La question de l'islamisme radical dans notre pays est très loin d'être réglée. Dans son ouvrage "Etat des lieux du salafisme en France", Pierre Conesa, historien spécialiste des questions stratégiques internationales, établit les différentes manifestations sociales de rupture et de contestation des lois républicaines dans l'espace public - depuis les refus de minutes de silence aux menaces adressées à des représentants de l'État. Le parti pris de l'auteur est de nous dire qu'à ne s'intéresser qu'aux attentats commis ou aux actes les plus relayés par les médias, nous passons à côté de l'ampleur du phénomène : 1 547 cas de comportements séparatistes et de contestations de la loi républicaine en deux ans, 627 cas déclarés de contestation religieuse dans l'école publique pour la seule année 2021, 58 attentats déjoués depuis 2015... Combien de morts faudra-t-il pour ouvrir les yeux de nos dirigeants ?
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00:06 Bonjour à tous, bienvenue dans notre Zoom aujourd'hui en compagnie de Pierre Conesa. Bonjour monsieur.
00:12 Bonjour.
00:13 Pierre Conesa, ancien élève de l'ENA, ancien haut fonctionnaire au ministère de la Défense,
00:18 mais avant tout historien spécialiste des questions stratégiques internationales.
00:22 Vous publiez cet ouvrage à l'aube "État des lieux du salafisme en France, du séparatisme au terrorisme" à retrouver, comme d'habitude, sur la boutique officielle de TV Liberté.
00:34 Commençons, Pierre Conesa, avec ce salafisme. Qu'est-ce que c'est le salafisme aujourd'hui ?
00:40 Alors étymologiquement, le salafisme, c'est donc une pratique de l'islam qui se veut la plus proche de celle qu'avaient été les compagnons du prophète, c'est-à-dire les salafs.
00:49 Donc, vous voyez, c'est une référence à une pratique qui est celle contemporaine du prophète,
00:55 et effectivement, ce sont des musulmans qui, en dépit de toutes les évolutions qu'a connues l'islam depuis ce moment-là,
01:02 considèrent que seules leurs ressources vaut pratiques véritables.
01:07 Alors, il faut faire un petit retour en arrière, simplement pour expliquer l'origine du terme et de son évolution.
01:13 En fait, au XVIIe siècle, en plein milieu du désert d'Arabie Saoudite, où justement aucune colonisation n'avait pénétré, personne ne s'intéressait à ce désert,
01:24 apparaît un homme qui s'appelle Abdel Wahab qui va dire "mais en fait, le seul véritable islam, c'est le nôtre, puisque partout ailleurs, il s'est perverti".
01:31 Rappelez-vous qu'à l'époque, le calife était ottoman, par exemple.
01:34 Et donc, il va prôner, si vous voulez, ce retour aux sources qui va ensuite se diffuser.
01:39 Donc, on appellera ça, nous, le wahhabisme, mais en fait, c'est le salafisme, c'est-à-dire, encore une fois, la pratique originale.
01:44 Et c'est donc celle-là que l'Arabie Saoudite va encourager dans le contexte de la guerre froide, puisque rappelez-vous,
01:49 la religion était censée être un obstacle au communisme.
01:52 Donc, on a encouragé cette pratique du salafisme à l'époque où on considérait que la priorité était la lutte contre le socialisme et le communisme.
01:59 – "On", c'est qui "on", d'ailleurs ?
02:00 – Ce sont les Occidentaux pour l'essentiel, c'est-à-dire qu'effectivement, la première cible d'Abdel Wahab,
02:07 enfin, en tout cas, de la dynastie saoudienne, rappelez-vous, c'est que…
02:12 D'abord, c'est de prendre le contrôle des lieux saints, puisque la famille saoude n'a pas de légitimité religieuse,
02:17 elle n'est pas descendante du prophète.
02:19 Et donc, après la fin de la guerre de 14-18, en fait, les Saoudiens vont prendre le contrôle des lieux saints,
02:26 ils vont chasser le shérif de l'Abbad, qui est le seul véritable héritier, si vous voulez, légitime de la famille du prophète.
02:32 Et à partir du moment où ils contrôlent ces lieux saints, si vous voulez, ils vont mener une politique extérieure
02:36 qui va être essentiellement tournée contre le socialisme arabe.
02:39 Et contre le socialisme arabe, rappelez-vous, à l'époque, le grand homme, c'était Nasser.
02:43 C'était Nasser qui était le phare de cette modernisation du monde arabe,
02:47 contre lequel les Saoudiens vont déployer tous leurs efforts, notamment en diffusant un peu partout,
02:51 et y compris dans la zone sahelienne, région qui nous intéresse aujourd'hui, si vous voulez, des prédicateurs.
02:55 Alors, ce qui est intéressant, c'est qu'il constitue quelque chose qui sera un miroir de ce que fait Nasser.
03:00 C'est-à-dire, quand Nasser fait la Ligue arabe, l'Arabie saoudite crée la Ligue islamique mondiale.
03:05 L'université Al-Azhar était le grand centre religieux de l'islam.
03:08 Les Saoudiens créent l'université islamique de Médine.
03:11 Et alors, en plus, à l'université islamique, les gens avaient une pension et ils étaient logés,
03:16 alors qu'à Al-Azhar, il fallait qu'ils se débrouillent.
