Des crimes presque parfaits_ À la rencontre de Violette Nozière, l'empoisonneuse

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Le 21 août 1933, Violette Nozière, 18 ans, administre des somnifères à ses parents avant de sortir danser. Quand elle rentre, elle s'assure qu'ils sont inanimés avant d'ouvrir le gaz pour faire croire à un suicide, puis appelle du secours. Son père est effectivement mort, mais sa mère a survécu. Violette, déjà suspecte aux yeux des enquêteurs, est alors arrêtée. La jeune femme accuse son père d'avoir abusé d'elle, mais c'est le mobile financier que la justice retient. L'affaire va passionner l'opinion et les intellectuels de l'époque.

Violette Nozière, née le 11 janvier 1915 à Neuvy-sur-Loire (Nièvre) et morte le 26 novembre 1966 au Petit-Quevilly, est une étudiante française qui a défrayé la chronique judiciaire et criminelle dans les années 1930.

Cette jeune parricide de 18 ans est condamnée à mort par la cour d'assises le 12 octobre 1934 à Paris, peine commuée par le président de la République Albert Lebrun en travaux forcés à perpétuité. Le 6 août 1942, le maréchal Philippe Pétain réduit la sentence à 12 ans. Elle est finalement libérée le 29 août 1945, puis graciée par le général de Gaulle le 17 novembre suivant1.

La cour d'appel de Rouen rend un jugement exceptionnel dans les annales de la justice française concernant l'auteur d'un crime de droit commun qui a été condamné à la peine capitale, en prononçant la réhabilitation de Violette Nozière le 13 mars 1963.

Cette affaire criminelle connaît un grand retentissement en France et, en raison de son impact médiatique jusqu'à nos jours, est devenue un fait de société.

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Transcription
00:00 C'est pas possible !
00:02 C'est pas possible !
00:04 *Musique épique*
00:24 *Musique épique*
00:40 Musée de la préfecture de police de Paris.
00:43 Dans ses vitrines, la collection d'objets la plus incroyable de l'histoire de la criminalité en France.
00:48 L'œilleton dans lequel le docteur Petiot regardait agoniser ses victimes.
00:53 La cordelette qui servit à étrangler le huissier gouffé.
00:56 La chaudière de Landru.
00:58 Couteau, révolver, matraque, toutes ces armes ont été utilisées pour commettre les crimes les plus sanglants.
01:05 A partir du 19ème siècle, les policiers font appel à la science pour résoudre leurs enquêtes.
01:13 L'anthropométrie, l'étude de l'iris humain, la graphologie et la morphopsychologie sont utilisées.
01:22 Daniel Thierry, commissaire divisionnaire et policier de choc, nous entraîne au cœur des plus grandes enquêtes criminelles de l'histoire.
01:46 Le 22 août 1933, à l'heure du dîner, Violette Nauzière fait appavaler à ses parents une forte dose de somnifères.
01:54 Puis elle s'en va danser.
01:56 Le lendemain soir, elle rentre et trouve ses parents inanimés.
02:00 Elle ouvre le gaz et s'en va alerter les voisins en criant que ses parents se sont suicidés.
02:07 Qu'est-ce qui a bien pu pousser cette jeune fille de 18 ans à commettre l'irréparable ?
02:12 Et pourquoi son histoire a autant fasciné l'opinion publique et les intellectuels du quartier Lata ?
02:19 Le petit immeuble du 9 rue de Madagascar, dans le 12ème arrondissement de Paris, semble bien calme ce mercredi 23 août 1933.
02:35 Il est 2 heures du matin quand on frappe avec insistance à la porte de l'appartement de monsieur Mayol, au 5ème étage.
02:43 Tiré d'un profond sommeil, il découvre sur le palier sa petite voisine du 6ème, Violette Nauzière, complètement affolée.
02:52 « Venez vite, ça sent le gaz chez mes parents ! »
02:56 René Mayol se précipite et, effectivement, une forte odeur de gaz a envahi le palier.
03:03 Dans l'appartement, l'atmosphère est suffocante.
03:08 Pour éviter l'explosion, il n'allume pas la lumière et se dirige à tâtons vers la fenêtre.
03:15 Il ouvre en grand.
03:18 Il se dirige ensuite vers la cuisine, où il coupe l'arrivée du gaz.
03:25 Quelques minutes plus tard, lorsque la pièce est bien aérée, il allume enfin le plafonnier et découvre un spectacle d'horreur.
03:38 Germaine Nauzière, la mère de Violette, gît, inanimée, sur le lit de la chambre.
03:45 Les draps sont couverts de sang.
03:49 Violette se sent mal.
03:55 René Mayol la ramène chez lui, puis il descend chez la concierge, Madame Bourdon, qui dispose d'un téléphone.
04:03 Il faut prévenir les secours.
04:06 Tout le monde remonte ensuite dans l'appartement des Nauzières.
04:11 Il ne faut pas beaucoup de temps pour trouver Baptiste, le père. Son corps repose dans le salon, sur le lit de Violette.
04:19 Lui aussi baigne dans son sang.
04:27 Lorsque les pompiers arrivent, ils ne peuvent que constater la mort de Baptiste.
04:32 Germaine, la mère, respire faiblement et les conduit à l'hôpital Saint-Antoine.
04:40 Personne ne doute qu'il s'agit d'un suicidogaze.
04:44 Les policiers ne tardent pas à arriver sur les lieux.
04:49 Pour eux, la thèse du suicide est la plus vraisemblable.
04:57 Violette semble effondrée. Elle est jeune, elle a 18 ans.
05:02 Pourquoi se sont-ils suicidés, demande-t-elle, des larmes dans les yeux.
05:09 Lorsque le commissaire Guedet arrive sur les lieux un peu plus tard, il commence une fouille minutieuse de l'appartement.
05:16 Il découvre le livre de contes de Mme Nauzière, où celle-ci note scrupuleusement toutes les dépenses du foyer.
05:23 Or, rien n'est écrit à la journée du 22 août.
05:27 Le commissaire en déduit qu'ils auraient décidé de se suicider le 22.
05:35 Le policier fait une autre constatation.
05:39 En comparant la lecture du compteur à gaz au dernier relevé, le commissaire s'aperçoit que la consommation a été très faible.
05:46 Comment est-ce possible, s'étonne l'enquêteur, si le gaz s'est échappé du robinet ouvert pendant plusieurs heures.
05:55 Si le gaz avait été ouvert depuis 12 heures, il y aurait déjà eu une grosse accumulation de gaz dans l'appartement, dans l'ensemble de l'immeuble.
