Lundi 8 janvier 2024, SMART BOURSE reçoit Michaël Nizard (Directeur du département Multi-Asset & Overlay, Edmond de Rothschild AM)
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00:00 [Musique]
00:10 Mais d'abord, l'analyse de marché en ce début d'année 2024 et c'est Michael Nizar qui est à mes côtés en plateau, je le disais, pendant cette demi-heure,
00:17 responsable de la gestion multi-assets et overlay d'Edmond Drotschild, Asset Management. Bonjour et bienvenue Michael.
00:22 Bonjour, bonne année.
00:23 Merci beaucoup d'être là. Tous mes meilleurs voeux également pour cette année qui démarre, Michael.
00:28 Comment est-ce que vous regardez justement le démarrage des marchés en ce début d'année 2024 ?
00:35 Évidemment, il faut regarder ce qui s'est passé la semaine dernière au regard de ce qui s'est passé en fin d'année dernière,
00:40 notamment sur le mois de novembre et le mois de décembre qui ont été deux mois de rallies généralisées assez monstrueuses
00:47 avec l'anticipation d'un scénario à peu près parfait par les investisseurs.
00:52 Exactement Grégoire. En fait, après deux années de durcissement monétaire sans comparaison possible avec l'historique récent ou même lointain,
01:02 on a eu quand même deux années très fortes de durcissement monétaire et en fait on est rentré dans une phase d'espoir à partir du début du mois de novembre,
01:10 à partir du moment où on a commencé à voir poindre finalement un pivot de la Banque Centrale Américaine et à partir de ce moment-là,
01:17 effectivement une phase d'espoir, celui de voir ce pivot arriver a amené finalement un redressement spectaculaire des performances,
01:24 à la fois sur les marchés des taux, sur les marchés actions et donc toute la question aujourd'hui, c'est de savoir qu'est-ce que sanctionnent un petit peu les marchés aujourd'hui.
01:32 Alors dans les variables financières, je vois trois explications possibles.
01:36 Premièrement, on est en début de période, juste avant les prochaines publications de résultats, en termes de capacité bénéficiaire des entreprises,
01:46 on est aujourd'hui sur des niveaux de 11% attendus aux Etats-Unis, 6-7% sur l'Europe, est-ce que finalement on risque d'avoir une déception ?
01:53 Donc c'est ce que les marchés certainement sont en train un petit peu de questionner.
01:57 Deuxièmement, quand on regarde la prime de risque sur les marchés actions, l'écart de rémunération finalement entre le dividende yield et l'earnings yield,
02:05 globalement il n'est pas loin de zéro, ce qui veut dire qu'on est dans une phase où il n'y a pas de place finalement à la déception sur les earnings
02:12 et sur cette capacité bénéficiaire des entreprises et sur leurs marges.
02:16 Donc le marché prend aussi en compte, intègre finalement ce paramètre-là, prime de risque relativement faible,
02:22 au moment où on est sur des valorisations, quand on regarde le PER projeté dans un an sur les Etats-Unis, on est un petit peu au-dessus de 20.
02:30 Donc il y a peu de marge finalement à l'erreur.
02:32 Et troisièmement, pour expliquer aussi le fait qu'on a une baisse concomitante des marchés actions et des marchés des taux,
02:36 quand vous regardez finalement l'effet supply, donc l'appel des marchés de capitaux liés à la dette des gouvernements, notamment américains,
02:45 on a globalement un effet supply, donc un appel au marché qui va être en hausse de 40% sur 2024 par rapport à 2023.
02:53 Et dans ces 40%, on a un appel au marché de la dette sur le gouvernement américain de l'ordre de +60%.
03:00 Donc ce qui veut quand même dire qu'on va commencer à voir aussi les effets de cette politique très dispendieuse,
03:07 de cette fiscalité quand même relativement généreuse, qui explique aussi la résilience des marchés, des économies,
03:14 mais à un moment donné il faut le payer et donc ça peut aussi expliquer le fait que les marchés s'interrogent aussi sur les taux,
03:19 à savoir quelle est la capacité d'absorption, de digestion finalement des marchés.
