Jean-Michel Bertrand _ Agriculteurs _ la crainte de l’embrasement

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Jean-Michel Bertrand _ Agriculteurs _ la crainte de l’embrasement

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00:00 [Musique]
00:06 Bonsoir, soyez les bienvenus dans 28 minutes.
00:09 Merci de votre fidélité, oh ben la vôtre aussi mes amis.
00:11 Bonsoir, le weekend fut bon.
00:14 Très bon.
00:15 Il semblerait, il a l'œil qui frise.
00:16 L'actualité du jour, c'est la colère et le ras-le-bol des agriculteurs français.
00:21 Pour protester contre la hausse des prix, contre les normes édictées par l'Europe
00:25 et leur sentiment obsédant d'être méprisés ou abandonnés,
00:28 ils continuent leurs actions de blocage, comme sur la 64 en Occitanie.
00:33 On a peut-être moins de trois semaines d'avance de stock de nourriture,
00:36 donc tant qu'on a à manger et du bois de chauffage, on ne bougera pas d'ici.
00:40 J'ai un revenu en moyenne, comme tous les agriculteurs,
00:42 qui est autour de, entre 5 et 800 euros par mois.
00:45 On aimerait bien que le pays que l'on nourrit nous respecte.
00:49 Jusqu'où peut aller la colère du monde rural et avec quelles conséquences politiques,
00:53 notamment aux élections européennes de juin prochain ?
00:56 On en débattra ce soir avant de vous retrouver tous les deux,
00:58 Marie Bonnissot et Xavier Mauduit.
01:00 Oui, avec des manifestations, mais monstres, en Allemagne pendant tout le week-end,
01:03 contre l'extrême droite, avec toujours la peur de l'extrême, de l'extrême,
01:07 au sens où je vais vous parler de la dénazification après la Seconde Guerre mondiale.
01:11 Et vous Marie ?
01:12 Eh bien figurez-vous, Élisabeth, qu'on peut tricher aux jeux vidéo.
01:15 Je vais vous raconter la carrière trouble d'un champion de Donkey Kong.
01:19 C'est un jeu d'arcade avec un gorille, en gros.
01:21 Donkey Kong.
01:22 À tout à l'heure, j'ai rien compris.
01:24 Pour commencer, vivre avec les loups, une question qui fascine et qui fâche certains éleveurs français.
01:30 Le documentariste Jean-Michel Bertrand a rencontré des bergers confrontés quotidiennement aux loups.
01:34 Son film, Vivre avec les loups, célèbre sans angélisme une cohabitation avec le loup,
01:39 en misant sur l'intelligence collective la nuance et la cogestion du problème.
01:45 C'est admirable et on le retrouve dans un instant, dans 28 minutes.
01:48 (Générique)
01:59 Eh oui, avec nous en direct de sa vallée perdue, merveilleuse vallée perdue des Hautes-Alpes,
02:04 Jean-Michel Bertrand, bonsoir.
02:05 - Bonsoir. - Je vous présente Alain Diaille et Benjamin Sportouche.
02:09 Alors, un film qui sort mercredi dans deux jours, Vivre avec les loups,
02:12 et un livre, je le montre tout de suite, sinon je vais oublier.
02:14 Vivre avec les loups, aux éditions Salamandre.
02:16 Jean-Michel Bertrand, je précise juste que ce film a été mis en image par trois réalisateurs,
02:22 dont Maria Miguet, à qui on doit la panthère des neiges,
02:25 pour donner une idée de la beauté des images.
02:28 On découvre votre portrait ?
02:29 - Allez. - On en parle après de Vivre avec les loups ?
02:31 - Allons-y. - Vous êtes partant ?
02:32 - C'est parti. - Il est partant pour tout.
02:33 - Allez. - Son portrait par Gaëlle Legras.
02:35 Saint-Bonnet-en-Champs-Or, les loups, une trilogie, c'est la règle de trois de Jean-Michel Bertrand.
02:40 Il naît en 1959 à Saint-Bonnet-en-Champs-Or dans le département des Hautes-Alpes.
02:44 A 16 ans, il lâche l'école.
02:46 Passionné par la photographie, il voyage beaucoup et rencontre le réalisateur belge Douchang Gersy.
02:51 Cet ethnologue a notamment tourné un film sur Borneo au début des années 80.
02:55 - La vraie peur, c'est pas avec les populations que je la connais.
02:58 C'est les autres éléments, la forêt, par exemple.
03:00 C'est physique. L'atmosphère dans laquelle on vit, il faut la connaître et la vibrer, la sentir.
03:06 J'ai été son assistant durant quelques années. Il m'a mis le pied à l'étrier du cinéma.
03:10 Jean-Michel Bertrand réalise un premier film en Islande.
03:14 Puis il s'intéresse aux nomades mongols.
03:17 - C'est l'histoire d'un peuple qui vit loin de chez nous
03:20 et qui vit surtout d'une façon très différente de la nôtre.
03:22 Après de nombreux autres voyages, il tourne un documentaire sur l'aigle royal
03:26 pendant 2 ans dans ses Alpes natales.
03:28 - Je suis parti pour 2-3 jours d'observation, à faire pipi, sous la vue, sans parler du reste.
03:37 Le loup, pour moi, c'est un retour à l'enfance. Il enrichit mes rêves.
03:41 En 2013, Jean-Michel Bertrand part en quête de cet animal
03:44 qui s'est naturellement réinstallé en France depuis l'Italie.
03:47 - Il faut que je me trouve un endroit pour dormir. Je crois que je vais dormir là.
03:51 Le loup sauvage, avec son retour, il apporte une autre dimension.
03:57 Ce film de 2017 séduit plus de 300 000 spectateurs.
04:01 En 2020, Jean-Michel Bertrand sort "Marche avec les loups".
04:04 - Chaque fois que je vois un loup, je suis satélisé.
04:07 C'est le coeur qui s'arrête, c'est les tremblements, ce qui est rare et mérité.
04:11 Donc c'est toujours très, très puissant.
04:14 Ce 2e film sur les loups illustre la dispersion de l'espèce et son autorégulation.
04:18 "Vivre avec les loups" clôt aujourd'hui sa trilogie.
04:21 Jean-Michel Bertrand interroge bergers, éleveurs ou chasseurs.
04:24 Il piste les idées qui permettraient à l'homme et à l'animal de coexister.
04:27 - Alors, qu'est-ce qu'on fait ? Tout tuer, on n'y arrivera plus.
04:30 Il va falloir qu'on vive ensemble.
04:33 Quand on parle des loups, la discussion s'ouvre sur notre façon d'être au monde.
04:36 Cet animal est un révélateur de l'âme humaine.
04:39 - Jean-Michel Bertrand, je crois que vous avez vu votre 1er loup en mars 2013.
04:46 Et depuis, vous pissez partout, vous urinez comme les loups pour marquer votre territoire
04:51 et pour leur signifier, quand vous êtes dans votre vallée, "Territoire loup, je suis là".
04:55 - Ah mais c'est vraiment ça. Et c'est pas du folklore, c'est une réalité biologique.
04:59 En fait, c'est le web de la nature.
05:02 Les animaux, et notamment les loups, marquent leur territoire et leur passage en pissant.
05:06 D'ailleurs, regardez les chiens dans les rues qui lèvent la patte partout.
05:09 C'est vraiment ça. Et donc, en fait, pour ne pas les surprendre et ne pas les inquiéter,
05:14 faire un petit peu partie du décor, je pisse de façon très rituelle, toujours au même endroit.
05:19 C'est vraiment un geste de base.
05:22 Alors, c'est pas pour devenir copain avec eux, évidemment, mais juste qu'ils sachent que je sois là.
05:27 - Et d'ailleurs, on vous voit faire à la fin de votre film.
05:30 Le loup est revenu il y a une trentaine d'années.
05:33 La question n'est plus de se positionner pour ou contre le loup, puisqu'il est là.
05:37 C'est un peu ce qui ressort de ce film.