06:03 Les gens s'en seraient aperçus.
06:06 Et puis, probablement aussi qu'il y aurait eu une explosion.
06:10 Ce que les pompiers disent dans un premier temps, c'est qu'il y a très peu de gaz, que le gaz est très rapidement dissipé.
06:17 Et qu'en l'occurrence, dans la deuxième phase des constatations, sur le corps de M. Nauzière, qui lui est allongé dans le vestibule,
06:27 on constate qu'il y a des vomissures un peu partout dans l'appartement.
06:31 Ce qui peut être une indication, non pas d'un suicide de gaz, mais d'un suicide à autre chose.
06:37 Très vite, on va se dire comment une personne qui est morte depuis plus de 12 heures a pu ouvrir le gaz, entre temps, pour se suicider.
06:47 Dubitatif, le commissaire demande à Violette de le retrouver au commissariat à 15 heures.
06:54 "Nous irons à l'hôpital voir votre mère", lui dit-il.
06:59 A l'hôpital Saint-Antoine, les médecins décèlent rapidement que Mme Nauzière souffre d'une intoxication grave provoquée par des substances chimiques.
07:09 Par contre, l'analyse de sang démontre une absence totale d'oxyde de carbone.
07:14 Ce n'est donc pas le gaz qui est à l'origine du coma dans lequel se trouve Germaine Nauzière.
07:23 Lorsque le commissaire Gudet arrive à l'hôpital en compagnie de Violette, il demande s'il peut s'entretenir avec Mme Nauzière.
07:30 "Elle ne peut pas vous parler pour le moment", répond le médecin, "mais vous pouvez la voir".
07:36 Le commissaire demande alors à Violette d'attendre dans le bureau de la surveillante.
07:41 Lorsqu'il revient, quelques minutes plus tard, la jeune fille a disparu.
07:47 Pourquoi Violette est-elle partie si vite ? Aurait-elle quelque chose à se reprocher ?
07:53 Ce départ précipité sème le doute dans l'esprit du commissaire Gudet.
07:58 Dans l'après-midi, il retourne à l'hôpital, accompagné cette fois du procureur de la République et du docteur Paul.
08:09 Mme Nauzière est sortie du coma, mais son esprit reste confus.
08:14 "Essayez de vous rappeler ce qui s'est passé", demande le magistrat.
08:18 Avec difficulté, Mme Nauzière raconte cette soirée du 21 août 1933.
08:25 Après le dîner, elle et son mari ont absorbé un médicament que Violette leur a rapporté, trois sachets contenant une poudre blanche.
08:39 Curieusement, Violette avait insisté pour qu'ils prennent bien le contenu des sachets.
08:43 Elle-même en avait absorbé un marqué d'une croix noire.
08:47 Ils avalent la mixture, malgré son goût amer, tellement amer que Germaine n'en boit que la moitié.
08:55 C'est ce qui la sauvera.
08:58 Quelques instants plus tard, Jean-Baptiste s'effondre dans le salon.
09:06 Germaine demande alors à Violette de l'aider à allonger son père sur le lit.
09:10 Mais après cet effort, c'est elle-même qui tombe violemment en heurtant un montant du lit avec sa tête.
09:17 Elle affirme au commissaire qu'ils n'ont jamais songé à se suicider.
09:22 Pour le policier, le doute n'est plus permis.
09:28 Violette Nauzière a empoisonné ses parents.
09:32 Un nouvel élément vient confirmer cette thèse.
09:36 L'autopsie pratiquée par le Dr. Paul sur le corps de Baptiste Nauzière.
09:41 Des prélèvements sont envoyés au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
09:48 C'est le professeur Emile Cohn à Brest, en personne, le directeur du laboratoire, qui va procéder à l'analyse.
09:56 Le professeur Cohn à Brest, alors directeur du laboratoire, procède à l'analyse des viscères de Baptiste Nauzière.
10:03 Il extrait les poisons des viscères par une technique qu'on appelle méthode d'extraction de cetastotérogie,
10:09 qui est une technique encore utilisée actuellement pour l'extraction des poisons dans les viscères.
10:14 Et il va identifier les poisons dans les viscères.
10:17 Il va donc enlever les viscères et les retirer.
10:20 C'est une technique encore utilisée actuellement pour l'extraction des poisons dans les viscères.
10:25 Et il va identifier à l'issue de cette analyse du Vérona, qui est un barbiturique.
10:31 Et il va le doser et conclure qu'il a été retrouvé en quantité suffisante pour provoquer la mort de M. Nauzière.
10:39 La dose absorbée correspond à 18 ou 24 comprimés.
10:47 Une dose mortelle sur un sujet comme Baptiste, présentant des lésions au rein et au foie.
10:53 Violette Nauzière est donc bien coupable.
10:57 Mais où est-elle ?
11:01 La jeune fille s'est volatilisée.
11:04 La presse s'empare de l'affaire dès le 23 août.
11:07 Elle présente tout d'abord Violette comme une pauvre victime qui, à 18 ans, découvre une tragédie en rentrant chez elle.
11:15 Mais le 24 août, en apprenant d'une part que le parquet a ouvert une information pour homicide volontaire,
11:22 d'autre part que le juge d'instruction M. Edmond Lanoir a inculpé Violette d'avoir volontairement donné la mort à Baptiste Nauzière, son père,
11:32 et tenté de donner la mort à Germaine Nauzière, sa mère,
11:36 et enfin que le célèbre commissaire Guillaume est chargé de mener l'enquête et de rechercher la prévenue,
11:42 les journaux se déchaînent contre elle.
11:45 À la une des quotidiens, on lit des titres assassins.
11:49 Le monstre en jupon traqué par la police.
11:53 L'infâme Violette Nauzière a signé son crime.
11:57 La photographie de la jeune fille s'étale en première page, agrémentée d'une légende,
12:02 chasse au quartier latin à l'odieuse parricide.
12:07 Des recherches sont lancées dans tous les commissariats de France et son signalement est donné aux frontières.
12:12 Mais c'est surtout au quartier latin, où Violette a ses habitudes, que les policiers se mettent aux aguets.
12:27 Violette Nauzière, c'était une lycéenne qui avait 18 ans.
12:32 C'était une fille unique, adulée par ses parents.
12:36 Ils l'appelaient leur gentille chérie, leur vilaine chérie, leur princesse chérie.
12:41 C'était une fille à qui ils ne pouvaient absolument rien refuser.
