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Sonia Mabrouk reçoit l’écrivain spécialiste des questions de sécurité, Laurent Obertone, dans #LeGrandRDV, en partenariat avec Europe 1 et Les Echos.

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00:00 Bienvenue à vous au Grand Rendez-vous Europe 1C News, les échos et bonjour à tous.
00:05 Nous vous proposons ce matin une édition spéciale, c'est le choc et la sidération
00:09 après l'attaque terroriste en plein cœur de Paris qui a fait un mort, un touriste allemand
00:14 et plusieurs blessés.
00:15 La menace est omniprésente en France et après avoir passé une semaine à évoquer l'ultra-droite,
00:21 la réalité de cette menace islamiste nous saute à la figure.
00:24 Notre invité de ce jour, Laurent Bertone, merci d'être là et bonjour à vous.
00:29 Vous êtes essayiste spécialiste des questions de sécurité, auteur d'ouvrages de référence,
00:34 notamment La France orange mécanique ou encore Guérilla.
00:36 Nous allons prendre le temps aujourd'hui pour évoquer la situation et puis aussi cette
00:42 question, sommes-nous condamnés à subir ces attaques terroristes avec toujours les
00:46 mêmes mots utilisés par nos gouvernants ? Pour vous interroger, je suis entouré de
00:49 mes camarades Nicolas Barret des Échos, bonjour à vous Nicolas.
00:52 Bonjour Sonia.
00:53 Et Mathieu Boccote, bonjour Mathieu.
00:55 Bonjour.
00:56 Le citoyen est donc fiché S pour islamisme, déjà connu des services de renseignement,
01:00 déjà condamné à plusieurs années de prison.
01:02 Il est sorti de prison après une condamnation pour projet terroriste en 2016.
01:07 Gérald Darmanin a indiqué qu'il était suivi comme quelqu'un ayant des troubles
01:11 psychiatriques lourds.
01:12 L'individu a dit qu'il ne supportait pas que des musulmans soient ciblés dans le monde,
01:17 en Afghanistan et puis au Proche-Orient.
01:19 Il a crié à la Ouagbar à plusieurs reprises, là encore selon le ministre de l'Intérieur
01:24 Gérald Darmanin.
01:25 Laurent Bertone, ce matin, pour ceux qui nous rejoignent à l'instant, qui découvrent,
01:30 en tous les cas ont plus d'informations sur ce qui s'est passé hier, c'est le
01:33 choc et l'assidération, mais malheureusement, est-ce vraiment une surprise ?
01:37 Non, enfin pour quiconque qui est habitué à se documenter un petit peu sur l'actualité,
01:43 la sombre actualité, ce qu'on appelle les faits divers, c'est tout sauf une surprise.
01:47 Encore une fois, je constate que le renseignement a fait très bien son travail, c'est-à-dire
01:52 qu'on sait qui il est, on sait ce qu'il a fait, on sait qu'il est fou, on sait
01:55 qu'il est dangereux, on sait qu'il est dans la rue et voilà.
01:58 Et il y en a comme ça des dizaines, ça fait quand même pas mal d'années que ça
02:01 dure et la seule question qu'on se pose, c'est sur qui ça va tomber ? Là, c'est
02:07 un touriste au pied de la tour Eiffel, demain ce sera quelqu'un d'autre et on doit,
02:13 ce qu'on nous a dit, le gouvernement nous a dit ça il y a quelques années, on doit
02:16 être vigilant, on doit faire avec parce que malheureusement, on nous explique qu'il
02:20 n'y a plus de lits en psychiatrique, qu'il n'y a plus de places en prison, on ne peut
02:25 pas les mettre dans des avions parce qu'il y a la Cour européenne des droits de l'homme
02:28 et finalement, l'état de droit, c'est le devoir de subir ça.
02:33 Et moi, je ne me résigne pas, j'ai écrit un livre là-dessus il y a plus de dix ans
02:38 déjà pour le dire, pour le dénoncer, mais je constate que malgré des réactions médiatiques
02:43 plus importantes qu'à l'époque, malgré des discours politiques plus fermes qu'à
02:48 l'époque, aucune mesure sérieuse n'est prise pour mettre fin à ce phénomène.
02:54 On va essayer, évidemment, tout au long de cette émission de comprendre pourquoi, alors
02:57 que la population, la majorité des Français le veulent et même l'exigent, on dirait
03:01 à vous entendre, Laurent Berton, qu'il y aurait une forme de banalisation.
03:05 Attention, les Français ne s'habituent absolument pas à ce cortège de barbarie,
03:11 mais qu'il y aurait une banalisation dans le récit politique et parfois même médiatique
03:15 avec son lot de condoléances et de bougies.
03:18 Est-ce qu'on est en train de s'habituer à l'horreur ?
03:20 Je pense qu'on tente d'y habituer les Français faute de mieux.
03:23 On leur explique que de toute façon, ça peut arriver.
03:27 Donc, soyez vigilants et nous-mêmes, on a tendance à le faire.
03:30 On a modifié notre comportement en France.
03:32 Les filles ne s'habillent plus de la manière dont elles voudraient.
03:35 Elles font attention là où elles se promènent.
03:37 Quand on va à un bal de village, quand on va à un marché de Noël, on a toujours en
03:41 tête l'idée que les choses peuvent mal tourner et que ça pourrait tomber sur nous.
03:45 Donc, on s'habitue à vivre dans cette espèce de situation un peu infernale où simplement
03:53 l'innocence ou l'insouciance n'est plus permise.
03:57 Alors, vous venez de faire le lien entre ce qui s'est passé à Crépole il y a deux
04:01 semaines et là, un attentat islamiste sous le signe du Al-Awaqba.
04:04 Est-ce qu'il y a pour vous, ce sont deux phénomènes liés à une même réalité ?
04:08 Ou d'un côté, il y a ce qu'on pourrait appeler la délinquance intérieure, aussi
04:12 agressive soit-elle, et de l'autre côté, les attaques islamistes ?
04:15 Pour moi, l'ultra-violence, c'est un terrorisme quotidien.