05:39 Mais de savoir comment cohabiter, comment manifester une sorte de diplomatie bienveillante vis-à-vis du loup,
05:45 sans angélisme et en tenant compte des bergers qui font du pastoralisme
05:50 et qui sont dévastés émotionnellement quand leurs animaux sont tués par les loups.
05:54 C'est ça la question ? Trouver une troisième voie, la voie du milieu, entre pour le loup ou contre le loup ?
05:59 - Pour ou contre, c'est débile.
06:01 En tout cas, ça amène à une impasse. On le sait.
06:05 Notre société actuelle se nourrit de ça, du pour, du contre, à tout niveau, à tout sujet.
06:10 Chacun a un avis sur tout et chacun se fabrique des ennemis.
06:14 Et moi, ce que j'ai essayé de faire au travers du film, c'est vraiment de déconstruire tout ça.
06:19 De déconstruire en me questionnant, en rencontrant des gens,
06:23 et plutôt en allant, même complètement, dans la bienveillance.
06:27 Et un film qui pose des questions.
06:31 Alors déjà, c'est un film que j'ai voulu beau, que j'ai voulu émouvant, parce que le vit, quoi.
06:35 Voilà, on est au cinéma, on n'est pas sur un rapport du pour ou contre.
06:38 Mais le filigrane de tout ça, c'est la bienveillance,
06:42 et on se rend compte qu'il vaut vraiment peu de choses pour faire basculer les gens.
06:47 C'est-à-dire, quand on fait attention aux personnes et qu'on les rencontre,
06:51 eh bien tout de suite, un autre dialogue s'installe.
06:54 - Eh bien alors, justement, tiens, un extrait du film "Vivre avec les loups", des éleveurs.
06:58 - Que tu veuilles ou que tu veuilles pas, maintenant on est obligés de cohabiter.
07:04 Bon, il t'est arrivé ça, on fait quoi ?
07:08 Tout tuer, on n'y arrivera plus. Alors qu'est-ce qu'on fait ?
07:12 On s'entend ? Avec les gens de la ville, les gens de la campagne ?
07:17 Le bon volontaire qui veut venir gratuitement te filer la main ?
07:21 Ou on le refoule ?
07:24 Il faut qu'on parte avec une idée qu'il va falloir qu'on vive ensemble.
07:32 La ville et la campagne, il va falloir qu'on arrive quand même à s'entendre un jour.
07:38 - Jean-Michel Bertrand, les visages, les jeunes visages qu'on voit là,
07:43 c'est des visages de bénévoles qui participent à Pastoralou,
07:47 autrement dit l'intelligence collective, le bénévolat des gens de la ville,
07:51 Grenoble et d'autres villes, qui vont faire du bénévolat tous les soirs,
07:55 dans les alpages, qui vont surveiller les brebis et les chèvres éventuellement
08:01 de ces éleveurs pour empêcher que les loups les attaquent.
08:04 C'est ça la solution, l'intelligence collective ?
08:06 - C'est la phrase, l'intelligence collective, la bienveillance et la curiosité.
08:11 Alors ces gens, ils viennent de la ville, ou ils viennent aussi de la ruralité,
08:14 mais ils ne sont pas du monde paysan, on va dire, et parfois ils sont pris de haut.
08:19 "Ah oui, c'est quoi, c'est beau, c'est rigolo et tout."
08:21 Sauf que c'est rigolo, mouille la chemise, c'est rigolo,
08:25 ils vont au contact de gens qu'ils n'auraient jamais rencontrés autrement,
08:29 et il y a des ponts qui se créent, et on casse aussi cette espèce de préjugé,
08:36 et puis ce truc un peu mortifère aujourd'hui de la ruralité,
08:40 "refermer sur elle contre la ville", "on est toujours le con d'un autre",
08:45 je trouve ça insupportable aujourd'hui, et ce que font ces gens-là,
08:48 c'est à une haute valeur sociale et politique même,
08:51 c'est-à-dire que, et ce qui se crée au niveau de ces bénévoles-là,
08:55 qui se font d'ailleurs en Suisse aussi avec la...
08:57 - On le voit dans le Haut-Valais.
08:59 - Opal et Pastoralou en France, mais c'est des gens qui deviennent souvent amis,
09:05 et puis surtout, ces gens-là qui sont en dehors du métier de berger et d'éleveur,
09:10 ils apprennent sur place la réalité du terrain,
09:14 c'est-à-dire ils voient la difficulté, ils arrêtent de fantasmer, on va dire, tout ça,
09:19 ça leur remet vraiment les pieds sur terre.
09:21 - Mais alors vous venez de parler de la Suisse, on vous voit dialoguer avec des agriculteurs suisses,
09:27 mais là-bas, la chasse au lot est autorisée depuis le 1er décembre tout de même.
09:32 - Oui, justement, là on est en train en ce moment de régresser complètement,
09:35 et c'est très intéressant d'en parler,
09:37 parce qu'en Suisse, on a une décision qui a été prise par des politiques d'extrême droite, on va dire,
09:44 on peut le dire, on est dans du populisme pur,
09:47 et d'après moi, on prend un petit peu les éleveurs pour des billes,
09:51 c'est-à-dire qu'en gros, le populisme c'est quoi ?
09:54 C'est trouver des solutions radicales et immédiates à des problèmes complexes.
09:58 Donc qu'est-ce qu'ils disent ces gens-là ?
10:00 Ils disent "vous êtes embêtés par les loups", oui on est embêtés par les loups,
10:03 "vous en souffrez", oui on en souffre, et bien on a une solution, on va enlever les loups.
10:07 - La carabine.
10:08 - Mais en fait, là on pourrait en parler des heures,
10:11 mais évidemment, le fait de tirer des loups qui mettent le bazar, c'est pas un problème,
10:15 je veux dire les loups ne se font pas de cadeaux entre eux, l'angélisme, voilà, pas d'angélisme,
10:20 tirer des loups qui sont un peu moins farouches que d'autres,
10:23 qui viennent un peu trop au troupeau, moi ça me choque pas.
10:26 En revanche, quand on est dans des volontés comme ça de soi-disant régulation,
10:31 ce qui vient aussi en France et en Europe en voulant décasser le loup...
10:35 - Pour vous, régulation c'est éradication ?
10:37 - C'est pas éradication, c'est déstabilisation et c'est le bordel.
10:40 Parce qu'en fait, le remède est pire que le mal, et les scientifiques nous le disent tout le temps.
10:46 - On va évoquer avec vous Jean-Michel Bertrand et avec Anna,
10:49 l'ours dans les pierres et des yalelous, notamment dans les Hautes-Alpes,
10:53 mais pas que dans les Hautes-Alpes, on le voit de plus en plus dans toute la France,
10:56 et l'ours dans les Pyrénées qui pose problème aux éleveurs.
10:58 - Voilà, qui inquiète, mais lui, contrairement aux loups, il n'est pas revenu seul dans la région.
11:03 C'est le gouvernement qui a décidé en 1996 de réintroduire deux ours femelles slovènes,
11:08 elles s'appellent Ziva et Melba, pour éviter la disparition de l'espèce.
11:12 Alors d'autres lâchées ont eu lieu ensuite jusqu'en 2018,
11:15 et aujourd'hui on compte près de 80 individus dans les Pyrénées,
11:18 selon l'Office français de la biodiversité.
11:20 Mais un rapport du ministère de l'Agriculture estime qu'en 2050,
11:23 il y en aura au moins quatre fois plus, ce serait 350 ours au total.
11:28 Et alors comme pour le loup, on l'a dit tout à l'heure, les éleveurs sont inquiets,
11:32 rien qu'au mois d'août, 220 attaques contre des troupeaux de brebis ont été rapportées.
11:37 Alors le gouvernement a autorisé des mesures d'effarouchement
11:40 en cas d'attaque pour effrayer l'animal.
11:43 Jean-Michel Bertrand, est-ce que du coup le débat sur l'ours,
11:46 selon vous, c'est le même que celui sur le loup ?