03:23 Dans une année où on attend de la réserve fédérale américaine qu'elle baisse ses taux,
03:27 alors il y a comme vous dites la partie offre-demande qui jouera sur les marchés obligataires et sur les taux souverains,
03:33 il y a également ce qu'on attend de la réserve fédérale américaine.
03:36 Comment vous comprenez la fonction de réaction de la Fed, ce qui déclencherait les baisses de taux de la part de la réserve fédérale américaine
03:45 et par rapport à ce que le marché anticipe aujourd'hui, Michael, beaucoup a été anticipé,
03:50 quel est pour vous le risque principal côté américain notamment, qu'on soit déçu par le nombre et l'ampleur des baisses de taux
03:58 ou qu'on en ait peut-être beaucoup plus que ce qu'on anticipe aujourd'hui, deux histoires macro très différentes.
04:05 Pour fixer un petit peu les choses, aujourd'hui la projection médiane de la fédérale réserve pour 2024 c'est une baisse de -75 BP sur les taux directeurs américains.
04:14 Le marché aujourd'hui, il intègre déjà une baisse de l'ordre de 125 BP, donc presque le double de ce qui est déjà anticipé par les propres gouverneurs de la fédérale réserve qui compose le FOMC.
04:25 Quand on regarde sur 2024 et 2025, il y a une enveloppe à peu près de 190 à 200 BP au total de baisses des taux.
04:33 Le cycle de baisse de taux représenterait 180 BP.
04:36 Si on regarde finalement quelle est la capacité de délivrer de la fédérale réserve, ça va bien sûr dépendre de la sévérité de la baisse de l'économie et de la conjoncture.
04:47 Pour vous donner deux exemples, à l'extrême, c'est-à-dire si on va vraiment vers une crise économique, une crise financière, dans le passé la fédérale réserve a eu la possibilité de baisser de 475 points de base en 2001 et de 400 BP en 2008.
05:04 Donc ça c'est pour fixer les choses, c'est-à-dire que si on ne s'inscrit pas dans un soft lending ou une mild recession, un ralentissement un peu plus fort et qu'on va vers une récession, il y a encore de la marge.
05:14 De l'autre côté, si finalement on n'est que dans un ralentissement de milieu de cycle, le marché sur des niveaux de -75 BP, -100 BP, c'est peut-être suffisant.
05:25 Donc tout va dépendre effectivement à partir de ce dilemme-là, comment va réagir le marché de l'emploi et finalement la santé de l'économie dans une année présidentielle en plus, d'élection présidentielle.
05:35 D'un point de vue de stratégie d'investissement, il faut avoir une conviction par rapport à ces scénarios alternatifs que vous décrivez, Michael, si oui laquelle, et comment on gère le fait qu'on ait des probabilités qui coexistent autour du scénario parfait, très consensuel désormais et dont on sait qu'il ne se déroulera sans doute pas tout à fait comme prévu.
05:59 Alors déjà pour répondre à cette dernière question qui est cruciale, il faut de l'agilité. C'est-à-dire que dans une même année, il y a différents scénarios, différents régimes qui peuvent se succéder.
06:09 Et on passera par des stades peut-être différents, c'est ce qu'il faut avoir en tête.
06:12 Donc il faut avoir de toutes les manières une gestion qui soit flexible et qui puisse permettre de pouvoir allouer de manière assez pragmatique en fonction des régimes de marché.
06:19 Ceci dit, nous on part avec la conviction en 2024 qu'en fait on est prêt aujourd'hui à mettre de côté certains scénarios.
06:27 Le scénario du no landing parce qu'effectivement après deux années où ça a tapé sur les marchés, sur la sphère financière, c'est la sphère réelle qui va commencer aussi à devenir un peu plus vulnérable.
06:37 Donc on ne voit pas une économie qui ne va pas quand même ralentir.
06:41 Donc on pense qu'on peut mettre de côté le no landing et on peut aussi mettre de côté la stagflation.
06:45 Sauf bien sûr événements géopolitiques, c'est-à-dire un fort rebond du pétrole avec une stabilité du marché de l'emploi.
06:54 On a du mal à y croire.
06:55 Donc qu'est-ce qu'il nous reste ? Il nous reste effectivement un scénario de soft landing ou même de mild recession.