12:45 Ils l'avaient inscrite, à l'époque les lycées n'étaient pas mixtes.
12:49 Et le meilleur lycée public pour les jeunes filles était le lycée Fennelon, en plein quartier latin.
12:54 Très vite, elle sèche les cours, elle invente les prétextes les plus divers, les moins vraisemblables,
13:01 pour aller perdre son temps.
13:04 D'abord au cinéma, ensuite elle court les cafés,
13:07 et elle s'y fait des amis de plus ou moins bonne qualité.
13:13 Et je dirais que c'est à partir de là, dans les années 1930-1931,
13:18 alors qu'elle n'a encore que 16 ans, c'est là que commence sa dérive.
13:23 Le 28 août, 5 jours après la découverte du crime,
13:27 le commissaire Guillaume reçoit la visite d'un jeune homme, André Depinquet.
13:32 Celui-ci lui révèle qu'il a rencontré ce jour même dans l'après-midi,
13:36 une jeune fille qui se fait appeler Christiane Darfeuil,
13:40 mais qui ressemble étrangement à Violette Nausière.
13:43 Il doit la retrouver le soir même à 20h30 à la terrasse de la Bière Brune.
13:48 Une brasserie située à l'angle de l'avenue de la Maude Piquet et de l'avenue Bosquet.
13:55 Il n'y a pas une minute à perdre.
13:57 Le commissaire Guillaume envoie deux de ses hommes à la brasserie.
14:02 À 8h30 précise, Violette sort de la station de métro École Militaire,
14:07 et se dirige vers le lieu du rendez-vous.
14:09 Les deux policiers surgissent et l'arrêtent.
14:13 Violette n'est pas surprise, elle s'attendait à ce dénouement.
14:17 Elle espérait seulement que sa liberté durerait plus longtemps.
14:22 Conduite au quai des Orfèvres dans les locaux de la brigade criminelle,
14:27 elle se retrouve dans le bureau du commissaire Guillaume.
14:30 Le policier n'a pas le droit de l'interroger avant le juge d'instruction.
14:35 Guillaume est un grand policier, un fin psychologue.
14:39 Il sent que Violette est prête à se confier.
14:42 Il engage alors un dialogue qui le marquera profondément,
14:46 au point de le rappeler dans ses mémoires.
14:50 "Violette est assée dans un fauteuil devant mon bureau", raconte-t-il,
14:54 "la tête enfoncée dans le col de fourrure de son manteau.
14:57 "Je ne peux pas me rappeler de la dernière fois qu'elle m'a appelée."
15:01 "Pourquoi avez-vous fait ça ?" demande-t-il.
15:05 Elle lui raconta alors que son père avait abusé d'elle,
15:08 alors que sa mère était en voyage.
15:11 Quand celle-ci fut de retour, elle n'avait rien osé lui avouer, par peur.
15:17 Son arrestation, Violette a donné un mobile très clair
15:22 en expliquant que son père abusait d'elle depuis qu'elle avait 12 ans.
15:28 Ce sont les termes de l'interrogatoire.
15:32 "Violette a été arrêtée par un policier,
15:35 "dans un fauteuil devant mon bureau,
15:38 "la tête enfoncée dans le col de fourrure de son manteau."
15:42 Ce sont les termes de l'interrogatoire.
15:46 Et puis elle a détaillé.
15:48 Elle a accusé son père de l'avoir violée
15:51 et d'avoir entretenu avec elle des relations sexuelles pendant 6 ans.
15:56 Elle explique avoir voulu se venger de son père,
16:01 qui avait fini par la dégoûter
16:03 à partir du moment où elle avait commencé à avoir des amants,
16:06 c'est-à-dire à l'âge de 16 ans.
16:09 Alors qu'elle continuait à se confier, le juge entra dans le bureau.
16:14 "M. Guillaume, vous ne devez pas interroger cette personne",
16:18 dit-il assez sèchement. "C'est un cas de nullité."
16:22 Il est 23h55, lorsque le juge Edmond Lanoir ouvre le dossier 811.
16:29 Affaire nauséaise. Il commence officiellement son interrogatoire.
16:34 "Vous avez le droit de demander l'assistance d'un avocat", dit-il.
16:39 "Mais vous êtes libre de faire toute déclaration dès maintenant, si vous préférez."
16:44 "Je préfère m'expliquer maintenant", lui répond Violette.
16:48 Le 21 août, c'est bien moi qui ai fait prendre à mes parents une poudre blanche.
16:53 C'était du Véronal, un puissant somnifère.
16:56 J'en avais acheté 3 tubes, j'ai ensuite broyé les comprimés,
17:00 j'ai partagé la poudre en 2 sachets
17:02 et j'ai insisté pour qu'ils boivent la mixture.
17:05 Les premiers aveux enregistrés,
17:13 le magistrat demande que l'inculpé soit conduit au dépôt.
17:17 Dans l'appartement du crime, aux 9 rues de Madagascar,
17:22 les policiers continuent leurs investigations.
17:25 Sur le buffet de la cuisine, ils trouvent une lettre cachetée
17:30 destinée à un certain Jean Dabin.
17:32 Dans cette lettre, Violette demande au jeune homme
17:35 de dire à ses parents s'il veut demander sa main.
17:38 Sur la table de la salle à manger, les enquêteurs trouvent 3 sachets,
17:44 dont un marqué d'une croix.
17:46 Ils ont contenu la fameuse poudre.
17:48 Les sachets sont transmis au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
17:54 Les sachets sont transmis au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
17:55 Les sachets sont transmis au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
17:57 Les sachets sont transmis au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
17:59 Les sachets sont transmis au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
18:01 Les sachets sont transmis au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
18:03 Les sachets sont transmis au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
18:05 Les sachets sont transmis au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
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18:29 Les sachets sont transmis au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
18:31 Les sachets sont transmis au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
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18:41 Les sachets sont transmis au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
18:43 Les sachets sont transmis au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
18:45 Les sachets sont transmis au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
18:47 Les sachets sont transmis au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
18:49 Les sachets sont transmis au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
18:51 Les sachets sont transmis au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
18:53 Les sachets sont transmis au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
18:55 Les sachets sont transmis au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
18:57 Les sachets sont transmis au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
18:59 Les sachets sont transmis au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.
19:01 Le Rago, c'était un grand village.
19:03 Tout le monde connaissait tout le monde.
19:05 Les Rago circulaient sur les uns et sur les autres.
19:07 Et fin juin 1933, l'ami d'un ami d'un ami
19:09 Et fin juin 1933, l'ami d'un ami d'un ami
19:11 lui présente un étudiant en droit nommé Jean Dabin.
