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À 7h50, Sonia Devillers reçoit Michel-Edouard Leclerc, président des centres E. Leclerc, sur fond de crise qui n'en finit pas et d'inflation qui pèse lourd dans le caddie des Français. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-13-decembre-2023-8106407

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00:00 Sonia De Villere, votre invitée ce matin est présidente des centres Leclerc.
00:04 Leader de la grande distribution en France qui réalise en 2023 une performance inédite
00:08 ne cessant de creuser l'écart devant ses concurrents Carrefour et Intermarché pour
00:13 atteindre les quasi 25% de parts de marché.
00:17 C'est un seuil évidemment symbolique.
00:19 L'enseigne mise tout depuis longtemps sur les prix, les prix, les prix, les prix et
00:24 encore les prix.
00:25 Alors évidemment en période d'inflation ça rapporte gros.
00:27 Mais les prix justement, parlons-en, le gouvernement promet que ça va baisser.
00:31 Les industriels eux veulent que ça continue d'augmenter.
00:35 Et nous alors, combien on va payer ?
00:37 Bonjour Michel-Edouard Leclerc.
00:38 Bonjour, bonjour France Inter.
00:40 Les Français ont connu jusqu'à 22% d'inflation sur l'alimentaire en deux ans.
00:44 Ils apprennent maintenant, c'était au journal tout à l'heure, que leurs assurances habitations
00:48 automobiles vont flamber.
00:49 Les courses de Noël ont largement commencé.
00:51 Alors, est-ce que les Français se serrent la ceinture ?
00:54 Oui, ils se serrent la ceinture.
00:56 Et même ceux qui ont de l'argent n'ont pas envie de se faire avoir.
00:58 Parce que c'était une bouffée d'inflation spéculative pendant trois ans.
01:01 On nous a bourré le cerveau avec des histoires d'huile de tournesol en hausse à cause de
01:09 l'Ukraine, des pattes qui ont augmenté de 40%, de la motarde qui a disparu.
01:13 Enfin tout ça c'était pipo.
01:14 On regarde les résultats des entreprises l'année après.
01:17 Il y a eu des hausses de 20% des dividendes.
01:20 Il y a eu deux rapports de l'Inspection Générale des Finances qui disent justement que les
01:25 grosses sont abritées derrière les petits.
01:27 Et même le Président de la République, qui est à l'origine d'une loi qui s'appelle
01:30 la loi Egalim pour protéger le revenu agricole, a commencé à tenser le monde agroalimentaire
01:35 international.
01:36 Donc là, il y a une négociation.
01:38 A cause de ces profits, à cause des dividendes renversés aux actionnaires ?
01:41 Oui, parce que trop c'est trop.
01:42 Attendez, M.
01:43 Léodard Leclerc, vous, vous ne publiez pas vos résultats.
01:45 Si, si.
01:46 Vous avez 55,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires en forte progression.
01:51 Donc ça vous a profité aussi l'inflation ?
01:53 Et ces 2,6% Dominique, ceux qui peuvent faire la comparaison avec les industriels de l'agroalimentaire,
02:00 c'est 2,6% de résultats nets avant impôts.
02:04 Et nos résultats n'ont pas gonflé sur les trois dernières années parce que nous réinvestissons.
02:09 C'est comme ça qu'on fait cette croissance.
02:11 On réinvestit à la première marge, on réinvestit dans la baisse de prix.
02:14 C'est ce qui a causé l'écart avec nos concurrents.
02:18 On a un écart spectaculaire.
02:19 Si Casino va mal, on était 30% moins cher que Casino là, en ce moment.
02:23 Il y a des explications toutes simples.
02:25 Donc peut-être que la crise nous va bien, mais c'est parce que justement on a choisi
02:29 de gérer cette crise dans l'intérêt de nos clients.
02:32 Donc on revient à ma question.
02:33 Les Français se serrent la ceinture, les Français dépensent moins.
02:37 Les Français se serrent la ceinture, les Français dépensent moins.
02:38 Avec l'inflation, il y a l'illusion de gros chiffres d'affaires, mais en fait en volume,
02:44 la consommation descend.
02:45 Ça ne se casse pas la figure.
02:47 Il y a le moteur de la consommation toujours.
02:49 Mais par exemple dans la distribution, Leclerc est le seul qui augmente en volume.
02:53 C'est pour vous dire, tous les autres sont en régression.
02:56 Et alors les grands industriels qui avaient trop augmenté les prix, c'est pour ça
03:00 que je pense que la négo va pas être si mauvaise que ça.
03:03 On a jusqu'à fin janvier.
03:04 On va y revenir, on va y revenir.
03:05 Mais écoutez-moi, ils ont eu des prix, les consommateurs ont boudé, ont boudé les grandes
03:10 marques, se sont précipités sur les marques du distributeur à les premiers prix, sans
03:13 complexe.
03:14 Et de ce fait, ils ont quand même réfléchi que…
03:17 Ça veut dire que les industriels se retrouvent avec des gros stocks sur les bras, c'est
03:20 ça ?
