Applaudissements]
46:17 [Musique]
46:37 [Musique]
47:02 [Musique]
47:31 Dites-vous que les gens se souviennent du nom de l'imam et du nom des types de la cellule,
47:36 mais pas du nom entier de chacune des 16 victimes, ni des 192 morts du métro de Madrid, juste des méchants.
47:43 [Musique]
48:00 Je me suis dit que la musique pourrait peut-être nous aider à nous rassembler.
48:05 [Musique]
48:08 Et puis, je me suis fait cette réflexion simple, que la meilleure musique est parfois le silence.
48:14 Alors j'ai arrêté le morceau, j'ai coupé la musique, pour que les uns et les autres écoutent la mélodie intime qui vit en chacun de nous, d'autant plus en ces moments difficiles.
48:25 [Bruit de voiture]
48:54 [Musique]
49:19 [Musique]
49:48 [Musique]
49:58 [Musique]
50:08 [Musique]
50:37 [Musique]
50:42 [Musique]
50:53 [Musique]
51:03 [Musique]
51:13 [Musique]