04:18 Ça veut dire qu'il n'y a pas de revendications.
04:19 C'est une cigarette, un regard, je ne sais pas quoi, une bagarre.
04:24 Quel que soit le motif, le résultat est le même.
04:26 Vous avez des coups de couteau et vous avez des morts.
04:28 Et ça a assez peu d'importance finalement pour celui qui en est la victime.
04:34 Parce qu'on avait au début du quinquennat Macron, on avait à peu près 120 faits violents
04:39 à l'arme blanche chaque jour d'après les enquêtes de victimation.
04:43 Le quinquennat Macron étant le pire de l'histoire en matière de violence aux personnes, les
04:47 chiffres ont dû s'aggraver.
04:48 Et au bout du compte, on sait aujourd'hui que quantité de jeunes avec des guillemets,
04:55 d'un individu non spécifié, de bandes, se promènent avec des couteaux dans leurs
04:58 poches et que si vous n'avez pas de chance, ils sont dans leur mauvais jour, vous les
05:02 croisez, eh bien bonne chance.
05:05 Parce que vous, vous n'avez évidemment pas d'armes.
05:07 Vous avez votre chaise, votre sac à dos, comme on l'a vu récemment, et vous faites
05:11 ce que vous pouvez.
05:12 Alors vous avez distingué, encore une fois, vous parlez du point de vue de la victime.
05:16 La victime, effectivement, que le coup de couteau vienne d'un islamiste ou d'un non-islamiste,
05:20 c'est une chose.
05:21 Mais du point de vue de l'analyse, du diagnostic, est-ce qu'on doit néanmoins distinguer ces
05:24 deux types de violences, la violence terroriste et ce que vous appelez le terrorisme du quotidien?
05:28 Moi, je ne sais pas.
05:30 J'ai du mal à faire une distinction parce que pour moi, ça participe un petit peu de
05:35 la même motivation qui consiste à soumettre l'Autochtone par la violence.
05:39 Qu'il y ait une revendication formulée ou pas, le résultat est le même.
05:43 Qu'on parle de racisme anti-blanc ou pas, les faits comptent.
05:47 Et là, pour le coup, encore une fois, on voit des individus qui s'attaquent un peu
05:50 à n'importe qui au nom d'une idéologie supérieure.
05:55 Mais personne ne peut être équilibré et faire ça.
05:58 Évidemment, il y a un énorme problème de troubles psychiatriques en France aussi.
06:02 Ça, c'est un débat important que j'avais essayé de soulever aussi à l'époque, c'est
06:06 que la France délivre chaque année des milliers de titres de séjour pour des raisons sanitaires,
06:12 pour soigner des personnes, dont plusieurs milliers de personnes qui souffrent de troubles
06:16 psychiatriques.
06:17 Ça veut dire qu'exprès, la France fait venir des individus qui sont instables, potentiellement
06:23 dangereux, pour les soigner.
06:25 Sauf qu'il n'y a plus de place dans les lits en psychiatrie, donc on les met dehors
06:27 et on leur donne un traitement.
06:28 S'ils ne prennent pas leur traitement, voilà comment ça peut finir.
06:32 Donc, quel que soit le problème initial, en quelque sorte, ce qu'on constate, ce sont
06:39 les résultats.
06:40 Pardonnez-moi, dans le récit, c'est-à-dire la mise en avant de l'aspect psychiatrique
06:45 de l'assaillant, est-ce que c'est une mise en avant sans doute réelle ? Vous venez
06:48 de dire, Laurent Oberthant, que personne d'équilibré ne peut commettre de tels actes.
06:52 Est-ce qu'elle ne risque pas de faire passer au second plan l'aspect idéologique ? C'est
06:55 ce dont nous allons parler, c'est-à-dire comment lutter face à ça ?
06:57 Malheureusement, à part renverser complètement cette immigration de quantité, appliquer
07:06 fermement la loi, puisque ça aussi c'est l'énorme deuxième part du problème, c'est
07:10 que la loi en France s'applique durement que si on a des fumigènes et qu'on n'est
07:13 pas content, on est très très loin de rendre aux Français leur pays respirable.
07:21 Ce n'est pas en multipliant les policiers, les caméras de vidéosurveillance, le renseignement,
07:25 les fichesses, etc., qu'on arrivera à quelque chose de prometteur, de probant.
07:30 Dans le cas de cet individu, il s'était radicalisé, autoradicalisé ou pas, l'enquête
07:37 le dira.
07:38 Il avait commencé à suivre un programme de déradicalisation, manifestement ça n'a
07:42 pas marché.
07:43 Est-ce que ces programmes, on peut leur faire confiance ? Quel est le diagnostic que vous
07:46 portez sur ce type de personne ?
07:48 Non, parce que ce genre d'individu instable et potentiellement dangereux trouve dans l'islam
07:55 sa structure mentale absolue, c'est-à-dire que ça lui donne une mission, une raison
07:59 d'être, de vivre et de mourir.
08:00 Et le stage de déradicalisation fait sourire tout le monde parce que les résultats sont
08:05 absolument lamentables.
08:06 L'agent administratif qui va vous expliquer que ce n'est pas bien, que c'est mal de
08:13 tuer des gens, c'est du délire.
08:16 C'est un peu comme les cours d'empathie dont on a parlé consécutivement au meurtre
08:22 de Dominique Bernard récemment.
08:24 On n'est pas du tout sur le même plan.
08:28 On a des individus dans leur tête, sortir un couteau et tuer, c'est quasiment un fait
08:33 banal.
08:34 On ne réfléchit pas aux conséquences que ça a.
08:37 On est un référentiel moral qui est extrêmement éloigné de celui de monsieur tout le monde.
08:43 Donc c'est voué à l'échec ces programmes de déradicalisation ?
08:47 Ça n'a absolument aucun… Voilà, c'est simplement pour dire qu'on fait quelque
08:50 chose et qu'en France, quand on a un problème, on met de l'argent sur le problème.
08:53 En se disant qu'on va le résoudre, comme ça, ça donne l'impression qu'on agit
08:57 et qu'il se passe des choses.