03:21 Ça veut dire qu'avoir du prix sans la vente, ça ne sert pas à grand chose.
03:22 Bon, d'accord.
03:23 Alors, où, par exemple, dans quel secteur, est-ce que les Français dépensent moins
03:27 et achètent moins en ce moment ?
03:28 D'abord, le secteur du bloc, du bio est complètement au ralenti.
03:33 Le secteur de la viande, quand les produits sont à l'unitaire assez cher.
03:40 Et pourtant, Dieu sait, si tout le monde avait, depuis les états généraux, poussé le
03:43 public à acheter des viandes de qualité, des races à viande, c'est quand même des
03:47 moins aujourd'hui en volume.
03:48 Et aussi, tous les produits festifs étaient partis l'année dernière très difficilement
03:54 parce que c'était cher.
03:55 Là, aujourd'hui…
03:56 Le champagne, par exemple…
03:57 Le champagne, aujourd'hui, se casse la figure.
03:59 Envolé de manière…
04:00 Ouais.
04:01 Alors, ils vendent à l'international, ils ont cette soupape.
04:04 C'est comme les spiritueux et tout ça.
04:06 Les jeunes se sont rapatriés sur la bière ou sur d'autres types de boissons.
04:13 Bon, alors parlons des prix, justement.
04:15 Hier, c'était la fin du dispositif instauré par le gouvernement, le fameux panier anti-inflation.
04:20 Quel bilan vous en tirez, Michel-Edouard Lemaire ?
04:23 Nous, on ne l'a pas fait parce qu'on trouvait que c'était peut-être bien pour les enseignes
04:26 qui étaient chères, il fallait qu'ils aient un marqueur de leur moindre cherté.
04:30 Donc, Bruno Le Maire a fait le professeur…
04:32 Et Olivier Grégoire ont très bien fait le maître d'école et ont exigé des distributeurs
04:36 qu'ils aient des petits paniers moins chers.
04:38 Nous, on a joué la carte de moins cher sur le fond de rayon et c'est nous qui avons
04:42 gagné.
04:43 Ça a quand même…
04:44 Honnêtement, c'est quand même la bataille entre distributeurs, la concurrence entre
04:48 distributeurs qui a modéré cette inflation.
04:50 Là où vous allez en Vendée, c'est Leclerc-Systemu.
04:53 Vous allez en Bretagne, c'est Leclerc-Intermarché.
04:55 On est de bretons d'origine à se friter, là.
04:59 Même Lidl-Leclerc ou Lidl-Haldi.
05:01 Vous voulez dire que c'est les distributeurs qui sont montés au front et pas les pouvoirs
05:05 publics ?
05:06 Oui, ça c'est sûr.
05:07 Ça c'est sûr.
05:08 Et en plus dans une contrainte législative qui était anti-distributeur.
05:11 Je vous rappelle que la loi, et ça va être renouvelé au 1er avril, nous oblige à prendre
05:15 10% de marge sur les produits alimentaires.
05:17 Ce qui en période d'inflation, c'est du délire.
05:20 Et au 1er avril, on nous interdit de faire des grosses promotions sur les produits d'entretien,
05:25 sur les produits d'hygiène, sur les produits d'hygiène menstruelle.
05:29 Dites-moi ce que ça a à voir avec la protection des agriculteurs ?
05:31 C'est pipo tout ça.
05:32 Donc on est dans un contexte où il y a des gens en France, au Parlement, et pas que
05:36 au Renaissance, des gens en France qui veulent de l'inflation.
05:39 Qui veulent parce que ça amortit les frais fixes.
05:42 Il y a un patronat qui veut une inflation.
05:43 Donc quand Bruno Le Maire, sur notre antenne il y a deux semaines, dit que l'inflation
05:47 aujourd'hui elle est vaincue, que c'est un vrai succès économique et que vous, sur
05:51 BFM Dimanche, vous lui répondez que non, vous êtes encore et encore l'oiseau de mauvaise
05:56 augure.
05:57 Si on négocie mal, l'inflation repart.
05:58 Donc là on va négocier très durement.
06:00 Je peux vous dire que tout ce qui est le grand international, on l'a négocié, on l'a
06:04 acheté.
06:05 Un instant juste pour expliquer aux auditeurs.
06:06 C'est qu'en ce moment c'est la grande messe annuelle.
06:08 C'est le round annuel de négociation entre les distributeurs et les industriels.
06:12 Vous vous retrouvez une fois par an et ça négocie sévère parce que vous êtes en
06:15 train d'acheter pour l'année prochaine.
06:16 Donc de ces négociations vont décoller les prix dans nos supermarchés l'année prochaine.
06:20 L'année prochaine, sur le non alimentaire, il y aura des baisses.
06:23 Des vraies baisses.
06:24 Indépendamment de la loi française.
06:26 C'est pas produit en France.
06:27 C'est le corollaire.