03:18 Et donc, ils ont joué cette espèce d'attraction d'un certain nombre d'élites
03:21 qu'ils ont dérivées de l'Égypte pour les amener chez eux, avec, encore une fois, cette pratique radicale.
03:27 Le principal ennemi, c'est le socialisme arabe.
03:29 Donc voilà, c'était l'époque de l'Est-Ouest, on raisonnait en binaire.
03:33 – Alors, depuis les tueries de Mohamed Merah, c'était en 2012,
03:37 jusqu'à l'assassinat des professeurs Samuel Paty et Dominique Bernard,
03:40 et plus récemment, d'un touriste allemand à Paris.
03:43 La France connaît une accélération du terrorisme islamique.
03:47 Pour vous, la pression, cette pression islamiste, a commencé dès 2002.
03:52 Quels ont été les premiers signes avant-coureurs de cette pression ?
03:56 – Écoutez, il y a un historique qui, évidemment, est une espèce de granulométrie,
04:00 puisqu'on commence avec des attentats assez simples, si vous voulez,
04:02 dans lesquels on ne met pas en évidence le caractère islamiste,
04:06 si vous voulez, de ces attentats, mais surtout,
04:10 on a une espèce de posture qui est une "France terre d'asile".
04:15 "France terre d'asile", ça veut dire que n'importe quel individu
04:19 qui est menacé par son gouvernement a droit à l'asile en France.
04:24 Or, il se trouve que la France est le pays qui a accueilli
04:27 la plus grosse communauté musulmane, la plus grosse communauté juive,
04:29 la plus grosse communauté arménienne, la plus grosse communauté chinoise,
04:33 la plus grosse communauté vietnamienne.
04:34 Donc, dire que la France est un pays intolérant me paraît un peu difficile.
04:37 Par contre, ce qu'il faut constater, c'est qu'il y a une partie
04:39 de cette communauté musulmane qui est en rupture avec la République
04:43 et qui considère qu'elle a droit à des lois dérogatoires.
04:46 Donc, je suis très jour étonné quand on considère que c'est la France
04:48 qui doit se modifier et non pas que ce sont ces fameux séparatistes
04:52 qui vont avoir ensuite une espèce de discours de la victimisation,
04:55 puisque la France ne veut pas bouger.
04:56 Ça commence avec les affaires du voile à Creil, etc.
04:59 Et à chaque fois, si vous voulez, le discours développé,
05:01 c'est "on en veut aux musulmans".
05:03 Le fait que les musulmans soient adaptés, encore une fois,
05:05 moi je suis très frappé du fait que les Français de communauté musulmane,
05:09 majoritairement, sont intégrés à la République.
05:12 On connaît tous dans notre environnement un médecin,
05:14 un présentateur de télévision, des joueurs de football,
05:16 des écrivains qui ne posent aucun problème.
05:19 Donc, l'intérêt, il ne faut pas généraliser, si vous voulez,
05:22 cette attitude de rupture qui est le propre de ces salafistes,
05:25 parfois d'ailleurs des deuxième et troisième génération,
05:28 qui vont se mettre en opposition et légitimer la violence
05:31 par l'idée qu'ils sont persécutés, parce qu'on leur refuse…
05:34 – Et comment vous expliquez que c'est parmi cette communauté musulmane
05:37 qu'il y a le plus d'individus demandant des règles communautaires,
05:43 d'adaptation de la France à leurs règles à eux ?
05:45 – Oui, c'est vrai que c'est une question essentielle.
05:47 Pendant longtemps, on s'est contenté de dire
05:49 "oui, mais il faut adapter la loi française".
05:51 Jusqu'au moment où, effectivement,
05:53 si cette idéologie salafiste légitime la violence,
05:56 il y a un moment où il faut remonter aux sources.
05:58 Et remonter aux sources, ça vous aurait dit
05:59 qu'il fallait se fâcher avec l'Arabie saoudite.
06:02 Or, vous remarquerez que, dans beaucoup de circonstances,
06:05 y compris le 11 septembre,
06:06 il n'y avait qu'un Saoudien sur 19 terroristes quand même,
06:09 dans l'affaire Khashoggi,
06:12 on sait que ça s'est fait dans un consulat saoudien,
06:14 vous remarquerez qu'on a toujours évité
06:17 de mettre en accusation le gouvernement saoudien.
06:19 C'est-à-dire que nous, nous sommes mis nous-mêmes
06:21 dans une dépendance vis-à-vis de ce régime,
06:23 et ce n'est pas en ce moment où on veut mettre
06:24 de l'embargo pétrolier sur l'Iran, sur la Russie
06:26 et sur tous les autres, qu'on va se fâcher
06:28 avec l'Arabie saoudite.
06:28 Donc, il y a une espèce de tolérance,
06:30 tolérance coupable,
06:32 contre laquelle on n'a quasiment pas réagi.
06:34 Et donc, on a laissé se développer des mosquées
06:37 avec des prédicateurs salafistes
06:38 qui venaient directement de l'Arabie saoudite
06:40 ou qui étaient formés à l'université islamique de Medine.
06:44 Regardez le cas au Mali.
06:45 – Est-ce que cette dépendance, excusez-moi,
06:47 ça remonte aux années 70, au moment des chocs pétroliers,
06:50 où la France avait été négociée avec les puissances du Golfe,
06:55 des contrats favorisant le commerce,
06:59 avec des prix relativement faibles pour donner à la France
07:04 un accès à un pétrole abondant et bon marché ?