19:13 lui présente un étudiant en droit nommé Jean Dabin.
19:15 L'étudiant n'a pas très pressé de passer ses diplômes.
19:17 L'étudiant n'a pas très pressé de passer ses diplômes.
19:19 Un étudiant qui traîne un petit peu comme Violette Nosière.
19:21 Un étudiant qui traîne un petit peu comme Violette Nosière.
19:23 Il accumule les bonnes fortunes.
19:25 Il est très caresseux et désœuvré dans les cafés du quartier latin.
19:27 Il est très caresseux et désœuvré dans les cafés du quartier latin.
19:29 De temps en temps, il va faire un tour à la faculté de droit.
19:31 De temps en temps, il va faire un tour à la faculté de droit.
19:33 Lui et Violette se rencontrent.
19:35 Lui et Violette se rencontrent.
19:37 Et comme dans les romans, c'est une histoire d'amour qui commence.
19:39 Et comme dans les romans, c'est une histoire d'amour qui commence.
19:41 Pendant les quelques semaines que va durer leur liaison,
19:43 Pendant les quelques semaines que va durer leur liaison,
19:45 elle se croira au paradis.
19:47 elle se croira au paradis.
19:49 Le problème, c'est que pour Jean Dabin,
19:51 il a une femme particulière et surtout une fille dont il va profiter.
19:53 il a une femme particulière et surtout une fille dont il va profiter.
19:55 Violette Nosier, pour ne pas perdre l'amour qu'elle a enfin trouvé,
19:57 Violette Nosier, pour ne pas perdre l'amour qu'elle a enfin trouvé,
19:59 s'invente une vie de milliardaire.
20:01 Jean Dabin, qui ne déteste pas profiter des situations,
20:03 Jean Dabin, qui ne déteste pas profiter des situations,
20:05 se fait financer non seulement le café, le restaurant, le cinéma, l'hôtel,
20:07 se fait financer non seulement le café, le restaurant, le cinéma, l'hôtel,
20:09 mais également ses costumes, son habillement.
20:11 mais également ses costumes, son habillement.
20:13 L'enquête révélera qu'elle lui avait versé plus de 1000 francs,
20:15 L'enquête révélera qu'elle lui avait versé plus de 1000 francs,
20:17 L'enquête révélera qu'elle lui avait versé plus de 1000 francs,
20:19 c'est-à-dire le salaire de l'ouvrier moyen de l'époque.
20:21 c'est-à-dire le salaire de l'ouvrier moyen de l'époque.
20:23 On commence à pressentir un dérouage
20:25 On commence à pressentir un dérouage
20:27 qui aurait poussé Violette jusqu'au crime.
20:29 qui aurait poussé Violette jusqu'au crime.
20:31 Nous sommes au mois d'août.
20:33 Le juge Lanoir convoque Jean Dabin.
20:35 Le juge Lanoir convoque Jean Dabin.
20:37 Ce dernier confirme qu'il fréquente Violette.
20:39 Ce dernier confirme qu'il fréquente Violette.
20:41 Elle s'est présentée à lui comme étant une fille aisée,
20:43 Elle s'est présentée à lui comme étant une fille aisée,
20:45 Elle lui a raconté que son père a un poste important au PLM,
20:47 Elle lui a raconté que son père a un poste important au PLM,
20:49 la fameuse compagnie de chemin de fer Paris-Lyon-Marseille.
20:51 la fameuse compagnie de chemin de fer Paris-Lyon-Marseille.
20:53 la fameuse compagnie de chemin de fer Paris-Lyon-Marseille.
20:55 Elle lui donne régulièrement de l'argent,
20:57 Elle lui donne régulièrement de l'argent,
20:59 et il ne voit aucun inconvénient à accepter,
21:01 et il ne voit aucun inconvénient à accepter,
21:03 un comportement inélégant, mais pas répréhensible.
21:05 un comportement inélégant, mais pas répréhensible.
21:07 Le jour du crime, Jean Dabin était en Bretagne chez son oncle.
21:09 Le jour du crime, Jean Dabin était en Bretagne chez son oncle.
21:11 Il n'y a donc aucune raison de le retenir.
21:13 Il n'y a donc aucune raison de le retenir.
21:15 Mais la presse et l'opinion publique
21:17 Mais la presse et l'opinion publique
21:19 gardent de ce personnage l'image d'un gigolo,
21:21 gardent de ce personnage l'image d'un gigolo,
21:23 ce qui lui cause beaucoup de problèmes.
21:25 tout d'abord à l'université,
21:27 où on se détourne de lui à tel point qu'il donne sa démission.
21:31 Puis sa famille lui reproche aussi d'avoir sali leur nom.
21:35 Que faire ?
21:37 Il doit partir.
21:39 Il s'engage alors dans un régiment de cavalerie basé en Tunisie.
21:43 Atteint de maladie, il n'en reviendra jamais.
21:47 La famille Nausière n'est pas une famille riche.
21:55 Le père de Violette travaille bien au PLM,
21:58 mais il est conducteur de locomotive.
22:01 Un chauffeur compétent,
22:03 puisque c'est lui qui a conduit la fameuse locomotive Pacifique 231
22:07 qui tirait le train présidentiel.
22:11 Malgré leur vie modeste,
22:15 ses parents ont toujours choyé Violette.
22:19 Mais dans le petit deux-pièces de la rue de Madagascar,
22:23 elle a tout fait.
22:25 Elle a tout fait,
22:35 ce qui fait que c'est la raison pour laquelle
22:38 elle a échappé à ce climat qu'elle ne supportait plus.
22:42 D'où ses fugues au bout d'un moment,
22:45 d'où ses fugues au quartier latin.
22:48 Elle partait le soir tout doucement,
22:51 à pas feu de trait,
22:53 après avoir fait sa petite belote avec son papa et sa maman.
22:57 Elle partait comme ça,
23:00 et elle rejoignait ses copains du quartier latin,
23:03 où elle faisait la fête,
23:05 complètement la fête.
23:07 C'est ce que l'appelleraient aujourd'hui une femme libérée.
23:11 Elle était plus que libérée.
23:13 Violette aurait voulu être cette jeune fille riche,
23:18 désinvolte et sans problème,
23:21 comme le personnage qu'elle s'invente au quartier latin.
23:24 Elle veut s'acheter les robes, les manteaux,
23:27 les parures qui brillent dans les vitrines des grands boulevards.