11:48 Est-ce qu'il va falloir imaginer là aussi vivre ensemble ?
11:51 C'est exactement le même. En fait c'est une question d'être au monde,
11:54 c'est une question de vision de ce qui nous entoure.
11:57 Sauf que les ours font beaucoup moins de dégâts que les loups.
12:01 Et ce que je dis souvent quand je fais des séances dans des cinémas...
12:04 Et qui parfois sont un peu agités, on en a vu d'ailleurs pour le film précédent,
12:08 il y avait des casserolades, des éleveurs désespérés disaient
12:11 "vous n'avez pas d'empathie pour nous".
12:13 Alors que bon, bref, c'est l'inverse, le film le raconte.
12:16 Mais des ours, quand c'est 200, 400 victimes,
12:19 avec les loups on est à 12 000 dans les Alpes.
12:22 – 12 000 quoi ?
12:23 – Brebis tués.
12:24 Donc vous voyez bien, ce que je leur dis moi dans les Pyrénées,
12:27 c'est que quand les loups reviendront de façon pérenne dans les Pyrénées,
12:31 pour l'instant il ne faut que quelques incursions,
12:33 et on a affaire qu'à quelques loups dispersés,
12:35 eh bien ils regretteront leurs ours.
12:38 Parce que le loup est beaucoup plus prégnant et opportuniste que l'ours
12:42 pour attaquer des troupeaux.
12:44 Donc on voit bien que cette espèce d'hystérie autour de l'ours,
12:49 elle est surtout basée sur le fait qu'on n'accepte pas cette coexistence.
12:54 Et c'est là qu'il faut commencer à discuter,
12:57 à essayer de comprendre et de défaire tout ça.
13:00 – Il y a un philosophe que vous connaissez, Baptiste Morisot,
13:02 qui évoque la nécessité d'avoir des égards ajustés avec le vivant.
13:05 Vous pensez que votre film contribue à ceci,
13:08 à réconcilier, à ouvrir le regard ?
13:11 – C'est vraiment le but, moi je gamberge,
13:14 ce que j'essaie c'est d'avancer, c'est trop facile de décider des ennemis.
13:20 Et donc moi j'essaie d'être efficace, d'être un petit peu pragmatique,
13:23 et des fois c'est même des stratégies, je me dis mais comment on peut faire
13:26 pour avancer et justement parvenir à coexister ?
13:29 Regardez l'impact de l'humain sur Terre.
13:32 Enfin je veux dire, il y a un moment il faut reposer un petit peu,
13:36 mettre l'église au milieu du village.
13:38 – Vous avez un impact, le géant il vit la moitié de l'année dans cette cabane,
13:41 accroché à la falaise, c'est une merveille, on ne dira pas où elle est,
13:44 d'ailleurs on ne peut pas le savoir, c'est dans une vallée qui reste inconnue.
13:47 Merci Jean-Michel Bertrand, "Vivre avec les loups" sort ce mercredi,
13:51 c'est un film absolument magnifique et un film qui est sur une fine ligne de crête,
13:55 la voie du milieu, la voie de la réconciliation.
13:57 Merci encore d'être venu sur le plateau de 28 minutes,
14:00 on passe à notre débat, on va justement évoquer la colère,
14:03 la colère de la ruralité, des agriculteurs français,
14:05 cette colère monte, augmentation de leurs charges, insuffisance des prix agricoles,
14:09 normes environnementales jugées par eux asphyxiantes.
14:12 Jusqu'où ira-t-elle à un mois du salon de l'agriculture
14:14 et à cinq mois des élections européennes ?
14:16 On en débat après la mise au point de Sandrine Lecalvaise.
14:19 – Prêt à tenir un siège, des agriculteurs bloquent depuis jeudi
14:28 l'autoroute A64 entre Toulouse et Bayonne.
14:31 Ils dénoncent l'impasse financière à laquelle ils doivent faire face.
14:35 – J'ai un revenu en moyenne, comme tous les agriculteurs,
14:37 entre 5 et 800 euros par mois.
14:39 On aimerait bien que le pays que l'on nourrit nous respecte.
14:42 – Ma comptable me dit, s'il n'y a pas d'aide, on dépose le bilan.
14:45 Et moi ça je ne peux pas l'entendre.
14:47 – Un désarroi provoqué notamment par la suppression d'un avantage fiscal
14:53 sur le gasoil non routier et par le sentiment d'être écrasé
14:57 par des normes environnementales ou européennes jugées excessives.
15:01 Un mois avant le Salon de l'agriculture,
15:03 la FNSE annonce un durcissement des manifestations.
15:07 – Le sujet maintenant c'est que la colère s'exprime
15:09 et je peux vous dire que dès aujourd'hui et toute la semaine
15:12 et aussi longtemps qu'il sera nécessaire,
15:14 un certain nombre d'actions vont être menées.
15:16 – Le nouveau Premier ministre redoute un embrasement des campagnes.
15:20 – Monsieur le Premier ministre,
15:22 je voudrais partager les inquiétudes du monde agricole.
15:25 – Interpellé par un agriculteur samedi dans le Rhône,
15:28 Gabriel Attal a amorcé une opération de déminage.
15:32 – Ça paraît une évidence de le dire,
15:34 en tout cas moi en tant que chef du gouvernement c'est important de le rappeler,
15:37 non les agriculteurs ne sont pas des bandits,
15:39 non les agriculteurs ne sont pas des pollueurs,
15:41 non les agriculteurs ne sont pas des personnes qui torturent les animaux,
15:44 comme on peut l'entendre parfois.
15:46 – Des paroles d'apaisement alors que le Rassemblement national
15:50 s'érige en défenseur des agriculteurs,
15:52 très convoité à cinq mois des élections européennes.
15:56 – Il y a aujourd'hui le cri d'un peuple français qui ne veut pas mourir,
15:59 qui est attaché à ses campagnes, à sa ruralité,
16:02 et qui n'entend pas se laisser effacer.
16:04 – Alors d'où vient cette colère qui ronge le monde rural ?
16:07 Le mouvement qui considère que le monde marche sur la tête,
16:11 peut-il s'étendre ?
16:12 Sous pression, le gouvernement répondra-t-il aux doléances des agriculteurs ?
16:17 – Trois invités pour ce dossier plus qu'exclusif, Nicole Ouvrard.
16:22 Bonsoir Madame, vous êtes directrice du Média d'Analyse des Politiques Agricoles,
16:25 Agra, et je précise que vous êtes ingénieure agronome.
16:28 Et vous estimez que la paupérisation n'est pas la seule cause de la colère agricole,
16:32 c'est le ras-le-bol des normes qui se sont multipliées ces dernières années,
16:35 notamment à cause du pacte vert européen, le mot d'ordre des agriculteurs,
16:39 "on marche sur la tête" avec le renversement des panneaux à l'entrée des communes,
16:44 où des lieux dits "le décribien".
16:46 À côté de vous, François Purceigle, bonsoir Monsieur, sociologue des mondes agricoles.
16:50 Vous êtes professeur à l'université, des universités pardon, à l'Agro Toulouse,
16:53 et vous êtes l'auteur d'une agriculture sans agriculteurs Paris,
16:56 parue aux presses de Sciences Po.
16:58 Selon vous, les agriculteurs, nos agriculteurs français,
17:01 vivent une crise de confiance vis-à-vis des politiques, mais aussi des consommateurs,
17:05 et vis-à-vis des industriels.
17:06 On parle beaucoup du réarmement de la France,
17:08 mais vous estimez qu'eux se sentent absolument désarmés, et c'est ce qu'ils manifestent.
17:12 Et enfin, Claude Gruffin, bonsoir.
17:14 Vous êtes député européen écologiste, groupe Vert à l'E.
17:17 Vous êtes issu d'une famille de producteurs de lait,
17:20 une famille de Savoyards, n'est-ce pas ?
