La véritable histoire de Kim Jong-un
La véritable histoire de Kim Jong-un
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00:00 1995, Berne, Suisse.
00:03 Pak Eun est un jeune collégien originaire de Corée du Nord.
00:07 C'est un gars assez mystérieux, il parle pas beaucoup.
00:10 Il est passionné par deux choses, le basket et la bande dessinée.
00:13 Pak Eun a une petite particularité, c'est qu'il vit dans une résidence de luxe,
00:17 se déplace uniquement dans sa voiture avec son propre chauffeur,
00:21 et avec lui, il y a toujours ce gars très silencieux qu'il suit partout,
00:24 à s'y méprendre, on dirait presque un garde du corps.
00:27 Alors évidemment, dans son collège, ça parle.
00:29 On se dit que ça doit être le fils d'un diplomate,
00:32 cette justification semble mettre tout le monde d'accord,
00:35 alors on ne va pas chercher plus loin.
00:37 Mais ses camarades de classe ne l'apprendront que bien plus tard.
00:40 Cet élève un peu chelou ne s'appelait pas vraiment Pak Eun,
00:43 mais Jong Eun, Kim Jong-un.
00:46 Et 16 ans plus tard, il deviendra le dictateur
00:48 d'une des puissances les plus inquiétantes du monde.
00:51 Aujourd'hui les amis, je vais vous raconter l'histoire
00:53 d'un des dirigeants les plus puissants,
00:55 et très certainement l'un des plus flippants de notre époque.
00:58 Allié du président russe Vladimir Poutine,
01:00 ennemi juré des Etats-Unis.
01:02 Mais surtout, vous allez voir, cette histoire,
01:04 c'est l'histoire d'un homme bourré de paradoxes,
01:07 le destin d'un dictateur sans pitié,
01:09 avide de pouvoir, obsédé par l'arme nucléaire.
01:12 Voici la très sombre histoire de Kim Jong-un.
01:15 [Musique]
01:31 Cette histoire commence le 8 janvier 1982,
01:35 ou 1983, ou 84.
01:38 En fait, pour être honnête, je saurais pas trop vous dire
01:40 quand commence cette histoire.
01:41 On ne sait pas trop quand est né Kim Jong-un.
01:44 Mais accrochez-vous, parce qu'en Corée du Nord,
01:46 les zones d'ombre sont monnaie courante,
01:48 et le storytelling très important.
01:49 Alors pourquoi on sait pas exactement ?
01:51 Parce qu'en fait, sur cette histoire de date,
01:53 la dynastie des Kim, puisque c'est leur nom de famille,
01:55 aime les années en deux.
01:57 Le grand-père, Kim Il-sung,
01:59 le fondateur de la dictature nord-coréenne,
02:01 est né en 1912.
02:03 Le père, Kim Jong-il, serait né en 1942.
02:06 Alors, officiellement, puisque on est parti sur des années en deux,
02:09 le pouvoir nord-coréen dira que le fils,
02:12 Kim Jong-un, est né en 1982.
02:15 Soit 70 ans après le grand-père.
02:17 Voilà.
02:18 Comme ça, sur le papier, ça claque.
02:19 Bon, la vérité, c'est qu'on n'en sait rien.
02:21 D'ailleurs, c'est exactement la même chose pour le lieu de naissance.
02:24 Jong-un est probablement né à Wonsan,
02:27 une ville de la côte est de la Corée du Nord.
02:29 Mais voilà, le problème, encore une fois,
02:31 c'est que, bah, ça évoque rien.
02:32 Alors, on refait l'histoire.
02:34 Kim Jong-un serait né à Samjiyon,
02:36 une ville au pied du mont Paektu,
02:38 qui est un lieu hautement symbolique pour le peuple nord-coréen.
02:41 Voilà.
02:42 Là, les propagandistes sont contents,
02:43 ça claque, ça raconte un truc.
02:45 Bon, donc, 8 janvier 1982, Samjiyon.
02:49 Déjà, pour bien comprendre qui est Kim Jong-un,
02:52 il faut remonter un peu dans le temps.
02:53 Avant la Seconde Guerre mondiale,
02:55 toute la Corée, nord-sud confondu,
02:57 était colonisée par le Japon.
02:59 Post-Seconde Guerre mondiale,
03:01 les États-Unis et l'URSS libèrent le pays des Japonais.
03:04 Et ces deux pays se partagent le gâteau
03:06 en coupant la Corée en deux.
