Nadia, 39 ans, est condamnée à faire de sa tente sa maison au milieu des rues de Paris.
Mais elle est loin d'être la seule sans abri. Découvrez le quotidien de ces femmes dont la vie est rythmée par les dangers et la pauvreté.
Mais elle est loin d'être la seule sans abri. Découvrez le quotidien de ces femmes dont la vie est rythmée par les dangers et la pauvreté.
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00:00:00 Paris, près de la gare Saint-Lazare, il est 19h.
00:00:05 Nadia, 39 ans, s'organise pour la nuit.
00:00:08 - Et voilà, ça, c'est ma petite maison.
00:00:15 Donc, pour le moment, il y a rien dedans encore.
00:00:18 Ça va arriver, ça va arriver.
00:00:20 Chaque soir, c'est le même rituel.
00:00:26 C'est ma petite couverture hermétique de survie, pour mettre en dessous.
00:00:32 Couverture de survie, duvet, couette, tout doit être à sa place.
00:00:42 Même ses 2 chiens, Despi et Osis.
00:00:50 - Allez, tu vas à ta place, Despi.
00:00:53 Alors, la maman, elle est sur ma gauche et la fille, elle est sur là.
00:00:58 Osis, ici.
00:00:59 Voilà, tu te couches là.
00:01:00 Dormir sur ce trottoir, c'est le quotidien de Nadia depuis 9 mois.
00:01:08 Une vie dans la rue à laquelle la jeune femme n'était pas du tout préparée.
00:01:13 - Le premier jour où je me suis retrouvée à la rue, donc, toute la journée, j'ai traîné, j'ai traîné.
00:01:21 Le soir, j'ai pas dormi, j'ai marché, j'ai marché, j'ai marché.
00:01:25 Et le lendemain, j'ai dormi sous une porte cochée, pas dans une entrée de porte cochère.
00:01:34 Et puis, la troisième nuit, je suis venue ici, je me suis installée là.
00:01:39 Je leur ai demandé l'autorisation, ils m'ont dit oui.
00:01:42 C'est la vie, la société, allez, la société, elle est mal faite.
00:01:49 Et bien, ils ont fait un travail, ils ont fait un travail, ils ont fait un travail, ils ont fait un travail.
00:01:54 Et puis, ils ont fait un travail.
00:01:55 Et puis, ils ont fait un travail.
00:01:56 Et puis, ils ont fait un travail.
00:01:57 Et puis, ils ont fait un travail.
00:01:58 Et puis, ils ont fait un travail.
00:01:59 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:00 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:01 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:02 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:03 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:04 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:05 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:06 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:07 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:08 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:09 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:10 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:11 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:12 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:13 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:14 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:15 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:16 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:17 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:18 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:19 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:20 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:21 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:22 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:23 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:24 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:25 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:26 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:27 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:28 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:29 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:30 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:31 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:32 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:33 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:34 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:35 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:36 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:37 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:38 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:39 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:40 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:41 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:42 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:43 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:44 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:45 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:46 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:47 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:48 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:49 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:50 Et puis, ils ont fait un travail.
00:02:52 - J'ai l'impression qu'on l'a lâchée.
00:02:54 Et puis, qu'on l'a laissée livrer à elle-même.
00:02:57 Et elle a beaucoup rire.
00:02:59 Il y a rien qui avance.
00:03:01 Il y a rien qui est fait.
00:03:02 - Merci, t'es un amour.
00:03:05 Je t'en prie.
00:03:06 Bisou à Sofiane.
00:03:08 Merci.
00:03:09 Sur le trottoir, à la vue de tous, Nadia ne s'attire pas que de la sympathie.
00:03:15 Son installation dérange et les passants sont loin d'être solidaires.
00:03:20 - Des fois, ils me regardent comme si j'étais une pessiférée.
00:03:23 Ou des fois, ils me disent encore une clocharde sur le trottoir.
00:03:28 C'est grave, quand même.
00:03:31 Grave.
00:03:33 Enfin, bref.
00:03:34 Méprisées, critiquées ou même agressées,
00:03:39 les femmes SDF vivent un calvaire au quotidien sur les trottoirs de nos centres-villes.
00:03:46 En France, 2 SDF sur 5 sont des femmes.
00:03:50 30 000 dans l'Hexagone, dont 7 000 à Paris.
00:03:53 Licenciement, expulsion, rupture familiale,
00:03:57 les raisons qui les ont conduites dans la rue sont multiples.
00:04:00 Mais pour toutes, le constat est le même.
00:04:02 À la rue, il faut apprendre à se débrouiller seule.
00:04:05 Pour comprendre les difficultés de ces femmes, nous les avons suivies au quotidien.
00:04:09 Parmi elles, Barkissou, une étudiante SDF.
00:04:13 C'est pas du tout facile de travailler ici.
00:04:16 Mais c'est mieux que la rue.
00:04:18 J'allais au cours avec ma valise et je dormais dans les amphis.
00:04:22 Marie, sans abri depuis 7 ans.
00:04:25 Je fais le style d'avoir bonne nuit, mais bon, voilà, c'est qu'une façade.
00:04:29 Derrière, il y a une femme blessée, faut pas rêver.
00:04:31 Et Anne, qui a vécu l'enfer à la rue.
00:04:36 On croit que si on se lave pas et qu'on pue et qu'on a une hauteur très forte,
00:04:42 ça va repousser l'agresseur.
00:04:44 Évidemment, ça ne marche pas.
00:04:46 Immersion dans la vie de ces femmes sans domicile fixe.
00:04:49 Retour dans le centre de Paris, au campement de Nadia.
00:04:57 Il est 8 heures, elle doit plier bagage.
00:05:00 - J'ai la crème de tout plier, ça, ça m'énerve à chaque fois.
00:05:03 C'est toujours pareil, c'est toujours la même chose.
00:05:06 Cette vie sans confort dans le froid fatigue Nadia.
00:05:11 Et camper sur un trottoir est illégal.
00:05:14 Il y a quelques jours, des agents de police ont tenté de déloger la jeune femme.
00:05:18 Une très mauvaise expérience.
00:05:20 En quelques minutes, elle a failli perdre le peu de souvenirs qui lui restent.
00:05:24 - Tous les matins, il faut que je plie.
00:05:26 Depuis que la police, ils ont voulu jeter mes affaires, c'était jeudi.
00:05:31 Maintenant, je suis dans la crainte, je suis obligée de tout plier, tout de ranger.
00:05:38 Et ses sacs, c'est tout ce qu'elle a pu récupérer de son ancien appartement.
00:05:42 - C'est toute ma vie, quoi.
00:05:44 Toute ma vie, toute ma vie.
00:05:46 Encore une fois, ils ont voulu jeter toute ma vie.
00:05:48 J'ai des photos de ma mère qui est décédée, j'ai des photos de mon père, de mon mari.
00:05:52 Une situation intenable pour la jeune femme.
00:05:58 Nadia touche le RSA.
00:06:00 530 euros par mois.
00:06:02 Une somme insuffisante pour louer un appartement à Paris,
00:06:05 payer ses factures et assumer les dépenses quotidiennes.
00:06:08 Après 9 mois de rue, elle ne rêve que d'une chose, trouver un logement social.
00:06:14 - J'ai fait plein de demandes partout, ça m'a été refusé parce que je suis pas prioritaire.
00:06:20 Je suis pas assez précaire ou je sais pas quoi.
00:06:24 Et donc voilà, pour moi, c'est un peu embêtant parce que je suis malade, j'ai des problèmes de santé.
00:06:30 Mais bon, on fait avec, hein. Voilà.
00:06:34 Voilà.
00:06:36 Je suis saturée, je te jure, je suis saturée.
00:06:39 Enfin bref.
00:06:41 Une fois toutes ses affaires rangées, Nadia n'a pas de lieu où se poser.
00:06:47 Alors pendant la journée, elle arpente Paris.
00:06:54 - Quand y a pas beaucoup de monde, des fois, je monte dans les transports, mais c'est rare.
00:07:01 Sinon, la plupart du temps, je suis à pied, quoi.
00:07:04 - Tu fais combien de kilomètres, du coup, par jour ?
00:07:06 - Oh, je dois en faire des soixantaines, cinquantaines de kilomètres.
00:07:10 C'est une habitude, hein, dans les jambes.
00:07:13 Tu sais, j'étais sportive avant.
00:07:15 Sportive au niveau.
00:07:18 Dans son ancienne vie, Nadia était une passionnée de sport de combat.
00:07:23 Une vie bien rangée, loin de la misère de la rue...
00:07:27 - Attention, y a 2 tigres.
00:07:29 - ...et ses drames.
00:07:31 Nadia vient d'y être durement confrontée.
00:07:34 L'une de ses amies de la rue a été retrouvée morte sur cette plaque d'aération,
00:07:38 en face de la gare du Nord.
00:07:40 Cette nuit-là, il avait fait -2 degrés.
00:07:43 - Voilà, là, c'est là où, y a 2 semaines à peu près, j'ai appelé le 115,
00:07:48 pour une dame, et ils l'ont retrouvée morte, là, là.
00:07:51 - Cette femme était SDF depuis de nombreuses années.
00:07:54 Personne n'avait répondu à ses appels désespérés.
00:07:56 - Moi, ça me fait mal, en tout cas, hein. Ça me fait super mal.
00:07:59 Parce que tu vois que le 115, ils te disent "oui, oui, on arrive, on arrive",
00:08:02 et puis, pour finir, y a rien, quoi, y a que dalle, y a rien.
00:08:05 Le 115, c'est le numéro d'urgence du SAMU social.
00:08:09 En appelant, les SDF peuvent obtenir un lit pour la nuit dans un centre d'hébergement.
00:08:13 Mais ces centres ont mauvaise réputation.
00:08:16 De nombreuses femmes refusent de s'y rendre.
00:08:19 - Voilà, ils mélangent les sales et les propres ensemble.
00:08:22 C'est sale, quoi, y a pas d'hygiène.
00:08:24 Ils disent que c'est propre, mais non, non, non, c'est super crade.
00:08:27 Y a des poules, y a des morpions, y a des cafards, y a des rats, y a de la pisse.
00:08:32 Y a la gale, y a tout, quoi.
00:08:34 Ils mélangent tout le monde. Ils mélangent tout le monde dans le même tas, quoi.
00:08:37 - Bonne nuit.
00:08:39 Nadia préfère donc rester à la rue
00:08:41 plutôt que de fréquenter un centre d'hébergement d'urgence.
00:08:44 Et elle n'est pas la seule.
00:08:46 Violence, vétusté, saleté,
00:08:48 les SDF ne manquent pas de qualificatif pour décrire ces centres.
00:08:52 Nous avons cherché à en savoir plus.
00:08:55 Des centres d'hébergement d'urgence, il en existe 233 en Ile-de-France.
00:09:00 L'un d'eux est particulièrement montré du doigt.
00:09:06 Il se trouve en banlieue parisienne.
00:09:08 Nous avons demandé une autorisation de tournage officielle,
00:09:11 mais celle-ci nous a été refusée.
00:09:13 C'est donc en caméra cachée que nous nous rendons sur place,
00:09:19 grâce à la complicité d'un employé.
00:09:22 Et nous n'allons pas être déçus de la visite.
00:09:25 Ce centre est ouvert toute l'année, 24h/24.
00:09:29 Il accueille chaque nuit 275 SDF, hommes et femmes.
00:09:34 Nous arrivons à 7h du matin, c'est l'heure du petit déjeuner.
00:09:40 Ici, les SDF doivent quitter tôt les chambres.
00:09:48 Résultat, certains finissent leur nuit dans les couloirs.
00:09:51 Dans les étages, le personnel doit tout nettoyer pour la nuit suivante.
00:09:58 Mais problème, il est en sous-effectif.
00:10:01 Un des membres de l'équipe de nettoyage exprime son ras-le-bol.
00:10:05 - Vous êtes combien à nettoyer ici, la journée ?
00:10:07 - Alors, ça dépend des roulements.
00:10:09 On peut être 4 comme 3 comme 2, ça dépend.
00:10:12 Là, sur lequel, ils sont 4, devant. - D'accord.
00:10:14 - Que 2 sur les 2 étages.
00:10:16 - Il y a des chambres en tout ?
00:10:18 Manque de personnel, mais aussi manque de moyens.
00:10:34 Miroirs cassés, fuites au plafond...
00:10:43 Partie commune non nettoyée.
00:10:46 - Là aussi, WC cassé.
00:10:52 - De nombreux sanitaires sont hors service.
00:10:55 - Et ça, c'est pas réparé ?
00:10:58 - Bah non, parce que c'est en attente.
00:11:00 C'est soit dans aucune pièce, soit la laissez-le demander.
00:11:03 - Ça fait combien de temps qu'il est bouché, celui-là ?
00:11:06 - Celui-là, ça fait un long temps.
00:11:08 En bas, c'est pas vrai, ça fait 6 mois qu'il attend 6 mois.
00:11:11 - On va arriver à ça, de toute façon, on pourra plus faire face à tout ça.
00:11:14 Ça reviendra trop cher, mais on n'a pas l'obligé, autant qu'il ferme.
00:11:17 - Et ta petite toilette, c'est résolu, maintenant ?
00:11:19 - Bah, touche pas.
00:11:21 On a 6 rouleaux pour chaque étage.
00:11:23 6 rouleaux, ça fait 20 semaines.
00:11:25 Il y a 200 et quelques personnes.
00:11:27 Ici, les dysfonctionnements s'accumulent, le personnel se sent dépassé.
00:11:32 - C'est les matelas, c'est les mousseaux à matelas,
00:11:34 il y a encore des matelas à changer, oui, mais c'est cher.
00:11:36 Mais à ce moment-là, on fait pas de centre d'hébergement.
00:11:38 Ça a un coût, c'est sûr, ça ne rapporte rien.
00:11:41 Il y a des choses qui s'usent et tout, qu'on a besoin.
00:11:44 Parce que ça, ça est considéré comme de la maltraitance.
00:11:46 Faire dormir des gens sur des paillasses dégueulasses, pleines d'urine, etc.,
00:11:50 c'est de la maltraitance.
00:11:52 - Des conditions d'accueil bien loin de respecter la dignité humaine.
00:11:56 Un environnement encore plus difficile à supporter quand on est une femme.
00:12:00 - Et les femmes, il y en a beaucoup, en plus ?
00:12:02 - Oui, je vous l'ai dit.
00:12:04 2 000... Bon, ça ouvre, alors, 2 005 femmes, 2 017, 80 galons.
