Ils sont plus de 200 à signer une tribune dans Télérama. Titre de leur texte : "Journaliste et carte de presse, un mode d'attribution qui ne reflète plus la réalité du journalisme actuel".
Retrouvez l'édito média de Cyril Lacarrière sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-mediatique
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00:00 On commence la semaine par une fronde de journalistes.
00:04 Ils sont plus de 200 à signer une tribune en télérama.
00:07 Le titre de leur texte, "Journalistes et cartes de presse, un mode d'attribution qui ne reflète
00:12 plus la réalité du journalisme actuel".
00:14 La carte de presse, pour le grand public, ça ne représente pas grand chose.
00:17 Le plus souvent, les gens savent que ça nous permet de rentrer gratuitement dans un musée.
00:20 Mais ce n'est pas que ça.
00:21 Pour celles et ceux qui sont sur le terrain, cette petite carte en plastique a son importance.
00:26 C'est ce que rappellent les signataires.
00:27 En France, par exemple, elle permet d'entrer dans un ministère, de traverser une ligne
00:30 de police dans une manif.
00:31 Et ça peut aussi servir à rassurer une source qui se méfie.
00:35 Et cette carte est encore plus importante pour les journalistes qui sont dans des zones
00:39 de guerre, par exemple, pour passer un checkpoint.
00:41 Ou comme une preuve qu'ils ne sont pas des espions, même si, bien sûr, cette carte
00:45 ne suffit pas.
00:46 Bref, quand même, cette carte de journaliste est véritablement utile.
00:49 Oui, alors qu'est-ce qui coince ?
00:50 Et bien, ça devient de plus en plus compliqué d'obtenir une carte de presse.
00:54 Je vous explique en deux mots comment ça se passe.
00:56 Chaque année, le journaliste fait sa demande.
00:57 Pour qu'elle soit acceptée, il faut que le journalisme soit son occupation professionnelle
01:03 principale, que ça apparaisse comme tel sur sa fiche de paye et que ça représente au
01:07 moins la moitié de ses revenus.
01:08 Le problème, selon les signataires de la tribune, c'est que ces critères ne sont
01:12 plus en phase avec la réalité du métier.
01:14 Vous avez quelques exemples ?
01:15 Nous sommes le 27 novembre 2023.
01:18 Soirée de remise du prestigieux prix Albert Londres sur scène.
01:21 Alexandrin Jousset, lauréate l'année précédente pour son enquête sur la ministre
01:25 Wagner.
01:26 50% des journalistes lauréats du prix Albert Londres n'ont pas de carte de presse.
01:31 La moitié des lauréats du prix Albert Londres, un prix qui récompense le travail de journaliste,
01:35 n'a pas la carte professionnelle des journalistes.
01:37 Quelques minutes plus tard.
01:38 Je suis partie en Syrie sans carte de presse parce qu'elle m'a été refusée.
01:42 Ça, c'est Hélène Lamtrong, prix audiovisuel Albert Londres 2023 pour son reportage sur
01:47 Daesh, les enfants fantômes.
01:49 Et ce n'est pas terminé.
01:50 Victor Castanet, le journaliste qui a révélé le scandale des EHPAD hors PA, prix Albert
01:55 Londres 2022 pour les Fossoyeurs.
01:56 Alors, ça va être le running gag de la soirée, mais moi non plus, je n'ai pas eu droit à
02:00 la carte de presse cette année.
02:01 Un peu plus tard.
02:03 Dans la soirée, c'est Wilson Fache qui monte sur scène.
02:06 Il reçoit le prix Albert Londres 2023 pour la presse écrite.
02:09 Lui, c'est différent.
02:10 Il est belge.
02:11 Merci à l'association des journalistes professionnels de Belgique, l'AGP, qui m'a donné ma carte
02:15 de presse.
02:16 En Belgique, on doit être un peu bête, on donne des cartes de presse aux journalistes.
02:19 En Belgique, on donne sa carte de presse aux journalistes.
02:21 Dans la tribune, il est écrit que pour la commission de la carte, « Seule compte la
02:25 nature du contrat passé avec l'employeur, sans égard pour la nature journalistique
02:29 du travail réalisé ». Alors même que le Conseil d'État a déjà jugé, je cite,
02:33 « que seule la nature du travail réalisé confère la qualité de journaliste ».
02:37 Donc, Cyril, ça veut dire que la commission a vraiment tout faux ?
02:39 Non, car il y a des abus, ceux notamment des maisons de production qui s'arrangent pour
02:43 payer des journalistes autrement que comme des journalistes et qui profitent des allocations
02:47 chômage.
02:48 Grâce à ça, la commission tente comme elle peut de protéger la profession.
02:52 Mais ce n'est pas une raison pour que tout un pan de ce métier soit pénalisé.