03:08 Au nord, un régime communiste est installé,
03:11 avec l'aide de l'URSS de Joseph Staline.
03:13 Et au sud, une république indépendante est proclamée,
03:16 avec le soutien des Américains et de l'ONU.
03:18 Ce gouvernement communiste installé par Staline, au nord,
03:22 est dirigé par un certain Kim Il-sung,
03:24 le grand-père de Kim Jong-un.
03:26 D'ailleurs, ce fameux Kim Il-sung,
03:27 il dirige le Parti du Travail de Corée,
03:30 qui est à peu près le seul parti politique du pays.
03:32 L'idéologie du parti, c'est ce qu'on appelle le Juche.
03:35 Le Juche, c'est une pensée qu'il a lui-même construite
03:37 et qui tourne autour du culte de la personnalité des Kim.
03:40 Allez, je fais une dernière précision culturelle.
03:42 Vous vous souvenez de ma vidéo sur le président chinois Xi Jinping ?
03:45 Bon, en tout cas, si vous l'avez vue,
03:46 vous savez qu'en Chine, on dit d'abord le nom de famille
03:49 et ensuite le prénom.
03:50 Eh bien, en Corée, c'est exactement la même chose.
03:52 Donc Kim, c'est le nom de famille.
03:54 Et Il-sung, Jong-un, ça, c'est leur prénom.
03:57 Et oui, depuis le début de la vidéo, je dis Kim Jong-un,
03:59 et pas Kim Jong-un, comme on l'entend parfois dans les médias.
04:02 Et c'est pas une erreur, c'est la vraie prononciation.
04:04 Kim Jong-un, et pas Kim Jong-un.
04:06 Bon, je suis le mec, mais moi aussi je l'ai appris en préparant la vidéo.
04:09 Bref, vous l'avez compris, le père Il-sung, il est très très ambitieux.
04:12 Tellement ambitieux qu'il veut gouverner la Corée toute entière.
04:15 Alors, en 1950, il décide tout simplement d'envahir le Sud.
04:19 L'ONU constate l'agression d'un pays par un autre
04:22 et décide de faire intervenir ses pays membres.
04:25 Et puisque les États-Unis ont des forces armées dans le coin,
04:28 c'est eux qui finiront par prendre le lead de cette contre-attaque à l'américaine.
04:31 Nous sommes unis pour détester la slaverie communiste.
04:35 Nous savons que le coût de la liberté est élevé.
04:38 Mais nous sommes déterminés de préserver notre liberté,
04:41 peu importe le coût.
04:43 Les G.I. bombardent les villages nord-coréens avec du napalm,
04:46 c'est de l'essence gélifiée qui brûle tout sur son passage.
04:50 La Corée du Nord est complètement anéantie
04:52 et en 1953, à la fin de la guerre,
04:54 les Nord-Coréens sont complètement traumatisés.
04:57 On estime que plus de 200 000 soldats nord-coréens sont morts pendant cette guerre,
05:01 ainsi que plusieurs millions de civils.
05:03 Cette défaite pourtant, elle empêche pas Kim Il-sung d'asseoir un peu plus son pouvoir,
05:07 totalitaire, militaire,
05:09 basé sur une propagande très puissante qui fera des américains les ennemis numéro 1 du régime.
05:14 C'est une véritable dictature.
05:17 Dès les années 70 et jusqu'à la mort de Kim Il-sung en 1994,
05:21 son fils, Kim Jong-il, va se former à ses côtés.
05:24 Mais je suis pas là pour vous parler de Kim Jong-il, le père de Kim Jong-un,
05:27 donc plutôt que de m'attarder sur la politique de Papa Kim, parlons de ses enfants.
05:30 Et des enfants, il en a eu beaucoup, avec différentes femmes.
05:33 Sans rentrer dans le détail, Jong-il a 4 filles, dont on se fout un peu, honnêtement.
05:37 Enfin, pas moi, moi je me fous pas de ses filles,
05:40 mais le pouvoir en Corée du Nord, c'est un peu un format de Ben Never.
05:42 Est-ce que c'est une bonne comparaison ?
05:50 Donc, on va se concentrer sur les frères,
05:51 pas parce que la vie des mecs est particulièrement plus intéressante,
05:54 mais vous allez voir, Kim Jong-un était loin d'être le premier choix.
05:57 Kim Jong-il a 3 fils.