06:28 Parce que c'est produit en mer de Chine, dans la zone ado-pacifique.
06:32 Les blancs par exemple en janvier, le textile, ça va descendre entre 6 et 10%.
06:38 Alors le blanc c'est les nappes, les serviettes, les draps.
06:43 Le textile d'une manière générale, qui est très peu fabriqué en France aujourd'hui.
06:48 Le prix des conteneurs s'est cassé la figure.
06:50 C'est ce que CGA et CGM avaient fait.
06:53 Aujourd'hui d'ailleurs, il est plus en difficulté que les résultats spectaculaires.
06:57 C'est un armateur.
06:58 Voilà, c'est Saadet.
06:59 Il n'y a pas que lui, il y a Merckx aussi.
07:02 Sur les jouets de l'année prochaine, on va les acheter en janvier, février, ce sera
07:08 en baisse aussi.
07:09 D'accord ? Pour l'alimentaire, l'alimentaire français.
07:11 Il y aura une vraie baisse sur les jouets ?
07:13 Oui.
07:14 Les jouets comparables.
07:15 Après les licences qui sortent avec les films, là ils font bingo en une fois.
07:20 Donc là, ils mettent, je ne sais pas, le film Barbie et puis je ne sais pas quel autre
07:24 film ont des licences et des jouets avec leur marque.
07:28 Ça, je ne sais pas dire exactement leur prix.
07:31 Moi, je n'achète pas ça.
07:32 Donc, j'ai six petits-enfants, mais je suis assez classique.
07:35 Non, mais parce que le marché du jouet est en baisse.
07:37 Sur les neuf premiers mois de l'année, le marché du jouet est en baisse.
07:39 Donc, ce n'est pas étonnant que ça baisse l'année prochaine.
07:41 Alors, dans la négo, tout ce qui est à base de céréales, tout ce qui est à base où
07:46 il y a du café, c'est sûr qu'on va avoir des baisses.
07:49 Parce que les marchés de ces matières premières ont beaucoup baissé.
07:52 Ensuite, tout ce qui est le reste des produits agricoles, il n'y aura pas beaucoup de baisses
07:59 parce qu'on a la loi à complètement vitréfier la discussion sur les produits agricoles
08:04 français.
08:05 Donc, la loi voulait protéger les revenus des agriculteurs.
08:08 On n'y touche pas.
08:09 Ils entendent le message que je dis là en ce moment et dans les campagnes.
08:12 Donc, sécuriser de ce point de vue là.
08:15 Ou s'il y a un problème, c'est que ponctuel.
08:17 Je le dis, c'est un engagement.
08:18 Par contre, les 70 fournisseurs que visait Bruno Le Maire, qui sont les grands industriels
08:24 qu'on appelle les multinationales, Enkel, Procter, etc.
08:28 Cela arrive avec des tarifs de demande de 6-7%.
08:32 Nous, en contrepartie, moi j'ai appris ça à l'école, à Néoma, on apprend ça à l'ESSEC,
08:39 à HEC.
08:40 Donc, t'en veux 7, on te demande moins 2.
08:42 Et je pense qu'on va arriver à une inflation vraiment cassée.
08:46 Mais quand même, ces industriels, Michel-Edouard Leclerc, réclament des augmentations.
08:50 Pas pour rien et pas uniquement, comme vous dites, pour reverser des dividendes à leurs
08:54 actionnaires.
08:55 Non, pas que.
08:56 C'est quand même des gens qui disent, on a des matières premières qui montent, comme
08:59 le cours du sucre par exemple, comme le cours du cacao par exemple.
09:02 Et par ailleurs, qui disent, le SMIC a monté, donc il faut aussi qu'on enregistre et qu'on
09:07 assume des augmentations de salaire.
09:09 On pourrait argumenter comme ça s'ils étaient transparents sur la valeur du produit.
09:13 Ce que je constate, c'est que j'ai très peu de fournisseurs du CAC 40, parce qu'il
09:19 y a de l'aéronautique, etc.
09:21 Mais si je regarde le résultat des industriels l'année dernière, il y a beaucoup d'augmentation
09:25 de dividendes, de l'ordre de 15-20%, c'est-à-dire supérieur à l'inflation qu'ils ont pratiquée.
09:31 Donc, nous allons leur demander, je ne suis pas anti-industriel, on va leur demander d'étaler
09:35 leur hausse, de faire bénéficier les consommateurs d'un petit peu d'intelligence et de savoir-faire.
09:40 Comme l'ont fait le monde de l'édition, le prix du papier a augmenté de 40%.
09:43 Vous ne voyez pas de polémique entre Antoine Gallimard et Michel-Edouard Leclerc.
09:46 On a étalé ses hausses sur trois ans.
09:48 Voilà, et c'est ça qu'on va leur demander.
09:50 Il faut que l'inflation alimentaire revienne, soit cassée par deux.
09:54 Nicolas Demorand : merci Michel-Edouard Leclerc.

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