00:12:09 Une surpopulation qu'il est difficile de loger.
00:12:14 Le centre n'a pas les moyens d'accueillir toutes ces femmes,
00:12:17 ni de rénover leur chambre.
00:12:19 - Mais pour les femmes, c'est pas trop dur, ici, quand même ?
00:12:22 - Ah, si, quand même, non.
00:12:23 Mais les femmes, ça fait plus de 3 ans qu'elles sont ici.
00:12:26 Elles viennent tous les soirs.
00:12:28 Mais c'est pas une vie pour un jeune, pour une jeune, c'est pas...
00:12:31 Je pense qu'il y a d'autres solutions, quoi.
00:12:33 Faut rebondir, parce qu'après, c'est...
00:12:35 Les gens, ils prennent un racine, s'ils partent plus, après, c'est fini.
00:12:38 - Ouais.
00:12:39 - Savoir que... C'est la dernière fois que tu le feras, c'est...
00:12:43 Après, il y a d'autres centres d'hébergement, c'est différent,
00:12:45 mais... Vous avez tout le chef, il faut que vous arrivez ici,
00:12:48 après, il y a plus rien.
00:12:50 - Selon cet employé, finir dans ce centre, c'est un peu le point de non-retour.
00:12:55 Pourtant, la plupart des femmes n'ont pas d'autre choix
00:12:57 que de se tourner vers ces lieux d'hébergement.
00:12:59 On y trouve tous les profils, même les plus surprenants.
00:13:03 Paris, en plein coeur du quartier étudiant.
00:13:12 C'est ici, dans cette prestigieuse université, la Sorbonne,
00:13:16 qu'étudie Barkissou.
00:13:19 Cette jeune femme a le profil de la brillante élève.
00:13:22 Cette année, elle va valider un master en tourisme, niveau Bac +5.
00:13:27 Pourtant, Barkissou est elle aussi SDF.
00:13:33 Son chez-soi, c'est ce centre d'hébergement d'urgence,
00:13:37 un logement provisoire.
00:13:39 - Voilà, c'est ici que j'habite, le centre Mariata.
00:13:44 Ici, c'est la partie commune.
00:13:46 Et ici, c'est le bureau de l'équipe éducative.
00:13:52 Dans ce centre, plus d'une centaine de personnes cohabitent toute l'année.
00:13:56 - Donc, c'est ici, nos toilettes.
00:13:59 C'est ici, nous prenons la douche.
00:14:01 C'est pas agréable. C'est vraiment, vraiment, vraiment pas agréable.
00:14:05 Avec des sanitaires dignes des pires stations-service.
00:14:11 - Non, c'est ça. Tous les jours, on se plaint.
00:14:14 On se plaint des saletés, du manque d'hygiène.
00:14:17 Vous voyez les papiers qui traînent. C'est pas propre.
00:14:20 Donc, j'en souffre beaucoup pour ça.
00:14:22 - Et du coup, tout est collectif, en fait. C'est aussi pour ça ?
00:14:25 - Oui, tout est collectif. Il y a pas de toilettes individuelles.
00:14:29 Voilà les douches aussi, ici. Voilà l'état des douches.
00:14:32 C'est ça, c'est le manque d'hygiène.
00:14:37 Ça, c'est catastrophique.
00:14:41 Pour le nettoyage, les occupants s'organisent entre eux.
00:14:44 Et tout le monde n'a pas la même exigence niveau hygiène.
00:14:47 - Ici, c'est la cuisine.
00:14:51 On ouvre ça le jeudi.
00:14:54 Le jeudi à dimanche, dimanche soir.
00:14:57 Mais c'est fermé.
00:14:59 Aujourd'hui, normalement, on devait ouvrir ça, mais c'est fermé.
00:15:02 Parce qu'il parle de manque d'hygiène.
00:15:04 Donc, on peut pas préparer.
00:15:06 Mais il n'y a pas que dans les parties communes que les problèmes existent.
00:15:10 - Voilà, ici, c'est ma chambre.
00:15:12 Une chambre de 15 m2.
00:15:15 - Et tu n'es pas toute seule, ici ?
00:15:19 - Je suis pas seule. Je partage la chambre avec d'autres personnes
00:15:23 qui sont pas vraiment, vraiment sympas.
00:15:27 Et j'en ai vécu aussi avec des gens qui se droguent.
00:15:31 Celle-là aussi, elle ne fait que parler la nuit.
00:15:34 Donc, elle est toujours agressive.
00:15:36 Elle ne me laisse pas le temps de me reposer.
00:15:39 Donc, je suis fatiguée. J'en ai marre. J'en ai marre.
00:15:43 - Et les contrariétés ne s'arrêtent pas là.
00:15:46 - Voilà. Voilà mes choses de la cuisine.
00:15:50 Parce que quand je sors, on termine le cours des fois à 21h30.
00:15:56 La restauration dans le centre est fermée.
00:15:59 Donc, je peux plus manger.
00:16:01 Donc, sans ça, c'est ça, je reste comme ça.
00:16:04 Donc, il me faut une cuisine à côté, des toilettes à côté,
00:16:08 la tranquillité, un bureau et des étagères pour ton document ou les livres.
00:16:13 Et aussi un placard pour mes effets.
00:16:17 Parce qu'on va à l'université, il faut être bien habillé.
00:16:21 Pour la recherche de stage, il faut être bien habillé,
00:16:24 il faut être en tenue correcte.
00:16:26 Mais là, j'ai des valises comme ça avec des habits.
00:16:29 C'est conséquent.
00:16:31 - Rien ici ne facilite les révisions de la jeune femme.
00:16:35 Elle a dû faire avec les moyens du bord.
00:16:38 - Au départ, je n'avais pas du tout de table.
00:16:41 Cette table, je l'ai ramassée dans la rue.
00:16:44 C'est trop petit pour l'étude.
00:16:46 Avec mes documents, ça prend tout.
00:16:49 Et je suis obligée de me mettre ici,
00:16:51 avec ce tabouret que j'ai ramassé aussi dans la rue.
00:16:55 Donc c'est pas du tout facile, pas du tout facile de travailler ici.
00:17:00 Mais c'est mieux que la rue.
00:17:02 Parce que j'étais à la rue, j'allais au cours avec ma valise
00:17:07 et je dormais dans les amphithéâtres,
00:17:10 après que les 115 ne me trouvent ici.
00:17:13 - Malgré cet hébergement précaire, Barkissou n'a jamais baissé les bras.
00:17:19 - En tout cas, j'ai réussi.
00:17:23 Je suis très, très, très, très contente.
00:17:25 D'ailleurs, c'est mon diplôme de master 1.
00:17:29 Quand je l'ai vu, je l'ai écrié.
00:17:31 J'étais contente, très contente.
00:17:33 Parce que c'est pas facile, c'est pareil.
00:17:35 Un sort bon.
00:17:36 On a envie de sortir de cette situation,
00:17:39 de vivre la vie normale, de travailler, de payer les impôts.
00:17:43 Parce que là, je sais que l'Etat contribue pour nous ici.
00:17:47 Il faut que moi, je travaille aussi pour contribuer aux autres aussi.
00:17:50 Donc c'est très important.
00:17:52 - Une journée, Barkissou rejoint sa voisine, Basilua.
00:17:55 - Allô, ma chérie, tu es là ?
00:18:01 - Ça va, ma princesse ? Ça va ? Tu es rentrée ?
00:18:03 - Oui, je viens de rentrer.
00:18:05 - Ah, d'accord.
00:18:06 - Ça va ?
00:18:07 - Tu étais à l'université ?
00:18:08 - Oui. Ça a été la journée ?
00:18:10 - Comme d'habitude, tu sais.
00:18:12 - Basilua est une mère célibataire.
00:18:17 Elle est arrivée dans le centre il y a 9 mois avec ses 5 enfants.
00:18:21 Très vite, la solidarité s'est installée entre les 2 femmes.
00:18:25 - C'est dans le centre, on s'est connues.
00:18:27 Comme nous, nous vivons les mêmes conditions, nous sommes dans la galère.
00:18:30 Donc on se soutient comme ça.
00:18:32 On ne se connaissait pas du tout.
00:18:34 Mais elle est comme ma soeur.
00:18:36 Donc on partage tout.
00:18:38 - Une amitié qui les aide à surmonter les difficultés de leur quotidien précaire.
00:18:43 Le lendemain matin, nous retrouvons Basilua.
00:18:50 Ses enfants sont à l'école.
00:18:52 C'est son seul moment de répit.
00:18:54 - Et ce passe ? On a habité assez petit.
00:18:59 - Basilua travaille.
00:19:01 Elle est femme de ménage.
00:19:03 Mais ses petits revenus ne lui permettent pas d'obtenir un logement.
00:19:06 Depuis 5 ans, elle est ballotée de place en place.
00:19:10 Au total, 8 hôtels et 5 centres.
00:19:14 Et autant de déménagements.
00:19:17 - Moi, je fais suivre 115, tous les directives qu'ils me donnent.
00:19:21 Je suis ça.
00:19:23 Parce qu'il y avait 115, vous savez, il faut avoir des nerfs solides.
00:19:27 115, c'est le stress.
00:19:29 S'ils vous disent que vous êtes là pour 3 nuits, c'est 3 nuits.
00:19:33 S'ils vous disent que vous êtes là pour une semaine, c'est une semaine.
00:19:37 - Une vie sur le qui-vive angoissante.
00:19:41 Basilua est toujours prête à partir du jour au lendemain.
00:19:45 - Vous voyez là-bas, j'ai l'habitude des valises.
00:19:48 J'ai 7 valises ici.
00:19:50 J'ai l'habitude des valises.
00:19:52 Ca, c'est pour ma 2e fille.
00:19:54 Ca, c'est pour ma 3e fille.
00:19:57 Ca, c'est pour ma 4e fille, Sarah.
00:20:01 Donc j'ai l'habitude de quelqu'un qui part tout le temps en voyage, quoi.
00:20:05 Toute sa vie étant proposée ici, dans ses 25 m2.
00:20:13 J'ai des placards aussi qui sont pleins.
00:20:16 Parce que j'ai 5 enfants.
00:20:18 L'autre placard ici, c'est des chaussures.
00:20:21 Des chaussures, quelques lits à manger, quelques assiettes ici.
00:20:26 A l'heure du déjeuner, Basilua retrouve Barkissou.
00:20:30 - Tu as oublié les oignons ?
00:20:32 - Les oignons ? Tu as oublié la cachette ?
00:20:35 Les oignons, c'est sous les lits du bébé.
00:20:37 - Ah, d'accord.
00:20:39 - Tu as oublié ?
00:20:41 - Tu as oublié ça ? - J'ai oublié.
00:20:43 Mais pas facile de préparer un repas
00:20:46 quand on ne dispose pas de sa propre cuisine ni du matériel nécessaire.
00:20:50 Entreposer sa nourriture relève du système D.
00:20:54 - Bon, moi, j'ai mon frigo ici.
00:20:57 - On garde les repas dehors. - Le frigo.
00:21:00 - C'est notre frigo traditionnel ou naturel.
00:21:03 C'est ça, on profite du temps pour le moment,
00:21:06 parce que bientôt l'été, on pourra plus.
00:21:08 Donc on est obligés.
00:21:10 - Regarde, on m'a donné les pommes poules mousse, tu as vu ?
00:21:13 - C'est bon. - C'est le resto du coeur.
00:21:16 Tu vas faire combien, ma chérie ?
00:21:18 - On en a fait 4. - 4, ça va pas suffire, quand même.
00:21:21 Et depuis le matin, j'ai rien mangé, ma chérie.
00:21:24 C'était fait ma princesse.
00:21:26 On m'avait donné 10 aujourd'hui, 10 oeufs.
00:21:29 Et là-bas, on sait encore 10 qu'on n'a pas encore touché.
00:21:32 Mais c'est quoi, cette économie-là, ma princesse ?
00:21:35 - C'est pas l'économie. Il faut le dire.
00:21:37 - On a pas mangé, le meilleur. - C'est ça qui est suggestionnaire.
00:21:40 - Tu mets même 6. Quand on mange comme ça, c'est jusqu'au soir.
00:21:43 Le temps du repas, la précarité s'efface.
00:21:48 - La cuisine, ça nous fait oublier tout, hein.
00:21:51 - Ça nous fait oublier nos problèmes, nos stress.
00:21:56 - On se sent vraiment à l'aise.
00:21:59 Les recettes sont simples, le menu frugal,
00:22:04 mais chacune profite de cet espace de liberté.
00:22:07 - Bon appétit. - Bon appétit.
00:22:11 Comme chaque jour, à 15 h,
00:22:20 Basilua part chercher ses enfants à l'école.
00:22:23 A l'autre bout de Paris, dans le 14e arrondissement.
00:22:27 Un marathon qui commence métro-gare de l'Est.
00:22:32 - Je dois courir.
00:22:34 Faut courir, sinon on brasse le métro.
00:22:42 - Ça fait 45 minutes, ça, c'est le plus rapide aussi.
00:22:45 Sans le retard.
00:22:47 S'il y a des problèmes dans les métros, la ligne 13,
00:22:50 je passe une heure.
00:22:52 Au total, Basilua va prendre 3 métros différents
00:22:56 sans perdre une seule seconde.
00:22:59 - Tous les jours, c'est pas facile,
00:23:01 mais on peut pas faire d'autres moyens,
00:23:03 on n'a pas d'autres choix.
00:23:05 J'ai pas d'autres choix, donc c'est ça, quoi.
00:23:08 Si la famille a souvent déménagé,
00:23:11 les enfants sont toujours restés dans la même école.
00:23:14 - On ne voulait pas les traumatiser,
00:23:17 c'est pourquoi je les laisse là-bas au moins.
00:23:19 Ils ont un repère.
00:23:21 Pour Basilua, c'est un point capital.
00:23:24 Grâce à cela, ils gardent leur équilibre.
00:23:28 - Pourquoi j'ai fait ces sacrifices-là ?
00:23:31 J'aime mes enfants.
00:23:33 Moi-même, j'ai étudié, et eux aussi, qu'ils puissent étudier.
00:23:36 - A la sortie du métro, c'est encore la course.
00:23:40 1re étape, la crèche,
00:23:43 où Basilua récupère ses 2 plus jeunes enfants.
00:23:46 - Je suis en retard.
00:23:48 - Ensuite, direction l'école primaire, au pas de course.
00:23:53 Là, la mère de famille retrouve Khadija,
00:23:57 7 ans, et Amina, 4 ans.