05:59 Le premier s'appelle Kim Jong-nam, le second s'appelle Kim Jong-chol,
06:02 et le troisième s'appelle Kim Jong-un.
06:03 La mère de Jong-un, elle, s'appelle Ko Yong-hi,
06:06 et on peut pas dire qu'elle fasse la fierté du pouvoir nord-coréen.
06:09 Yong-hi a des origines japonaises.
06:11 Aïe ! Bah ouais, les japonais sont les anciens colons, ça la fout mal.
06:15 Mais bon, pour ses fils, ça change pas grand-chose,
06:17 puisqu'ils sont quand même éduqués comme des princes.
06:19 Clairement, Kim Jong-un n'a jamais vécu comme un nord-coréen normal.
06:23 C'est important de le dire, il vit à Pyongyang, qui est la capitale de la Corée du Nord,
06:26 dans le luxe et le confort du pouvoir, complètement coupé du monde extérieur.
06:30 Mais ça va pas durer.
06:31 En 1995, alors que son père est au pouvoir depuis quelques mois,
06:35 le jeune Jong-un est envoyé dans un collège à Berne, en Suisse.
06:38 Il a 13 ans, et évidemment, on lui donne un faux nom.
06:41 Park Eun, c'est cette histoire que je vous racontais au début,
06:44 et même s'il découvre un nouvel environnement, ça reste un mec très solitaire, très introverti.
06:48 En fait, il a pas trop le choix, il est clairement pas comme les autres élèves.
06:51 La fête, les copains, tout ça, ça l'intéresse pas des masses.
06:53 Ce qu'aime Park Eun, c'est être peinard dans sa chambre, poursuivre les matchs de basket.
06:58 Il est fou de la NBA, la ligue de basket américaine.
07:01 Apparemment, il dort même avec un ballon de basket, type chelou un peu.
07:04 Et quand c'est pas soir de match, Jong-un, il mate les films de Jack Chan et de Jean-Claude Van Damme.
07:08 Ouais.
07:09 Fun fact, c'est aussi un sneakers addict.
07:11 Il collectionne les paires de Nike,
07:12 ce qui est quand même un comble absolu pour le petit-fils du type
07:15 qui a instauré une politique anti-américaine dans tout le pays.
07:18 Que voulez-vous, Jong-un, c'est un peu l'ado de base des années 90.
07:22 Il aime le sport et la castagne.
07:24 Mais pendant que Kim Jong-un vit une adolescence hyper paisible en Suisse,
07:27 il passe complètement à côté d'une tragédie qui frappe son pays natal.
07:30 Entre 1994 et 1998,
07:33 une famine provoque la mort d'au moins 1,5 million de Nord-Coréens.
07:37 Je sais pas si vous réalisez, mais c'est énorme.
07:39 10% de la population est décimée en 4 ans.
07:42 Des failles dont le modèle agricole sont pointées du doigt,
07:45 sauf qu'en fait, très vite, on réalise qu'il y a autre chose.
07:47 Des ONG, comme Médecins du Monde ou Médecins Sans Frontières,
07:50 dénoncent des détournements des aides humanitaires
07:52 envoyés par la communauté internationale à l'état nord-coréen.
07:55 Elles auraient en fait servi non seulement à nourrir les élites et l'armée,
07:58 mais elles auraient surtout alimenté un projet qui obsède Kim Jong-il,
08:01 le père de Jong-un, à voir l'arme nucléaire.
08:05 Alors en 2000, la famine derrière les Nord-Coréens,
08:07 Kim Jong-un a 17 ans et il décide de rentrer chez lui.
08:11 Il rentre à Pyongyang où son père dirige le pays d'une main de fer.
08:14 En 5 ans, il faut dire que la Corée du Nord a pas mal changé, et lui aussi d'ailleurs.
08:17 Jong-un veut apprendre aux côtés de son père.
08:19 C'est le troisième frère, donc a priori il sera pas dictateur,
08:22 mais vous allez voir, tout ne va pas se passer comme prévu.
08:25 De retour à Pyongyang, Jong-un s'inscrit à l'université Kim Il-sung.
08:37 Bon, c'est quand même marrant d'étudier dans une université qui porte le nom de ton grand-père.
08:41 Jong-un étudie l'histoire et la science politique,
08:44 puis en 2002, il rejoint l'armée pour se former au métier d'officier.
08:48 Et alors là, pour Jong-un, c'est une révélation, il se sent complètement à sa place.