07:07 – Oui, mais je pense que, si vous voulez,
07:08 ce serait négliger l'évolution interne du monde musulman.
07:11 C'est-à-dire qu'effectivement, rappelez-vous cette époque
07:15 où les grands leaders du monde arabe
07:17 étaient les dirigeants socialistes arabes.
07:18 C'était Nasser, c'était Boumdiène, c'était Kadhafi, etc.
07:21 Et en fait, à partir du moment où ce sont ces régimes-là
07:24 qui sont en difficulté, la poussée salafiste
07:27 va les menacer eux directement.
07:29 Rappelez-vous les dix années de guerre civile en Algérie quand même.
07:31 Et donc, on est face à une situation où,
07:34 moi je ne situerais pas ça dans un bilatéralisme occident-arabe-saoudite,
07:38 il y a une évolution qu'on n'a pas surveillée
07:40 dans le monde arabo-musulman et qui était cette évolution dramatique,
07:43 si vous voulez, qui s'est concrétisée par des formes violentes.
07:47 Mais on se disait après tout, est-ce qu'on va se mêler de la crise algérienne ?
07:50 Alors si, on s'en mêlait, parce que justement,
07:52 rappelez-vous l'évolution, le FIS, c'est la voie électorale,
07:56 les groupes islamiques armés, c'est la résistance violente contre le régime,
08:00 et puis le GSPC, ça va être la forme quasiment exterminatiste,
08:03 c'est une espèce de prémisse de Daesh.
08:06 Eh bien, nous avons accueilli des gens des GIA,
08:09 des groupes islamiques armés,
08:10 parce qu'ils étaient persécutés par le régime,
08:12 et aujourd'hui les Algériens nous disent
08:13 "mais vous n'avez jamais voulu nous les extrader pour qu'on les juge".
08:16 Vous voyez, il faut rappeler ces épisodes-là,
08:18 parce que quand aujourd'hui on dit que l'Algérie n'accueille pas,
08:20 il ne reprend pas ses toérandristes.
08:22 – On a été les premiers alors.
08:23 – On a été les premiers, et puis surtout le droit d'asile indistinct,
08:26 on le voit avec les affaires récentes,
08:28 le droit d'asile indistinct, ça veut dire c'est introduire des gens
08:30 qui ne veulent pas s'intégrer dans la société française.
08:33 – Les pouvoirs publics se sont saisis du problème séparatiste dès 2003,
08:38 notamment en milieu hospitalier,
08:40 c'était avec la commission Stasi sur la laïcité,
08:43 mais combien vous les recensez dans votre ouvrage ?
08:47 D'études, de rapports, de chartes, de commissions d'enquête,
08:51 de notes confidentielles, et dans tous les secteurs,
08:53 l'armée, l'école, à l'hôpital, dans le sport,
08:56 dans les forces de police, dans l'administration,
08:58 ont suivi, et pour quels résultats ?
09:01 – Oui, ce qui est important c'est ce listing,
09:03 c'est-à-dire que ça vous montre combien il y a eu une attitude séparatiste
09:06 qui s'est posée, parce que ce n'est pas toujours violent.
09:09 Ça pouvait être des contestations dans l'école,
09:10 ça pouvait être des demandes de salles de prière
09:13 dans des lieux comme l'hôpital, etc.
09:15 – La piscine, etc.
09:16 – La piscine, et donc on s'aperçoit que c'est le séparatisme
09:20 qui progressivement amène ensuite à la violence.
09:24 Pourquoi ? Parce qu'au fur et à mesure que ce séparatisme
09:26 pousse ses pions, et que comme l'État républicain résiste,
09:29 automatiquement il y a un renversement de la charge de la preuve.
09:32 Pourquoi est-ce qu'on nous refuse le voile à l'hôpital ?
09:34 Pourquoi est-ce qu'on nous refuse les salles de prière ?
09:36 Donc ce discours de la victimisation est celui qui a légitimé ensuite
09:39 le passage à l'acte violent.
09:41 Et c'est pour ça que le recensement me paraît dans le continuum,
09:43 si vous voulez, c'est comme ça qu'il faut le comprendre.
09:45 – On dit toujours que la République n'est pas très bonne gouvernante,
09:49 mais qu'elle sait très bien se défendre.
09:50 Là, en l'occurrence, on voit à quel point elle montre ses faiblesses, ses failles.
09:55 – Oui, c'est vrai.
09:56 Mais cela dit, on a aussi, si vous voulez, eu des pratiques extérieures
10:01 qui étaient effectivement assez critiquables.
10:04 Rappelez-vous quand même que le dernier acte gaulliste,
10:06 c'est les Chiracs refusant d'aller en Irak, et il avait raison.
10:09 Il avait raison, on savait que cette…
10:11 D'abord, regardez ce glissement extraordinaire du 11 septembre.
10:15 Le 11 septembre, donc 15 Saoudiens sur 19 terroristes,
10:18 et Georges Bush en janvier 2002 fait le discours sur l'État de l'Union,
10:21 et il désigne l'Iran, l'Irak et la Corée du Nord.
10:23 Vous imaginez l'état des Nord-Coréens
10:25 quand ils ont appris qu'ils étaient victimes collatérales du 11 septembre.
10:28 – La farce.