00:23:59 Ce quotidien fait de course contre la montre et d'épuisement,
00:24:05 attire la compassion, mais aussi la colère de certains.
00:24:09 - Elle souffre avec les enfants.
00:24:11 Est-ce que c'est normal, ça ?
00:24:13 C'est pas normal, quelqu'un qui souffre avec les enfants,
00:24:16 qui t'a gardé l'aise pour venir dans la rue de l'Ouest.
00:24:19 C'est honteux, hein ?
00:24:21 5 gosses !
00:24:24 - Ultime étape, la bibliothèque, où se trouve sa fille aînée.
00:24:28 La tribu est enfin au grand complet.
00:24:30 - T'as fini ?
00:24:32 T'as tout terminé ?
00:24:34 - Là, tu vas réviser, hein, ma chérie.
00:24:40 - Mais les difficultés ne font que commencer.
00:24:43 Maintenant, il faut prendre les escaliers
00:24:46 avec tout ce petit monde.
00:24:48 - Allez, avance. Tu vas m'aider, s'il te plaît.
00:24:51 Doucement. Tiens.
00:24:54 Amina, écoute !
00:24:56 - Amina !
00:24:58 - Merci beaucoup, madame.
00:25:00 Allez, descendez, Amina, descendez.
00:25:02 C'est hyper long. - Oui, c'est super long.
00:25:05 Attendez, attendez, je vais assister à elle.
00:25:07 - Voilà.
00:25:09 - Après une heure de transport...
00:25:11 - Merci beaucoup, messieurs.
00:25:13 - ...et de sport...
00:25:15 - On est arrivés presque à la maison.
00:25:17 - On est arrivés à la maison, presque à la maison.
00:25:19 - Ce périple quotidien n'est pas sans conséquence
00:25:22 sur la santé de Basileua.
00:25:24 - Pour les enfants, la fatigue s'accumule.
00:25:45 Des victimes de la précarité qu'on a souvent tendance à oublier.
00:25:49 - À 7 ans, la petite Khadija a des rêves bien concrets pour son âge,
00:25:54 loin de ceux de ses copines.
00:25:56 - Avoir une grande jambe dans le genizole.
00:25:59 Et aussi, plus jamais avoir mal au pied pour aller à l'école.
00:26:05 - Un souhait qui semble inaccessible pour cette famille.
00:26:11 Pourtant, depuis 3 ans, Basileua multiplie les démarches.
00:26:17 En 2014, elle a même gagné son procès contre l'Etat
00:26:20 dans le cadre de la loi DALLO.
00:26:22 Selon cette loi, toute personne qui ne trouve pas d'habitat décent
00:26:26 est prioritaire pour un logement social.
00:26:29 - J'ai vous prie de vous trouver si joint.
00:26:31 La décision favorable est rendue par la commission de médiation.
00:26:36 On vous accepte favorable, prioritaire.
00:26:40 Et après, rien du tout.
00:26:43 Depuis 2014, j'ai rien du tout.
00:26:47 Mais l'offre de logements sociaux est insuffisante.
00:26:50 Sans oublier la frilosité des pouvoirs publics
00:26:52 qui craignent les mauvais payeurs.
00:26:55 Résultat, aujourd'hui en France,
00:26:57 57 000 personnes prioritaires attendent comme Basileua
00:27:00 un logement décent.
00:27:03 La rue n'est pas une fatalité.
00:27:10 Certaines femmes réussissent à s'en sortir.
00:27:13 Parfois même de façon radicale.
00:27:15 - Aujourd'hui dans les GG, mesdames et messieurs,
00:27:17 au 32 16, sur rmc.fr, sur numéro 23.fr,
00:27:20 avec le hashtag #GGRMC, vous pourrez interpeller Elina Dumont,
00:27:24 intervenante sociale. Bonjour Elina.
00:27:26 - Bonjour les GG, et je vous réfère un coucou tout particulièrement
00:27:29 à Moussa et Mehdi, deux super plombiers
00:27:32 qui vous écoutent tous les jours.
00:27:34 - Nous sommes sur le plateau d'une émission de télé et de radio très connue.
00:27:38 Ici, sous le feu des projecteurs,
00:27:41 à côté des grands noms du journalisme,
00:27:43 Elina Dumont fait entendre sa voix.
00:27:46 - Mais attendez, attendez, oh !
00:27:49 Hé, Marianne l'a dit elle-même.
00:27:53 À partir du moment où ils sont mineurs,
00:27:56 on peut pas les renvoyer. On va quand même pas les tuer.
00:27:59 - Elina est une ancienne SDF.
00:28:01 Aujourd'hui, son changement de vie est impressionnant.
00:28:04 C'est devenu, elle aussi, une vedette du petit écran.
00:28:10 Et comme toutes les stars, avant l'émission,
00:28:13 elle se fait maquiller, participe aux réunions
00:28:16 avec des journalistes confirmés.
00:28:18 Et sur le plateau, elle tient une place de choix.
00:28:22 - On redécouvre c'est quoi l'essentiel de la vie.
00:28:25 - Enfant de la DAS, Elina a passé 15 ans dans la rue.
00:28:29 Son expérience en fait une experte des questions sociales.
00:28:32 - J'avais 18 ans, j'étais à la rue.
00:28:36 On disait, ah c'est rare, une fille à la rue.
00:28:40 Et moi, j'ai appelé des travailleurs sociaux.
00:28:43 Mais non, mais Elina, c'est un truc, comment vous dites, épif...
00:28:46 - Un épiphénomène.
00:28:48 - Sauf que moi, aujourd'hui, 20 ans plus tard,
00:28:51 vous avez vu le nombre de femmes qu'il y a dans la rue ?
00:28:54 - Un nouveau phénomène, ces enfants.
00:28:56 - Et ses avis bien tranchés sont respectés
00:28:59 par les autres chroniqueurs de l'émission.
00:29:02 - On sent qu'elle est habitée.
00:29:04 C'est quelqu'un qui a eu un parcours comme les autres.
00:29:07 Son identité, on la sent et on l'apprécie.
00:29:11 - Son identité, Elina l'affiche clairement.
00:29:14 A l'antenne, elle choisit toujours de parler
00:29:17 du cas des plus défavorisés.
00:29:19 - Alors, d'après ce qu'ils disent, eux, au Maroc,
00:29:22 ils étaient déjà à la rue.
00:29:24 Ca, par contre, ils le disent.
00:29:26 Mais le pire dans l'histoire, c'est que là,
00:29:28 on n'en parle que maintenant, mais ça fait plus...
00:29:30 Ca fait un an qu'ils sont dans Paris.
00:29:32 - A la rue, Elina n'avait pas vraiment l'occasion
00:29:35 de faire entendre sa voix, de donner son avis.
00:29:38 - Et j'étais outrée, je vous jure.
00:29:40 Je la vois à l'image, avec ses petits dossiers,
00:29:42 là, sous le bras, l'air de dire...
00:29:44 "Ah bah non, mais de toute façon,
00:29:46 je gèrerai mieux les affaires à Paris."
00:29:48 - Résultat, aujourd'hui, elle compte bien être
00:29:51 la porte-parole des oubliés du système.
00:29:54 - Ca représente beaucoup, ça.
00:29:56 - Il faut pas.
00:29:57 - Y a tellement de gens qui galèrent et qui aimeraient...
00:30:00 - L'autre fois, je suis tombée sur une...
00:30:02 - Voilà, avoir la parole, d'ailleurs,
00:30:04 c'est le but de l'émission, quoi.
00:30:06 Et puis moi, je suis quelqu'un, voilà,
00:30:08 je lâcherai jamais rien, quoi.
00:30:10 J'irai jusqu'au bout.
00:30:11 Tant qu'il y aura un truc à défendre,
00:30:13 je dirai... Enfin, voilà, je suis comme ça.
00:30:16 - C'est cette ténacité qui a permis à Elina
00:30:19 de sortir de la rue.
00:30:21 SDF pendant 15 ans, elle a connu l'alcool,
00:30:24 la violence, les faux espoirs,
00:30:27 jusqu'au déclic à l'âge de 34 ans.
00:30:30 Une femme propose de lui louer une chambre de bonne
00:30:33 pour une modique somme.
00:30:35 Elle accepte, enchaîne les petits boulots
00:30:38 et se met à la recherche d'un appartement.
00:30:41 Depuis 5 ans, elle vit dans son propre studio.
00:30:45 Mais au début, passer de la rue à un logement
00:30:52 n'a pas été une étape facile.
00:30:54 - Alors, vous voyez, quand j'ai eu mon appartement,
00:30:58 eh bien, avant, au moment où je mettais la clé dedans,
00:31:02 je me dis... Il y avait... Je sais pas comment vous expliquer.
00:31:06 Il y avait comme un blocage et je pouvais pas rentrer.
00:31:09 Donc, du coup, hop, hop, puis je repartais.
00:31:12 - Elle préfère dormir chez des amis.
00:31:16 Il a fallu 6 mois et l'aide d'un psychologue
00:31:19 pour qu'elle parvienne enfin à franchir le pas de sa porte.
00:31:24 Petit à petit, elle a dû apprivoiser l'espace
00:31:28 et retrouver les petits plaisirs du quotidien.
00:31:32 - Aujourd'hui, se faire un café, oui, c'est un geste simple.
00:31:42 - Paradoxalement, avoir un toit est loin de résoudre tous les problèmes.
00:31:48 Il faut aussi réapprendre à y vivre,
00:31:52 réussir à s'y sentir bien.
00:31:54 - Être dans un appartement, c'est tout seul.
00:31:58 Quand on a été longtemps à la rue,
00:32:01 c'est être face à soi-même, quoi.
00:32:04 Il y a plus personne.
00:32:06 Voilà, on est tout seul, on sait pas quoi faire.
00:32:10 C'est plein d'angoisse qui surgissent.
00:32:16 Alors que quand on est dans la rue, voilà...
00:32:19 Alors moi, personnellement, j'ai pas d'angoisse
00:32:23 à part de savoir où j'allais dormir le soir, où j'allais manger.
00:32:28 Mais face à soi-même, voilà, c'est un vide horrible, quoi.
00:32:33 - Regarder la télévision, bouquiner, se reposer, impossible pour Elina.
00:32:40 Quand elle est chez elle,
00:32:43 l'intervenante sociale préfère se plonger dans le travail.
00:32:46 - Je ne peux pas être chez moi si j'ai pas du travail, voilà.
00:32:51 Voilà, c'est que comme ça que je suis heureuse d'être chez moi.
00:32:57 Faut toujours que j'ai beaucoup de travail,
00:33:00 que je prépare toujours des choses.
00:33:03 - Et pour aménager son intérieur, elle est allée à l'essentiel.
00:33:07 Un frigo, une machine à laver, un bureau, une table
00:33:12 et un lit placés stratégiquement.
00:33:15 - Les 3 portes, mais c'est plus fort que moi,
00:33:18 je me sens en sécurité de dormir face à ma porte d'entrée.
00:33:22 Et cette porte-là, je la ferme jamais la nuit, jamais.
00:33:26 C'est pas possible pour moi.
00:33:28 Il faut que je sache que quelqu'un peut rentrer ou pas.
00:33:32 C'est dans ma tête.
00:33:34 Mais voilà, c'est pour dire que la rue, ça marque.
00:33:38 Ça marque très, très longtemps, quoi.
00:33:41 Voilà.
00:33:43 - Ces années à la rue sont gravées à jamais dans sa mémoire.
00:33:47 Et pour que le plus grand nombre réalise
00:33:50 toutes les difficultés rencontrées, elle a créé un spectacle.
00:33:54 - Vous savez ce qu'il disait, la bêtière?
00:33:57 "Après 3 nuits dans la rue, t'es cuit."
00:34:00 Ben, j'ai eu du bol, hein? 15 ans.
00:34:03 J'aurais été complètement cramée.
00:34:06 - Elle y raconte son passé de SDF.
00:34:09 - Les dents, c'est très important. Ça rassure.
00:34:12 Ben oui, hein?
00:34:14 Déjà, avec des dents, tu trouves pas de travail.
00:34:17 Alors imagine avec 4 dents.
00:34:19 Tu dors à 8 km des douches,
00:34:22 qui sont à 5 km des viestières.
00:34:25 Franchement, aucun intérêt de se laver
00:34:28 si c'est pour remettre des fringues dégueulasses.
00:34:31 - Elle le joue dans toute la France.
00:34:34 Ce soir, la représentation a lieu à Montrichard, dans le Loir-et-Cher.
00:34:40 - Je crois que c'est la plus grande affiche que j'ai eue pour l'instant.
00:34:44 Ouais, c'est impressionnant. De toute façon, tout m'impressionne, moi.
00:34:48 Déjà, même que des gens viennent me voir jouer, ça me...
00:34:51 Voilà, c'est quand même bizarre.
00:34:54 - Dès son arrivée, Elina se lance dans les répétitions.
00:34:58 Elle veut que tout soit parfait, mais ce n'est pas gagné.
00:35:04 - Eh, les garçons, je voulais vous dire, vous êtes là ce soir?
00:35:09 - Ouais. - Et vous me voyez?
00:35:11 - Oui. - En partie.
00:35:13 - Moi, je suis bien. - C'est pour le son ou la lumière?
00:35:16 - Moi, c'est la lumière. - Bon. Et le son?
00:35:19 - Le son, j'écouterai juste le texte et je ferai en même temps...
00:35:22 - Toi, faut que tu sois au taquet. C'est pour ça qu'on va s'entraîner.
00:35:26 C'est la 1re fois qu'elle rencontre ces 2 apprentis techniciens.
00:35:29 Ils viennent juste de découvrir le spectacle.
00:35:32 - Au début, y a des flashs. - Au début de la conférence?
00:35:36 - Ouais, ouais, ouais. Vas-y, mets la piste pour que tu vois.
00:35:39 - Piste 1 ou 2? - Bah, la 2, maintenant.
00:35:42 - D'accord. - Voilà.
00:35:43 - C'est pas sur le même... - Ah, c'est un autre fichier. D'accord.
00:35:46 - Je sais pas, écoute...
00:35:48 - Elina, participez à l'élénat!
00:35:49 - Dans son spectacle, Elina répond sous forme d'une fausse conférence de presse
00:35:52 aux questions posées par des journalistes.
00:35:54 - ...de plus en plus stratégique.
00:35:55 Et pour vous dire, maintenant, je suis même invitée...
00:35:57 Hop, hop, hop, hop! C'est pas grave.
00:36:01 Vas-y, recommence du début.
00:36:04 Voilà.
00:36:07 Bah, disons qu'avec les années, je suis devenue de plus en plus stratégique.