23:31 C'était une mythomane.
23:35 Un jour, elle disait à ses amis qu'elle était fille d'un général,
23:39 un autre que son père était millionnaire,
23:42 un autre qu'il était ingénieur au PLM,
23:45 la compagnie de chemin de fer,
23:47 et pour tenir son rang,
23:49 il fallait qu'elle, plus souvent qu'à son tour,
23:52 payait les tournées dans les cafés,
23:54 le cinéma, le restaurant, etc.
23:56 C'était un tempérament généreux, à sa décharge.
23:59 Elle a besoin d'argent, et pour assouvir ses désirs,
24:04 elle vole, d'abord les économies de ses parents,
24:07 puis dans les boutiques.
24:09 Mais elle va encore plus loin.
24:11 Elle pose nue pour des photos d'art,
24:13 et n'hésite pas à vendre son corps.
24:16 Elle était un peu portée sur les messieurs très rassis,
24:20 qui étaient un petit peu avides de serre fraîche.
24:24 Elle voulait bien donner de la serre fraîche,
24:27 mais contre des amonées sonantes et trébuchantes.
24:30 Sur son parcours, c'était en général les grands boulevards.
24:34 Il y avait des messieurs qui se promenaient comme ça,
24:37 un peu ésolés.
24:39 C'est la prostitution, si on veut,
24:41 mais ce n'était pas tous les jours,
24:43 ce n'était pas systématique.
24:46 Pourquoi Violette vit-elle une double vie ?
24:49 Rien dans son enfance ne laisse présager une telle tragédie.
24:53 Adulée par sa mère,
24:58 elle mène une vie agréable et sans problème.
25:01 Bonne élève, elle passe à 12 ans son certificat d'études.
25:05 Précoce, à 13 ans, elle semble en avoir 16,
25:10 et elle commence à s'intéresser aux garçons.
25:14 En 1927, elle reprend ses études à l'école Sophie Germain,
25:18 mais aussi ses rencontres avec les garçons.
25:21 Le lycée Charlemagne est à deux pas.
25:24 Son comportement choque de plus en plus,
25:30 et en juin 1931, la directrice de l'école
25:33 demande que Violette ne revienne plus l'année suivante.
25:36 Le conseil de classe est unanime,
25:39 paresseuse, sournoise, hypocrite, dévergondée,
25:42 un exemple déplorable pour ses camarades.
25:45 Les voisins des nausières interdisent à leur fille
25:53 de fréquenter cette coureuse.
25:56 Violette n'a qu'une seule vraie amie,
26:00 Madeleine de Bize, Maddy,
26:03 avec laquelle elle fait les 400 coups.
26:06 La jeune fille délurée a auprès de ses parents
26:09 un tout autre comportement.
26:12 Tendre et affectueuse avec sa mère
26:16 et prévenante avec son père,
26:19 elle partage le soir la sampiternelle partie de belote
26:22 ou, quand sa mère est accaparée par les tâches ménagères,
26:25 le tournoi de jaquets dont son père raffole.
26:28 Un bonheur apparent qui vole en éclat
26:33 après l'acte insensé de Violette.
26:37 En septembre 1933,
26:40 lorsque cette dernière est confrontée à sa mère,
26:43 elle se met à genoux et lui demande pardon.
26:46 "Je te pardonnerai lorsque tu seras morte",
26:50 lui répond sa mère.
26:53 Germaine Nauzière, qui adorait sa fille,
26:57 lui voue alors une haine farouche.
27:00 Les accusations d'inceste que porte Violette
27:03 envers son père ne vont rien arranger.
27:06 Germaine se porte partie civile.
27:09 Dans le procès, elle sera contre sa fille.
27:12 En 1933, la crise économique fait rage.
27:21 En France, la misère est partout.
27:24 En Allemagne, Hitler s'est emparé du pouvoir.
27:31 En France, l'affaire Violette Nauzière
27:34 défraye la chronique.
27:37 La presse se fait l'écho des accusations
27:40 abominables envers son père.
27:43 Dans l'opinion publique, deux camps s'affrontent,
27:46 ceux convaincus du parricide,
27:49 contre les autres, offusqués par l'inceste.
27:52 - Je me semble que tout l'intérêt
27:57 de cette affaire criminelle
28:00 est dans cette question de l'inceste.
28:03 Comment a été reçue cette parole
28:06 accusatrice du père ?
28:09 C'est une indignation unanime
28:12 qui a accueilli ces propos.
28:15 Quand on lit le corpus de presse,
28:18 on voit l'étendue du tabou de l'inceste.
28:21 Il ne faut pas en parler, ça n'existe pas.
28:24 La parole de Violette Nauzière
28:27 est une affaire qui a commis un crime monstrueux.
28:30 Sa parole est jugée monstrueuse.
28:33 Elle redouble le parricide.
28:36 C'est comme si elle tuait son père une 2e fois.
28:39 - Les partisans de la culpabilité de Violette
28:42 sont les plus nombreux.
28:45 Lors de son arrivée au Palais de Justice,
28:48 pour être entendue une nouvelle fois par le juge Lanoir,
28:51 elle est accueillie par des insultes et des cris.
28:54 - Il faut vraiment mesurer
28:57 à quel point le crime de Violette Nauzière
29:00 a été hors norme pour comprendre
29:03 le retentissement de cette affaire au coeur des années 30.
29:06 D'abord, c'est un parricide.
29:09 Et le parricide, c'est un crime
29:12 qui est au sommet de la hiérarchie criminelle.
29:15 Et puis, comment a-t-elle commis son crime ?
29:18 L'empoisonnement est un crime réputé lâche
29:21 qui implique une trahison.
29:24 Puisqu'on empoisonne à l'intérieur de la famille,
29:27 le poison ne se voit pas,
29:30 donc il implique de l'hypocrisie, etc.
29:33 Donc c'est un crime qui, dans l'imaginaire collectif,
29:36 est véritablement chargé d'horreur.
29:39 Et puis, par ailleurs,
29:42 il y a le contraste entre l'énormité du crime
29:45 et, pour le coup, la personnalité de Violette.
29:48 Qui est une jeune fille,
29:51 qui est à la fois une femme et une enfant.
29:54 C'est à la fois l'âge et le sexe.
29:57 Il y a l'après-méditation,
30:00 il y a l'insensibilité de Violette
30:03 qui, au lendemain du crime,
30:06 est allée danser.
30:09 Donc voilà, ça, c'est des détails
30:12 qui ont paru constituer un crime proprement monstrueux.