10:29 – Et donc il va s'enchaîner là-dessus l'invasion de l'Afghanistan,
10:32 au prétexte que Ben Laden était là-bas, et puis ensuite l'invasion de l'Irak.
10:37 – On a voulu nous faire croire qu'il y avait un rapport
10:39 entre un fondamentaliste islamique et un Ba'athiste laïque.
10:42 – Ben oui, absolument, absolument.
10:44 Et puis rappelez-vous qu'en Afghanistan, les Afghans,
10:47 les Russes étaient restés 10 ans,
10:49 les Américains vont y rester 20 ans pour le même résultat,
10:51 c'est-à-dire que les talibans reviennent.
10:53 Et pour l'Irak, ça…
10:54 – 3 000 milliards de dollars, je crois, de dépenses en Afghanistan
10:56 pour zéro au final.
10:57 – On ne va pas s'arrêter à ces détails.
10:59 Non, mais ce qui est intéressant sur l'Afghanistan,
11:01 c'est quand les Américains se rendent compte,
11:03 probablement comme les Russes,
11:05 que les Afghans ne sont pas vraiment aussi faciles à réprimer que ça.
11:09 En deux mots pour vos électeurs,
11:11 l'Afghanistan c'est très simple, c'est une zone de confins,
11:13 c'est-à-dire c'est une zone où de multiples vallées,
11:15 si vous voulez, partagent l'un d'eux couche.
11:17 Ça veut dire que comme ce sont des populations
11:19 qui avaient été persécutées par les empires environnants,
11:22 c'est une zone dans laquelle se sont réfugiés
11:23 des tas de populations différentes.
11:24 Donc vous pouvez toujours prendre la capitale,
11:26 mais après il faut prendre toutes les vallées l'une derrière l'autre.
11:29 Et donc quand ça a commencé un peu à patouiller,
11:31 les Américains ont inventé l'idée de libérer la femme afghane.
11:34 Vous vous souvenez de cet épisode ?
11:35 C'était surtout à usage interne.
11:37 – Oui, bien sûr.
11:37 – C'était pas pour les…
11:38 – Pour la petite fille, il faut qu'elle puisse aller à l'école, etc.
11:39 – Voilà, c'est ça.
11:40 Et puis en fait, dès que les talibans sont revenus,
11:41 on est revenus à la situation antérieure.
11:43 – Vous citez dans votre ouvrage, Pierre Conesa,
11:45 une étude du Centre d'analyse du terrorisme,
11:48 qui dit que la France est le pays occidental
11:51 le plus concerné par le séparatisme islamique devant les États-Unis.
11:57 Comment vous expliquez ça ?
11:59 – D'abord parce qu'on a une vieille tradition
12:00 de relation avec le monde arabe, que les Américains n'ont pas.
12:03 Les Américains y allaient pour faire des opérations militaires
12:06 ou éventuellement pour protéger un régime ami.
12:08 Mais en tout cas, nous, nous avons cette vieille relation
12:11 héritée de la colonisation, qui fait que de toute façon,
12:14 rappelez-vous l'accord franco-algérien ou le regroupement familial,
12:17 c'est-à-dire qu'on a toujours considéré une dimension sociale
12:20 dans nos relations avec le monde arabe.
12:22 Et donc, il ne faut pas s'étonner qu'effectivement,
12:24 il y ait cette, comment dire encore une fois,
12:26 cette grosse communauté musulmane.
12:28 Je vous le dis, la France est le pays qui a la plus grosse
12:30 communauté musulmane en proportion
12:32 par rapport aux autres pays de l'Union Européenne.
12:34 Alors, les États-Unis, c'est un problème marginal pour eux.
12:37 Donc effectivement, pour cette raison-là, la France…
12:40 Et deuxième chose, c'est que la France a toujours défendu la laïcité,
12:43 chose qui est incompréhensible pour des religieux.
12:46 Puisque la laïcité, ce n'est pas pour y déléger une religion,
12:49 c'est au contraire de les traiter toutes de la même manière.
12:51 Et c'est très difficile à faire comprendre à des gens
12:53 qui effectivement vont s'identifier complètement
12:56 avec leur propre religion.
12:59 Je vous signale aujourd'hui quand même que,
13:02 dans les années 80, tous les chercheurs s'intéressaient
13:05 à la poussée du religieux.
13:07 Moi, ce qui me frappe, c'est que dans les années 90,
13:08 c'est la poussée des radicalismes, partout,
13:11 y compris dans le bouddhisme et dans l'hindouisme.
13:13 Et donc, si vous voulez, l'islam en est une partie
13:15 qui nous concerne, nous, directement.
13:17 Mais c'est évident qu'aujourd'hui, il y a plus de musulmans massacrés
13:20 que de non-musulmans massacrés, en Inde, en Birmanie, etc.
13:23 Et surtout, le terrorisme islamique tue beaucoup plus
13:25 de musulmans que de non-musulmans.
13:27 Donc, vous voyez ce paradoxe, comment il faut descendre près,
13:29 à certains moments, l'analyse.
13:31 – L'apologie du terrorisme, vous l'indiquez,
13:34 n'est condamnée que depuis la loi du 13 novembre 2014.
13:38 385 condamnations ont été prononcées l'année suivante, en 2015.
13:44 On a l'impression que le législateur,
13:46 que le pouvoir est toujours en retard d'un attentat.
13:49 – Oui, mais c'est normal, on vit dans une société de liberté,
13:52 vous ne pouvez réprimer qu'une fois que la loi est posée.