17:22 Et vous avez longtemps exercé le métier de conseiller agricole,
17:24 avant de devenir président du groupe Biocop.
17:27 C'était de 2004 à 2019.
17:29 Selon vous, si le pacte Vert alimente la colère des agriculteurs,
17:32 il a été vidé de tout ce qui aurait pu accompagner les agriculteurs
17:36 dans la transition écologique.
17:38 Le moratoire sur le pacte Vert est là de fait.
17:41 Alors, on démarre avec un chiffre.
17:43 Un chiffre édifiant à 496 000 agriculteurs en France en 2020.
17:47 Ils étaient 100 000 de plus en 2010,
17:50 et en 1985, on en comptait un million.
17:53 Donc deux fois moins d'agriculteurs, de paysans en 35 ans.
17:56 C'est une chute exceptionnelle en moins d'un demi-siècle.
17:58 Nicole Ouvrard, à ce rythme, on se dit que la France,
18:00 qui était quand même le grenier du monde, qu'on considérait comme tel,
18:03 pourrait se retrouver sans agriculteurs d'ici 2050.
18:05 C'est envisageable, si jamais il n'y a pas de transmission des exploitations ?
18:09 Envisageable, il ne faut pas espérer quand même.
18:12 Il y a encore des régions où il y a des reprises d'exploitation agricole,
18:16 mais cette augmentation des surfaces
18:20 et cette diminution du nombre d'agriculteurs,
18:23 elle est subie aussi.
18:25 Et il y a une grosse difficulté,
18:27 c'est que les exploitations sont de plus en plus grandes
18:30 et de moins en moins reprenables.
18:32 C'est-à-dire que les jeunes qui arrivent
18:34 ne peuvent pas financièrement reprendre.
18:38 Donc il y a aujourd'hui des mouvements sociaux,
18:42 des changements sociaux, d'ailleurs que François analyse,
18:47 qui sont profonds, notamment les agriculteurs finissent par ne même plus
18:52 avoir suffisamment de moyens pour acheter leur matériel
18:56 et ils externalisent les travaux par des entreprises de travaux agricoles.
19:02 Ça c'est un mouvement profond aussi que l'on est en train d'observer.
19:06 Sans compter d'un agriculteur sur cinq qui vit sous le seuil de la pauvreté.
19:09 Agriculteur, paysan, en France.
19:12 Tout à fait.
19:13 C'est énorme.
19:14 On ne peut plus parler d'un monde agricole,
19:16 il faut parler de mondes agricoles.
19:17 Plusieurs mondes agricoles.
19:18 Avec des écarts de revenus sans précédent,
19:20 des écarts dans les conditions de vie,
19:22 les conditions économiques.
19:24 Je voudrais rajouter juste un petit mot
19:26 sur les difficultés à transmettre les exploitations.
19:29 En fait, finalement, la première adversaire aussi
19:31 de l'agriculture familiale française, c'est la famille elle-même.
19:33 Parce que cette installation ne va pas de soi.
19:36 Elle ne va pas de soi pour des ayants droit,
19:38 des enfants qui partent travailler en ville
19:40 et qui réclament leur dû,
19:42 et des parents qui ne font plus de cadeaux aussi
19:44 aux enfants qui veulent reprendre.
19:46 Donc la désignation de successeur ne suffit plus.
19:48 Et puis à quoi bon transmettre
19:50 quand on vit de telles situations économiques, parfois ?
19:53 Eh bien, on doute.
19:54 On doute de sa capacité à transmettre.
19:56 Mais Cléo Griffa, ce qu'on ne comprend pas quand même,
19:58 c'est que les prix du lait, à un moment donné, ont augmenté.
20:01 Les céréales ont augmenté, on nous a dit justement,
20:03 parce qu'il y avait des défaillances en Ukraine.
20:05 Donc il semblait que les agriculteurs allaient mieux.
20:07 Et en fait, ça ne va pas.
20:08 Qu'est-ce qui ne va pas, là, dans les derniers mois,
20:10 pour que ça déclenche une telle colère ?
20:12 - C'est que les prix qui ont augmenté
20:14 ne profitent pas aux agriculteurs.
20:15 - À qui ils profitent ?
20:16 - Eh bien, quand vous avez la cotation des céréales
20:18 qui se fait à la Bourse de Chicago,
20:20 ça profite aux intermédiaires.
20:22 - C'est-à-dire aux distributeurs concrètement.
20:24 - Pour le monde des céréales, vous avez 4 multinationales
20:27 qui gèrent 91 % des flux de céréales dans le monde.
20:30 4. Ils se mettent d'accord, ils bloquent les stocks,
20:32 les prix s'envolent, c'est ce qui s'est passé
20:34 au moment de la crise en Ukraine.
20:35 Parce que la crise, là, elle a été fabriquée,
20:37 soyons bien d'accord.
20:38 2022, c'est l'année où, dans le monde,
20:41 on a fait les meilleures récoltes de jamais,
20:44 de tous les temps.
20:45 - Et alors ?
20:46 - En maïs, en tournesol, en soja, en riz, en blé,
20:48 on a fait les meilleurs volumes.
20:50 Et c'est l'année où il y a la crise des prix
20:52 et où les choses s'envolent.
20:54 On a une situation chez les intermédiaires,
20:56 c'est le monde à l'envers,
20:57 une situation chez les intermédiaires
20:59 qui fait qu'on a bloqué les stocks,
21:04 les prix se sont envolés, évidemment,
21:05 puisqu'il n'y en avait plus sur le marché.
21:06 Mais ce n'est pas pour ça que les agriculteurs
21:08 ont été durablement mieux payés de leur céréale.
21:10 En 2022, ils ont été bien payés,
21:12 mais ça n'a pas duré.
21:13 - Alors, attendez, avant que vous réagissiez,
21:14 pour qu'on comprenne, vous dites,
21:16 c'est l'année 2022.
21:17 On va vous montrer une archive qui date de 1999,
21:20 la colère des agriculteurs.
21:22 Déjà, à l'époque, on a l'impression
21:23 que rien n'a changé. Regardez.
21:24 - L'appel au secours lancé cet après-midi
21:26 par les familles d'agriculteurs,
21:29 point d'orgue à 4 journées d'occupation du centre-ville.
21:31 Les éleveurs sont venus cette fois
21:33 accompagnés de leurs femmes et des enfants.
21:35 - Je suis venue pour avoir de l'argent,
21:37 pour pouvoir partir en vacances,
21:40 comme on n'est pas partis depuis 3 ans aussi.
21:42 - Ambiance familiale, rien à voir
21:44 avec les démonstrations de violence de la nuit dernière.
21:47 C'était quelques heures plus tôt, sur cette même place.
21:50 Ce midi, responsables syndicaux et préfets
21:52 se sont retrouvés autour d'une même table.
21:54 La nomination d'un monsieur Crise en Bretagne a été confirmée.
21:57 Dès lundi, il sera à Rennes avec 2 missions.
22:00 - Définir d'abord les mesures d'urgence
22:03 qui permettront d'évaluer financièrement
22:07 les difficultés des éleveurs
22:08 et de leur apporter des réponses dans les jours qui viennent.
22:11 - Nicole Ouvrard, mesures d'urgence.
22:13 En même temps, la paupérisation,
22:15 elle n'a fait que s'aggraver depuis lors ?
22:17 - Alors...
22:18 - Des agriculteurs, des paysans ?
22:20 - On a des productions, des métiers
22:25 où ils ont une certaine habitude de vivre
22:28 avec des augmentations, des diminutions.
22:31 L'aléa climatique ou la météo changeante, ils connaissent.
22:36 Le problème, c'est que depuis ces dernières années,
22:40 tous les ans, il y a des aléas climatiques.
22:43 Et ça, ça pèse.
22:44 C'est-à-dire qu'effectivement, le changement climatique,
22:47 les agriculteurs le vivent très fortement.
22:49 Donc il y a cet élément-là.