08:58 Malheureusement, les résultats sont absolument lamentables.
09:01 Laurent et Bertrand, je pense que ceux qui nous regardent et nous écoutent ce matin
09:03 sont interpellés par les mêmes mots qui sont utilisés, notamment par l'exécutif.
09:09 On peut comprendre l'utilisation de ces mots.
09:12 Nous ne laisserons rien passer face au terrorisme.
09:15 Mais on a dit la même chose après chaque attaque, y compris après celle d'Arras.
09:19 Vous venez d'évoquer le meurtre de Dominique Bernard.
09:21 A chaque fois, c'est la même question, je pense qu'on doit la poser.
09:24 Comment ce genre de profil, déjà fiché S, et à quoi ça sert finalement d'être
09:31 fiché S, puisqu'ils interviennent, peut encore frapper ainsi sur notre sol ?
09:36 Parce que malheureusement, encore une fois, à part faire de la communication, à part
09:41 dire qu'on se rend sur place, on condamne avec fermeté, on crée un numéro vert, on
09:46 va mettre en place une sous-commission, des cours d'empathie ou je ne sais pas quoi,
09:50 rien de sérieux n'est fait.
09:51 Donc on est condamné à faire ça, à arriver toujours derrière l'ambulance et à faire
09:56 de grands discours en disant de ne pas laisser la division nous diviser ou je ne sais pas
10:00 quoi.
10:01 Ça veut dire surtout ne critiquons pas le gouvernement, on fait ce qu'on peut.
10:04 Réagissez avec dignité, ça veut dire prenez sur vous, taisez-vous et ça passera.
10:09 Mais ce n'est plus possible.
10:10 Il y a l'opinion, les sondages le démontrent et je trouve que le Français est extrêmement
10:15 patient dans ce à quoi on l'a condamné puisque c'est ça, l'État, par son incapacité
10:21 à gérer cette insécurité, nous condamne à une situation dramatique.
10:26 Vous parlez d'une faillite relative de l'État, mais vous avez d'abord dit que les services
10:31 de renseignement avaient fait leur travail.
10:32 Donc on savait quel était le profil.
10:34 L'État, à certains égards, une branche de l'État fait bien son travail.
10:38 Quelle est l'étape manquante ?
10:39 Ça, c'est quelque chose de fascinant.
10:41 En France, on a des yeux pour voir.
10:43 Les services de renseignement voient les choses depuis des années.
10:45 Ils le voient plutôt très bien.
10:46 Ils font de superbes rapports qui sont amenés sur le bureau du ministère de l'Intérieur.
10:49 Mais que je comprends pas, pour vous, les services de sécurité ont fait leur travail.
10:52 Les services de renseignement font plutôt du bon travail.
10:55 Malheureusement, les rapports qui finissent sur le bureau du ministère de l'Intérieur
10:57 sont mis au panier en général, puisqu'on se contente de communiquer sur les faits.
11:02 Ça veut dire qu'on ne veut pas essayer de les empêcher.
11:04 On imagine qu'on ne peut pas les empêcher.
11:06 Donc, le but du jeu est simplement de savoir y réagir, d'être prêt à y réagir et
11:10 faire des belles phrases, des beaux discours, pour essayer de montrer à la population qu'on
11:13 maîtrise encore quelque chose, parce qu'on ne veut pas prendre le problème à la racine.
11:18 La manière de présenter les choses, est-ce que ça contribue à prendre le problème à
11:22 la racine ? Cet individu, cet assaillant, et on l'a entendu à plusieurs reprises,
11:26 y compris dit par le ministre de l'Intérieur, est français.
11:28 Il est franco-iranien, si on en croit l'AFP et Le Monde.
11:32 Vous avez entendu la manière dont il est présenté.
11:35 Et on comprend bien qu'il s'agit pour certains de ne pas faire de lien avec le sujet, toujours
11:40 inflammable, de l'immigration.
11:41 Que pensez-vous aujourd'hui de ce récit ?
11:43 Mohamed Merah, les frères Kwashi, ils étaient français nés en France.
11:48 C'est-à-dire que ça pose justement cette question de la non-assimilation.
11:54 On parle toujours encore d'intégration, mais avoir des papiers français, ça ne guérit
11:59 pas les troubles psychiatriques, ça ne soigne pas les idéologies, ça ne réduit pas le
12:05 taux de violence.
12:06 Encore une fois, on va essayer de nous dire "mais ils sont français comme vous et moi",
12:12 mais c'est grotesque.
12:14 Il faut arrêter de dissimuler la surreprésentation dans cette insécurité, dans ces violences,
12:19 des individus issus de l'immigration, qui sont en France bien plus nombreux que les
12:23 seuls immigrés, ça veut dire nés à l'étranger.
12:25 C'est un énorme tabou que je dénonçais dans la France Orange Mécanique.
12:31 La France refuse les statistiques ethniques parce que nos responsables savent très bien
12:37 ce qu'on y trouverait.
12:38 Ça veut dire que si on publiait aujourd'hui l'origine de chaque victime, l'origine
12:41 de chaque agresseur, et qu'on fasse le ratio pour voir dans quel sens, contre qui est dirigé
12:47 aujourd'hui le racisme, on sait exactement ce qui se passerait.
12:50 Nos responsables ne veulent pas que cette vérité soit dite parce qu'ils n'ont pas
12:55 confiance en le peuple français.
12:57 Ils n'ont pas confiance ? Je pense que le peuple français pourrait agir comme une
13:01 masse brutale.
13:02 Oui, je pense que c'est une terreur de la plupart des grands médias et de nos responsables.
13:07 Ils pensent que le peuple est incapable d'entendre cette vérité, de l'appréhender, sans avoir
13:12 une réaction excessive, c'est-à-dire probablement mal votée ou agiter des fumigènes ou je
13:17 sais pas quoi.
13:18 Laurent Oberthon, vous avez, et c'est tout à fait normal, salué aussi le travail des
13:22 renseignements et aussi, son corollaire, c'est celui de la sécurité de la police.