13:54 Donc, ça, c'est un principe des sociétés démocratiques,
13:56 mais c'est surtout ce qui se passe après.
13:59 Parce que finalement, vous êtes condamné pour l'apologie du terrorisme,
14:01 mais si jamais, derrière ça, il y a condamnation,
14:05 expulsion prononcée par le juge français,
14:07 et puis qu'ensuite, vous vous trouvez avec l'individu
14:09 qui doit quitter le territoire,
14:10 obligation de quitter le territoire français, on appelle ça.
14:12 C'est à vous dire, on vous dit, vous avez un monsieur,
14:14 vous avez un mois pour quitter la France.
14:16 Et donc, les OQTF, si le pays d'accueil
14:19 ne refuse de le laisser passer consulaire, il reste en France.
14:22 Et donc, on est dans cette situation étonnante
14:24 où les OQTF ne sont pas appliqués,
14:26 je crois qu'il y en a à peu près 7% qui sont effectivement appliqués.
14:29 Et surtout, ces gens-là vivent au crochet de la République.
14:31 Puisque finalement, il faut les loger, nourrir Blanchy,
14:34 c'est-à-dire mieux traiter que les SDF français.
14:36 – Depuis qu'il y a des condamnations pour terrorisme,
14:39 340 détenus condamnés pour ce motif sont sortis de prison.
14:43 Est-ce qu'on sait où sont ces gens ?
14:45 Et est-ce qu'ils sont encore sous contrôle judiciaire ?
14:48 Que fait la justice de ces cas-là ?
14:50 – Souvent, on a… alors, quand c'est des binationaux,
14:53 on a souvent une obligation de quitter le territoire français,
14:55 mais avec cet haut de pratique que je vous ai cité.
14:58 Les autres redeviennent des citoyens français normaux,
15:01 mais encore une fois, les services de police, si vous voulez,
15:03 sont submergés par la statistique.
15:07 Bon, vous savez qu'aujourd'hui, dans les fichiers S,
15:10 ce qu'on appelle les fichiers S,
15:10 mais qui est un espèce d'agrégat très hétérogène,
15:12 où vous avez aussi bien l'homme qui frappe sa femme
15:14 que le terroriste islamiste,
15:16 vous avez le FSPRT, c'est-à-dire le haut de gamme, si vous voulez,
15:20 qui sont les individus les plus dangereux.
15:22 – Oui, le fichier des signalements pour la prévention
15:24 de la radicalisation à caractère terroriste.
15:26 – Donc là, on est bien dans le cœur même du sujet.
15:29 On en a à peu près 4 000.
15:30 Bon, si vous considérez que pour suivre un individu,
15:33 il faut environ 10 policiers,
15:35 vous imaginez combien il faudrait de policiers ?
15:37 Donc, si on ne vide pas ce stock,
15:39 de toute façon, on va obligatoirement laisser passer des gens
15:42 qui retrouveront leurs activités premières,
15:44 qui éventuellement mèneront d'autres actes terroristes,
15:46 on a des exemples, et donc, on est sur quelque chose
15:49 où il y a une contradiction entre la sécurité et la pratique,
15:51 si vous voulez, je dirais, laxiste des droits de l'homme.
15:55 – Sans compter les 18 mosquées qui étaient sous contrôle permanent,
15:59 et apparemment, c'est le ministre de l'Intérieur
16:02 qui a découvert ce chiffre après la mort de Samuel Paty.
16:05 Est-ce qu'on sait si ces mosquées sont toujours ouvertes ?
16:09 Est-ce que combien d'hommes sont sur le terrain
16:12 pour contrôler ce que raconte l'imam à l'intérieur ?
16:15 – C'est-à-dire qu'effectivement, la mosquée peut être gérée
16:20 par un personnel qui est lui-même salafiste,
16:22 ou on peut aussi imaginer qu'il soit géré par des imams
16:26 formés dans la République, donc si vous voulez,
16:27 ce n'est pas le lieu de culte qui importe, c'est l'équipe qui est dedans.
16:31 Je ne sais pas où on en est, si vous voulez,
16:33 en matière de fermeture de ces lieux de culte,
16:35 parce que c'est compliqué de fermer un lieu de culte,
16:37 il y a aussi tous les brochants qui vont faire leur prière là-bas,
16:40 et donc, encore une fois, on revient sur le cas d'individus
16:43 pour lesquels il faut appliquer des sanctions,
16:45 et ces sanctions, ça peut être soit de les évincer de la mosquée,
16:48 soit s'ils sont binationaux, c'est de les expulser,
16:51 et puis il reste cette question que vous avez ouverte,
16:52 qui est celle de la déchéance nationalitaire,
16:55 qui n'a toujours pas été réglée.
16:56 – 2014 était l'année de proclamation de l'État islamique,
17:00 il y a 1 200 djihadistes, hommes et femmes,
17:03 partis de France pour rejoindre l'Irak et la Syrie,
17:07 est-ce qu'on peut dresser aujourd'hui un portrait robot du djihadiste ?