00:36:10 Et pour vous dire, maintenant, je suis même invitée au MEDEF.
00:36:13 Et là, t'enchaînes! Tu vois?
00:36:16 - ...tout le monde est dans la rue.
00:36:18 - Et c'est ça, ma boute, je l'ai d'admise.
00:36:20 - Et ces questions n'ont pas été choisies au hasard.
00:36:23 - Est-ce que c'est vraiment dur d'être pauvre quand on est dans la rue?
00:36:25 Est-ce qu'il fait vraiment froid quand on est dans la rue?
00:36:27 C'est des vraies questions qu'on m'a posées de journalistes,
00:36:30 de grands journalistes de télévision, d'ailleurs.
00:36:33 C'est drôle, mais...
00:36:35 Donc j'ai tenu absolument à les reprendre dans mon spectacle.
00:36:37 - Elina a choisi de rester au plus proche de son vécu,
00:36:40 tout en évitant de parler des épisodes trop difficiles.
00:36:43 - Heureusement que j'ai pas tout raconté non plus.
00:36:46 Parce que là... Voilà, ce serait...
00:36:50 Puis voilà, moi, le but de ce spectacle,
00:36:53 c'était plus apporter un autre regard sur les sons domiciles fixes, quoi.
00:36:57 C'était ça, mon objectif dans mon spectacle.
00:37:00 Que quand les gens sortent de ce spectacle,
00:37:03 ils ne regardent plus les sons domiciles fixes de la même façon.
00:37:05 Bon, pour l'instant, ça fonctionne.
00:37:07 Donc je me dis que le pari est gagné pour l'instant.
00:37:09 - Je regarde quand même. Oh, ça va.
00:37:12 - Pendant ces années sans domicile,
00:37:14 Elina a pris conscience qu'être une femme pouvait être un atout.
00:37:17 - Naturellement, dans la rue, déjà,
00:37:23 les gens, ils ont plus d'empathie pour une femme que pour un homme.
00:37:26 D'ailleurs, ça peut expliquer, je pense,
00:37:29 pourquoi il y a moins de...
00:37:31 On voit moins de femmes dans la rue que d'hommes.
00:37:36 Parce que les...
00:37:39 Les personnes de la société civile
00:37:41 ouvrent plus facilement leurs portes à une femme.
00:37:44 Alors, si elle a des enfants, c'est encore plus,
00:37:47 qu'à des hommes.
00:37:49 - Bien sûr, elle a aussi fait de mauvaises rencontres.
00:37:52 Mais cela a forgé son caractère.
00:37:55 Au point de lui donner l'envie d'écrire son histoire
00:37:58 et de prendre des cours de théâtre.
00:38:00 Au bout de 10 ans de travail acharné,
00:38:05 son spectacle d'Equay à la Seine est né.
00:38:08 - Adresse !
00:38:10 Ben, ça dépend, monsieur.
00:38:12 Le lundi, le mardi, le mercredi...
00:38:14 - Elle y raconte les petites combines de la rue.
00:38:17 - Tiens, moi, par exemple, le lundi,
00:38:20 je prenais mon courage à demain.
00:38:23 Déjà, je repérais une femme.
00:38:25 Oui, parce que les femmes, c'est beaucoup plus sympa.
00:38:28 Et je prenais mon courage à demain.
00:38:31 Et je courais, je courais, je courais, je courais...
00:38:34 Madame ! Madame !
00:38:36 Mon train !
00:38:38 Mes enfants m'attendent !
00:38:41 Ah !
00:38:43 Et hop ! 10 euros !
00:38:45 Merci, madame !
00:38:47 - Avec son franc-parler,
00:38:49 elle n'hésite pas à critiquer les institutions.
00:38:52 - Alors, moi, je les connais par coeur.
00:38:54 Ce truc, c'est t'enfermer dans un bâtiment public
00:38:57 avec des horaires pour manger,
00:38:59 des horaires pour dormir,
00:39:01 des horaires pour pisser
00:39:03 et des horaires pour te faire engueuler.
00:39:05 Moi, ils voulaient me réinsérer,
00:39:07 ils m'ont complètement déboussolée.
00:39:09 Ben, c'est bien simple.
00:39:11 À choisir, je préférais encore les bancs publics.
00:39:13 On boit, mais au moins, on rigole.
00:39:15 Merci !
00:39:17 - À la fin du spectacle,
00:39:21 Elina en profite pour dédicacer le livre
00:39:23 qu'elle écrit sur son expérience de SDF.
00:39:25 - Je vois le travail, enfin, je compte, parce que...
00:39:29 - Ah ouais, j'ai travaillé, ça, je vais le dire.
00:39:31 - Ouais, ouais, ouais.
00:39:33 Bon, on le voit pas, mais je trouve que ça fait...
00:39:35 - Maintenant, c'est des moments émouvants.
00:39:37 - Ouais, des moments émouvants.
00:39:39 - Ouais, ouais.
00:39:41 - Bonsoir. - Bonsoir.
00:39:43 - Une façon de prolonger la rencontre avec son public.
00:39:45 - C'est pour... - Nicole.
00:39:47 - Pour Nicole. - Moi, je travaille avec Vital.
00:39:49 - D'accord. - J'ai un jour.
00:39:51 - J'imagine qu'aux urgences,
00:39:53 y a beaucoup de sans-domicile fixe.
00:39:55 - Oui, forcément, oui. - Parce que ça, c'est souvent notre...
00:39:57 C'est bien pour se réfugier.
00:39:59 - Là encore,
00:40:01 elle ne mâche pas ses mots
00:40:03 et raconte les terribles méthodes pour survivre à la rue.
00:40:05 - Les hommes,
00:40:07 voilà, vous couchez avec,
00:40:09 et puis vous êtes tranquilles, pendant 8 jours,
00:40:11 vous êtes au chaud, quoi. C'est horrible, ce que je dis,
00:40:13 mais c'est une réalité, quoi.
00:40:15 Alors que les femmes, elles vont pas dire au mec,
00:40:17 "Viens, couche avec moi." Enfin, vous voyez ?
00:40:19 Mais y a une réalité, là.
00:40:21 - Elina a réussi son pari,
00:40:23 réunir 2 mondes
00:40:25 qui, d'habitude, s'ignorent.
00:40:27 - Merci. - Merci.
00:40:29 - Merci.
00:40:31 - La nuit, les SDF sont livrés
00:40:35 à eux-mêmes, mais certains ont décidé
00:40:37 de leur venir en aide.
00:40:39 Comme Nathalie,
00:40:41 salariée du Samu Social.
00:40:43 Toutes les nuits,
00:40:45 de 20h à 5h du matin,
00:40:47 avec son équipe,
00:40:49 elle effectue des maraudes, détournées dans les rues
00:40:51 de la capitale, à la rencontre des SDF.
00:40:53 - Excusez-moi, vous avez une couverture ?
00:40:57 - Couverture, j'ai un sac de couchage,
00:40:59 si vous voulez, ou j'ai des places en hébergement, aussi.
00:41:01 - On va vous rendre le sac de couchage.
00:41:03 - Vous voulez autre chose ? - Ouais, un truc à manger.
00:41:05 - Un truc à manger ?
00:41:07 Les équipes du Samu Social interviennent
00:41:11 dès que le centre d'appel du 115 leur signale
00:41:13 un SDF en situation inquiétante.
00:41:15 - Louis Morand et 19.
00:41:17 Il est 21h, la nuit ne fait que commencer
00:41:19 et déjà un premier cas de détresse
00:41:21 leur est signalé.
00:41:23 - On va boulevard Masséna
00:41:25 chercher une dame
00:41:27 du premier Samu, qui n'a jamais été
00:41:29 prise en charge, en fait, par le Samu Social.
00:41:31 C'est le café Masséna, tu m'as dit ?
00:41:35 - 14...
00:41:37 Café Masséna.
00:41:39 - Ah, c'est la dame qui est assise, apparemment.
00:41:41 Je pense. Là.
00:41:43 C'est pas ça ? C'est une dame ? Ouais.
00:41:45 - Sur place,
00:41:47 une femme d'une quarantaine d'années,
00:41:49 elle semble épuisée.
00:41:51 - Bonjour, madame.
00:41:53 Nathalie, on est du Samu Social de Paris.
00:41:55 Vous avez fait appel à nous, c'est ça ?
00:41:57 - Oui. - Voilà.
00:41:59 - Je vais vous poser juste une question. Comment ça va ?
00:42:01 Vous vous sentez bien ou quoi ?
00:42:03 - J'ai mal au pied. - Au pied ?
00:42:05 - Non, c'est à ma hanche.
00:42:07 - A la hanche ? - Ouais.
00:42:09 - Ce que je peux vous proposer, c'est qu'on aille
00:42:11 à un centre, qui est un centre
00:42:13 d'hébergement d'urgence, c'est-à-dire qu'on accueille
00:42:15 les gens à la nuit. Donc ce soir,
00:42:17 on va pouvoir m'être à l'abri.
00:42:19 - Je peux aller avec vous pour dormir ?
00:42:21 - Oui. - Le matin, je vais en sortie ?
00:42:23 - C'est ça. Vous allez jusqu'à 11h,
00:42:25 et il faudra demain matin refaire le 115.
00:42:27 - Hum.
00:42:29 - Sans l'intervention de Nathalie,
00:42:31 cette femme aurait passé la nuit dehors,
00:42:33 dans le froid et sans protection.
00:42:35 Finalement,
00:42:37 elle sera conduite dans un centre d'hébergement d'urgence.
00:42:39 Elle pourra y passer une nuit
00:42:41 en sécurité.
00:42:43 - Si vous voulez me donner la main, monsieur,
00:42:45 ça va être plus simple. - Tout comme Jacques,
00:42:47 un autre SDF, pris en charge lors de la maraude.
00:42:49 - Prenez votre temps, y a pas de souci.
00:42:51 - Merci, c'est gentil.
00:42:53 - Bon, Jacques, on va manger ? Vous êtes OK ?
00:42:59 - Oui. - Impeccable.
00:43:01 Alors c'est parti. Allez.
00:43:03 Vous voulez que je porte votre sac, peut-être ?
00:43:05 - Pendant que Nathalie guide Jacques,
00:43:07 ses collègues prennent en charge la femme.
00:43:09 - J'ai peut-être mal dans les jambes.
00:43:11 - Ouais, dans les bras.
00:43:13 - Non, les bras, ça va. - Ça va ?
00:43:15 De toute façon, vous êtes déjà venu, là, vous connaissez.
00:43:17 - Oui. - Ouais.
00:43:19 - Moi, c'est la 1re fois que je vous vois, vous vous rendez compte ?
00:43:21 - Ah, oui ?
00:43:23 Nathalie travaille depuis 4 ans au sein du SAMU Social de Paris.
00:43:25 - Oui.
00:43:27 A force de maraude, elle commence à bien connaître
00:43:29 la plupart des SDF.
00:43:31 Et aussi les centres qui les accueillent.
00:43:33 - Là, on est dans la salle de restauration,
00:43:35 où ils ont un repas à n'importe quelle heure.
00:43:37 Si on les amène à 3h du matin,
00:43:39 ils peuvent manger à 3h du matin.
00:43:41 Voilà.
00:43:43 Et demain matin, ils auront un petit déjeuner ici aussi,
00:43:45 avant de sortir.
00:43:47 T'as tout mis, là ? C'est bon ?
00:43:49 - Un petit peu de beurre.
00:43:51 - Merci. Hop !
00:43:53 Voilà.
00:43:57 Bon appétit.
00:43:59 Chaque nuit,
00:44:01 50 personnes, dont 16 femmes,
00:44:03 peuvent dormir ici.
00:44:05 Ouvert il y a 3 ans,
00:44:07 ce lieu fait figure d'exception.
00:44:09 Il s'est adapté
00:44:11 aux besoins des SDF,
00:44:13 et non le contraire.
00:44:15 - On avait un autre centre à Montrouge,
00:44:17 mais c'était des chambres
00:44:19 de 6 personnes, 5 personnes.
00:44:21 C'est compliqué, la collectivité.
00:44:23 Donc, du coup, ils se sont adaptés,
00:44:25 ils ont fait des chambres de 1 ou 2 personnes.
00:44:27 Ça, c'est une chambre seule,
00:44:29 qui est un peu plus grande que les autres,
00:44:31 parce qu'elle est faite pour les personnes
00:44:33 à mobilité réduite.
00:44:35 Comme ça, ils peuvent circuler avec leur fauteuil roulant.
00:44:37 Et là, on a...
00:44:39 Voilà, ils ont leur douche
00:44:43 et leur toilette.
00:44:45 Toutes les chambres sont comme ça.
00:44:47 Donc, c'est...
00:44:49 Voilà, un très bon centre.
00:44:51 Mais pas le temps de traîner
00:44:53 pour les équipes du Samu Social.
00:44:55 À peine les 2 premiers sans domicile
00:44:57 déposés, il faut repartir
00:44:59 à tout urgence.
00:45:01 Le 115 vient de leur signaler une femme
00:45:03 dans le quartier de Montmartre.
00:45:05 - Les abeilles, c'est celle-là.
00:45:07 Et le 27, il doit y avoir 30 faces, normalement.
00:45:09 - Après 30 minutes de trajet, l'équipe arrive sur place.
00:45:11 Mais pas de traces de la femme.
00:45:15 - Y a personne.
00:45:17 - Une situation à laquelle Nathalie est habituée.
00:45:19 - Quand on reçoit le signalement,
00:45:21 il suffit qu'on soit occupé déjà avant,
00:45:23 qu'on mette du temps à venir.
00:45:25 Et la personne, entre-temps, elle a le temps de bouger, quoi.
00:45:27 Donc ça arrive, quoi.
00:45:29 Bon, c'est pas...
00:45:31 C'est comme ça.
00:45:33 Bon, on va continuer.
00:45:35 - Ouais, la dame,
00:45:41 le 27, sur les abeilles.
00:45:43 On va en trouver.
00:45:45 Chaque nuit, Nathalie parcourt plus de 100 km.
00:45:49 Avec toujours le même objectif,
00:45:53 apporter un soutien à ces personnes en détresse.
00:45:55 Un quotidien
00:45:57 qu'elle ne changerait pour rien au monde.
00:45:59 - Paris la nuit, je trouve que c'est ce qu'il y a de plus joli, quoi.
00:46:03 Voilà.
00:46:05 En résumé, on a le plus beau métier du monde, quoi.
00:46:07 - Pourquoi c'est le plus beau métier du monde ?