13:27 On va regarder la vidéo de l'arrestation de l'assailant avec, il faut le dire, une
13:32 intervention rapide, maîtrisée et très encadrée aussi de nos forces de sécurité.
13:37 Regardons.
13:38 Arrête, arrête, arrête ! Pousse-le ! Pousse-le, arrête, ça sert à rien ! Pousse-le, s'il
13:49 te plaît, arrête !
13:54 Putain !
13:57 Arrête !
14:00 Il a fait une dinguerie le mec !
14:07 Là, il a fait une dinguerie de ouf !
14:10 Regarde, il a pété le visage d'un mec en passant !
14:14 Oh là là, regarde, regarde, il est là sur la droite !
14:29 Voilà, et je le précise pour les auditeurs d'Europe 1, que c'est une intervention qui
14:38 a duré, qui était rapide et extrêmement maîtrisée.
14:42 On va suivre encore un instant Laurent Bertin avec vous sur le profil.
14:45 Quand on dit ficher S pour islamisme, la question probablement que se posent beaucoup de Français,
14:50 c'est à quoi s'assert-il de les ficher finalement puisqu'ils passent à l'acte ?
14:55 Comme on ne peut pas intervenir préventivement avant que quelqu'un n'ait commis un acte,
14:59 comment est-ce qu'on peut justement anticiper, tenter d'appréhender cela ?
15:03 Malheureusement, ça ne sert qu'à Gérald Darmanin, lui faire un beau petit dossier
15:08 de presse prêt à servir en cas, au cas où.
15:11 Parce que sinon, effectivement, on ne voit pas.
15:13 À part peut-être quand il y a un contrôle de police, le policier va vérifier dans ses
15:17 fiches et trouver qu'il y a déjà un risque, etc.
15:20 Et donc se méfier un peu plus.
15:21 Mais malheureusement, c'est simplement de mettre un tampon sur tout un tas de gens.
15:26 Mais dans la rue, si vous voulez, le citoyen moyen, il ne sait pas, ça ne clignote pas
15:31 qu'il est fiché S ou non.
15:33 Donc on est en permanence à la merci d'une mauvaise rencontre.
15:39 Alors on peut évoquer, on a parlé du récit médiatique des événements.
15:42 C'est le rapport au réel aussi qui se joue à travers ça.
15:45 Depuis une semaine, à moins que j'ai mal suivi l'actualité, le grand danger qui menaçait
15:49 la France, c'était si j'ai bien compris, la grande vague de l'ultra-droite qui conduisait
15:53 la France au bord de l'abîme fasciste.
15:55 Est-ce qu'on n'a pas une forme de retour à la réalité brutale en ce moment avec cela ?
15:58 Comment comprenez-vous cette disjonction entre le réel et le récit ?
16:01 Alors je la constate depuis mes toutes premières années dans le métier.
16:06 C'est-à-dire j'avais écrit la France Orange Mécanique, je disais il y a 200 femmes qui
16:10 sont violées dans ce pays en 2013.
16:11 Chaque jour, peut-être qu'il faudrait faire quelque chose.
16:13 Et on me traitait de raciste, de fasciste, d'extrémiste et on m'a fait disparaître du paysage.
16:18 Vous avez eu les attentats islamistes, le Bataclan, Charlie Hebdo, etc.
16:22 Et à chaque fois, c'était un défilé contre l'islamophobie.
16:25 Les musulmans sont les premières victimes, etc.
16:28 Pas de récupération.
16:29 Quand on parle d'un fait divers, si barbare et abject soit-il, c'est celui qui en parle
16:35 et le méchant, parce qu'il a des intentions politiques malveillantes, etc.
16:38 Présumé.
16:39 Donc celui qui va dénoncer finalement est accusé, sommé de se justifier le fameux
16:44 chantage à l'extrême droite.
16:45 Et là, on a eu Crépole, on a eu un jeune qui se fait massacrer à une fête de village,
16:49 rappelons-le, transformé en abattoir parce que des jeunes avaient des couteaux dans leur
16:53 poche et s'en sont servis.
16:55 Et c'est l'ultra droite.
16:57 Ça fait une semaine qu'on entend ça.
16:59 Et voilà, retour du réel une fois de plus.
17:00 Le réel gagne toujours à la fin, malheureusement.
17:02 Et nous, on continue à perdre du temps avec cet antiracisme de censure, de divertissement
17:08 qui consiste à dire parler du réel, c'est une mauvaise chose.
17:13 Ça fait le jeu dans C'est qui ? Il ne faut pas faire ça.
17:15 Les Français sont incapables de comprendre.
17:16 Donc, eh bien, on fait peser le poids du tabou, de la censure et même de la criminalisation.
17:22 Parce que moi, réellement, avec mes statistiques, je me sentais accusé.
17:26 Je faisais quelque chose de mal en transmettant, en manifestant la vérité, simplement.
17:32 Et beaucoup de familles de victimes aujourd'hui n'osent plus parler à cause de ça, à
17:37 cause de cette peur permanente, cette accusation.
17:39 Mais Laurent Bertrand, si on prend encore une fois, j'en viens au fait, les éléments
17:45 qui caractérisent cet individu, qu'est ce qu'on fait face à quelqu'un qui est
17:48 français ?
17:49 Alors, moi, je pense que ces papiers ne sont pas magiques.
17:57 Ce n'est pas parce qu'on les a octroyés sans réfléchir.
18:00 C'est possible, est-il ? La déchéance de nationalité ?
18:02 Il est certain que sa place n'est pas dans la rue.
18:05 Parce qu'il soit fou, qu'il soit dangereux, dans tous les cas, il ne doit pas être là.
18:10 Il ne doit pas être dans la rue.
18:11 Il a déjà été condamné pour apparemment avoir fomenté un tel projet.
18:18 Donc, peu importe l'explication, en tout cas, le fait qu'il soit dehors n'est
18:23 pas normal.
18:24 Et on ne peut pas condamner nos concitoyens honnêtes à subir ça.