22:50 - Oui, on imagine que les agriculteurs du Nord-Pas-de-Calais,
22:52 effectivement, avec les inondations et tout ce qui s'est passé,
22:54 là, vont être durablement impactés.
22:56 - Oui, en Occitanie, il y a la sécheresse.
22:58 - En Occitanie aussi, il y a la sécheresse.
22:59 - Il y a la sécheresse, voilà.
23:00 Et il y a la sécheresse depuis plusieurs années.
23:03 Il y a des pieds de vignes qui explosent tellement c'est sec.
23:07 Je pense que tu peux confirmer.
23:09 Donc ça, effectivement, c'est une difficulté.
23:12 C'est qu'il n'y a pas d'année pour se rattraper sur l'année.
23:15 - D'accord.
23:16 - Alors que les producteurs de porc, par exemple, c'est typiquement...
23:20 - Ce qu'on a vu dans l'archive, là, en 1999.
23:22 - Voilà, un métier où on a des cycles de hausses et des cycles de baisses.
23:26 Depuis 2-3 ans, économiquement, effectivement,
23:30 il y a eu quand même de meilleurs résultats économiques dans les exploitations.
23:34 Là, aujourd'hui, on a à la fois une baisse des prix des matières premières,
23:40 comme vous disiez, monsieur, et une hausse,
23:43 enfin, ou en tout cas, une continuité des hausses des charges.
23:46 - D'accord, mais François Curceil, en même temps, l'Europe est là.
23:49 Alors c'est vrai qu'elle était à l'origine de la colère,
23:51 mais on ne comprend pas parce que l'Europe, c'est aussi...
23:53 La PAC, c'est 9 milliards pour la France, et la PAC, c'est 30% du budget européen.
23:58 Donc ça devrait compenser...
23:59 - Politique agricole commune.
24:00 - Ça devrait compenser les difficultés que rencontrent les agriculteurs.
24:03 - Oui, sauf que, comme je disais tout à l'heure,
24:05 peut-on avoir une seule politique publique pour accompagner des mondes très éclatés ?
24:10 Une entreprise agricole, c'est tout à la fois, et parfois,
24:13 une entreprise artisanale et commerciale, une entreprise patrimoniale,
24:17 ou alors c'est une entreprise de type industriel.
24:20 On a pensé la PAC à un moment de l'histoire
24:22 où les agriculteurs se ressemblaient quasiment toutes et tous à l'échelle de l'Union européenne.
24:27 Et donc, on a construit un instrument de politique publique
24:30 pour accompagner finalement un monde à part qui devait se transformer et se moderniser.
24:36 Or, cet éclatement est beaucoup plus difficile à gérer pour les politiques publiques,
24:40 pour les politiques également,
24:42 parce qu'on ne peut pas accompagner des situations de paupérisation
24:46 avec les mêmes outils que ceux qu'on va utiliser pour accompagner des grands patrons d'industrie.
24:51 - Nicole Ouvrard, quand même, pour revenir sur ce que vous dites,
24:54 vous avez évoqué les aléas climatiques qui sont considérablement impactants
24:57 pour les agriculteurs et qui expliquent des problèmes économiques
25:00 dont ils se pilent à niquer des mêtres en colère.
25:03 Mais les normes édictées par Bruxelles, c'est précisément pour aller dans le sens de la transition écologique.
25:08 Alors, pourquoi lutter et se plaindre de ces normes
25:12 alors qu'ils sont eux-mêmes victimes du dérèglement climatique ?
25:16 - Alors, effectivement, la PAC, on va dire depuis les années 90,
25:20 pour pouvoir toucher les aides de la PAC, il y a ce qu'on appelle l'éco-conditionnalité.
25:27 - Des contreparties, donc, pour respecter des normes environnementales.
25:30 - Exactement. On a, on va dire, à chaque réforme de la PAC, une couche supplémentaire qui s'ajoute.
25:38 - De quoi ? De normes ? Par exemple, donnez-nous des exemples concrets.
25:41 - Par exemple, sur les derniers, là, on a eu ce qu'on appelle les éco-régimes.
25:47 Donc, cette approche d'éco-régime, elle est pour faire en sorte de respecter davantage la biodiversité,
25:53 de mettre en place davantage d'infrastructures où il y a la possibilité de...
26:02 - 3% de jachères, des prairies, c'est ça, des choses comme ça ?
26:05 - Des jachères, des haies, des zones sensibles, etc.
26:09 Il y a une obligation de rotation des cultures, donc ne pas faire de la monoculture, par exemple, des choses comme ça.
26:20 Ça, ce sont des décisions qui sont prises au niveau national, dans chaque État membre, en fait.
26:25 - Et pourquoi, alors, pourquoi, Claude Ruffin, ces normes, vraiment, viennent les pénaliser ?
26:29 Parce qu'en même temps, il y a des normes européennes qui peuvent les aider.
26:31 Est-ce que vous trouvez, pour voter toutes ces réglementations, qu'il y a trop de normes ou pas ?
26:36 Vous les voyez, là, quand vous arrivez, vous devez voter l'état d'amendement, vous vous dites "bon, là, ça fait un peu trop, même si je suis député écolo" ?
26:43 - Non, parce que, ça a été dit tout à l'heure, c'est un accompagnement.
26:48 C'est pas une addition, les normes.
26:50 Si vous choisissez de faire une agriculture un peu plus respectueuse de l'environnement, écologique, etc.,
26:55 avec les éco-régimes qui étaient cités tout à l'heure pour la France,
26:59 c'est une chose, c'est un chemin, c'est un choix que l'agriculteur fait, mais il peut ne pas le faire.
27:05 Donc, il peut continuer dans ce modèle d'agriculture industrielle.
27:07 Donc, c'est pas une addition. Je veux déjà juste dire ça.
27:10 Et après, il y a un moment donné, et ça a été dit tout à l'heure aussi,
27:13 les agriculteurs sont les premières victimes du changement climatique.
27:17 - Et on fait quoi ? On continue ? On change pas de modèle ?
27:19 - Claude Gruffin, oui.
27:20 - Ou alors, on accompagne ?
27:21 - Eux, ils disent très clairement "arrêtez de nous emmerder" pour dire les choses très clairement.
27:24 C'est un crédo qu'ils ont et qui est repris aujourd'hui par les politiques.
27:27 Écoutez, Aurore Berger, la ministre qui est aujourd'hui déléguée chargée de l'égalité entre les hommes et les femmes
27:31 et qui est très impliquée dans tous les dossiers du gouvernement.
27:34 - Déjà, je pense qu'il faut leur foutre la paix.
27:35 Les agriculteurs, c'est leur premier message.
27:37 C'est pas leur laisser tout faire, mais on a l'agriculture qui est la plus saine et la plus durable au monde.
27:41 Et quand, à longueur de plateaux et de tribunes, on voit qu'ils sont en permanence attaqués.
27:47 Les agriculteurs, c'est un bon symptôme, en vérité, d'une société qui dit "laissez-nous respirer,
27:52 laissez-nous travailler, laissez-nous faire notre métier".
27:55 - François Purcell, on entend ça chez les agriculteurs ?
27:58 On peut comprendre quand même que les normes pèsent sur eux avec des pognes pas prasses,
28:02 mais incroyable, pour la moindre norme, même pour avoir des aides,
28:05 même pour avoir des subventions, même pour acheter un tracteur.
28:07 - Qui ne s'appliquent pas de la même manière d'un pays à l'autre.
28:10 Des travaux récents ont montré, je pense à ceux de Blandine Ménel,
28:13 que finalement, l'accompagnement dans la mise en place de la norme était parfois différent d'un pays à l'autre.
28:18 Parce qu'aujourd'hui, on parlait de l'agrandissement,
28:21 si les grandes exploitations sont très présentes aujourd'hui,
28:25 c'est pas uniquement parce qu'elles sont grandes,
28:27 c'est aussi parce qu'elles ont une capacité à, justement, anticiper la norme,
28:31 aller chercher du conseil pour la mettre en application à l'échelle de leur exploitation,
28:35 alors que les exploitations familiales sont fragilisées humainement,
28:39 ou aussi désarmées humainement et désarmées technologiquement,
28:43 pour, justement, lever des verrous technologiques.