00:46:11 - Y a le contexte
00:46:13 qui fait que c'est sympa, quoi.
00:46:15 Et puis, voilà,
00:46:17 les gens de la rue parlent eux-mêmes, quoi.
00:46:19 C'est des gens qui nous apportent
00:46:21 beaucoup, en fait, sur plein de choses.
00:46:23 C'est-à-dire qu'on arrête
00:46:25 de se plaindre aussi pour des choses inutiles.
00:46:27 On relativise beaucoup, en fait.
00:46:29 Mais parfois,
00:46:35 les équipes du Samu Social
00:46:37 se trouvent confrontées à des situations désespérées.
00:46:39 - Ouais, donc là, on va chercher une dame
00:46:43 qui est connue,
00:46:45 qui est bien connue du Samu Social, là,
00:46:47 depuis plusieurs années.
00:46:49 Et...
00:46:51 Qui se dégrade
00:46:53 énormément.
00:46:55 - Dans la rue,
00:46:57 la santé se détériore très rapidement.
00:46:59 En moyenne, l'espérance de vie d'un SDF
00:47:01 ne dépasse pas les 45 ans.
00:47:03 Alcool, drogue,
00:47:05 problèmes psychiatriques,
00:47:07 les femmes, elles aussi, sont touchées.
00:47:09 Comme cette dame, très alcoolisée,
00:47:13 qui vit avec son compagnon au coin d'une rue.
00:47:15 Nathalie va tenter de la persuader
00:47:19 dans un centre.
00:47:21 - Tu veux qu'on appelle pour voir s'il y a de la place ?
00:47:23 - Ouais, mais on a du rhum, là.
00:47:25 - Ah ouais, bah oui.
00:47:27 OK, j'ai bien compris.
00:47:29 Au revoir.
00:47:31 L'alcool est interdit
00:47:33 dans les centres d'hébergement d'urgence.
00:47:35 Nathalie n'insiste pas davantage.
00:47:37 - En fait, là, le truc,
00:47:39 c'est que l'appel de l'alcool
00:47:41 est plus fort que la place.
00:47:43 Voilà. Donc elle m'a bien exprimé
00:47:45 qu'il y a... Voilà. Elle avait du rhum,
00:47:47 et...
00:47:49 C'est dommage. Bon.
00:47:51 C'est comme ça.
00:47:53 Elle ne cache pas sa déception.
00:47:55 - C'est vraiment une personne touchante,
00:47:57 et ça m'aurait fait plaisir de les emmener tous les deux
00:47:59 dans le même centre. Voilà, ils auraient pu
00:48:01 se poser aussi tous les deux là-bas.
00:48:03 Mais bon, c'est comme ça.
00:48:05 Ça fait partie du métier, c'est pas grave.
00:48:07 Ouais, bon.
00:48:09 L'appel du rhum, c'est l'appel du rhum, aussi.
00:48:11 Attends.
00:48:13 Bon, c'est pas grave. Allez.
00:48:15 - Mais le SAMU social
00:48:17 ne peut pas forcer les SDF à être hébergés.
00:48:19 C'est des convenus.
00:48:23 Nathalie y est habituée.
00:48:25 Elle connaît les limites de son métier.
00:48:27 Pourtant, la jeune femme ne se décourage pas.
00:48:29 Cette nuit encore, elle continuera sa maraude
00:48:33 avec un seul objectif,
00:48:35 tendre la main à ceux qui en ont besoin.
00:48:43 Quand un SDF se retrouve en difficulté,
00:48:45 le numéro à appeler est donc le 115.
00:48:47 Ce sont eux qui déploient
00:48:49 les véhicules du SAMU social,
00:48:51 et surtout qui trouvent des places d'hébergement.
00:48:53 Pour comprendre comment fonctionne ce numéro d'urgence,
00:48:59 nous nous sommes rendus au sein d'un centre d'appel
00:49:01 situé à Ivry-sur-Seine.
00:49:03 115 de Paris, bonjour.
00:49:05 À l'autre bout du fil,
00:49:07 des dizaines d'opérateurs
00:49:09 qui répondent au numéro d'urgence.
00:49:11 Attendez un instant, s'il vous plaît.
00:49:13 Parmi eux, Maëlys, 22 ans.
00:49:15 Alors, est-ce que je pourrais avoir
00:49:17 votre nom, s'il vous plaît, et votre date de naissance ?
00:49:19 Chaque jour,
00:49:21 le 115 de Paris reçoit en moyenne
00:49:23 4 500 appels.
00:49:25 Les femmes SDF passent des heures au téléphone
00:49:27 pour trouver un lit pour le soir même.
00:49:29 115 de Paris, bonjour.
00:49:33 Alors, comment vous allez, madame ?
00:49:35 Vous avez pu vous abriter hier, madame ?
00:49:37 Vous êtes à la halte-femme ?
00:49:39 Vous avez pu vous reposer un petit peu ?
00:49:41 Bon, bah, ne quittez pas, madame.
00:49:43 Je vais aller voir si on a des places, d'accord ?
00:49:45 - Oui. - On n'a aucune place, aujourd'hui.
00:49:47 Aucune place pour les femmes.
00:49:49 - Si. - T'as des droits...
00:49:51 Une ? OK, merci.
00:49:53 Il est seulement 15h,
00:49:55 et il ne reste qu'une place
00:49:57 sur tout Paris.
00:49:59 Mais la femme qui appelle n'est ni âgée, ni mère de famille.
00:50:01 Elle n'est pas prioritaire.
00:50:03 - Allô, madame ?
00:50:05 Oui, alors, écoutez,
00:50:07 je voulais me renseigner, là, madame,
00:50:09 on n'a pas suffisamment de places.
00:50:11 Il faudrait nous appeler ce soir à 19h, madame.
00:50:13 On sait pas combien de places on aura le soir, madame,
00:50:15 donc je peux pas vous garantir
00:50:17 si on pourra vous héberger ou pas.
00:50:19 Bon courage.
00:50:21 - Le verdict est rude.
00:50:23 Maëlie s'est contrainte de dire non plusieurs fois par jour.
00:50:25 - Au niveau des femmes,
00:50:27 on a une dizaine, une quinzaine de places par jour,
00:50:29 donc c'est peu, comparé au nombre d'appels.
00:50:31 Moi, j'ai déjà fait des nuits aux 115.
00:50:33 On avait 4 places pour toute la nuit.
00:50:35 - Pourtant, chaque jour,
00:50:37 environ 120 femmes composent le 115,
00:50:39 souvent sans succès.
00:50:41 Nous avons voulu tester
00:50:45 selon quels critères une femme
00:50:47 pouvait obtenir un lit pour une nuit.
00:50:49 Notre journaliste a donc appelé le 115.
00:50:51 - Bonjour.
00:50:55 Vous avez composé le 115,
00:50:57 numéro d'accueil des personnes sans-âmerie.
00:50:59 L'équipe du 115 est là
00:51:01 pour vous informer et vous orienter.
00:51:03 - Pour le premier appel,
00:51:05 elle se fait passer pour une jeune femme de 23 ans
00:51:07 qui cherche un hébergement pour cette nuit.
00:51:09 - C'est aujourd'hui que vous êtes dehors
00:51:13 ou c'est depuis un moment?
00:51:15 - Oui, parce que jusqu'à présent,
00:51:17 je dormais chez mon petit ami,
00:51:19 mais il m'a mis dehors.
00:51:21 - Le 115, c'est un dispositif d'urgence
00:51:23 pour les personnes qui sont à la rue depuis très longtemps.
00:51:25 Donc on a une priorité pour les personnes
00:51:27 qui sont à la rue depuis plusieurs années.
00:51:29 Et en fait, c'est que des hébergements collectifs
00:51:31 pour plusieurs personnes SDS.
00:51:33 Mais comment vous dire?
00:51:35 Je pense que c'est vraiment pas du tout adapté pour vous.
00:51:37 Donc si vous pouvez trouver des solutions,
00:51:39 il faut en profiter.
00:51:41 Parce que là-bas, il y a des vols,
00:51:43 il y a des femmes qui sont vires,
00:51:45 il y a des toxicos, il y a un peu de tout, quoi.
00:51:47 Bon courage, madame. - Merci. Au revoir.
00:51:49 - Le 115 préfère donc décourager cette jeune femme.
00:51:53 Une position défendue par Jean-Sébastien Daniel,
00:51:55 responsable du pôle régulation.
00:51:59 - Quand vous allez en centre d'hébergement,
00:52:01 vous allez vous retrouver confronté à l'addiction,
00:52:03 à la extrême précarité, au manque d'hygiène,
00:52:05 aux problématiques psy, etc., etc.
00:52:07 C'est une réalité, vraiment.
00:52:11 Et la promiscuité dans les centres d'hébergement,
00:52:13 dans les chambres,
00:52:15 je pense que ça peut être très, très dur à vivre.
00:52:19 C'est un peu un effet dissuasif, je vous l'accorde.
00:52:21 - Lors du 2e appel, notre journaliste
00:52:25 se présente comme une femme de 22 ans
00:52:27 à la rue depuis 3 semaines à Paris.
00:52:29 Et là, la réponse du 115 va être des plus aberrantes.
00:52:33 - J'ai eu une rupture familiale.
00:52:35 Je me suis disputée avec mes parents
00:52:37 et je suis partie de chez moi.
00:52:39 - En Ardèche.
00:52:43 - D'accord, donc il y aura pas du tout de place
00:52:57 pour moi ce soir ?
00:53:01 - OK, très bien.
00:53:03 - Je suis désolée, en tout cas.
00:53:05 - Merci, au revoir.
00:53:07 - Le 115 doit assurer une prise hors charge,
00:53:09 sans condition.
00:53:11 Cette réponse négative est donc difficile
00:53:13 à justifier pour Jean-Sébastien.
00:53:15 Il est mal à l'aise.
00:53:17 - On a parfois des réponses
00:53:19 qui peuvent être maladroites.
00:53:21 Et c'est en même temps aussi...
00:53:23 Ça permet de dire non,
00:53:25 parce que de dire "vous dépendez pas de nous,
00:53:27 c'est un autre département,
00:53:29 c'est un autre 115",
00:53:31 ça cache un peu le fait
00:53:33 qu'on ne puisse pas dire oui aussi.
00:53:35 C'est par manque de solutions
00:53:39 à proposer aussi.
00:53:41 Je pense que c'est un petit peu humain
00:53:43 de se cacher derrière
00:53:45 quelques trucs, des fois.
00:53:47 Ouais, on n'est pas parfaits.
00:53:53 Chaque hiver,
00:53:57 les services disponibles en centre d'hébergement
00:53:59 sont insuffisants, surtout pour les femmes.
00:54:01 Plus d'un appel au 115/2
00:54:05 se solde par un refus.
00:54:07 Résultat, les femmes sont contraintes
00:54:09 de passer la nuit dehors.
00:54:11 Elles doivent alors faire face
00:54:13 à la violence de la rue,
00:54:15 vivre dans l'insécurité au quotidien.
00:54:17 Anne en a fait la meilleure expérience
00:54:21 pendant 17 ans.
00:54:23 - J'ai quitté ma famille à l'âge de 18 ans.
00:54:25 Parce que dans ma famille, il y avait des problèmes.
00:54:27 J'ai cru que venir à Paris
00:54:29 allait me sauver et me trouver
00:54:31 une nouvelle vie, beaucoup plus agréable.
00:54:33 Mais sans ressources et sans soutien,
00:54:37 elle se retrouve SDF au bout d'une semaine.
00:54:39 Et dès sa première nuit dehors,
00:54:43 Anne va être confrontée
00:54:45 à la dure réalité de ce monde.
00:54:47 Un univers violent dans lequel les femmes
00:54:49 ne sont que des proies faciles.
00:54:51 - Le premier soir de la rue,
00:54:53 j'ai été violée par des SDF.
00:54:55 Du coup, j'étais en état de choc.
00:54:57 Et j'ai pas...
00:54:59 J'ai pas réussi à me relever tout de suite
00:55:01 et à aller porter plainte et tout ça.
00:55:03 Je me suis enfoncée dans un...
00:55:05 Dans un choc psychologique
00:55:09 qui a fait que j'ai pas pu bouger,
00:55:11 j'ai pas pu réagir.
00:55:13 Traumatisée par cette agression violente,
00:55:17 Anne n'osera pas porter plainte.
00:55:19 La honte, son statut de SDF,
00:55:21 la jeune femme s'enfonce dans une spirale infernale.
00:55:23 Elle s'installe sur les quais de Seine,
00:55:25 seule.
00:55:27 - J'ai passé 17 ans sur ces quais
00:55:29 à ne pas communiquer du tout avec les gens.
00:55:33 Je suis vraiment restée plus de 3 ans
00:55:35 presque muette
00:55:37 sous cet état de choc.
00:55:39 Elle s'abrite sous les ponts,
00:55:43 ne parle avec personne
00:55:45 et tente de trouver des moyens
00:55:47 pour se fondre dans le décor,
00:55:49 se faire oublier des hommes.
00:55:51 - Dans la nuit, on dort pas,
00:55:53 on est plus à l'affût de ce qui se passe et tout.
00:55:55 Et on dort plutôt la journée
00:55:57 quand c'est plus calme.
00:55:59 Les 2 grosses techniques
00:56:01 pour les femmes,
00:56:03 c'est d'abord se ressembler à un homme.
00:56:05 Donc c'est se raser les cheveux,
00:56:07 trouver des vêtements d'hommes
00:56:09 qui nous vont et qui nous camouflent.
00:56:11 On a souvent des vêtements militaires.
00:56:13 Moi, je suis toute entrée militaire.
00:56:15 Et puis la 2e,
00:56:17 on croit que ça va marcher,
00:56:19 mais ça marche pas.
00:56:21 Mais on croit que si on se rase pas
00:56:23 et qu'on pue et qu'on a une odeur
00:56:25 très forte, ça va repousser l'agresseur.
00:56:27 Malgré tout, elle reste une proie.
00:56:31 Les agressions se multiplient.
00:56:33 Un enfer.
00:56:35 Anne a été violée
00:56:37 plus de 50 fois en 17 ans de rue.
00:56:39 Et ces bourreaux
00:56:41 ont des profils insoupçonnés.
00:56:43 - Je me suis fait violer à la défense
00:56:45 par des cols blancs, comme ça s'appelle.
00:56:47 C'est des mecs en costard cravate
00:56:49 qui m'ont juste dit
00:56:51 que j'étais moins chère qu'une pute,
00:56:53 parce que j'étais gratuite.
00:56:55 Voilà.