17:13 – Non, on ne peut pas dresser de portrait robot,
17:15 au contraire, parce que ça couvert, si vous voulez,
17:18 une espèce de sociologie très ouverte,
17:20 c'est-à-dire qu'on a eu aussi bien, si vous voulez,
17:22 le délinquant de banlieue qui découvre la religion pour se réhabiliter,
17:25 qui va partir défendre l'État islamique,
17:28 on a eu aussi des femmes dont on ne sait pas toujours
17:29 si elles sont parties volontairement ou si elles ont été emmenées par leur mari,
17:33 on a eu aussi des gens qui étaient pourtant des gens diplômés,
17:36 qui se sont ralliés, mais dans une proportion moindre,
17:38 donc on n'a pas de sociologie à proprement parler,
17:41 il y a eu des études, mais encore une fois,
17:42 la question c'est combien, finalement, ont été tués sur place,
17:45 c'est-à-dire qu'est-ce qui revient ensuite ?
17:47 Et vous avez vu avec le débat,
17:49 avec le fait que quand l'État islamique s'est écroulé, enfin a été battu,
17:54 donc ce sont les Kurdes qui, pour l'essentiel,
17:57 ont ouvert des prisons pour ces anciens djihadistes,
18:00 et vous voyez bien qu'on a effectivement une problématique qui est récurrente,
18:03 c'est-à-dire que fait-on des citoyens français qui sont là-bas ?
18:06 Alors l'attitude du gouvernement était de dire du cas par cas,
18:09 ce qui me paraissait être du bon sens,
18:10 mais en même temps il y avait une pression du genre,
18:11 ce sont des citoyens français donc il faut qu'ils rentrent.
18:13 – Mais du bon sens, vous parlez de bon sens,
18:15 mais les gens qui sont partis pour faire la guerre
18:19 et qui ont tourné le dos à la France,
18:20 est-ce que c'est du bon sens de les ramener, même en faisant du cas par cas ?
18:23 – C'est pour ça que la question de la déchéance de nationalité était importante,
18:26 parce que si vous avez là-dedans des binationaux,
18:29 vous pouvez très bien considérer que de toute façon
18:31 ils ont renoncé à leur nationalité française
18:32 et donc vous pouvez les déchoirer de leur nationalité.
18:35 – Mais pour ceux qui ne sont pas binationaux ?
18:36 – Alors pour ceux qui ne sont pas binationaux,
18:38 à ce moment-là ce problème ne vous concerne plus.
18:40 Vous voyez ce que je veux dire ?
18:40 Le problème c'est ceux qui ne sont que nationaux,
18:42 c'est ceux-là qu'effectivement il faut envisager de traiter.
18:45 Mais rappelez-vous quand même cette extraordinaire pantalonnade
18:48 de la déchéance de nationalité ouverte par François Hollande
18:51 après les attentats de 2015.
18:53 C'est-à-dire qu'on avait effectivement une proposition politique
18:56 qui était extrêmement importante,
18:57 qui était quand même de déchoir de nationalité,
18:59 des binationaux qui étaient sur le territoire français
19:01 dans des postures salafistes.
19:03 Hollande a reculé, il a même dit après coup qu'il les regrettait.
19:05 La seule chose qu'il regrettait de sa présidence
19:08 c'était d'avoir posé la question.
19:09 Donc on est un peu désarmé, si vous voulez,
19:11 face à ce genre de personnel politique.
19:13 – Est-ce qu'on sait pourquoi il a reculé justement ?
19:16 – Il a reculé en grande partie parce que l'argumentaire
19:18 était un argumentaire théorique de droit,
19:21 c'est-à-dire la France ne peut pas ne pas.
19:23 Vous savez, l'argumentaire est souvent de cette nature-là,
19:28 c'est-à-dire la France paye des droits de nom en permanent
19:31 au Conseil de sécurité et puissance nucléaire, ne peut pas ne pas.
19:34 Une fois que vous avez dit ce genre de choses,
19:36 vous donnez la réponse dans votre déclaration.
19:39 Moi une fois je me suis amusé à écrire un télégramme diplomatique
19:41 sans objet comme ça, parce que j'en lisais tellement
19:44 dans lesquels il fallait qu'on intervienne à droite ou à gauche
19:47 parce que la défense des droits de l'homme,
19:48 parce que notre politique, etc.
19:50 Je n'avais même pas précisé le lieu ni la date,
19:52 il suffisait de remplir les blancs.
19:53 Parce que je l'avais lu des milliers de fois.
19:55 Le système diplomatique français porte, si vous voulez,
19:58 un discours officiel qui est l'image de la France.
20:00 Mais quand vous dites l'image de la France
20:02 et que vous ne vous tenez pas compte de la situation locale,
20:04 le fait de les faire arriver en France peut présenter un danger,
20:07 et effectivement on l'a vu avec la famille Hans-Orof,
20:10 la famille de l'assassin de Samuel Paty, tchétchène.
20:14 Ils avaient un a priori positif,
20:16 les pauvres tchétchènes massacrés par les Russes.
20:18 Le gosse arrive à l'âge de 2 ans, il fait l'école républicaine
20:21 et c'est lui qui va venir dans un collège qu'il ne connaît pas
20:25 pour décapiter Samuel Paty.
20:27 Et quand il est abattu par la police, son père le félicite
20:30 et toute la famille rentre en Tchétchénie.
20:32 Alors moi j'étais pour qu'on examine son dossier,
20:34 leur dossier quand même, qui avait laissé passer ces gens-là.
20:38 Même remarque avec la famille Bogouchkov,
20:40 c'est-à-dire la famille du jeune type
20:42 qui a assassiné le professeur Philippe Bernard,
20:44 où là les ONG se sont opposés à l'extradition qui était prête,
20:48 c'est-à-dire qu'il était quasiment aux portes de l'avion.