08:53 A cette période, son père Kim Jong-il sent qu'il vieillit,
08:56 et il commence sérieusement à réfléchir à un héritier.
08:59 Pour lui c'est évident, le pouvoir doit rester dans les mains des Kim.
09:02 Mais alors, quel Kim choisir ?
09:03 Évidemment, la logique veut plutôt qu'il se tourne vers son fils aîné, Kim Jong-nam,
09:07 mais entre nous, Jong-nam c'est pas le mec idéal pour ce job.
09:10 Le type est fasciné par l'Occident, il va même s'installer à Macao,
09:14 une région autonome de Chine, et il est très critique du pouvoir nord-coréen.
09:17 Ce qui est au passage une très mauvaise idée.
09:19 En Corée du Nord, quand t'es pas d'accord, franchement tu te tais.
09:22 Mais donc, mauvaise pioche, le dissident Jong-nam ne sera donc pas le prochain dirigeant de la Corée du Nord.
09:27 Kim Jong-il se tourne alors vers son deuxième fils, Jong-chol, il commence à le former,
09:31 mais Jong-chol est hyper mal à l'aise en public.
09:34 C'est un gars timide, il a pas la fibre guerrière.
09:36 Bon, ça va pas le faire, alors Jong-chol se retire.
09:39 Et donc, bah, il reste plus que le Kim qui nous intéresse dans cette histoire, le fameux Jong-un.
09:44 Et son père y croit bien, il est loyal, il aime l'armée.
09:46 Alors, le 15 janvier 2009, Kim Jong-il annonce à son peuple qu'au moment venu, c'est Kim Jong-un qui lui succédera.
09:53 Et à ce moment-là, y'en a un qui mâche pas ses mots, c'est son demi-frère Jong-nam.
09:57 Qui, pulse-homme, je sais pas comment le dire autrement.
09:59 Jong-nam, le premier révincé, annonce qu'il est hyper hostile à la succession héréditaire du pouvoir.
10:05 Euh, mauvaise idée.
10:06 Mauvaise idée, sa résidence à Pyongyang est saisie, ses collaborateurs sont arrêtés,
10:10 c'est un premier avertissement, en bonne et due forme.
10:13 Ceci dit, Kim Jong-il a bien conscience qu'il faut que la succession paraisse au moins un peu naturelle pour le peuple.
10:17 Alors, dès le début de l'année 2009, Jong-un est d'abord nommé à la tête de la sécurité d'État.
10:22 C'est la police secrète, tout simplement.
10:24 En mars, il est élu député.
10:26 La propagande dit "élu" pour donner un semblant de démocratie, mais vu qu'il y a qu'un seul parti dans tout le pays,
10:31 vous imaginez bien que c'est vite réglé.
10:32 L'année suivante, Jong-un est promu général d'armée.
10:35 Il intègre le comité central du parti du travail.
10:37 Et enfin, dernière ligne droite, le 10 février 2011, il devient vice-président du comité de la défense nationale.
10:43 Bon, vous avez l'impression que ça va un peu vite.
10:45 Moi aussi.
10:46 En gros, en seulement deux ans, Kim Jong-un a été catapulté numéro 2 du régime.
10:51 Le peuple nord-coréen assiste à cette ascension éclair complètement impuissante.
10:55 Bien sûr, parallèlement à toutes ces nominations express, Kim Jong-il compte beaucoup sur les services de propagande,
11:00 qui ont mis le paquet, hein.
11:01 Kim Jong-un est qualifié de brillantissime camarade ou de génie de la science militaire.
11:06 On raconte qu'il ne dort que 4 heures par nuit,
11:08 des badges à son effigie sont imprimés,
11:10 et sa dette d'anniversaire, le 8 janvier, devient carrément un jour férié.
11:13 Alors les mois passent.
11:14 On est maintenant le 17 décembre 2011, et la Corée du Nord vient d'Ram.
11:18 Le bien-aimé Kim Jong-il décède d'une crise cardiaque à 70 ans.
11:23 Alors le pays est dévasté.
11:25 Mais que les nord-coréens ne s'inquiètent pas trop, le défunt dictateur avait bien préparé sa succession.
11:30 Cette fois, ça y est, il a seulement 27 ans,
11:32 et Kim Jong-un va devenir officiellement l'un des hommes les plus puissants du monde.
11:37 28 décembre 2011, Pyongyang.
11:46 Le peuple nord-coréen est inconsolable.