18:27 Après, nationalité et tout ça, ça ouvrirait des débats encore plus importants.
18:33 Pourquoi a-t-il eu la nationalité ? Est-ce que c'était justifié ?
18:37 Pour vous, tous ces débats doivent être posés aujourd'hui.
18:40 Oui, clairement.
18:41 Le débat de l'immigration, la naturalisation, qui ont fait venir et pour quelles raisons
18:46 est absolument central.
18:47 Mais c'est vrai qu'on ne voit pas bien la solution dans ce cas-là.
18:50 Parce qu'effectivement, vous dites qu'il ne devrait pas être dans la rue.
18:52 En même temps, on sait très bien qu'on ne peut pas le mettre en prison à perpétuité.
18:56 C'est quoi la solution ?
18:58 On ne peut pas le mettre en prison à perpétuité.
19:01 C'est-à-dire que normalement, quand on estime que quelqu'un est dangereux, on trouve
19:05 un moyen d'en prémunir la société.
19:08 Je ne dis pas que j'ai la réponse miraculeuse.
19:10 Le problème est d'avoir fait entrer des milliers d'individus instables et dangereux
19:14 et évidemment de ne plus savoir quoi en faire.
19:16 Parce que maintenant, il y a l'état de droit, il y a la CEDH, etc.
19:20 Mais on est face à des individus, la notion d'état de droit, on voit bien ce qu'elle
19:25 vaut.
19:26 Donc à un moment, soit on trouve des mesures très fortes pour protéger nos compatriotes
19:31 et notre art de vivre, soit on va tout droit vers le tiers monde.
19:35 Vers le tiers monde ? Dites-vous, Laurent Bertone ?
19:38 Clairement, je pense qu'à force d'importer des conflits du monde entier, des individus
19:43 qui ont cette capacité à passer à l'acte pour rien ou quelle que soit leur motivation,
19:52 leur niveau de vie, de sécurité, le changement de la population, tout ça a des conséquences
19:57 dramatiques.
19:58 Donc les revendications, en tout cas ce qu'on sait à l'heure actuelle des revendications
20:02 de cet assaillant, il a fait un lien avec ce qui se passe au Proche-Orient, en Afghanistan
20:07 plus largement, il estime que les musulmans sont des cibles.
20:10 Vous pensez que le fait qu'il y ait ces individus sur notre sol, on importe de fait
20:15 aussi les problèmes de l'extérieur ?
20:17 Évidemment, le multiculturalisme, c'est le multi-conflit et c'est exactement ce
20:22 qui se passe.
20:23 On n'est pas du tout dans une logique de vivre ensemble, on est dans une multitude,
20:27 une kyrielle de petites guerres, de bandes, de gangs de trafic et tout ça, sur la cohésion
20:34 sociale c'est terrible, c'est-à-dire le capital social, ce qui fait le lien de confiance
20:37 entre les citoyens, ne peut pas survivre à un tel climat dans nos rues.
20:43 Je me permets de revenir sur le diagnostic parce qu'il me semble important.
20:46 D'un côté, il y a l'islamisme organisé qui frappe, c'est le Bataclan.
20:51 De l'autre côté, il y a la violence ordinaire, vous dites pour une cigarette, pour un mauvais
20:54 regard.
20:55 Est-ce qu'avec ce type de violence, appelons ça les loups solitaires, autoradicalisés,
20:59 on verra évidemment avec l'enquête, est-ce qu'on n'est pas dans un point de contact
21:02 entre deux types de violences distinctes ? C'est-à-dire d'un côté la délinquance
21:04 du quotidien, de l'autre la violence organisée.
21:07 Là, l'idéologie vient légitimer des comportements pathologiques ?
21:10 Oui, oui, oui, je pense que voilà.
21:12 C'est vrai que c'est Xavier Hofer qui avait expliqué ça, il y a une continuité
21:17 entre le délinquant normal, on va dire, en quelque sorte, celui qui va agresser sans
21:23 raison, sans revendication, et celui qui va se trouver immobile en quelque sorte par l'intégrisme,
21:33 le fondamentalisme.
21:34 Et la frontière est extrêmement mince entre le trafiquant ordinaire et celui qui va mourir
21:42 pour Dieu, ou je ne sais pas, qui va se sacrifier à cette idéologie.
21:46 Donc c'est aussi très difficile pour le renseignement, pour le coup, de voir où
21:51 en sont les individus.
21:52 Ils sont tellement nombreux, il faudrait beaucoup plus de fonctionnaires pour les surveiller.
21:56 Mais encore une fois, la solution n'est pas de sécuriser l'enfer.
22:00 La solution est de comprendre ce qu'on a mal fait et ce qu'il faut défaire.
22:05 Laurent Oberthon, on va voir les différentes réactions politiques des IRSOR, beaucoup
22:10 d'exécutifs, beaucoup aussi d'une partie de l'opposition.
22:13 On notera que certains ne sont pas encore exprimés.
22:16 On va aller voir ces réactions qui ressemblent à chaque fois peu ou prou aux réactions
22:20 après chaque attaque.
22:21 Je vais les lire également pour nos auditeurs.
22:24 "Suite à l'attaque de ce soir à Paris, mes pensées vont à la victime, aux blessés
22:27 et à leurs proches.
22:28 Je salue le courage et le professionnalisme de nos forces de l'ordre et nos services
22:32 de secours mobilisés.
22:33 Nous ne céderons rien face au terrorisme."
22:35 Est-ce que, comme certains, cela vous interpelle qu'il n'y ait pas précision d'une attaque
22:41 terroriste pour certains aussi islamistes ? Ou est-ce que la prudence peut aussi commander
22:46 ce genre de...
22:48 Effectivement, on peut estimer qu'il faut attendre quelques instants avant d'avoir l'intégralité
22:56 des informations sur cette affaire.
22:58 Mais nous ne cédons rien.
23:00 On a déjà cédé depuis très longtemps.
23:01 En continuant à...
23:03 C'était Elisabeth Born.
23:04 Voilà.