00:56:57 Ils arrivent à 10, tu peux rien faire.
00:56:59 Et ça tourne et ça tourne
00:57:01 et tu peux rien faire.
00:57:03 On n'a pas la force
00:57:05 de se défendre.
00:57:07 On n'a même plus l'envie de se défendre.
00:57:09 On est tellement dans une dépression
00:57:11 sans fond et sans amir
00:57:13 et sans rien qu'on se dit
00:57:15 peut-être qu'ils vont me tuer et ce serait peut-être bien.
00:57:17 Voilà.
00:57:19 Dans la rue, Anne tombe enceinte.
00:57:25 A la naissance de son 2e fils,
00:57:27 elle accepte l'aide d'une assistante sociale.
00:57:29 C'était il y a 13 ans.
00:57:33 Reprendre pied
00:57:35 est un parcours difficile
00:57:37 qui lui a demandé beaucoup d'énergie.
00:57:41 On sait qu'il y a du courage à avoir
00:57:43 et que c'est très très long.
00:57:45 Mais on ne pense pas que c'est possible surtout.
00:57:49 Mais ça l'est.
00:57:53 Aujourd'hui,
00:57:55 elle vit dans un appartement
00:57:57 avec ses 2 enfants
00:57:59 et réapprend à vivre à leur côté.
00:58:01 Si aujourd'hui, Anne est sortie de la rue,
00:58:05 c'est grâce à l'aide d'assistantes sociales
00:58:07 et d'associations.
00:58:09 Elle développe de plus en plus d'initiatives
00:58:11 pour aider les femmes SDF à se sentir mieux.
00:58:13 C'est le cas de ce drôle de camping-car
00:58:19 qui sillonne 2 fois par semaine les rues parisiennes.
00:58:21 Il s'agit de "Mobile Douche",
00:58:25 une salle de bain itinérante dédiée aux SDF.
00:58:27 Le concept ? Aller à la rencontre de ces femmes désocialisées
00:58:31 et leur permettre de retrouver
00:58:33 un semblant de dignité
00:58:35 avec ce geste des plus élémentaires,
00:58:37 c'est le concept de "Mobile Douche".
00:58:39 C'est Ranzika Faïd qui en a eu l'idée.
00:58:41 Cette fonctionnaire a lancé le concept,
00:58:43 émue par une enquête publiée dans la presse.
00:58:45 - Ils demandaient aux SDF de prioriser leurs attentes.
00:58:49 Il y en avait 3 qui sont arrivées très clairement.
00:58:53 C'est le toit, la nourriture
00:58:55 et la formulation "Restez propre".
00:58:57 Donc moi, dans mon bureau,
00:58:59 en 2006, j'ai créé "Mobile Douche"
00:59:01 à la suite de cette formulation-là.
00:59:05 - Ranzika Faïd est une bénévole qui accueille les femmes.
00:59:07 A peine stationnée,
00:59:09 le camping-car reçoit sa première visite.
00:59:11 - Bonjour Catherine !
00:59:13 - Evelyne vit dans un hôtel rudimentaire
00:59:15 depuis 8 mois,
00:59:17 avec des sanitaires crasseux.
00:59:19 Alors pas d'autre solution pour cette femme
00:59:21 que de fréquenter "Mobile Douche".
00:59:23 - Ça va. - Ça va ?
00:59:25 - Là où tu es actuellement,
00:59:27 tu te plais toujours bien ?
00:59:29 - Je me plais.
00:59:31 C'est pas terrible.
00:59:33 Enfin, la chambre est bien,
00:59:35 sauf qu'il n'y a pas de douche, il n'y a pas de toilette.
00:59:37 La douche,
00:59:39 elle est horrible dans les étages.
00:59:41 Elle est moisie, etc.
00:59:43 Parce que c'est vraiment un hôtel pas terrible.
00:59:45 - Evelyne a fait le choix de se déplacer jusqu'ici
00:59:49 pour se doucher dans de bonnes conditions.
00:59:51 - Tu veux un gant ?
00:59:53 - Bon, je me lève avec les mains.
00:59:55 - Très bien.
00:59:57 Viens là.
00:59:59 - Je vais enlever mes chaussures d'abord.
01:00:01 - Ici, l'espace est minuscule,
01:00:03 mais tout est habilement aménagé.
01:00:05 Toilette, gel douche, serviette,
01:00:07 tout est à disposition.
01:00:09 L'objectif,
01:00:11 offrir une pause bien-être aux femmes,
01:00:13 une bulle de sérénité loin de la rue.
01:00:15 - Pendant combien de temps
01:00:17 je peux utiliser la douche ?
01:00:19 - Tu prends le temps que tu veux, le temps que tu as besoin.
01:00:21 - D'accord, entendu.
01:00:23 Non, mais il y a peut-être des autres personnes qui vont...
01:00:25 - Non, non, non, peu importe.
01:00:27 Ce moment-là, il est pour toi,
01:00:29 mais c'est aussi du temps dont tu as besoin.
01:00:31 - D'accord, je te remercie.
01:00:33 - Bonne douche, Evelyne.
01:00:37 - Merci, Catherine.
01:00:39 - Le temps d'une douche,
01:00:43 les femmes se retrouvent en toute intimité.
01:00:45 Un endroit rien qu'à elles
01:00:47 pour renouer avec leur féminité.
01:00:49 - Alors, l'eau chaude, ça a été ?
01:00:51 - Très bien, impeccable.
01:00:53 J'ai rincé la douche en même temps, comme ça...
01:00:55 - Super.
01:00:57 - Ce service est inestimable pour Evelyne,
01:00:59 qui vit depuis plusieurs années
01:01:01 dans une extrême précarité.
01:01:03 - Pendant 2 ans et demi,
01:01:05 j'ai pas eu la possibilité
01:01:07 de prendre de douche,
01:01:09 puisque je vivais dans un box.
01:01:11 Eh bien, c'est énorme, quoi.
01:01:13 C'est beaucoup.
01:01:15 Je prenais une douche, peut-être,
01:01:17 une fois tous les 3 mois, et encore.
01:01:19 Bon, bien sûr, dans mon box,
01:01:21 j'avais acheté un rail chaud
01:01:23 pour faire chauffer de l'eau, etc.
01:01:25 Puisque même à cette époque-là,
01:01:27 je travaillais encore,
01:01:29 il était pas question que je reste sale.
01:01:31 Mais c'est pas une douche.
01:01:33 Quand il fallait que je me lave la tête,
01:01:35 ça a commencé à poser un problème.
01:01:37 - Pouvoir se laver régulièrement
01:01:39 a changé le quotidien d'Evelyne.
01:01:41 - T'as de la chance, parce qu'en fait,
01:01:43 on a eu plein de dons, des trousses de toilettes
01:01:45 qui sont super sympas, donc tu peux choisir
01:01:47 celle que tu veux. Après, on va la remplir
01:01:49 avec ce dont tu as besoin.
01:01:51 - D'accord.
01:01:53 - Après, le contenu, on le change.
01:01:55 - Moi, j'aime le bleu. - Tu veux celle-là?
01:01:57 - Oui.
01:01:59 - Mobile Douche fournit également différents produits d'hygiène OSDF.
01:02:01 Tous sont des dons de particuliers
01:02:03 ou d'entreprises.
01:02:05 - Voilà. Eh ben, c'est impeccable.
01:02:07 Merci.
01:02:09 Bon, bah, à la semaine prochaine, Cathy.
01:02:11 - Merci.
01:02:13 - Au camping-car, les visites s'enchaînent.
01:02:15 - Bonjour, Cathy.
01:02:17 Comment ça va?
01:02:19 - Bien.
01:02:21 - C'est au tour de Marie,
01:02:23 51 ans, à la rue depuis 7 ans.
01:02:25 Aujourd'hui,
01:02:27 elle n'est pas venue pour sa toilette.
01:02:29 Elle a besoin de refaire sa garde-robe.
01:02:31 Car Mobile Douche offre aussi
01:02:33 des vêtements à ses femmes démunies.
01:02:35 - Tu as besoin de quoi?
01:02:37 - De t-shirt. - Des t-shirt pour mettre dessous
01:02:39 ou des t-shirt pour mettre dessus? - Dessus.
01:02:41 - Marie s'est retrouvée à la rue
01:02:45 pour échapper à un compagnon violent.
01:02:47 Depuis 7 ans, elle enchaîne
01:02:49 les hébergements précaires et les nuits dehors.
01:02:51 Une vie avec très peu de moyens.
01:02:53 Grâce à ce camping-car,
01:02:57 elle retrouve sa dignité.
01:02:59 Surtout ici, les bénévoles n'apportent pas
01:03:01 qu'une aide matérielle.
01:03:03 Marie en profite pour vider son sac,
01:03:05 ce qu'elle a rarement l'occasion de faire.
01:03:07 - Je n'en peux plus,
01:03:09 il est temps que ça cesse.
01:03:11 Il faut que je me trouve une chambre à moi,
01:03:13 parce que là, moi, c'est ma santé que je vais y laisser.
01:03:15 C'est ma santé que j'y laisse.
01:03:17 J'ai pas envie de ça.
01:03:19 Il me fait style d'avoir bonne mine,
01:03:21 mais bon, c'est qu'une façade.
01:03:23 Derrière, il y a une femme blessée,
01:03:25 faut pas rêver.
01:03:27 Parce que quand même, à 51 ans,
01:03:29 vivre dans une... Pardon, je vais pleurer,
01:03:31 j'ai pas envie.
01:03:33 Non, surtout pas. Excusez-moi.
01:03:35 Je vais prendre sur moi, excusez-moi.
01:03:37 Si on n'avait pas des gens comme ça,
01:03:41 franchement...
01:03:45 Je sais pas ce que je serais devenue.
01:03:47 Marie ne compte pas baisser les bras.
01:03:51 Son objectif, sortir de la rue,
01:03:53 avoir un chez soi, pour que sa famille,
01:03:55 ses enfants, portent un nouveau regard sur elle.
01:03:57 - Je veux qu'ils me voient,
01:04:01 qu'ils connaissent une Marie...
01:04:03 Autrement que maintenant.
01:04:07 Ça, là-dedans.
01:04:09 Et bah...
01:04:11 Là, je me suis refait.
01:04:13 - À bientôt. Peut-être la semaine prochaine,
01:04:15 si tout va bien.
01:04:17 Marie est bien décidée à se reprendre en main,
01:04:19 à changer de vie.
01:04:21 Retour à Paris, nous retrouvons Marie.
01:04:23 Pour reprendre pied,
01:04:25 elle a d'abord décidé de s'occuper d'elle.
01:04:27 Ce matin, elle se rend donc
01:04:29 dans ce centre de beauté pas comme les autres.
01:04:31 - Bonjour. J'ai un courant rendez-vous.
01:04:35 - Oui, d'accord.
01:04:37 Il s'agit du salon de coiffure sociale
01:04:39 de l'association Joséphine.
01:04:41 - Je peux mettre ma veste où, monsieur?
01:04:43 - Oui, bien sûr. Dans le vestiaire.
01:04:45 - Oui, je vous suis.
01:04:47 Ici, les femmes en difficulté
01:04:49 sont chouchoutées des pieds à la tête.
01:04:51 - On essaie d'aider les femmes
01:04:53 de retrouver le style de soi.
01:04:55 - Voilà. La dignité, on va dire ça.
01:04:57 - Oui.
01:04:59 - La dignité, le respect.
01:05:01 - Qu'elles sortent de chez nous
01:05:03 avec le sourire.
01:05:05 - Ah, ça? Moi, je vous confirme,
01:05:07 je vais sortir avec le gros sourire.
01:05:09 - Ah, c'est bien.
01:05:11 - Bon, on peut y aller?
01:05:13 - Oui. Excusez-moi, c'est un petit peu impressionnant.
01:05:15 C'est la 1re fois que je viens ici, alors...
01:05:17 - Dans ce salon solidaire,
01:05:19 les femmes peuvent changer de tête
01:05:21 pour seulement quelques euros.
01:05:23 Coiffeure, esthéticienne, manucure,
01:05:25 tous les pros sont bénévoles.
01:05:27 - Oui.
01:05:29 - Ça, c'est bien, là-haut, c'est quoi?
01:05:31 - Je vais trouver ce que je voulais.
01:05:35 - Ah, c'est bien. Je vous laisse faire ça.
01:05:37 C'est vous l'experte.
01:05:39 Moi, je sors d'ici métamorphosée.
01:05:43 Plus la même Marie.
01:05:47 Qu'on ne me reconnaisse plus dans la rue, c'est bien.
01:05:49 - Ici, se faire coiffer
01:05:51 ne coûte que 3 euros.
01:05:53 Une aubaine pour Marie,
01:05:55 qui n'est pas allée chez le coiffeur depuis plus d'un an.
01:05:57 - J'essaye qu'à chaque époque
01:05:59 de mon anniversaire,
01:06:01 si j'ai un petit peu le moyen,
01:06:03 je m'offre le coiffeur.
01:06:05 - C'est bon, la température?
01:06:07 - Oui, oui, très bien.
01:06:09 Depuis quelques mois,
01:06:13 Marie vit dans un centre d'hébergement d'urgence.
01:06:15 Elle partage sa chambre
01:06:17 avec 5 autres femmes.
01:06:19 Dans ces conditions,
01:06:21 difficile de prendre du temps pour soi.
01:06:23 - Ah, ça fait du bien, franchement.
01:06:27 Ça fait du bien, la tête, surtout.
01:06:29 De profiter un peu de soi.
01:06:31 De prendre une journée pour soi.
01:06:33 Ça libère des soucis.
01:06:35 Ça permet de voir d'autres personnes,
01:06:39 d'autres horizons.
01:06:41 Que toujours les mêmes,
01:06:43 toujours les mêmes.
01:06:45 C'est la noix de coco?
01:06:47 Oui, ça sent très bon.
01:06:51 - Plus une femme est féminine,
01:06:55 plus elle est forte. Coco Chanel.
01:06:57 Bien.
01:06:59 Une bonne citation.
01:07:01 - Merci.
01:07:03 Après le shampoing,
01:07:07 Marie a rendez-vous pour un soin du visage.
01:07:09 C'est la 1re fois
01:07:11 qu'elle va chez l'esthéticienne.
01:07:13 - Je me détends, ça fait du bien.
01:07:15 Musique douce, soins personnalisés,
01:07:19 une ambiance très éloignée
01:07:21 de ce qu'elle appelle son travail.
01:07:23 - Quand je travaille le matin,
01:07:25 je fais la manche.