20:50 Et s'il préfère reculer, c'est encore une fois
20:52 à cause de cette pression, la France, pays des droits de l'homme.
20:54 Cela dit, le gosse a encore assassiné un professeur après.
20:57 Donc au bout du compte vous vous dites,
20:58 mais quand est-ce qu'on va cesser de faire du purisme
21:02 au lieu de faire de la réalité ?
21:04 Parce qu'encore une fois, on ne viole pas les droits de l'homme
21:06 si on accueille un individu,
21:07 sinon il aurait fallu accueillir Hitler en 1933.
21:09 – Deux questions peut-être sur lesquelles on peut aller
21:12 un peu plus rapidement, Pierre Conesa,
21:14 celle du conflit avec l'État islamique
21:17 pendant lequel on avait appris que des combattants français de Daesh
21:20 continuaient à percevoir des allocations,
21:25 donc l'État français finance le terrorisme.
21:27 Quelle a été la réaction de l'État français quand il a appris ça ?
21:31 – Encore une fois, la question c'est,
21:32 est-ce que les services sociaux étaient informés
21:33 que l'individu qui devait toucher ces prétentions était parti ou pas ?
21:37 Donc si vous voulez, ça pose un problème de police important,
21:40 c'est-à-dire qu'est-ce que vous communiquez en tant que service de police ?
21:42 Si vous voulez surveiller son environnement,
21:44 vous ne signalez pas aux services sociaux
21:48 qu'il faut arrêter de les payer.
21:50 Donc il y a une espèce d'ambiguïté effectivement
21:51 qui tient évidemment aux nécessités policières
21:54 et puis au fait qu'effectivement il y a une inertie,
21:56 si vous voulez, c'est-à-dire qu'on paye
21:58 parce que chaque mois il doit toucher ses prestations.
22:00 Cela dit, ce n'est pas ça qui, à mon avis,
22:01 a fait vivre l'État islamique quand même.
22:04 Les terroristes enlèvent des personnes françaises,
22:09 l'État français veut les récupérer, c'est normal,
22:12 mais ils négocient de l'argent.
22:14 On sait que la rançon a été négociée par la France
22:16 pour quatre otages au Mali, dont cette femme franco-suisse,
22:19 Anne-Sophie Petronin, on s'en souvient,
22:21 elle était revenue en France,
22:23 puis finalement elle nous a dit qu'elle s'était convertie à l'islam
22:25 et puis elle est repartie là-bas.
22:28 Qu'est-ce que vous pensez de ces rançons ?
22:30 Il y a tout un tas de pays dans le monde qui ne négocient pas
22:33 et qui disent "bon ben la personne, elle a pris ses responsabilités,
22:36 elle s'est fait prendre en otage, elle assume maintenant".
22:39 – Vous savez, il y a entre ce que disent les pays et ce qu'ils font,
22:44 que chacun dise effectivement qu'on ne négocie pas
22:46 avec les preneurs d'otages, c'est possible.
22:49 Enfin pour le cas de la France, qui est évidemment celui
22:50 sur lequel on a le plus de moyens d'investigation,
22:53 il est sûr que cette affaire de libération de Mme Petronin
22:55 avait quelque chose de scandaleux,
22:57 d'expliquer que cette femme, en fait, s'était convertie à l'islam
23:00 et qu'elle allait retourner au Mali,
23:01 on est en droit de se demander si effectivement la négociation
23:04 a été menée sur des cas précis ou simplement sur un papier administratif
23:07 qui est la citoyenneté française.
23:09 Voilà, mais cela dit, je n'aimerais pas être à la place des négociateurs.
23:12 Regardez aujourd'hui la situation sur Gaza.
23:15 Vous avez des otages qui ont été pris par le Hamas,
23:18 en face de ça, ils demandent la libération de prisonniers en Israël.
23:22 Les Israéliens ont posé comme condition
23:24 que les gens qui devaient être libérés des prisons israéliennes
23:26 n'avaient pas de sang sur les mains.
23:27 Et donc ils libèrent des femmes et des enfants.
23:29 Alors moi je me pose la question,
23:30 pourquoi on dit otage dans un cas et on dit prisonnier dans l'autre cas ?
23:33 Parce que s'ils n'avaient fait aucun acte de violence
23:35 et qu'il y avait des enfants dans le lot,
23:37 il faudrait utiliser les mêmes termes dans les deux cas.
23:39 Bon, je sais que je vais me fâcher avec beaucoup de gens quand je dis ça,
23:41 mais pour moi ça me choque, si vous voulez.
23:44 – La responsabilité de nos dirigeants politiques
23:47 sur l'état des lieux de ce salafisme en France que vous dressez,
23:51 est-ce que l'immigration, la politique migratoire de la France
23:56 qu'on connaît depuis le regroupement familial sous Giscard,
23:59 est une explication de cet état des lieux que vous dressez ?
24:03 – C'est en tout cas les vannes ouvertes, si vous voulez,
24:06 de manière assez large, si vous voulez.
24:09 Et puis ensuite il y a l'idée que la France participe
24:12 à des opérations de police militaire dans la décennie 90,
24:16 dans des opérations où il n'y a aucun intérêt stratégique.