23:05 Saluer les forces de l'ordre, c'est une très bonne chose parce qu'effectivement, ils ont
23:10 fait du bon travail.
23:11 Je note qu'ils ne se sont pas servis de leurs armes à feu, alors même qu'un individu armé
23:16 d'un couteau et d'un marteau venait d'agresser violemment deux personnes.
23:19 Ça aussi, c'est quelque chose qu'on a fait peser sur la police.
23:23 Le spectre des violences policières, cette accusation récurrente.
23:26 Il y a eu les émeutes il y a cinq mois.
23:27 Il y a eu plus de 700 policiers et gendarmes blessés.
23:30 Et on a fait comprendre aux policiers que vraiment, c'était le dernier cours absolu,
23:36 même dans une situation aussi menaçante que celle-là.
23:39 Donc, les policiers, mentalement, sont quelque peu désarmés aussi.
23:43 Donc ça, ça donne une situation évidemment très préoccupante.
23:47 Je reste sur ce terrain un instant justement.
23:50 Vous dites que les policiers ont été désarmés symboliquement.
23:52 Peut-être est-ce la bonne manière de...
23:53 Vous me direz si vous êtes d'accord avec cette formule.
23:55 Mais sachant que c'est la question du rapport à la violence.
23:59 Donc, les policiers s'interdisent d'une certaine violence que d'autres,
24:02 soit des radicalisés, soit des terroristes, soit des gangs, des délinquants, ne s'interdisent pas.
24:07 Donc finalement, la violence non pas légitime,
24:09 mais la violence décomplexée aujourd'hui n'est plus du côté des forces de l'ordre.
24:13 Évidemment, parce que le policier, il est comme tout citoyen responsable.
24:16 Il a une morale, il a un règlement, il connaît la loi.
24:20 Il sait très bien qu'au moindre faux pas, il aura sur lui l'IGPN, les médias, la France insoumise, etc.
24:27 Sa carrière va s'arrêter.
24:29 Et personne n'a envie de vivre ça.
24:31 Par contre, de l'autre côté, il n'y a pas cette réflexion-là.
24:34 C'est le vide ou pas loin.
24:37 Le coup de couteau peut partir.
24:40 Et donc, évidemment, le match est complètement déséquilibré.
24:44 C'est comme vous, quand vous allez à une fête de village ou au marché de Noël ou je ne sais pas où,
24:48 ou au pied de la tour Eiffel pour l'admirer la nuit.
24:52 Vous y allez en famille.
24:52 Vous n'avez à aucun moment cette préparation.
24:55 Vous n'avez pas de darmes.
24:57 Donc, il y a un déséquilibre énorme dans ce genre de confrontation.
25:02 On va voir d'autres réactions qui nous parviennent également, et notamment de l'opposition.
25:08 On va voir celle d'abord de Jordane Bardella.
25:11 Demain matin, les Français se demanderont comment un homme fiché, déjà condamné pour avoir planifié un attentat,
25:16 cap psychiatrique notoire dans le contexte actuel,
25:19 ait pu se promener librement et armer un samedi soir dans les rues de Paris.
25:22 Et ils auront raison de s'interroger.
25:24 Puis, on va voir la réaction du président de l'Association des maires de France.
25:28 Je voudrais vous faire réagir justement à ce qu'a dit David Lissnard.
25:30 Comme l'époque est au mot, ultra.
25:33 L'ultra réalité s'impose aux tentatives de détournement de l'opinion.
25:36 Les jours qui ont précédé ce nouvel attentat islamiste.
25:38 Notre pays est attaqué par l'horreur terroriste, comme dans la vie quotidienne, par le djihadisme.
25:44 Ultra vérité.
25:46 Cette bataille, Laurent Huberton, des récits, finalement,
25:49 on est en train de se demander quelle est la menace la plus importante
25:53 jusqu'à ce qu'un attentat islamiste nous saute à la figure.
25:57 Comment aujourd'hui on peut,
25:58 et est-ce que les statistiques, j'allais dire,
26:00 doivent être davantage mises en avant pour qu'on se rende compte
26:03 quelle est la menace la plus importante dans notre pays,
26:05 sans minorer le reste, évidemment.
26:06 Si on prend le fait terroriste, depuis le mandat François Hollande,
26:11 depuis 2012, il y a eu pas loin de 300 morts du terrorisme islamiste.
26:16 Et vous avez eu l'ultra droite, a priori,
26:18 deux ou trois morts, William Malay qui avait tué trois Kurdes.
26:22 Donc le ratio n'est pas tout à fait le même, encore une fois, on voit bien.
26:25 Et pour beaucoup, malheureusement beaucoup encore de grands médias
26:30 et de responsables politiques, la seule et unique vraie menace,
26:33 c'est l'ultra droite.
26:34 Mais on voit bien que c'est un effet de diversion énorme.
26:38 Et on parle, encore une fois, des cas de terroristes islamistes revendiqués.
26:42 Mais la plus grande partie, ce qui pèse le plus lourd au quotidien,
26:47 c'est cette insécurité qui n'a pas de nom, qui n'a pas d'étendard, en quelque sorte.
26:52 Et on parle de 1000 plaintes déposées par jour aujourd'hui pour coups et blessures.
26:56 Sans doute, à peu près, plutôt 3000 dans la réalité, 3000 actes,
27:00 puisque tout le monde ne porte pas plainte.
27:02 Donc on en est là aujourd'hui et c'est ça, je pense,
27:05 qui fait le plus de mal à nos sociétés.
27:08 De quoi, selon vous, ont peur les dirigeants et les dirigeants actuels ?
27:12 Vous dites que la majorité des Français est au fait.
27:15 Et puis, nous subissons, ils subissent évidemment ces attaques,
27:18 est au fait de la menace terroriste, aussi de la violence,
27:22 comme on a vu, ou l'hyper-violence à Crépol.
27:24 Qu'est-ce qui retient aujourd'hui la main de l'exécutif ?
27:27 Quel serait le risque si aujourd'hui, les dirigeants appliquent ce que vous dites
27:33 et justement ne se complaisent plus dans le déni ?