01:07:27 Moi, j'ai toujours le sourire.
01:07:29 Je montre pas ma...
01:07:31 Comment on appelle ça?
01:07:33 Je montre pas ma situation
01:07:35 parce que je suis une femme.
01:07:37 C'est pas évident tous les jours.
01:07:39 Je vous confirme,
01:07:41 c'est pas tous les jours évident.
01:07:43 J'essaie d'avoir le sourire.
01:07:45 Des fois, il y a des coups de blouse.
01:07:47 On peut pas tout le temps sourire.
01:07:51 - C'est un masque au collage.
01:07:55 Il nous a l'air à jeunir de 20 ans.
01:07:57 - Ah, c'est bien, ça.
01:07:59 L'opération relooking
01:08:03 continue avec le maquillage.
01:08:05 - C'est vrai que ça change.
01:08:11 Oh, mon Dieu, je m'en reconnais pas dans la classe.
01:08:13 - C'est pas fini.
01:08:15 - Ah, en plus, c'est pas fini.
01:08:17 Mes copines de chambre, elles vont dire
01:08:19 que c'est pas Marie, ça.
01:08:21 Elle est passée où?
01:08:23 Elle est passée dans les mains
01:08:25 de la personne qui dit, en sortant d'ici,
01:08:27 "transformée".
01:08:29 Réconcilier les femmes précaires
01:08:31 avec leur image, c'est une des missions
01:08:33 du salon Jeunesse fine.
01:08:35 Et pour qu'elles se sentent aussi bien
01:08:37 dans leur corps que dans leur tête,
01:08:39 une psychologue est là.
01:08:41 - Je reçois les femmes ici
01:08:43 qui ont envie d'essayer de se débarrasser
01:08:45 des soucis qu'elles ont dans leur tête.
01:08:47 - D'accord.
01:08:49 Ça va être compliqué,
01:08:51 parce que j'en ai pas mal.
01:08:53 - La psychologue ne reçoit pas dans un cabinet,
01:08:55 mais dans un dressing,
01:08:57 un univers feutré qui libère la parole.
01:08:59 - Avant que je sois dans le foyer...
01:09:01 - Vous dormiez dans la rue?
01:09:03 - Voilà. Sous les ponts, dans une tente,
01:09:05 dans un terrain vague.
01:09:07 - Une errance à laquelle s'ajoute
01:09:09 une situation familiale difficile.
01:09:11 Les 4 garçons de Marie
01:09:13 vivent chez leur père ou en famille d'accueil.
01:09:15 Elle a juste gardé contact
01:09:17 avec l'un d'entre eux.
01:09:19 - C'est le seul de mes 4 enfants
01:09:21 qui veut recréer les liens avec sa mère.
01:09:23 - Les autres, non?
01:09:25 - Non, parce que leur père
01:09:27 leur a monté la tête, on va dire.
01:09:29 Vous savez, mon ex-femme,
01:09:31 c'est une femme SDF
01:09:33 et tout ce qui s'en suit.
01:09:35 Voilà, c'est tout.
01:09:37 C'est un truc que j'ai pas apprécié quand je l'ai su.
01:09:39 - Évidemment.
01:09:41 - Être séparé de ses enfants,
01:09:43 c'est un drame que vivent beaucoup de femmes à la rue.
01:09:45 Devoir vivre sans eux
01:09:47 est un manque cruel pour Marie.
01:09:49 - Quand j'ai appris ça,
01:09:51 mon Dieu, ça m'a détruit.
01:09:53 - Elle entend bien prouver
01:09:57 à ses enfants qu'elle peut se ressaisir.
01:09:59 Cette remise en beauté
01:10:01 est la 1re étape de cette reconquête.
01:10:03 - Ça va?
01:10:05 - Très bien.
01:10:07 Ah, super.
01:10:09 Franchement, nickel.
01:10:11 Franchement, là, c'est...
01:10:13 Y a rien à redire, c'est parfait.
01:10:15 C'est parfait, c'est parfait.
01:10:17 - Non, merci.
01:10:19 Le résultat est bluffant.
01:10:25 Marie reprend confiance en elle.
01:10:27 - Franchement, vous êtes une équipe
01:10:35 vraiment formidable.
01:10:37 - Merci, Marie.
01:10:39 - C'est... Comment je pourrais bien vous dire ça?
01:10:41 J'ai les lames aux yeux.
01:10:43 C'est pas le moment, hein?
01:10:45 - Non.
01:10:47 - Non, j'ai pas d'échantillons,
01:10:49 y en a pas d'autres.
01:10:51 Alors, pour pleurer, ça va y avoir
01:10:53 ses champions.
01:10:55 Mais avoir créé ce salon
01:10:57 d'insertion juste pour les femmes,
01:10:59 franchement,
01:11:01 c'est une bonne...
01:11:03 Une bonne action.
01:11:05 - Bon courage pour le moment.
01:11:07 - Merci.
01:11:09 - A la prochaine.
01:11:11 - Y a pas de problème.
01:11:13 - En 2011, le salon Joséphine
01:11:15 a accueilli plus de 4 000 femmes.
01:11:17 Une escapade beauté salutaire
01:11:19 pour toutes celles qui n'ont plus les moyens
01:11:21 de s'occuper d'elles.
01:11:23 - Merci.
01:11:25 - Lycéens, sans abri, on n'est pas d'accord!
01:11:27 - Mairie de Saint-Ouen,
01:11:29 en banlieue parisienne.
01:11:31 - Et qu'est-ce qu'on veut? - Des logements!
01:11:33 - Qu'est-ce qu'on veut? - Des logements!
01:11:35 - Ils sont une cinquantaine à s'être donnés rendez-vous
01:11:37 ce matin.
01:11:39 - Pour tous! - Pour tous!
01:11:41 - Des jeunes, venus manifester leur soutien
01:11:43 à sept de leurs camarades de classe.
01:11:45 Depuis plusieurs mois,
01:11:47 ces adolescents dorment dans la rue.
01:11:49 - On manifeste aujourd'hui pour avoir des logements
01:11:51 pour ces lycéens qui sont à la rue
01:11:53 et qui préparent
01:11:55 pour la plupart leur bac.
01:11:57 - Le bac, t'imagines le bac à la rue?
01:11:59 - C'était à la rue en hiver,
01:12:01 il faisait -4.
01:12:03 - L'objectif de cette manifestation,
01:12:05 alerter les pouvoirs publics
01:12:07 et médiatiser l'affaire.
01:12:09 Des professeurs sont aussi présents.
01:12:11 Ce sont eux qui ont tiré la sonnette d'alarme
01:12:13 quelques semaines plus tôt.
01:12:15 Et ils ont fait beaucoup parler d'eux dans la presse.
01:12:19 "Prof, nous nous battons pour aider
01:12:23 nos élèves qui dorment dans la rue."
01:12:25 Un lycée se bat pour trouver un toit
01:12:27 à ses élèves SDF.
01:12:29 Mais pour l'instant,
01:12:31 leur mobilisation n'a pas vraiment été écoutée.
01:12:33 Les sept lycéens sont encore à la rue.
01:12:37 - Il faut que vous sachiez que les profs
01:12:39 ont déjà demandé
01:12:41 à être reçus par le maire.
01:12:43 Ça n'a pas donné grand chose.
01:12:45 On ne l'a pas eu directement.
01:12:47 On a eu une de ses collaboratrices.
01:12:49 - Il faut surtout avoir le soutien du maire
01:12:51 pour le presser.
01:12:53 - On va le faire.
01:12:55 Comme ça, on l'aura fait.
01:12:57 - Voilà.
01:12:59 Aujourd'hui, les lycéens ont décidé
01:13:01 d'aller frapper directement à la porte de la mairie.
01:13:03 - Bonjour, alors, vous avez demandé ?
01:13:05 - Il y a personne qui vient s'effermer.
01:13:07 Mais personne ne semble vouloir les recevoir.
01:13:09 - Rien du tout.
01:13:11 Comme par hasard,
01:13:15 les portes de l'établissement sont closes.
01:13:17 - Il y a personne qui répond à la salle.
01:13:19 - Il y a 2 secondes, il y avait quelqu'un.
01:13:21 - Oui, mais il y avait même une dame ici.
01:13:23 Et le hall semble avoir été déserté.
01:13:27 - Il y a personne qui répond.
01:13:29 - Il y avait 2 secondes,
01:13:31 il y avait une secrétaire.
01:13:33 Malgré leur insistance,
01:13:35 les portes de la mairie vont rester fermées.
01:13:37 - On n'est pas d'accord !
01:13:39 Ce soir encore, des lycéens vont dormir dehors.
01:13:41 - On n'est pas d'accord !
01:13:43 - C'est pas fini !
01:13:45 C'est pas fini !
01:13:47 Les lycéens SDF ne sont pas présents aujourd'hui.
01:13:49 Ils préfèrent rester discrets
01:13:53 et anonymes.
01:13:55 Par honte,
01:13:57 mais aussi pour ne pas s'attirer
01:13:59 les mauvaises blagues de certains camarades.
01:14:01 Parmi eux,
01:14:03 Marie, 18 ans,
01:14:05 a accepté de nous rencontrer.
01:14:07 A une seule condition,
01:14:09 qu'on ne la reconnaisse pas.
01:14:11 Il y a un an,
01:14:13 sa mère perd son emploi
01:14:15 et son logement de fonction.
01:14:17 Elles sont hébergées chez une tante,
01:14:21 mais depuis 5 mois,
01:14:23 celle-ci ne peut plus les accueillir.
01:14:25 L'élève, en terminale S,
01:14:27 se retrouve donc à la rue
01:14:29 avec sa mère et sa soeur cadette.
01:14:31 - J'ai étalé une écharpe par terre
01:14:35 pour me coucher.
01:14:37 On prenait l'écharpe,
01:14:39 et ensuite, on l'étale comme ça par terre,
01:14:41 et on s'assoit dessus.
01:14:43 C'était impossible de dormir,
01:14:47 puisque le sol, déjà, il est dur.
01:14:49 J'y arrivais pas du tout.
01:14:51 Un coup, je me couche, un coup, je me lève,
01:14:53 je m'assois, un coup, je me lève pour aller marcher,
01:14:55 et je reviens pareil.
01:14:57 - Est-ce qu'il peut dormir comme ça dans ces conditions ?
01:14:59 - Non. Il peut pas dormir, en fait.
01:15:01 Il peut pas dormir.
01:15:03 On étalait une écharpe juste pour le fait
01:15:05 de ne pas s'asseoir par terre.
01:15:07 - Pendant 10 nuits,
01:15:09 la jeune fille et sa famille ont donc
01:15:11 affronté le froid, mais surtout vécu l'angoisse.
01:15:13 - La peur, elle est toujours là.
01:15:17 Parce qu'à tout moment, chaque 2 minutes,
01:15:19 on réagit, on regarde partout
01:15:21 s'il y a pas quelqu'un qui vient vers nous.
01:15:23 La peur, elle est toujours là. C'est impossible de fermer les yeux.
01:15:25 - Pourtant,
01:15:27 Marie a longtemps refusé d'en parler à ses amis proches.
01:15:29 - Je voulais pas me l'avouer
01:15:31 que j'étais dans la rue, en fait,
01:15:33 que j'étais une SDF, en fait.
01:15:35 Je voulais pas me l'avouer.
01:15:37 J'avais honte, en fait, de cette situation.
01:15:39 - Elle s'est finalement confiée
01:15:41 à l'assistante sociale du lycée.
01:15:43 C'est elle qui a alerté les professeurs.
01:15:45 L'établissement
01:15:47 est alors devenu le refuge de l'étudiante.
01:15:49 - Dès le matin, en fait, j'allais directement au lycée
01:15:51 parce que c'était le seul endroit où j'étais à l'abri,
01:15:53 donc du coup,
01:15:55 quand j'arrivais là-bas, j'étais bien accueillie,
01:15:57 je pouvais me brosser les dents,
01:15:59 prendre le petit-déjeuner et aller en cours,
01:16:01 mais c'était impossible quand même pour moi de suivre les cours
01:16:03 parce que je m'endormais en classe, en fait.
01:16:05 - Grâce au soutien de son lycée,
01:16:07 Marie et sa famille ont pu être hébergées
01:16:09 chez l'ami d'un professeur.
01:16:11 Un logement temporaire qui reste précaire
01:16:13 et qui ne lui fait pas oublier ses nuits dehors.
01:16:15 - D'un côté, ça m'a fait grandir aussi
01:16:19 parce que j'ai pris conscience
01:16:21 de la façon dont c'est dur, en fait,
01:16:23 pour les gens qui vivent dans la rue,
01:16:25 comment ils dorment, dans quelles situations ils sont,
01:16:27 en fait.
01:16:29 Ça m'a grandi de ce côté.
01:16:31 Et aussi, ça a été vraiment très, très dur.
01:16:33 Franchement, ça a été un cauchemar.
01:16:35 Parce que même jusqu'à aujourd'hui, en fait,
01:16:37 je pense toujours à les 10 jours que j'ai passé dans la rue,
01:16:39 et ça m'a marquée toute ma vie, en fait.
01:16:41 - Si Marie est hébergée provisoirement,
01:16:45 d'autres lycéens sont encore à la rue.
01:16:49 Alors, pour leur trouver des solutions définitives,
01:16:51 les professeurs continuent de se battre.
01:16:53 À force de médiatiser l'affaire,
01:16:57 leur combat est entendu bien au-delà
01:16:59 des portes du lycée.
01:17:01 - Il y a des lettres de toute la France
01:17:03 et des dons de toute la France.
01:17:05 - Des courriers souvent accompagnés de chèques.
01:17:09 Au total, ils ont reçu plus de 7 000 euros de dons.
01:17:11 - Oui, suite à l'émission de télé,
01:17:15 j'ai été touchée par cette jeune fille
01:17:17 sans domicile fixe.
01:17:19 Voici un petit chèque, en espérant
01:17:21 qu'elle en recevra plein d'autres, amicalement.
01:17:23 Alors, il y en a une autre qui dit...
01:17:29 "C'est France Inter qui m'a fait connaître votre action.
01:17:31 "Mon histoire familiale fait que j'y étais très sensible,
01:17:33 "et j'ai souhaité vous aider de loin.
01:17:37 "En ce début d'année, à tous,
01:17:39 "mes meilleurs voeux, mes félicitations
01:17:41 "et bon courage aux élèves et aux enseignants."
01:17:43 - Ah, c'est de Londres, ça.
01:17:45 - Il y en a une qui vient de Londres.