28:46 C'est ça aussi le problème.
28:47 C'est pas la norme en tant que telle,
28:49 c'est la capacité à absorber la norme au moment même où on est extrêmement fragilisé.
28:54 - Mais votre voisin dit qu'il y a un moratoire de facto sur ces normes, il a raison ?
28:58 - Ce qu'il y a, c'est qu'ils ne le sentent pas, de toute façon, au quotidien.
29:02 C'est clair que, de toute façon, comme le disait aussi Nicole Ouvrard,
29:05 ils sont percutés de plein fouet par la question environnementale,
29:08 donc on les ramène à cette question de l'injonction environnementale,
29:10 alors que ce sont les premières victimes aussi de la sécheresse, de manière très très brutale,
29:14 donc il y a quand même un paradoxe, c'est-à-dire que, finalement,
29:17 on les enjoint bien de répondre aux défis climatiques,
29:21 ils en sont les premières victimes, et ils se sentent démunis.
29:24 - Mais c'est ça que je veux...
29:25 Enfin, on voit dans plusieurs reportages ces agriculteurs,
29:27 ces exploitations familiales qui doivent avoir recours à des conseillers
29:30 pour remplir des dossiers, et là on se dit "mais c'est pas possible",
29:33 déjà ces gens ne gagnent pas correctement leur vie,
29:35 mais en plus ils doivent passer par des intermédiaires pour remplir des dossiers.
29:38 - Il y a le côté administratif, et il faut trouver des solutions pour les accompagner,
29:43 mais ça c'est pas nouveau, les chambres d'agriculture sont là depuis 60 ans...
29:46 - C'est embêtant quand même, ça c'est les normes.
29:48 - Et qui les accompagnent pour ça, ils se sont organisés comme ça,
29:51 alors après on peut refaire le débat et puis voir comment les aider pour assouplir ça.
29:55 C'est pas la suppression.
29:56 Moi, la colère qu'il y a en ce moment, pour moi, elle est normale,
30:00 parce qu'ils sont coincés aujourd'hui dans un modèle qui les accule.
30:06 Ce qui n'est pas fait depuis 30 ans, c'est de les accompagner vers un changement.
30:10 - Ils disent que c'est les normes écolo aussi, les normes environnementales, celles que vous votez.
30:14 - Oui, mais les normes, si elles tombent d'un coup,
30:16 parce qu'on est de plus en plus acculé au pied du mur, parce qu'il faut changer...
30:20 Pourquoi il y a eu le pacte vert, à cette mandature en Europe ?
30:23 C'est quand même parce qu'il y a un problème climat,
30:25 on ne se pose pas la question et on continue comme avant de se poser la question.
30:28 Aujourd'hui, on est dans une situation où il faut quand même prendre un peu les choses en main,
30:32 les faire évoluer.
30:33 L'agriculture et l'alimentation, c'est 19% des émissions de CO2.
30:37 Comment on accompagne le changement pour qu'il y ait moins d'émissions ?
30:41 En accompagnant vers un changement de modèle.
30:44 Aujourd'hui, ce changement ne démarre pas.
30:48 Donc on est dans une situation, et ce genre de crise,
30:51 vous l'avez montré tout à l'heure, a déjà eu lieu,
30:53 mais si on ne change pas de modèle, on en reverra des étapes.
30:56 Alors, on va évoquer, et on y reviendra, mais on va évoquer le volet politique.
31:00 Est-ce que le monde rural, ou les mondes ruraux, puisqu'il y en a plusieurs, on vient de le dire,
31:04 sont tentés par le vote RN ? Anna, on en parle avec vous.
31:07 Alors, une étude de Jérôme Fourquet de 2016 nous rappelle que le Front National
31:12 a décidé de faire du monde agricole et rural sa cible au début des années 90.
31:17 C'était donc il y a plus de 30 ans.
31:19 Et les années suivantes, les agriculteurs restent hermétiques et très réfractaires aux idées du FN.
31:25 Mais tout bascule en fait en 2002, lors de l'élection présidentielle.
31:29 Là, la digue cède. Jean-Marie Le Pen récolte 22% des suffrages des agriculteurs.
31:34 C'est donc une année charnière pour le FN.
31:36 Dix ans plus tard, en 2012, Marine Le Pen réalise des scores équivalents à ceux de son père auprès des agriculteurs.
31:42 Donc en 2017, elle continue à courtiser cette partie de l'électorat
31:46 au premier tour des élections présidentielles.
31:48 Et les sondages la créditent alors à ce moment de 35% des intentions de vote du monde agricole.
31:54 Finalement, en 2022, elle va réaliser ses meilleurs scores dans les zones rurales et périurbaines
32:00 en terminant en tête dans plus de 20 000 communes devant Emmanuel Macron.
32:05 Alors évidemment, aujourd'hui, le RN s'inspire des victoires d'autres parties d'extrême droite en Europe.
32:10 En Allemagne, aux Pays-Bas, on l'a vu.
32:12 Et donc, elle surfe sur un discours anti-écologie, anti-Europe et anti-norme.
32:17 Nicole Ouvrard, pourquoi selon vous, le monde agricole est si sensible au discours du RN ?
32:23 Il est sensible au discours du RN comme, là aussi, le reste de la population rurale l'est.
32:32 C'est-à-dire qu'on voit très bien que le RN ne fait pas de grands discours,
32:37 de grandes conférences dans les grandes villes.
32:39 Ils vont s'intéresser aux petites villes, aux campagnes.
32:45 C'est-à-dire qu'ils sont à l'écoute des préoccupations ?
32:47 Ils sont à l'écoute des préoccupations, effectivement.
32:50 Et ça, quand on discute avec des journalistes de la presse quotidienne régionale, notamment,
32:58 ils le disent très clairement que c'est eux qui voient les déplacements du RN.
33:02 Et donc ça, je pense que c'est…
33:04 On ne serait pas d'accord, François Kirchheim.
33:06 Je serais quand même peut-être plus mesuré.
33:08 C'est-à-dire que je pense quand même que le vote agricole ou le vote rural
33:11 ne sont pas réductibles les uns les autres.
33:13 C'est-à-dire qu'on ne peut pas considérer aujourd'hui que les agriculteurs votent comme des ruraux
33:17 qui appartiennent le plus souvent à des classes populaires.
33:20 Vous savez, les agriculteurs sont une minorité dans les espaces ruraux
33:24 qui sont des espaces qui ne sont plus forcément dévolus à la seule production agricole.
33:28 Et il y a quand même, et on l'a vu avec le mouvement des Gilets jaunes, des clivages.
33:32 En fait, ils ne se sont pas reconnus dans le mouvement des Gilets jaunes,
33:35 ces agriculteurs des Gilets jaunes qui portaient aussi la controverse sur le terrain environnemental,
33:40 qui ne partageaient pas non plus le même quotidien.
33:43 Donc je pense qu'il faut faire attention à ne pas finalement assimiler les votes agricoles
33:48 qui sont des votes au pluriel, qui se banalisent, au vote de la ruralité,
33:52 qui est aussi une ruralité éclatée, qui n'est pas uniforme.
33:57 Et les votes des ruraux sont aussi divers.
34:00 – Donc vous ne voyez pas de raz-de-marée populiste chez les agriculteurs aux européennes ?
34:03 – Alors écoutez, d'après les enquêtes d'opinion qu'on a pu réaliser aussi dans nos équipes,
34:08 on voit bien qu'il y a une sensibilité à une offre électorale, mais de la part des marges aussi.
34:13 Parce que finalement, Marine Le Pen s'adresse à des types d'agriculteurs en particulier,
34:18 pas à l'ensemble des agriculteurs.