24:19 Moi je te cite un, c'était la Sobali, opérations militaro-humanitaires,
24:22 alors que les humanitaires s'opposent toujours
24:24 à ce qu'il y ait des militaires dans la périphérie.
24:26 Le cas le plus caractéristique c'est la Libye.
24:29 C'est-à-dire qu'en Libye, il va y avoir un individu
24:31 qui va convaincre un président français de participer à la,
24:35 comment dire, obtenir à l'ONU une interdiction de survol aérien.
24:38 – Sur l'aile de Bernard-Henri Lévy.
24:39 – Bernard-Henri Lévy, et puis effectivement ensuite sur une nouvelle fosse,
24:43 c'est-à-dire l'idée d'une colonne de chars
24:44 qui est en train de marcher sur Tripoli,
24:46 nos aviateurs vont se recevoir l'ordre de la présidence de la République
24:49 de bombarder la colonne de chars.
24:51 Et donc finalement c'est comme ça que Gaddafi finit par se sauver,
24:53 il va être lynché par la foule, etc.
24:55 Mais au bout du compte, ça veut dire qu'il y a un pays
24:57 qui aujourd'hui, deux ans après ou trois ans après,
24:59 se retrouve dans un état de déliquescence absolue,
25:02 c'est-à-dire une espèce de couloir ouvert
25:04 pour l'immigration venue des zones subsahariennes.
25:07 Donc vous êtes au bout du compte dans un système où vous dites
25:10 "mais qui est responsable de quoi ?"
25:11 Alors Bernard-Henri Lévy, dans une interview
25:13 deux ou trois ans après l'opération,
25:15 a dit "tant mieux si j'y suis pour quelque chose".
25:18 – Oui, aucun regret.
25:19 – Aucun regret, aucun regret.
25:21 Vous voyez ce décalage entre la théorie et la pratique,
25:24 est-ce que la décision qu'on va prendre n'est pas…
25:25 Regardez la situation aujourd'hui,
25:27 tout le monde se félicite que Assad soit resté au pouvoir en Syrie.
25:30 C'est remarquable, non ?
25:32 C'est-à-dire que lui, il maintient un pays
25:34 avec toute la brutalité qu'on lui connaît,
25:36 mais on se rend compte que quand le système s'est décomposé en Irak,
25:40 on a créé un problème beaucoup plus important
25:44 avec cette idée de débarrasser…
25:46 Vous savez, en Irak, c'était un pays composite,
25:48 donc vous arrivez, vous dites, un homme, une voix,
25:51 les chiites qui étaient opprimés disent "oui, oui, très bien,
25:53 c'est une bonne idée".
25:54 – On est plus nombreux.
25:55 – On est plus nombreux.
25:56 Donc vous voyez, cette idée qu'on démonte et qu'on transpose un modèle,
26:00 sans tenir compte de la réalité locale,
26:02 ça crée parfois plus de conséquences négatives que positives.
26:05 – Face à ce déferlement du salafisme en France,
26:09 certains pendent du doigt la démission de l'État
26:12 dans sa tâche régalienne d'assurer la sécurité,
26:15 d'autres pensent que l'État est là pour diviser,
26:19 pour mieux régner et va même, quelque part peut-être,
26:22 jusqu'à inciter à la guerre civile.
26:25 Où est le juste milieu entre la démission et le diviser pour mieux régner ?
26:30 – Vous savez, moi j'opte carrément plus sur la démission.
26:34 – Par la chté ou quoi ?
26:36 – Non, c'est un processus.
26:38 D'abord, je me suis amusé avec une petite plaquette sur
26:41 "surtout ne rien décider",
26:43 "Petit manuel de survie en milieu politique".
26:45 Parce que tout ce que vous citez sur ces rapports de ci, de là, etc.,
26:48 sur tous les sujets, qui ne se sont traduits par aucun acte,
26:51 c'est parce que c'est le passage à l'acte qui, d'un seul coup,
26:53 vous fragilise le politique.
26:54 Deuxième caractéristique, à partir du moment où,
26:57 si vous voulez, l'URSS disparaît.
26:58 On avait un paradigme qui a structuré toute la vie internationale
27:01 pendant 50 ans ou 60 ans.
27:03 Quand l'URSS disparaît,
27:04 vous avez le choix entre plusieurs types de crises
27:07 et puis surtout votre échéancier électoral peut changer complètement
27:10 puisque vous vous dites, après tout, si j'envoie du militaire français,
27:13 est-ce que je gagne les municipales ou pas ?
27:15 Vous voyez, je veux dire, on n'est plus dans quelque chose
27:16 où la connaissance de la crise elle-même
27:18 par rapport à son instrumentalisation par les soviétiques.
27:21 Non, on va prendre telle crise plutôt que telle autre.
27:23 L'exemple, c'est la Libye, si vous voulez.
27:25 Et donc, on est sur quelque chose dans lequel le politique
27:28 se contente de survivre par rapport à sa réélection
27:31 plutôt que par la nature de la crise.
27:34 – Etat des lieux, du salafisme,
27:37 c'est la fin de cet entretien Pierre Conesa,
27:39 du séparatisme au terrorisme à retrouver, comme d'habitude,
27:42 sur la boutique officielle de TV Liberté.
27:45 Merci à vous d'avoir suivi cet entretien.
27:47 Merci à vous, monsieur.
27:47 Merci beaucoup de votre invitation.
27:49 [Générique]