07:01 Pour nous, on pense que la fédérale réserve a les moyens de pouvoir délivrer même plus que ce qui est aujourd'hui anticipé par le marché.
07:08 Parce que quand on regarde la règle de Taylor qui permet de voir quel serait finalement le niveau cible par rapport à l'output gap,
07:17 donc par rapport à l'écart à la croissance potentielle, globalement il peut y avoir encore une centaine de BP.
07:25 C'est-à-dire qu'on pourrait arriver à facilement 3% sur les taux directeurs si bien sûr l'économie allait dans le sens d'un ralentissement plus marqué.
07:34 Donc notre conviction c'est que la fédérale réserve va quand même pouvoir délivrer au moins ses baisses des taux assurancielles et même aller plus loin.
07:41 Parce qu'en fait une chose qui est importante c'est qu'elle pourra réagir à la normalisation de l'inflation.
07:46 L'inflation aujourd'hui elle va rentrer progressivement dans les targets de ces cibles.
07:51 C'est-à-dire qu'au deuxième semestre on va arriver à un petit peu moins de 2% normalement au niveau de l'inflation américaine.
07:56 Donc elle a tout à fait la possibilité de délivrer.
07:59 C'est tout le sens du discours, des derniers discours d'un Gérard Poel de dire on sera prêt à recalibrer notre politique monétaire au fur et à mesure qu'on verra l'inflation continuer de baisser tel qu'on le prévoit aujourd'hui.
08:12 On ne parle pas dans ce scénario-là en tout cas de baisse de taux d'urgence face à un événement non financier ou face à une rupture macroéconomique qui nécessiterait une intervention d'urgence de la Fed.
08:21 C'est ça qui est très important Grégoire.
08:23 Quel est le caractère du mode de réaction de la Fed ? Est-ce qu'elle est proactive ou réactive ?
08:29 Elle a aujourd'hui la possibilité d'être proactive parce qu'en fait elle est en train de voir la normalisation de l'inflation de manière assez nette, une vraie décrue.
08:38 Et ça, ça lui permet vraiment d'être proactive et d'avoir un rôle un peu de risk manager surtout en début d'année au moment où on commence à voir dans les services un ralentissement notamment sur le marché de l'emploi.
08:49 Est-ce que ça globalement en matière de stratégie, ce put de la Fed dans le cadre du soft lending ou dans le cadre d'un scénario de récession un peu plus marqué,
08:59 est-ce que ça milite pour ne pas sortir du risque, rester malgré tout pro-risque même avec l'idée qu'on a devant nous un bad cycle américain dont on ne sait pas trop où il atterrira ?
09:10 Exactement. Pour mémoire, en 2023, on était de ceux qui pensaient effectivement qu'on pouvait avoir une récession. A partir du moment où le FOMC de début novembre s'est mis en place,
09:20 on a remonté notre appétit pour le risque et depuis ce moment-là, dans cette phase d'espoir, on est resté quand même plutôt bien investi.
09:27 La vraie question pour nous, c'est y a-t-il un moment où on va trouver une opportunité supplémentaire pour pouvoir rajouter un petit peu plus de risque jusqu'au moment où la fédérale réserve commencera à baisser les taux ?
09:37 Il nous semble qu'il y a vraiment cette phase un peu d'état de grâce avant la première baisse des taux où en fait il faut avoir un appétit pour le risque et avoir des pondérations en action suffisamment importantes
09:47 pour pouvoir bien accompagner finalement cet engouement pour l'ensemble des classes d'actifs risqués.
09:53 Donc pour nous, la question du début d'année, c'est à quel moment allons-nous peut-être continuer à reprendre un peu plus de risque, sachant que déjà depuis début novembre, on l'avait fait notamment sur le marché américain et les marchés émergents.
10:04 Prendre du risque, qu'est-ce que ça veut dire sur les marchés aujourd'hui ?
10:08 Alors, vis-à-vis des taux, ce qu'on a appelé fut un temps l'actif sans risque. Les dernières années nous ont montré qu'il y avait quand même un risque à détenir des taux longs souverains par exemple, Michael.
10:19 Et puis sur la partie action, sachant que 2023 a été une année de très forte concentration des performances, notamment à travers le groupe des 7 magnifiques.