30:15 L'instruction va durer 4 mois,
30:18 jusqu'en janvier 1934.
30:21 Alors qu'on accuse Violette de vol et de prostitution,
30:24 elle explique que son argent
30:27 vient d'un mystérieux protecteur prénommé Émile.
30:30 La description qu'elle en fait est succincte.
30:33 Âgé d'une soixantaine d'années,
30:36 il est de taille et de corpulence moyenne,
30:39 il a les cheveux blancs,
30:42 il a une moustache taillée à l'américaine,
30:45 il serait industriel, marié et père de 3 enfants.
30:48 Hélas, elle ne connaît pas son nom.
30:51 "Il me donnait 3000 francs par mois", ajoute-t-elle.
30:54 Lorsque le juge Lanoir lui fait remarquer
31:00 qu'elle ne donne pas suffisamment d'indices pour le retrouver,
31:03 elle ajoute qu'il possède une voiture de marque Talbot,
31:06 de couleur bleue.
31:09 Le policier se lance alors à la recherche d'Émile.
31:12 160 000 voitures ont été déclarées
31:15 depuis 2 mois dans le département de la Seine.
31:18 Parmi elles, 33 Talbot dont les propriétaires
31:21 se prénomment Émile.
31:24 8 sont âgés de 55 à 70 ans.
31:27 2 correspondent physiquement à la description,
31:30 Émile Michelet et Émile Idelfinger.
31:33 Mais la voiture de ce dernier est de couleur gris taupe.
31:36 Il ne reste que Michelet.
31:39 Quand les policiers présentent la photo à Violette,
31:42 elle déclare tranquillement "Je n'ai jamais vu ce monsieur".
31:45 Est-ce encore un mensonge de Violette ?
31:48 En tout cas, l'énigmatique M. Émile
31:51 ne sera jamais retrouvé.
31:54 L'instruction se poursuit et Violette continue à évoquer.
31:59 17 surréalistes ont composé un recueil
32:04 qui paraît en décembre 1933.
32:07 On y trouve les signatures d'André Breton,
32:10 René Echar,
32:13 Salvatore Dali, Paul Eluard,
32:16 Magritte, Alberto Giacometti
32:19 et bien d'autres intellectuels.
32:22 - Ce recueil rassemble 8 textes poétiques,
32:27 8 dessins avec en couverture
32:30 la photographie de Man Ray
32:33 qui représente un bouquet de Violette fraîche.
32:36 Par-dessus, la lettre N brisée,
32:39 donc l'initiale du père.
32:42 Que dit la couverture ?
32:45 La couverture dit le viol et dit l'inceste.
32:48 L'initiale brisée du père,
32:51 la fraîcheur, l'innocence saccagée.
32:54 Les surréalistes disent
32:57 "Violette a dit vrai"
33:00 et ils dénoncent le tabou de l'inceste.
33:03 Ce qui est tout à fait intéressant,
33:06 c'est que si on compare le texte de presse
33:09 et le texte poétique,
33:12 c'est que là où la presse
33:15 parle aux figurés, fait des périphrases,
33:18 ne dit jamais l'inceste, ne dit jamais viol,
33:21 mais dit cette monstrueuse accusation,
33:24 les surréalistes emploient
33:27 un langage très cru,
33:30 "le petit papa qui violait".
33:33 Donc des mots très crus pour dénoncer l'inceste
33:36 et en dénonçant l'inceste, c'est toute la société,
33:39 une société des pères, une société de l'autorité,
33:42 une société des vieux,
33:45 que dénoncent les surréalistes.
33:48 Pourtant, cette pression des intellectuels
33:51 et des artistes ne fera pas varier
33:54 ni d'ailleurs de l'opinion publique.
33:57 Le 10 octobre 1934, 14 mois après le crime,
34:03 le procès commence.
34:06 Malgré l'assassinat du roi Alexandre Ier de Yougoslavie,
34:09 perpétré à Marseille par les oustachis croates
34:12 d'Ante Pavelic,
34:15 une tragédie internationale dont les journaux
34:18 vont faire leur gros titre,
34:21 le procès est appelé au palais de justice
34:24 pour assister au débat et voir l'empoisonneuse.
34:27 Lorsque Violette Nauzière fait son entrée,
34:30 un silence impressionnant règne dans la salle.
34:33 Le procès intervient un an après le crime.
34:36 Il y a eu tout un personnage monstrueux et diabolique
34:39 qui a été construit dans l'opinion
34:42 pendant tout le temps de l'instruction.
34:45 Alors quand le procès démarre,
34:48 il y a beaucoup d'attente,
34:51 on a envie de voir Violette Nauzière.
34:54 Et bien, Violette Nauzière déçoit.
34:57 On s'attendait à une femme fatale,
35:00 à la ténébreuse empoisonneuse.
35:03 Qu'est-ce qu'on a sous les yeux ?
35:06 On a une jeune femme de 19 ans fatiguée par la prison.
35:09 Tout à fait ordinaire.
35:12 À la lecture de l'acte d'accusation,
35:15 le président père s'adresse à Violette.
35:18 "Accusée, levez-vous.
35:21 "C'est un des traits de votre caractère
35:24 "que le goût du mensonge.
35:27 "Vous avez longtemps menti à vos parents,
35:30 "à vos amis, à vos amants.
35:33 "Aujourd'hui, vous êtes devant ceux qui vont vous juger.
35:36 "Êtes-vous décidée à dire la vérité ?"
35:39 "Oui, monsieur", répond Violette.
35:43 À l'évocation du crime,
35:46 lorsque le président évoque le moment fatidique
35:49 où ses parents ont bu la potion mortelle,
35:52 Violette pousse un cri rauque et s'écroule sur le sol en hurlant.
35:55 Elle est évacuée
35:58 et le médecin du palais lui fait une piqûre pour la calmer.
36:01 Le lendemain,
36:07 le moment que Violette redoute le plus arrive.
36:10 Sa mère se présente à la barre.
36:13 -On va dire qu'il y a eu 2 moments particulièrement forts
36:26 dans le procès de Violette Nauzière.
36:29 Le premier, c'est la venue de sa mère,
36:32 qui a survécu au crime,
36:35 à l'empoisonnement et au gaz,
36:38 parce que Violette avait ouvert le gaz pour parachever son double meurtre.
36:41 Sa mère a survécu.
36:44 Tout le monde se rappelait
36:47 qu'elle avait eu des paroles très lourdes pour sa fille.
36:50 Elle avait dit qu'elle lui pardonnerait quand elle serait morte,
36:53 sur son lit d'hôpital.