27:36 Je pense qu'il y a cette espèce de terreur.
27:39 C'est en vase clos, en fait, cette classe politique et médiatique se fait peur à elle-même.
27:44 On voit bien que l'opinion attend des mesures fermes.
27:47 On a pu voir ça en Suède, au Danemark ou dans beaucoup de pays récemment.
27:52 Ce serait assez facile pour un exécutif de regagner quelques points de popularité
27:56 en prenant quelques mesures symboliques d'expulsion de masse ou je ne sais pas quoi,
27:59 ou d'application de lois plus strictes.
28:02 Mais il y a ce blocage parce qu'on sait très bien qu'on va tout de suite s'entre-accuser
28:06 de faire le jeu d'eux et qu'on va être, encore une fois, ce fameux chantage à l'extrême droite.
28:13 Et nos responsables politiques ont encore peur de ça.
28:16 Ils sont encore dans ce logiciel qui n'est pas d'hier, qui a quelques heures de vol déjà.
28:23 Le citoyen français n'en peut plus, ne peut plus entendre ça.
28:27 Ces histoires d'ultra droite ne comprend toujours pas ce faux procès, ce moment de diversion.
28:34 Mais malheureusement, pour nos élites, ça compte encore beaucoup.
28:36 Donc ils sont lents à faire virer le navire en quelque sorte.
28:40 - Ce projet de loi sur le terrorisme, à votre sens, ça va dans le bon sens,
28:44 mais ça n'est pas suffisant ?
28:46 - Oui, mais de toute façon, dans tout ce que j'ai pu lire, par exemple sur l'immigration
28:50 ou sur l'application de la loi, n'est pas du tout à la hauteur.
28:56 Encore une fois, je le redis, en 1992, on a 55 000 détenus dans nos prisons.
29:02 On en a 75 000 aujourd'hui, les prisons débordent.
29:04 Ça n'a pas du tout suivi l'augmentation des violences aux personnes,
29:07 qui dans le même temps explosaient de plus de 500 % sur la même période.
29:13 On est encore avec ce logiciel d'avant de se dire que la prison,
29:17 ce n'est pas la solution, qu'il faut réinsérer, qu'il faut aménager, etc.
29:21 et que tout ira mieux avec des cours d'embattis.
29:23 Mais on a complètement basculé.
29:25 On n'est plus du tout dans ce monde-là maintenant.
29:27 - Bien, nous allons poursuivre ce grand rendez-vous, bien sûr, en votre compagnie.
29:30 Laurent Aubertin, je le rappelle, vous êtes essayiste,
29:32 vous êtes spécialiste des questions de sécurité.
29:34 Vous êtes l'auteur de nombreux ouvrages de référence.
29:36 On a cité "La France orange mécanique" ou encore "Guerilla".
29:40 Vous appuyez vos propos par des chiffres, des statistiques.
29:44 Pour ceux qui nous rejoignent à l'instant en direct, à la fois sur Europe 1 et CNews,
29:48 nous sommes au lendemain de cette attaque terroriste islamiste en plein cœur de Paris,
29:52 qui a fait un mort, plusieurs blessés.
29:54 Un mort, c'est un touriste allemand.
29:56 La menace est omniprésente en France.
29:58 Il y a une avalanche de réactions politiques.
30:01 Hier soir, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin,
30:03 et le préfet de police de Paris, Laurent Lunez, étaient rapidement sur place.
30:07 Gérald Darmanin a affirmé que l'homme aurait crié à plusieurs reprises à la Hague-Barre
30:11 au moment de son arrestation.
30:13 Je rappelle que l'assaillant est fiché S pour islamisme,
30:16 qu'il ait déjà connu des services de renseignement,
30:18 déjà condamné à plusieurs années de prison.
30:20 Il est sorti de prison après une condamnation.
30:23 Et ce n'est pas rien pour projet terroriste en 2016.
30:27 Il est également, ou a été suivi en tous les cas pour troubles psychiatriques lourds.
30:31 Nous allons poursuivre cette émission en nous interrogeant aussi sur la suite.
30:35 Laurent Bertin est peut-être plus largement aussi sur un conflit.
30:38 Certains parlent depuis plusieurs jours,
30:41 mais aussi depuis longtemps, d'un conflit de civilisation,
30:44 d'un choc, d'un affrontement sur notre sol.
30:47 Tout d'abord, cette attaque, pour ce que l'on sait,
30:49 pourrait avoir un lien avec ce qui se passe à l'extérieur,
30:52 notamment au Proche-Orient.
30:54 Est-ce que pour vous, ces guerres, malgré tout extérieures,
30:57 sont importées durablement en France, quoi qu'on fasse,
31:00 quoique, je veux dire, quelle que soit la position des dirigeants,
31:04 ces conflits aujourd'hui sont sur notre sol ?
31:06 Oui, c'est absolument certain.
31:08 Quand on suit un petit peu les individus justement fichés et potentiellement dangereux,
31:15 on constate qu'ils sont en boucle sur ces questions.
31:19 Ils passent leur temps sur des médias qui ne traitent quasi exclusivement
31:23 que du conflit israélo-palestinien.
31:26 Et on l'a vu dans les manifestations récentes,
31:29 il y a eu beaucoup d'appels à des violences.
31:32 Donc, encore une fois, ça donne un prétexte tout trouvé au passage de l'acte,
31:37 une justification en quelque sorte moralement supérieure.
31:40 Vous diriez que les réseaux sociaux sont un accélérateur de radicalisation en quelque sorte ?
31:45 Disons que ça aide beaucoup d'individus à s'agréger,
31:48 à être comme ça captifs d'une représentation du monde
31:52 et à l'auto-alimenter en permanence avec des images de propagande,
31:57 parfois totalement grossières, mais peu importe.
31:59 Ce n'est pas du tout une question de réflexion logique.
32:01 On cherche uniquement à justifier des idées et des pulsions.
32:07 Et effectivement, les réseaux sociaux,
32:09 certaines plateformes sont particulièrement prisées par ces individus, évidemment.
32:14 Mais c'est comme les couteaux.