11:49 Aujourd'hui, on enterre son chef Kim Jong-il.
11:51 Le grand leader Kim Jong-il a déclaré que,
11:57 le 8 janvier 2011, à 8h30,
12:09 il avait été décédé d'une maladie de crise cardiaque
12:15 et qu'il avait été décédé de la maladie.
12:23 Nous devons, selon la volonté de Kim Jong-un,
12:27 changer la tristesse en force et en courage,
12:31 et vaincre la crise de ce jour,
12:33 pour une nouvelle victoire pour la révolution,
12:38 nous devons aller plus fort dans la lutte.
12:41 Cet archive, je la trouve dingue.
12:42 Je la trouve dingue parce que cette journaliste,
12:44 qui est habillée tout en noir, qui a la voix qui tremble tellement elle est au bord des larmes,
12:48 on a vraiment du mal à concevoir ça depuis la France.
12:50 Ces réactions sont quand même folles,
13:09 surtout quand on sait que Kim Jong-il, c'est un dictateur très dur,
13:12 qui a quand même réduit son peuple à la misère et à la famine.
13:15 Mais bon, en même temps, quand il est filmé, pas trop le choix.
13:17 Vaut mieux montrer qu'on est dévasté par le décès du dirigeant du régime.
13:21 Kim Jong-un, lui, pleure aussi.
13:23 En même temps, il vient de perdre son père.
13:25 Sur les images, on le voit accompagner le cercueil.
13:28 Et derrière lui, il y a cet oncle, Chang Sung-taek.
13:30 Chang a été choisi par Kim Jong-il lui-même
13:33 pour continuer de former son fils à la politique
13:35 et gérer, un peu les débuts, le temps que le fiston prenne ses marques,
13:38 les cérémonies d'intronisation en tout genre se multiplient
13:40 pour le nouveau dirigeant, jusqu'en juillet 2012,
13:43 où Kim Jong-un est nommé maréchal.
13:45 Maréchal comme son père et son grand-père avant lui.
13:48 Le plus haut titre qu'on puisse avoir en Corée du Nord.
13:51 Cette même année, le nouveau dirigeant suprême et son épouse,
13:54 ouais, il a une femme qui s'appelle Ri Sol-ju,
13:56 et ils ont une fille ensemble, Kim Yo-ae.
13:59 Et devinez en quelle année elle est née ?
14:00 Et bah, en 2012.
14:01 Waouh ! Hazard de dingue !
14:03 Encore les années en deux dont je vous parlais depuis le début.
14:05 En tant que maréchal de la Corée du Nord,
14:07 Kim Jong-un adopte un style assez bling-bling.
14:09 Il aime les belles bagnoles, le whisky, le golf,
14:12 et sa femme, Ri Sol-ju, elle s'habille carrément en Chanel et en Dior.
14:15 L'idée c'est con, mais c'est de dire,
14:17 en Corée du Nord, on vit aussi bien qu'en Corée du Sud.
14:19 Spoiler, ça n'est pas le cas.
14:21 Mais ça n'empêche pas Kim Jong-un d'avoir des drôles d'amis,
14:24 comme par exemple ce basketeur américain, Dennis Rodman.
14:27 Happy birthday to you.
14:31 Happy birthday to you.
14:36 Happy birthday dear Marshal.
14:40 Happy birthday to you.
14:43 Bon, et côté politique intérieur,
14:45 Kim Jong-un met un point d'honneur à ce que Pyongyang soit la vitrine officielle du pays.
14:50 Depuis qu'il est au pouvoir, c'est simple, il inaugure un quartier par an.
14:53 Rendez-vous compte, à Pyongyang,
14:54 une cinquantaine d'immeubles sont sortis de terre en moins de 10 ans.
14:58 Dans son délire de grandeur, et pour se rappeler les montagnes suisses sans doute,
15:02 il inaugure aussi une station de ski.
15:04 Ouais, une partie du peuple crève encore de faim,
15:06 mais au moins, les élites peuvent skier.
15:08 C'est clair qu'en termes de prix haut, on est bien là.
15:11 Change rien.
15:11 Les campagnes sont toujours plus pauvres,
15:13 les paysans labourent les champs à la main,
15:15 et puis les ploucs de la campagne restent à la campagne,
15:17 pas question qu'ils rentrent dans Pyongyang.
15:19 Pour rentrer dans la capitale,
15:20 il faut un laissé-passer qui est réservé aux plus fidèles du régime.