34:20 Et on voit bien que sur les boucles WhatsApp ou Facebook,
34:23 il y a des tentatives de récupération, mais les agriculteurs ne sont pas naïfs.
34:25 J'étais sur le terrain il y a deux jours, certains me disaient "on sait qu'on veut nous récupérer",
34:30 mais on est quand même vigilants par rapport à ça.
34:33 Et on voit bien que les mouvements ruralistes n'ont pas de prise.
34:35 – Mais ce n'est pas pour autant qu'ils vont voter pour vous, Claude Gruffard.
34:38 – Ça j'ai bien compris.
34:40 – Et pourquoi ?
34:41 – Moi ce que je voulais apporter au débat, c'est qu'aujourd'hui, j'ai dit tout à l'heure,
34:43 80% des agriculteurs, 20% des aides.
34:45 Ces 80% vivent mal.
34:47 Un tiers des agriculteurs gagnent moins de 350 euros par mois.
34:51 Quand on les a laissés tomber à ce point-là, les agriculteurs,
34:54 par des politiques agricoles qui ne vont que vers la grosse industrie
34:57 et qui laissent tomber le reste de la France,
34:59 que les agriculteurs après, en nombre, réagissent comme ça, moi ça ne m'étonne pas.
35:03 Mais non, il faut être sérieux, il ne faut pas juste leur dire
35:06 "t'inquiète pas, on va s'occuper de vous, et puis on va continuer comme ça,
35:10 et on va mettre à bas les normes, l'environnement on s'en fout,
35:13 le climat ce n'est pas un sujet, etc."
35:15 – Donc vous êtes en train de dire qu'ils vont voter pour le RN,
35:18 à partir anti-système, souverainiste, anti-écolo ?
35:21 – Le discours apporté, c'est un discours qui veut changer le modèle d'agriculture
35:25 pour que le maximum d'agriculteurs s'y retrouvent.
35:28 – Ils votent pour le RN parce qu'ils disent que les écolos,
35:31 comme vous, ne le comprennent pas non plus, c'est ça qu'ils disent aussi.
35:35 – On est dans une situation où on propose le changement,
35:39 ce n'est pas facile le changement, personne n'aime le changement,
35:42 c'est logique, c'est légitime.
35:43 – Ils disent que c'est du changement brutal qui ne prend pas en compte leur considération.
35:45 – Et puis depuis longtemps, les écologistes disent ce qui va se passer
35:48 par l'observation que tout devient aujourd'hui un constat grave,
35:51 on est les porteurs de mauvaises nouvelles,
35:53 ben ce n'est pas drôle, on n'est pas aimé quand on est porteur de mauvaises nouvelles.
35:56 Et du coup, mais la sincérité de l'avenir, il faut le poser comme il est.
36:01 – Il y a des discours politiques qui sont quand même un peu hors sol,
36:03 excusez-moi l'expression, et il y a une classe politique…
36:05 – Parlez desquelles ?
36:06 – De tous les camps, c'est-à-dire qu'on a une classe politique
36:08 qui est parfois désocialisée aux mondes agricoles,
36:11 jadis les politiques faisaient leur classe dans les campagnes.
36:14 Je reviendrai sur, par contre, pour moi, des éléments importants
36:18 dans les zones viticoles où là, peut-être que finalement,
36:21 Marine Le Pen ou Jordan Bardella peuvent faire des bons scores
36:24 parce que finalement, il y a des bastions frontistes dans ces zones viticoles en crise,
36:29 mais moi, je pense que ce qui est inquiétant surtout,
36:32 c'est des agriculteurs qui vont sortir du jeu politique,
36:35 c'est-à-dire en s'abstenant, ils allaient au bureau de vote comme ils allaient à la messe,
36:39 on peut en douter aujourd'hui, c'est peut-être à mon avis le risque numéro 1.
36:43 – Et c'est votre conclusion et la conclusion de ce débat,
36:45 merci à tous les trois d'être venus débattre et explorer notre question du jour
36:48 autour de la colère du monde rural et des agriculteurs,
36:51 l'actualité suite avec Marie Bonnissot, Xavier Maudit,
36:54 on va évoquer le sursaut démocratique,
36:56 la mobilisation record en Allemagne ce week-end contre le parti d'extrême droite,
36:59 l'AFD, et la réhabilitation du champion du monde de Donkey Kong,
37:04 mais oui, un jeu vidéo archi-daté pourtant,
37:07 mais d'abord les mots vedettes du moment qui sont repérés comme tous les jours par Thibaud Noll,
37:10 ce soir c'est Godzilla, vous savez, du Godzilla-saurus,
37:13 ce monstre préhistorique qui avait été créé en 54 au Japon
37:16 et qui fait des petits, c'est entendu.
37:19 Godzilla, Godzilla, Godzilla.
37:23 Qu'est-ce que ça veut dire ?
37:25 Exactement ce que ça dit.
37:26 Merci de m'en dire un peu plus.
37:28 Entendu.
37:30 La vie secrète des mots vedettes.
37:33 Godzilla combine les mots japonais gorira, gorille, et kujira, baleine,
37:39 évoquant la force et les origines marines du plus célèbre monstre de cinéma,
37:43 qui a même son étoile sur le Walk of Fame à Hollywood.
37:46 Après une sortie française express les 7 et 8 décembre dernier,
37:49 la 37e version des aventures du reptile Tokyo It est de retour en salle,
37:53 pour 15 jours seulement.
37:55 Le film a déjà rapporté 100 millions de dollars dans le monde,
37:58 dont la moitié aux Etats-Unis,
38:00 cinquième meilleure recette pour un film en langue étrangère.
38:03 En France, il ressort sur 300 écrans,
38:05 après que son distributeur hollandais,
38:07 spécialiste en méga-sorties cinéma pan-européenne depuis 2017,
38:10 a sous-estimé la fanbase et le potentiel du kaiju en latex bien réduit.
38:15 Godzilla est né en 1954,
38:17 9 ans après les bombardements atomiques qui ont vitrifié le Japon.
38:20 Dans ce premier scénario, le monstre aquatique est réveillé
38:23 par les activités nucléaires américaines dans le Pacifique.
38:26 Irradié et fumace, le Streumont de 120 m détruit Tokyo,
38:30 avant de retourner dans ses abysses.
38:32 Le film est un énorme carton au Japon.
38:35 Mais la version projetée aux Etats-Unis est complètement caviardée
38:38 pour relativiser la responsabilité d'Oncle Sam
38:41 dans la création du monstre atomique.
38:43 Dans le 23ème Godzilla, œuvre d'un réalisateur hollywoodien,
38:46 ce sont les essais nucléaires français du Pacifique
38:49 qui font muter un sphénodon en titan soupolé à valeur de cargo japonais.
38:54 Anti-héros de la pop-culture japonaise,
38:57 parfois héros selon les réalisateurs et les époques,
39:00 Godzilla est révéré dans le monde entier.
39:02 Celui de 1954 a inspiré le requin des dents de la mer en 1975,
39:06 qui à son tour influence la scène du bateau dans la version de 2024,
39:10 qui se déroule dans un Tokyo des années 40.
39:13 Godzilla, 70 ans d'hommage et de dommages.
39:17 - Merci M. Nolde. Bonsoir Marie.
39:24 - Bonsoir Xavier.
39:26 - Ça va Zabeth ?
39:27 - Alors, ce week-end en Allemagne,
39:29 quasiment un million et demi de personnes dans les rues
39:31 pour protester contre l'AFD et la fameuse réunion secrète
39:33 où il avait été question d'un projet de remigration,
39:35 voire de déportation des étrangers.
39:37 L'AFD au plus haut dans les sondages.
39:40 Et vous revenez sur la politique de dénazification allemande,
39:43 ça c'était dans l'immédiate après-guerre.
39:45 - Exactement. Déjà le 8 mai 1945,
39:47 quand l'Allemagne nazie est défaite face aux Alliés,
39:50 il faut tout de suite rappeler que la guerre n'est pas finie.