36:56 On s'imaginait que la mère allait arriver
36:59 et demander un châtiment terrible pour sa fille.
37:02 Mais pas du tout. C'est l'inverse qui se produit.
37:05 La mère est implorée, qui pardonne à sa fille
37:08 devant les spectateurs médusés,
37:11 qui demande pitié pour son enfant
37:14 aux procureurs, aux présidents et aux jurés.
37:17 Un retournement de situation qu'on n'aurait pas du tout prédit
37:20 quelques jours, même quelques heures plus tôt.
37:23 -A la fin de la déposition de Mme Nauzière,
37:26 le président demande à Violette
37:29 si elle a quelque chose à dire.
37:32 Celle-ci se tourne alors vers sa mère en criant
37:35 "Maman, maman !"
37:38 Sa mère se tourne vers sa fille et lui tend les bras.
37:41 "Violette, je ne peux pas oublier
37:44 que tu es ma fille.
37:47 Ce que tu as dit de ton père est faux et atroce,
37:50 mais je ne peux pas oublier que tu es mon enfant."
37:53 Lorsque Germaine Nauzière quitte la salle,
37:56 en passant devant les jurés,
37:59 elle les supplie une dernière fois
38:02 "Pitié, pitié pour mon enfant."
38:05 Les témoins se succèdent
38:08 sans que de nouvelles révélations voient le jour.
38:11 Alors, arrive le temps des plaidoiries.
38:14 Maître Boitelle, l'avocat de la partie civile,
38:17 réitère le message de Mme Nauzière
38:20 et demande aux jurés d'avoir pitié de son enfant.
38:23 Mais le réquisitoire
38:26 de l'avocat général est redoutable.
38:29 "Le crime de Violette Nauzière
38:32 est de ceux qui écartent de la pensée et du cœur
38:35 la moindre pitié et la moindre indulgence.
38:38 Je vous demanderai, messieurs les jurés,
38:41 de prononcer la peine capitale."
38:44 Maître de Vézine-la-Rue,
38:47 l'avocat de Violette,
38:50 sait qu'il ne peut plus grand-chose.
38:53 Dans sa plaidoirie, il essaie d'accabler ses parents
38:56 qui l'ont poussé à rechercher un idéal
38:59 qui ne lui était pas accessible,
39:02 la laissant se pervertir dans le milieu corrupteur du quartier latin.
39:05 Il conclut en disant
39:08 "La responsabilité appartient
39:11 à ceux qui ont l'autorité, car ils ont le devoir
39:14 de s'en servir. C'est pourquoi les parents de Violette Nauzière
39:17 sont les premiers responsables des fautes de leur fille.
39:20 Je vous demande de beaucoup pardonner à l'enfant."
39:23 "Qui a été arrêtée par des hommes,
39:26 qui a été interrogée et entendue par des hommes,
39:29 qui a été défendue par des hommes,
39:32 qui a été jugée par des hommes,
39:35 parce qu'on est à une époque où les femmes sont exclus
39:38 du monde judiciaire. Il y a des avocates,
39:41 mais il n'y a pas de femmes magistrats,
39:44 il n'y a pas de femmes jurées.
39:47 C'est un élément important.
39:50 Donc, si vous voulez, Violette a été condamnée
39:53 par une justice d'homme et par une justice de père.
39:56 Je crois que voilà, une justice des pères
39:59 a lavé Nauzière.
40:02 A proclamé l'innocence du père.
40:14 Violette est enfermée à la petite Roquette,
40:17 dans une cellule éclairée jour et nuit, au deuxième étage,
40:20 sous la surveillance de Sir Léonide.
40:23 La prisonnière bénéficie du régime de faveur
40:26 réservé aux condamnés à la peine capitale.
40:29 Délivrée de toute obligation de travail,
40:32 elle reçoit une bonne nourriture et a droit
40:35 à une promenade de 45 minutes par jour.
40:38 Le 6 décembre, maître Vézine Larue
40:42 introduit un recours en grâce auprès du président
40:45 de la République, Albert Lebrun.
40:48 A cette époque, les femmes n'étaient plus exécutées.
40:51 La grâce est accordée le jour de Noël
40:54 et la peine est commuée en travaux forcés à perpétuité.
40:57 Le 14 janvier 1935, un convoi de 14 femmes,
41:03 enchaînées les unes aux autres,
41:06 quitte, à l'aube, la maison d'arrêt de la Roquette
41:09 pour la centrale de Hague-Nau, dans les Vosges.
41:12 Violette fait partie du convoi.
41:15 La centrale de Hague-Nau ressemble à une forteresse.
41:19 Quatre bâtiments en gré des Vosges,
41:22 entourés d'une enceinte de plusieurs mètres d'épaisseur.
41:25 L'endroit est sinistre.
41:28 Les 14 condamnés sont enfermés dans ce que
41:34 l'administration appelle des cages à poules,
41:37 en raison de leur plafond entièrement grillagé.
41:40 Toutes les portes des cages se ferment en même temps
41:43 grâce à une immense barre de fer cadenassée à chaque extrémité.
41:47 Toutes les prisonnières sont soumises au silence total.
41:51 Aucun échange ne leur est permis.
41:54 Elles sont face à face avec elles-mêmes.
41:57 Je crois qu'il faut rappeler que les conditions de détention
42:03 étaient infiniment plus dures alors qu'elles ne le sont aujourd'hui.
42:07 D'abord, les remises de peine étaient rares.
42:10 Condamné à perpétuité, ça voulait vraiment dire
42:13 la plupart du temps terminer sa vie en prison.
42:16 D'autre part, le travail était obligatoire.
42:20 Les conditions de détention, extrêmement spartiates.
42:23 Violette Nauzière, qui a à peine 20 ans,
42:27 et qui a pour perspective de passer
42:30 tout le reste de son existence dans cet univers,
42:33 commence à purger sa peine.
42:36 Et quelques semaines après son arrivée à Agnaud,
42:39 il lui arrive quelque chose qui va bouleverser sa vie.
42:45 Elle retrouve la foi.
42:48 Au cours de la messe dominicane à la chapelle de la prison,
42:52 brusquement, elle expérimente ce qu'on appelle une "méthanoïa",
42:55 c'est-à-dire une conversion totale de son être.
42:58 Et cette foi va lui rendre la paix avec elle-même.
43:04 Va l'aider à supporter sa vie très dure
43:07 et va l'aider à se réconcilier avec son passé.