15:23 D'ailleurs, en parlant de fidélité, la capitale, c'est que ça,
15:26 que des références au Kim.
15:28 Des statues partout, des portraits jusque dans les métros.
15:30 Et dès l'âge de 14 ans, les Nord-Coréens sont obligés de porter un pin's à l'effigie du dictateur.
15:35 En fait, Kim Jong-un marche complètement dans les pas de son père,
15:38 j'irais même de son grand-père.
15:39 D'ailleurs, il ressemble beaucoup à son grand-père.
15:42 Ils font la même taille, 1m75,
15:44 ils ont la même stature, le même regard.
15:46 Et faut savoir que Kim Jong-un, il joue beaucoup de cette ressemblance.
15:49 Il copie sa manière de se coiffer, de parler, de s'habiller.
15:52 J'ai pu même lire qu'on disait qu'il faisait de la chirurgie esthétique
15:55 pour ressembler un peu à papy.
15:56 Et malheureusement, la manière dont il s'en inspire le plus,
15:58 c'est pour gouverner.
15:59 Encore et toujours par la terreur.
16:02 Il attend une loyauté absolue de ses collaborateurs
16:05 et la moindre hésitation est immédiatement sanctionnée.
16:08 D'ailleurs, on le sait pas forcément,
16:09 mais il existe encore en Corée du Nord des camps de concentration.
16:12 Ce sont des camps pour les prisonniers politiques.
16:14 Les rares personnes qui s'en sont échappées racontent la violence,
16:17 les viols, les exécutions arbitraires.
16:19 Et en termes de chiffres, c'est très loin d'être anecdotique
16:21 puisqu'on estime qu'il y a encore 200 000 prisonniers dans ces camps.
16:25 Ce n'est d'ailleurs pas la seule réponse de Kim Jong-un à d'éventuelles trahisons.
16:28 Dans un régime dictatorial comme la Corée du Nord,
16:30 il y a encore, vous vous en doutez, la peine de mort.
16:32 Et il a la gâchette facile.
16:34 Je vous donne un exemple que je trouve particulièrement marquant.
16:36 Vous vous souvenez de Chang Song-thaek, son oncle ?
16:38 Eh bien, Kim Jong-un a vraiment eu du mal à supporter ce comportement de régent.
16:42 Il avait l'impression que son oncle prenait pour un gamin,
16:44 que Chang menait sa propre politique.
16:46 Alors, le 8 décembre 2013, en pleine réunion du parti, Chang est arrêté.
16:51 Il sera jugé deux jours plus tard.
16:53 Il est reconnu coupable de corruption, de trahison et de libertinage.
16:56 Le 12 décembre 2013, la sentence tombe.
17:12 Chang Song-thaek est condamné à mort et exécuté dans la foulée.
17:15 Cette exécution sonne aussi comme un véritable choc pour les Nord-Coréens,
17:18 qui comprennent alors que rien ne va changer sous Kim Jong-un,
17:21 qui, sous ses airs de "ouais, je bois du whisky, je regarde le basket",
17:24 se révèle en fait aussi cruelle que ses prédécesseurs.
17:27 Au début du règne de Kim Jong-un, il faut bien le dire,
17:36 la situation économique de certains Nord-Coréens s'améliore un peu.
17:39 Bon, mais il reste encore beaucoup de choses qui dysfonctionnent.
17:42 Déjà, beaucoup de gens continuent à avoir faim, c'est un problème.
17:45 Les services publics comme les transports, l'électricité, les services de santé sont ultra corrompus.
17:49 Très concrètement, aujourd'hui, la Corée du Nord fait face à un gigantesque trafic de médicaments
17:54 pour permettre aux plus pauvres de pouvoir se soigner,
17:57 tandis que les plus riches vont à l'étranger.
17:58 Le bel idéal égalitaire dont finalement rêvaient les communistes.
18:01 Et puis, la Corée du Nord est sous le coup de nombreuses sanctions économiques
18:04 de la part de la communauté internationale.
18:06 En fait, dès 2006, Kim Jong-il, le père de Kim Jong-un,
18:09 avait annoncé avoir réussi un premier essai nucléaire.
18:12 À ce moment-là, évidemment, réaction de la part de la communauté internationale,
18:15 on décide d'empêcher la Corée du Nord d'exporter de la nourriture,
18:18 des minerais et des équipements électriques, par exemple.
18:20 Mais on interdit aussi le fait d'importer des produits de luxe.