10:30 Si vous n'étiez pas sur les 7 magnifiques en 2023, c'était extrêmement compliqué, voire impossible de faire le marché, de faire une année. Est-ce que cette logique-là peut quand même à un moment changer ?
10:43 Oui. C'est la question que tout le monde se pose. C'est un thème qui a été énormément finalement rebattu. Et pour l'instant, finalement, la concentration a continué de se mettre en place.
10:54 Pour nous, il y a une conviction forte, c'est qu'en fait on est dans une phase de distribution. C'est-à-dire où il va y avoir une croissance de plus en plus inclusive,
11:02 notamment de toutes ces sociétés qui étaient un petit peu en retard et qui vont progressivement commencer à finalement être dans un processus de rattrapage.
11:12 Parce qu'il y a une résilience de l'économie et parce qu'effectivement il y a une distribution, même en termes de sentiments de marché.
11:19 Aujourd'hui, les investisseurs sont en train de chercher des actifs qui ont mal performé en 2023.
11:25 La pédi pour le reste va se diffuser.
11:27 Il va se diffuser. Parce qu'en fait, dans cette phase un peu d'espoir où on a devant nous des baisses des taux et surtout une possibilité pour la FED d'être proactive,
11:34 ça donne un peu plus de possibilités aux investisseurs d'aller chercher de la croissance là où elle est disponible et où elle n'est pas trop chère.
11:42 Donc je vous donne quelques exemples. En Europe, toute la partie petite et moyenne entreprise, les small et mid-cap, nous semblent intéressantes.
11:51 Il y a une opportunité là-dessus. Pour vous donner une idée, c'est que sur les 20 dernières années, il y a eu une surcote des small versus large de l'ordre de 20%.
11:59 Aujourd'hui, on est à -10%. Donc si on pense que l'inflation va continuer de baisser avec des taux directeurs qui vont aussi baisser,
12:07 on devrait avoir au moins une poche de rattrapage au niveau des small. Un deuxième exemple, le big data.
12:13 Le big data, ce n'est pas forcément de dire on achète des sets magnifiques. Non, il y a une approche qui est beaucoup plus liée aussi à la valorisation.
12:20 On fait très attention à ce qu'on achète et là où on veut éviter certains secteurs un petit peu plus chauds.
12:26 Et donc le big data nous semble intéressant parce qu'il incorpore et intègre l'intelligence artificielle et puis en fait l'accès à toutes les données et la qualité des données.
12:34 Donc il nous semble que c'est aussi un thème qui a très bien marché en 2023, notamment chez nous, mais qui devrait continuer à bien se comporter.
12:42 Ce sont deux idées. La troisième idée, c'est l'émergent. Mais pas forcément parler que de la Chine parce qu'aujourd'hui, la Chine,
12:48 ça ne représente plus les 40% ou les 50% d'antan où finalement, il y avait une concentration très forte de la Chine au sein de l'émergent.
12:57 Acheter l'indice émergent, c'était acheter la Chine avant tout. Aujourd'hui, c'est assez différent.
13:02 Donc en fait, on a tendance à avoir un score positif sur l'émergent, mais au niveau global. Et il nous semble effectivement qu'il y a une capacité bénéficiaire
13:11 de ces entreprises émergentes avec des taux plus faibles, des taux réels plus faibles. Un dollar qui a déjà fait son point haut l'année dernière, fin 2022 plus exactement.
13:19 Il nous semble qu'on est dans une phase où l'alignement est plutôt positif et vertueux pour avoir une capacité bénéficiaire de ces entreprises émergentes dans différentes zones du globe.
13:29 Ce qu'on a vu fin d'année, on a vu sur quelques séances, quelques semaines, les actions émergentes être beaucoup plus toniques et dynamiques que ce qu'on avait pu voir précédemment.
13:37 Et par rapport à des actions de marché développé également. Merci beaucoup, Mickaël. Merci d'avoir été avec nous pour nous éclairer sur vos convictions de début d'année
13:46 chez Demandreau Child Asset Management au démarrage de cette année 2024.
13:49 Mickaël Nyssa, responsable de la gestion multi-assets et Overlay des DRAM qui était avec nous au plateau pendant cette demi-heure.