43:10 Violette est une détenue modèle
43:15 et très vite, elle devient l'exemple de la prison.
43:18 Son avocat vient la voir régulièrement,
43:22 mais aussi sa mère, qui fait un éprouvant voyage
43:25 tous les mois jusqu'à Agnaud.
43:27 "Je sais que Violette a besoin de moi", dit-elle.
43:30 En octobre 1937, quatre ans après son crime,
43:36 Violette envoie une lettre à sa mère
43:39 dans laquelle elle se rétracte officiellement
43:41 de toutes les accusations qu'elle a portées contre son père.
43:44 Elle déclare qu'il ne s'agissait de sa part
43:48 que d'odieuses inventions pour essayer de se disculper.
43:53 La Violette de 1937 n'a plus grand-chose de commun
43:56 avec celle de 1933.
43:59 Les années passent et le 10 mai 1940,
44:05 sept mois après la déclaration de guerre
44:08 de la France et de l'Angleterre à l'Allemagne,
44:11 Hitler lance ses armées sur les Pays-Bas,
44:14 la Belgique et la France.
44:16 Violette est transférée à la centrale de Rennes.
44:19 C'est une autre femme.
44:22 Une prisonnière modèle.
44:25 Malgré une santé très mauvaise,
44:28 elle est irréprochable sur le plan de la discipline,
44:31 de l'ardeur au travail.
44:34 Elle parle autour d'elle de si un jour elle sort de prison,
44:37 elle pourrait devenir religieuse.
44:40 Elle attire l'attention des aumôniers de prison,
44:43 qui sont des Dominicains.
44:46 Par un heureux hasard, le père Certillange,
44:49 célèbre philosophe dominicain,
44:52 connaît personnellement le maréchal Pétain,
44:55 chef de l'Etat français,
44:58 qui en 1942 lui accorde un cadeau inestimable.
45:01 Il ramène sa peine à 12 ans de prison.
45:04 Le 6 août 1942,
45:10 Violette n'a plus que 3 ans à faire.
45:13 Elle change de statut.
45:16 Elle s'est fait sélectuer à la lingerie
45:19 pour se mettre au service, après une rapide formation,
45:22 du greffier comptable de la prison.
45:25 Une rencontre qui va changer sa vie.
45:28 Ce greffier a un fils, Pierre,
45:31 âgé de 23 ans.
45:34 Violette en tombe amoureuse.
45:37 Les sentiments sont réciproques.
45:40 C'est une fille extraordinaire, dira-t-il à son père.
45:43 En 1945, Violette Nosière,
45:46 ex-détenue, matricule 9517,
45:49 est libre.
45:52 Elle franchit les lourdes portes de la centrale de Rennes,
45:55 accompagnée par un jeune homme souriant
45:58 qui porte sa valise, Pierre Granier,
46:01 avec lequel elle va se construire une nouvelle vie.
46:04 Libre, Violette était interdite de séjour
46:10 dans une soixantaine de départements.
46:13 Le 15 novembre 1945,
46:16 le général de Gaulle, président du gouvernement provisoire,
46:19 signe le décret de grâce
46:22 levant l'interdiction de séjour
46:25 prononcée à l'encontre de la condamnée.
46:28 Une grâce qui doit beaucoup au travail de maître Vézine Larue,
46:31 qui n'a cessé depuis 12 ans d'œuvrer dans l'ombre
46:34 pour essayer d'adoucir la peine de Violette.
46:37 Grâce à ses interventions,
46:40 trois chefs d'Etat se sont penchés sur son dossier
46:43 et ont exercé leur droit de grâce.
46:46 Le président Albert Lebrun en 1934,
46:49 Philippe Pétain en 1942
46:52 et Charles de Gaulle en 1945,
46:55 faisant de l'affaire Violette Nausière
46:58 un cas unique dans les annales judiciaires.
47:04 Une femme qui a 30 ans à sa sortie de prison
47:07 se marie le 16 décembre 1946
47:10 à Neuville-sur-Loire.
47:13 Une partie du village est hostile à la parricide.
47:16 La cérémonie se fait à la sauvette
47:19 et le couple part s'installer en région parisienne
47:22 accompagnée par la mère de Violette,
47:25 qui ne la quittera plus.
47:28 - Le personnage de Violette Nausière s'inverse complètement.
47:31 On a la mère nourricière.
47:34 C'est fabuleux.
47:37 Pourquoi la figure de l'empoisonneuse
47:40 est si importante dans l'imaginaire du crime
47:43 et pourquoi c'est une figure qui terrifie ?
47:46 C'est parce que l'empoisonneuse est le contraire
47:49 de la femme pensée comme nourricière.
47:52 Violette a 5 enfants.
47:55 Elle s'est consacrée à l'éducation de ces 5 enfants.
47:58 - Elle est devenue une jeune oisive dans le quartier latin.
48:01 - Elle est devenue une travailleuse acharnée.
48:04 - Violette et son mari achètent un hôtel-restaurant dans Lornes.
48:10 Une affaire qu'ils font fructifier pendant plus de 10 ans.
48:13 C'est une réussite.
48:16 Malheureusement, en 1961,
48:19 Pierre, son mari,
48:22 décède des suites d'un accident de voiture.
48:25 Courageuse, Violette continue seule
48:28 à élever ses 5 enfants et tenir son fonds de commerce.
48:31 Le 18 mars 1963,
48:36 Violette reçoit un coup de téléphone de maître Vézine Larue.
48:39 Ce dernier lui annonce triomphalement
48:42 que la cour de Rouen a pris un arrêt
48:45 prononçant sa réhabilitation.
48:48 C'est la première fois dans les annales de la justice française
48:51 que l'auteur d'un crime de droit commun
48:54 est réhabilité après avoir été condamné
48:57 à la peine capitale.
49:00 - Que Violette Nauzière ait été réhabilitée
49:03 ne veut pas dire qu'elle ait été considérée
49:06 comme innocente du crime pour lequel elle a été condamnée.
49:09 La réhabilitation efface la peine.
49:12 C'est-à-dire que dans le casier judiciaire,
49:15 il n'y aura pas mention de sa condamnation.
49:18 Et Violette Nauzière, si vous voulez,
49:21 a, disait-elle, voulu protéger les enfants de son secret
49:25 puisque ses enfants n'étaient pas du tout au courant
49:28 de la première vie de leur maman.
49:31 - Le casier judiciaire de Violette est vierge.
49:34 Mais cette même année,
49:37 elle est atteinte d'un cancer.
49:40 Sous-titrage Société Radio-Canada
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