18:23 Le but, à ce moment-là, c'est d'isoler le pays, l'appauvrir et le faire céder.
18:26 Que papa Kim arrête ses conneries avec ses folies nucléaires.
18:29 En plus, c'est arrivé à une période où la Corée du Nord commence un tout petit peu à sourire sur le monde,
18:33 dans l'espoir de s'enrichir.
18:34 Bon, mais on ne peut pas dire que ces sanctions aient réellement fonctionné,
18:36 puisque depuis 2006, la Corée du Nord a tout fait sauf se calmer.
18:40 L'arme nucléaire, l'arme atomique, c'est devenu l'obsession numéro une de Kim Jong-un
18:44 quand il se lève le matin.
18:45 Dans notre problème, nous devons améliorer la fonction de la force nucléaire
18:50 dans tous les aspects de la stratégie de l'armée et de la stratégie de l'armée,
18:52 et nous devons finir la préparation de la guerre en fonction de la force nucléaire.
18:57 Nous voulons réellement supprimer la force nucléaire,
19:01 une des propriétés de la grand-mère.
19:04 En 2013, il se passe aussi quelque chose de très important.
19:06 Kim Jong-un dénonce l'armistice de 1953.
19:09 En gros, il relance la guerre entre les deux Corées.
19:11 Entre Pyongyang, la capitale de la Corée du Nord,
19:13 et Séoul, la capitale de la Corée du Sud,
19:15 toutes les communications sont suspendues.
19:17 Les missiles sont installés et les deux pays se tiennent prêts.
19:19 Mais finalement, leurs voisins, la Chine entre autres, va calmer le jeu.
19:23 On ne peut pas faire des problèmes pour un seul pays, pour un seul pays.
19:29 Mesdames, messieurs, messieurs, mes amis.
19:32 En fait, ce que veut vraiment Kim Jong-un,
19:34 c'est montrer au monde entier qu'il est tenace,
19:36 prêt à tout pour que l'Occident et surtout, surtout les Etats-Unis,
19:40 le reconnaissent comme le leader d'une puissance nucléaire.
19:42 D'ailleurs, il va même jusqu'à diffuser un clip de propagande
19:45 dans lequel la Corée du Nord envoie une bombe sur une ville américaine.
19:48 Depuis, Kim Jong-un joue au yo-yo.
19:50 Des menaces, des essais nucléaires, ça se calme, puis ça repart.
19:54 Et ces menaces, le monde entier les prend très au sérieux.
19:56 On sait que la Corée du Nord a d'énormes ressources en uranium.
19:59 L'uranium qui est un métal radioactif
20:01 qui peut être utilisé pour construire une bombe nucléaire.
20:03 Et d'ailleurs, autant la Corée du Nord a ses sols remplis d'uranium,
20:06 autant, manque de bol, en Corée du Sud, il n'y en a pas un pète.
20:09 Donc oui, la menace nucléaire est bien réelle.
20:11 Et j'avance un peu dans le temps pour m'arrêter sur l'année 2017.
20:13 À ce moment-là, le régime nord-coréen annonce avoir testé
20:16 un missile intercontinental tellement puissant
20:18 qu'il est capable d'atteindre les côtes américaines.
20:21 Désormais, Kim Jong-un l'annonce haut et fort,
20:37 les États-Unis sont à portée de tir.
20:39 À seulement 34 ans, le jeune Kim vient de réaliser le rêve de son grand-père.
20:43 À ce moment-là, aux États-Unis, c'est le républicain Donald Trump qui est au pouvoir.
20:46 Et si vous avez vu ma vidéo sur lui, vous savez que Trump, faut pas le chauffer.
20:50 Alors, à toutes ces provocations nord-coréennes, Donald Trump répond ça.
20:53 Ouais, diplomatie à la Donald Trump, quoi.
21:08 Pendant ce temps-là, le reste du monde occidental a très peur d'une escalade.
21:12 Mais décidément, tout ne va pas se passer comme prévu.
21:14 Alors, vous le savez si vous regardez mes shorts, c'est pour la petite histoire.
21:24 Mais pour la petite histoire, Kim Jong-nam, le frère aîné qui habite à l'étranger,
21:28 vous savez, celui qui est pas content,
21:29 il a tellement critiqué le régime qu'un jour, comme ça, il marche dans un aéroport,
21:33 à Kuala Lumpur, en Malaisie.