01:17:47 "Tous mes voeux de réussite à Marie,
01:17:49 "ainsi qu'aux professeurs et employés d'Auguste Blanqui.
01:17:51 "J'étais si émue en lisant l'article du Monde à Londres
01:17:55 "où j'habite, et vous êtes admirables.
01:17:57 "Je vous souhaite du courage
01:17:59 "et d'être récompensée par tant de générosité."
01:18:01 - Cet argent a permis de louer des appartements
01:18:05 pour quelques semaines,
01:18:07 d'acheter de la nourriture, des vêtements aux élèves.
01:18:09 Mais les professeurs savent que ces aides sont dérisoires.
01:18:13 - Très vite, en fait, il y a eu des dons.
01:18:15 Ce qu'on s'est dit, nous, c'est que, bien sûr,
01:18:17 que c'était très bien, finalement,
01:18:19 que ça permettait de financer un hébergement
01:18:21 en lagrange pour Marie,
01:18:23 mais que la solution n'était pas là.
01:18:25 - Le but, c'est surtout pas
01:18:27 de se substituer
01:18:29 et de devenir
01:18:31 des logeurs de nos élèves, quoi.
01:18:33 C'est vraiment pas l'autre but.
01:18:35 - L'inaction des pouvoirs publics les dépasse.
01:18:37 - Nous, il faut bien comprendre
01:18:39 tous les blocages, tous les problèmes
01:18:41 qui puissent exister,
01:18:43 mais ça nous met, nous, en tant que professeurs
01:18:45 et en tant qu'humains,
01:18:47 dans des situations qui sont intenables.
01:18:49 Voilà, on ne peut pas enseigner,
01:18:51 enfin, demander des choses
01:18:53 à des élèves
01:18:55 alors qu'on sait très bien
01:18:57 qu'ils dorment dehors, quoi.
01:18:59 C'est juste... Donc, voilà, après,
01:19:01 la réaction, elle est juste là.
01:19:03 - Mais même si ce n'est pas leur rôle,
01:19:05 les professeurs n'abandonnent pas.
01:19:07 Ils ont réussi à décrocher un rendez-vous
01:19:09 avec le sous-préfet
01:19:11 et certains élèves ont déjà pu être relogés.
01:19:13 À plus de 500 km de Paris,
01:19:17 un autre combat est mené
01:19:19 pour que les femmes sans domicile
01:19:21 ne se sentent pas abandonnées.
01:19:23 À Grenoble, en Isère,
01:19:25 une association ouvre ainsi
01:19:27 ses portes à un public 100% féminin.
01:19:29 Trois fois par semaine,
01:19:33 des femmes SDF y trouvent refuge
01:19:35 et surtout l'ambiance chaleureuse d'un foyer.
01:19:37 - C'est ces haricots qu'il faut faire...
01:19:39 Comme à la maison,
01:19:41 le déjeuner est un rendez-vous convivial
01:19:43 immanquable.
01:19:45 - ...10, 11, 12, 13, 14, 15,
01:19:47 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22...
01:19:49 Ici, pas de différence
01:19:53 entre les travailleurs sociaux et les bénéficiaires.
01:19:55 - On va bien manger, hein ?
01:19:57 Tout le monde doit mettre la main à la pâte.
01:19:59 - Si tu veux faire une sauce salade,
01:20:01 une grande sauce, hein,
01:20:03 pour le... - Une grande sauce...
01:20:05 - T'en fais une et j'en fais une autre
01:20:07 avec du citron. Moi, j'aime bien le citron.
01:20:09 - Il y en a rien, là.
01:20:11 Il y en a rien, non ?
01:20:13 - Entre 11h30 et 2h30,
01:20:15 on chope pas.
01:20:17 Après, on se pose autour du café.
01:20:19 Mais là, c'est le moment des...
01:20:21 Du rush, en fait. C'est ça, hein.
01:20:23 C'est comme en cuisine. Là, on va regarder
01:20:25 ce que ça donne. Ouh, coucou !
01:20:27 Elles sont cuites, hein ?
01:20:29 Elles sont... - On va voir le merguez ?
01:20:31 - Oui, il nous a donné les merguez de bouchée gratos.
01:20:33 - Gratuit ? - Ouais !
01:20:35 Ces femmes vivent à la rue, dans des squats,
01:20:39 des hôtels ou de très petits appartements.
01:20:41 Ici,
01:20:43 elles viennent donc chercher plus qu'un repas,
01:20:45 un moyen de se raccrocher
01:20:47 à une vie plus normale.
01:20:49 - On se sent... On se sent plus vivants
01:20:53 et on a l'impression qu'au moins,
01:20:55 on n'est pas juste là pour consommer un truc
01:20:57 et partir bêtement.
01:20:59 C'est important.
01:21:01 - Tiens, Miss Saouda.
01:21:03 Attention à toi.
01:21:05 - Ouais, tu fais 2 petites cuillères, en fait.
01:21:09 Et on resservira si besoin.
01:21:11 - Merci. - Bon appétit.
01:21:15 Dans la rue, ces femmes n'ont souvent
01:21:17 plus aucun repère.
01:21:19 Alors partager ensemble un repas,
01:21:21 c'est retrouver les gestes du quotidien
01:21:23 et rompre la solitude.
01:21:25 - Les rouilles, vous pouvez les suivez de toute urgence.
01:21:29 - Y a besoin de quelqu'un pour faire ce qu'il y a à la vaisselle, les gars ?
01:21:31 - Caliméro, c'est quoi ?
01:21:35 - Caliméro... On a mangé ensemble,
01:21:37 du coup, on fait de la vaisselle ensemble.
01:21:39 Tout le monde a la tâche.
01:21:41 Tout le monde met la main à la pâte.
01:21:43 Une entraide et des moments
01:21:47 partagés ensemble, comme dans une vraie famille.
01:21:49 Les femmes retrouvent les liens
01:21:53 qu'elles ont perdus dans la rue.
01:21:55 - Ça me rappelle des souvenirs,
01:21:57 tout ça...
01:21:59 Y a le look. On avait fait une journée
01:22:01 années 80 avec les vêtements,
01:22:03 on avait mis de la musique, on avait passé toute une journée
01:22:05 entière à se déguiser,
01:22:07 à danser, à chanter bien.
01:22:09 On peut le refaire, hein, si vous voulez.
01:22:11 Si vous avez des idées,
01:22:13 ce sont les bienvenus, tu vois. Là, regarde,
01:22:15 on avait fait le Mal magique aussi,
01:22:17 avec Marie-Claire.
01:22:19 On a essayé les vêtements,
01:22:21 on avait bien rigolé.
01:22:23 Ce qui est bien, c'est que n'importe
01:22:25 qui, femme qui vient ici, peut regarder
01:22:27 les photos, et puis on se rappelle aussi des souvenirs.
01:22:29 On partage des souvenirs ensemble
01:22:31 par le biais des photos, je trouve ça super.
01:22:33 Là, c'était...
01:22:35 Tu vois, y a une photo, là, ici.
01:22:37 À l'association, en plus de l'espace cuisine,
01:22:41 le lieu propose aux femmes
01:22:43 deux salles de bain,
01:22:45 une chambre aménagée pour la sieste,
01:22:47 un coin bibliothèque
01:22:49 et un espace beauté.
01:22:51 - Avance-toi un petit peu.
01:22:53 - Mets-toi un peu en face de la classe.
01:22:55 Là, les assistantes sociales
01:22:57 s'improvisent coiffeuses,
01:22:59 une manière de redonner confiance à ces femmes déracinées.
01:23:01 - Qu'est-ce que ça t'apporte, comprenne-t-on, de toi ?
01:23:07 - Ça m'apporte...
01:23:09 Ça m'apporte...
01:23:13 de tout.
01:23:15 - Du bien-être ?
01:23:17 - Ouais.
01:23:19 - Au début, à l'ISÉA,
01:23:21 on n'arrivait pas trop à la canaliser.
01:23:23 Au début, t'étais ici.
01:23:25 Et on avait trouvé un peu
01:23:27 cette technique, là,
01:23:29 autour du lisseur, du brushing,
01:23:31 pour discuter.
01:23:33 Moi, j'arrivais à discuter avec toi qu'autour de ça, au début.
01:23:35 Tu te souviens ou pas ? - Ouais.
01:23:37 - Maintenant, ça va. Maintenant, y a du lien.
01:23:39 Donc on arrive à faire plein d'autres choses.
01:23:41 Au début, c'était uniquement autour de la coiffure
01:23:43 que t'étais posée, en tout cas.
01:23:45 - À l'ISÉA, fréquente le lieu
01:23:49 depuis 2 ans. En totale perdition,
01:23:51 la jeune fille de 16 ans
01:23:53 commence tout juste à reprendre pied.
01:23:55 Grâce au soutien de l'association,
01:23:57 elle compte bientôt suivre une formation professionnelle.
01:23:59 - Tu veux la frange du quel côté ? - L'autre.
01:24:03 - Tu me fais confiance ? - Ouais.
01:24:05 - Elle a aussi rompu sa solitude
01:24:07 en se faisant de nouvelles amies,
01:24:09 comme Messaouda,
01:24:11 une ancienne SDF qui vit aujourd'hui
01:24:13 dans un petit appartement.
01:24:15 - Moi, ce que j'ai remarqué, toutes les deux, c'est que vous vous soutenez.
01:24:17 - Bah oui.
01:24:19 - Parce que Alisa, elle est un petit peu en manque de confiance en soi.
01:24:21 Et des fois, elle disait "Oh, vous allez vous foutre de moi",
01:24:25 des choses comme ça.
01:24:27 Et Messaouda, j'adorais quand elle répondait,
01:24:29 elle disait "Mais pourquoi on se foutrait de toi ?
01:24:31 Tu peux essayer quand même."
01:24:33 Comme pour les gâteaux, là, quand vous fassiez les gâteaux.
01:24:35 - Ouais. - "Mais je vais pas y arriver !"
01:24:37 - Et au final, votre gâteau, il était bien.
01:24:41 - Bah ouais. - Il était super bon.
01:24:43 - Bah, on prend mon pote de nuit.
01:24:45 - Ah bah là, vous avez toutes les deux coiffées et maquillées.
01:24:47 - Bon, allez, en soirée, t'inquiète.
01:24:51 - Et voilà ! - Merci.
01:24:53 - Tu peux voir comme t'es belle ?
01:24:55 - Belle. - Oui, t'es belle.
01:24:57 - Je pense que le local, il est là pour ça.
01:25:01 Une fois par mois, toutes se réunissent
01:25:03 pour améliorer la vie du local.
01:25:05 Un rendez-vous qui permet à chacune de s'exprimer
01:25:07 et surtout de s'impliquer.
01:25:09 - Ils doivent évoluer, et le local, il doit évoluer
01:25:11 avec les demandes de chacun.
01:25:13 - Tu vois, les choix, c'est de pas être une association
01:25:15 de distribution, c'est de pas être une association
01:25:17 qui fasse de l'urgence tout le temps.
01:25:19 - Pardon.
01:25:21 - Pour prendre la parole, deux règles.
01:25:23 Lever la main...
01:25:25 et se munir de ce micro fait maison.
01:25:27 - C'est intéressant.
01:25:29 - Bon, qu'est-ce qu'il veut prendre la parole ?
01:25:31 - D'un mot.
01:25:33 - Je pense qu'on peut s'orienter sur le surgelé,
01:25:37 sur des choses comme ça,
01:25:39 pour bien manger.
01:25:41 - Bon, alors moi, je voulais dire
01:25:43 que le repas de midi, il était trop agité.
01:25:45 J'arrive pas à le supporter.
01:25:47 - Les réclamations sont nombreuses,
01:25:49 notamment sur la question du lave-vaisselle.
01:25:51 - Moi, je confirme quand même
01:25:53 qu'il y a un besoin pour le lave-vaisselle.
01:25:55 - C'est lié à la question
01:25:57 de la participation, en fait, le lave-vaisselle.
01:25:59 Il y avait aussi des femmes qui disaient
01:26:01 qu'elles aimaient faire la vaisselle parce qu'elles
01:26:03 la faisaient pas à l'extérieur et que du coup,
01:26:05 ça les remet dans une vie quotidienne.
01:26:07 Donc pour elles, c'était important.
01:26:09 - Moi, je pense que le problème, c'est pas la vaisselle.
01:26:11 On avait prédit pour l'esprit participatif du lieu,
01:26:15 pour que ça reste convivial.
01:26:17 Mettre une machine à la vaisselle, là,
01:26:19 ça va faire comme l'usine.
01:26:21 Alors on vient, on pointe notre journée, on rentre...
01:26:23 (rires)
01:26:25 C'est ça, l'histoire.
01:26:27 - Même si tout le monde n'est pas du même avis...
01:26:29 - Il y avait moins d'idées.
01:26:31 - Il y en avait d'autres aussi.
01:26:33 - Pour Maëwen, la directrice de l'association,
01:26:35 ces échanges sont indispensables.
01:26:37 - C'est aussi un lieu où les personnes,
01:26:39 elles peuvent retrouver l'envie de dire des choses,
01:26:41 l'envie de donner leur avis,
01:26:43 l'envie d'exprimer des idées, des propositions.
01:26:45 Donc c'est s'exprimer, c'est se confronter parfois,
01:26:49 c'est débattre, c'est décider ensemble aussi,
01:26:53 c'est être informés.
01:26:55 Donc voilà, c'est tout ça, les réunions entre nous.
01:26:57 - Ces moments partagés redonnent aux femmes de l'énergie
01:27:00 pour affronter leur quotidien.
01:27:02 Malheureusement, ces associations et les différentes
01:27:04 initiatives de solidarité en faveur des femmes
01:27:07 restent peu nombreuses.
01:27:09 Résultat, leur situation n'évolue pas.
01:27:12 À Paris, Nadia n'a toujours pas retrouvé d'hébergement.
01:27:18 Elle vit encore sous sa tante, avec ses deux chiens.
01:27:21 Même si elle est prioritaire pour un logement social,
01:27:24 Basilua attend toujours une solution
01:27:26 pour élever ses enfants dans de bonnes conditions.
01:27:29 Barkissou, elle, est à la recherche d'un stage
01:27:33 pour valider son master.
01:27:35 En revanche, Marie et sa famille vivent désormais
01:27:39 dans un petit appartement trouvé par le 115.
01:27:42 Depuis 10 ans, le nombre de femmes SDF a augmenté
01:27:46 de plus de 40 %, une situation alarmante
01:27:49 qui n'est pas prête de s'améliorer.
01:27:52 [Musique]