39:53 Elle continue déjà au Japon,
39:55 et puis tout de suite les Alliés ont conscience
39:58 que le nazisme n'est pas vaincu,
40:00 parce qu'il imprègne la société, il imprègne les esprits,
40:03 d'où la nécessaire dénazification.
40:07 - Et comment on s'y prend ?
40:09 - C'est à la conférence de Posdam, c'est à l'été 1945,
40:12 que les Alliés commencent à aborder la question.
40:14 Vous avez Churchill, Truman, Staline.
40:16 Vous savez, l'Allemagne est divisée en 4 zones d'occupation,
40:18 la France, le Royaume-Uni, l'Union soviétique et les Etats-Unis,
40:21 et chaque zone va être porteuse de cette dénazification.
40:26 Avec un questionnaire, par exemple.
40:28 Pour les Etats-Unis, ce sont 131 questions.
40:30 Il y a de tout, l'état civil, le parcours scolaire, professionnel bien sûr.
40:34 La personne a-t-elle fait des publications, des voyages ?
40:37 Et puis des questions sur la participation à des organisations nazies.
40:42 Le parti National Socialiste des Travailleurs Allemands,
40:44 qui est fondé, qui est dirigé par Hitler,
40:46 eh ben voilà, y a-t-il la carte ou pas la carte ?
40:49 C'est pareil pour les SA, les SS, un fer de lance de la terreur nazie.
40:52 Mais tous, les jeunesses hitlériennes, pour les plus jeunes,
40:54 parce que tout le monde a conscience que l'emprise nazie
40:58 couvrait l'ensemble de la société.
41:00 Alors cette entreprise et ses questionnaires, c'était efficace ?
41:02 Oui, alors déjà, y a l'idée de... On en tire des conclusions.
41:05 Alors, les gens sont classés coupables, compromis, peu compromis,
41:08 ou alors suiveurs, énormément de suiveurs.
41:10 C'est vraiment l'enjeu de toute la question.
41:12 Faut faire un état des lieux.
41:13 Sur qui peut-on compter pour reconstruire le pays ?
41:16 Alors, sont délivrés des certificats de dénazification.
41:19 Alors vous me demandez, est-ce que c'est efficace ?
41:20 Ben oui, on connaît la limite d'un tel questionnaire,
41:23 parce que les gens minimisent leur participation.
41:25 Puis surtout, y a des faux certificats de dénazification
41:28 pour circuler, etc.
41:30 Mais surtout, les États-Unis, à ce moment-là, sont face à une nouvelle urgence,
41:34 c'est lutter contre la propagation du communisme.
41:38 Et dès lors, on ferme un peu les yeux sur certains passés nazis,
41:42 du moment que les personnes peuvent servir dans le cadre de la guerre froide.
41:45 Alors un questionnaire, très bien,
41:46 mais la dénazification en Allemagne est portée par les Allemands eux-mêmes.
41:51 C'est d'ailleurs un travail absolument remarquable,
41:53 et aujourd'hui, on comprend très bien pourquoi ils se posent des questions.
41:56 Certes, merci cher Xavier.
41:58 Alors Marie, on change d'orgie ici.
41:59 On peut tricher dans les jeux vidéo,
42:00 Billy Mitchell, c'est son nom, champion de Donkey Kong,
42:03 un jeu d'arcade mythique des années 80, c'est quoi,
42:06 était accusé, vous me montrerez, d'avoir menti sur son score.
42:10 Bon là, je comprends.
42:11 Il vient d'être réhabilité, même si beaucoup de spécialistes doutent
42:13 un tout petit peu sérieusement de son honnêteté.
42:15 Mais oui, ne vous trompez pas, Elisabeth, dans "jeu vidéo",
42:18 y a le mot "jeu", mais Donkey Kong n'est pas un jeu.
42:20 Pour notre Billy Mitchell, notre champion,
42:23 qui a une coupe mulet, des cravates toujours aux couleurs du drapeau américain,
42:27 et un ego gigantesque.
42:29 Il est pas mal.
42:43 Il est culte dans le milieu du jeu vidéo.
42:47 Depuis qu'en 1982, c'était encore un ado,
42:50 il a donc explosé le record de Donkey Kong.
42:53 Alors à l'époque, on joue sur des bornes d'arcade, pas chez soi.
42:56 Et en gros, il s'agit de grimper sur des échelles,
42:59 de prendre des ascenseurs,
43:01 d'esquiver des tonneaux que vous lance un gorille,
43:03 donc Donkey Kong, pour sauver une fille
43:06 qui, comme d'habitude, ne peut pas se sauver elle-même,
43:08 et qui en l'occurrence s'appelle Pauline.
43:10 En 2007, je vous en supplie, regardez-le,
43:12 c'est gratuit sur YouTube et c'est sous-titré,
43:14 sort un documentaire qui est culte lui aussi,
43:16 où l'on voit ce ventard et sournois,
43:18 Billy Mitchell, c'est clairement le méchant,
43:20 qui affronte un gentil prof un peu dans la lune de Seattle,
43:23 il s'appelle Steve Wieb,
43:25 et ils s'affrontent tous les deux,
43:27 ça qui fera le premier, en gros, ce score de 1 million de points
43:29 à Donkey Kong.
43:31 Je vous spoil, Billy Mitchell y arrive,
43:33 sauf qu'une décennie plus tard, coup de théâtre,
43:35 l'organisme qui valide tous ses records au jeu vidéo,
43:37 qui s'appelle Twin Galaxies,
43:39 annule tous ceux de Billy Mitchell.
43:41 Il est viré des podiums, en gros.
43:43 A l'époque, c'était un scandale.
43:44 Il refuse d'avoir joué, non pas sur une borne d'arcade,
43:47 comme le veut le règlement,
43:49 mais sur un ordinateur,
43:51 avec un logiciel qui imite le jeu d'arcade.
43:53 C'est ce qu'on appelle une version émulée,
43:55 et c'est beaucoup plus facile de jouer sur un ordinateur.
43:57 Et c'est vrai que c'est louche,
43:58 puisque personne ne l'a vu,
44:00 Billy Mitchell perd son million de points à Donkey Kong,
44:03 il a en fait envoyé une cassette vidéo
44:05 de son soi-disant exploit,
44:07 et les images tressautent de manière suspecte.
44:10 Vraiment, ils vont suivre d'autres révélations terribles,
44:13 comme cette photo qui va sortir,
44:15 où vous le voyez, le joystick rouge est non conforme.
44:18 Normalement, les joysticks de Donkey Kong sont petits et noirs.
44:22 Ça change tout.
44:23 C'est technique.
44:24 L'embrouille va durer pendant six années.
44:26 Et finalement, sous la menace d'un procès en diffamation,
44:29 l'organisme qui valide les records va renoncer.
44:32 Ils se sont dit "on n'a pas l'argent pour aller au tribunal pour cette histoire".
44:35 Donc ils viennent de rétablir les records de Billy Mitchell,
44:38 qui a réussi à mettre la pression,
44:40 et ils l'ont mis tout au fond du site Internet, dans l'historique.
44:43 C'est vraiment un accord entre avocats, c'est vraiment douteux.
44:46 De toute façon, ça ne change rien,
44:48 puisque figurez-vous que ces vieux jeux cultes des années 80,
44:51 ils obsèdent encore certains champions.
44:54 Et un nouveau record à ce jeu Donkey Kong,
44:57 à 1 272 800 points,
44:59 a été atteint il y a trois ans, en 2021.
45:02 Donc toute cette bataille pour remettre ses records,
45:05 il l'a fait pour rien,
45:07 parce qu'il avait longtemps qu'il n'est plus le premier.
45:09 Avec sa cravate MAGA, "Make America Great Again".
45:11 Merci Marie, merci mes amis, merci de nous avoir suivis.
45:14 Bonne soirée sur Arte chérie, on se retrouve demain à 20h05.
45:17 Oui.
45:18 Tchuss, bis morgen.
45:20 [Musique]

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