21:35 Ça me rappelle les souvenirs. Il est seul, il se méfie pas.
21:38 Et tout d'un coup, deux femmes plaquent leurs mains sur son visage avant de s'enfuir.
21:41 Quelques minutes plus tard, Kim Jong-nam s'évanouit, puis finira par décéder dans une clinique.
21:46 Assez vite, en fait, on comprend que ces deux femmes lui ont plaqué
21:48 un tissu imbibé de produits toxiques sous le nez.
21:50 Et cet assassinat laisse peu de doute quand même de l'implication du régime nord-coréen,
21:54 qui pourtant nie en bloc.
21:56 En éliminant Jong-nam, Jong-un élimine ainsi un Kim un peu trop bavard.
22:01 Alors, s'il a probablement programmé l'assassinat de son propre frère,
22:04 au fil des années, Kim Jong-un affiche un visage plus pacifiste.
22:07 En février 2018, pour les Jeux Olympiques d'hiver qui ont lieu en Corée du Sud,
22:10 le monde assiste à un rapprochement historique entre les deux pays.
22:13 Déjà, les deux Corées défilent ensemble lors de la cérémonie d'ouverture.
22:16 Et puis, pour la première fois depuis 1953,
22:19 le chef de la Corée du Nord franchit la frontière entre les deux Corées.
22:22 Kim Jong-un rencontre alors son homologue sud-coréen, Moon Jae-in.
22:26 Encore plus dingue, en juin 2019, le président des Etats-Unis, Donald Trump,
22:31 rencontre Kim Jong-un et fait quelques pas en Corée du Nord.
22:34 C'est tout simplement la première fois de l'histoire
22:36 qu'un président américain foule le sol de ce pays.
22:39 Non mais cette scène, elle est lunaire, surtout quand on a vu les images quelques années plus tôt.
22:55 Bon alors attention, parce qu'ils font les bons copains comme ça sur les images,
22:58 mais pas trop quand même.
22:59 En vérité, les tensions ressurgissent hyper vite entre les Etats-Unis et la Corée du Nord.
23:02 Comme l'autre, là, il veut pas arrêter ses programmes nucléaires,
23:05 eh bien la communauté internationale n'arrête pas non plus ses sanctions économiques.
23:08 Et puis, un des alliés de la Corée du Nord n'est autre que la Russie de Vladimir Poutine.
23:12 Et niveau business, Poutine entend bien acheter des munitions nord-coréennes
23:15 pour continuer ses offensives en Ukraine.
23:17 Je vous en parlais d'ailleurs un peu dans mon dernier reportage
23:19 où je me suis rendu là-bas sur place en Ukraine.
23:21 En échange, la Corée du Nord pourrait bénéficier de l'aide de la Russie
23:24 pour développer son programme de missiles.
23:25 C'est gagnant-gagnant, entre paria de l'Occident, on se comprend.
23:28 Et ce duo là, il inquiète beaucoup le monde occidental.
23:31 Rappelons quand même que l'armée nord-coréenne, c'est la quatrième armée du monde,
23:35 derrière la Chine, les Etats-Unis et l'Inde,
23:37 avec plus d'un million de militaires dans ses rangs.
23:40 Avec le statut d'Etat nucléaire,
23:42 qu'il a d'ailleurs fait inscrire dans la Constitution le 28 septembre dernier,
23:45 Kim Jong-un a réussi son pari,
23:47 il est parvenu à réaliser le fantasme de son père et de son grand-père avant lui.
23:51 L'histoire de Kim Jong-un, c'est l'histoire d'un fils de dictateur élevé comme un prince,
23:55 formaté pour devenir un tyran à son tour.
23:58 C'est l'histoire d'un jeune homme de 27 ans propulsé au pouvoir,
24:01 qui cherche, sans pitié élement depuis ce jour,
24:04 à prouver qu'il est fait du même bois que ses ancêtres.
24:06 L'histoire de Kim Jong-un, c'est l'histoire d'un homme sans pitié, gouverné par l'ego,
24:10 l'histoire d'un homme plein de paradoxes, d'un dirigeant fasciné par l'armée,
24:14 qui incarne aujourd'hui la principale menace d'une guerre nucléaire dans le monde.
24:18 C'était l'histoire de Kim Jong-un.
24:20 Je vous demande juste un truc, regardez si vous êtes bien abonnés à ma chaîne,
24:26 c'est hyper important pour soutenir mon travail, on se voit bientôt.
24:29 [Musique]