32:16 On a tous des couteaux chez soi.
32:18 Simplement, c'est la manière dont on s'en sert, le problème.
32:21 Alors, vous venez de dire, c'est important,
32:22 certains médias parlent en boucle, notamment du conflit israélo-palestinien, israélo-arabe.
32:29 Est-ce que je vous comprends bien ?
32:31 Si j'interprète votre propose de manière suivante,
32:34 une partie de ces gens vivent mentalement à l'extérieur du territoire français,
32:38 du pays qu'est la France, de la culture française.
32:41 Leur espace mental est non seulement un autre pays, une autre identité,
32:44 mais même une autre civilisation.
32:45 Et dans ce conflit, ils prennent finalement l'autre partie.
32:48 Est-ce que je vous comprends bien ?
32:49 Oui, c'est complètement ça.
32:52 Et il y a cette idée sous-jacente que tout ce qui n'appartient pas justement
32:57 à ce monde arabo-musulman fait office un petit peu d'ennemis potentiels.
33:02 En particulier, évidemment, nos concitoyens de confession juive.
33:07 Mais, monsieur tout le monde, tous ceux qui n'ont pas, en quelque sorte, la carte du club,
33:12 tous ceux qui ne sont pas eux-mêmes musulmans sont potentiellement des ennemis.
33:17 Donc, ça fait du monde.
33:18 Et on le voit dans absolument tous les pays où il y a ces immigrations.
33:24 Par exemple, à Londres ou en Angleterre ou en Irlande,
33:29 ces problématiques sont devenues absolument énormes.
33:33 Laurent Berton, en même temps, les attentats terroristes visent aussi des pays musulmans
33:37 et font aussi des morts musulmans.
33:40 Oui, parce qu'il y a...
33:42 On n'est jamais assez pur, si vous voulez.
33:44 Il y a les bons musulmans, il y a les mauvais.
33:45 Et c'est à l'infini.
33:48 Et même en France, vous avez des gangs qui vont s'affronter,
33:51 qui sont des gangs de musulmans qui vont affronter d'autres gangs de musulmans
33:54 pour des questions de territoire.
33:56 Ça, ce n'est pas trop la question.
33:58 Ce qui est important de comprendre, c'est que le tribalisme et l'ultra-violence
34:03 vont dominer ces groupes, vont les structurer.
34:06 Et ils n'ont absolument rien à voir avec la société traditionnelle française.
34:10 Il y a une question qui est souvent posée, c'est "a-t-on franchi un cap ?"
34:13 Je crois qu'on la pose à chaque attaque.
34:16 Alors, fut-elle l'hyper-violence après Crépole ?
34:19 On s'est interrogé sur le franchissement d'un cap.
34:22 Mais aussi après les attaques terroristes islamistes.
34:25 Je veux dire, de cap en cap, où allons-nous et où arrivons-nous ?
34:30 On a vu il y a quelques mois des bébés poignardés dans des poussettes.
34:35 Et bon, c'est passé, c'est l'actualité.
34:38 On voit ça, il y a cet état de sidération
34:43 parce qu'il y en a tellement qui reviennent, qui font l'actualité, qu'on oublie.
34:46 Et malheureusement, moi, je vois ça depuis la France Orange Mécanique.
34:49 J'avais déjà une compilation de faits absolument épouvantables.
34:54 Et malheureusement, ça continue et voilà, on vit avec cette horreur.
34:58 Est-ce que vous constatez dans vos recherches,
35:00 c'est peut-être une des difficultés avec ce genre d'individus,
35:02 qu'il y a davantage aujourd'hui de ce qu'on appelle de loups solitaires
35:05 comme ça, qui se sont autoradicalisés qu'il y a 10-15 ans ?
35:09 Oui, oui, oui, parce que c'est quelque part plus efficace.
35:13 C'est-à-dire qu'un individu, même s'il a des troubles psychiatriques,
35:17 si ce n'est pas le couteau le mieux aiguisé du tiroir, comme on dit,
35:22 il peut faire d'énormes dégâts parce qu'il lui suffit de rien,
35:25 c'est-à-dire une arme blanche, il va n'importe où,
35:28 et n'importe quel type est capable de faire très mal.
35:33 Il n'a pas besoin d'un projet planifié avec un réseau d'armement, etc.
35:37 D'ailleurs, les autorités...
35:40 Même s'il aurait prêté allégeance en faisant attention à cette situation
35:43 de loups solitaires qui peut laisser penser qu'il n'y a aucun lien ?
35:45 Oui, oui, quels que soient son...
35:46 Mais on avait vu des appels à ce genre d'actes.
35:49 On avait vu "prenez votre voiture, avec les moyens du bord,
35:53 faites comme vous pouvez" en quelque sorte.
35:56 Donc évidemment, certains individus un petit peu dérangés
36:00 vont entendre ce genre d'appel.
36:02 Alors vous avez utilisé cette formule "n'importe où, n'importe quand".
36:05 Vous avez parlé de guerre de territoire.
36:06 Si on fait une évolution de 2013,
36:09 la France orange mécanique jusqu'à aujourd'hui,
36:10 on connaissait des zones qui étaient plus dangereuses que d'autres.
36:13 Certains quartiers, certains lieux,
36:14 ils étaient bien avisés de ne pas s'aventurer.
36:17 Est-ce qu'on peut dire qu'après Crépole
36:18 et ensuite après hier soir au cœur de Paris,
36:20 il n'y a plus vraiment de territoire protégé,
36:23 de territoire où on est véritablement à l'abri de cette hyperviolence ?
36:26 Oui, absolument.
36:27 Il y a quelques années, on disait qu'il était au mauvais endroit,
36:29 au mauvais moment.
36:30 Il n'a pas eu de chance.
36:31 Et maintenant, on se dit où sont les bons endroits ?
36:34 Quels sont les moments ?
36:35 On n'arrive plus à trouver en France un endroit
36:39 où on peut se comporter normalement,
36:42 sans qu'il ne se passe rien, sans qu'il n'y ait pas de risque.
36:45 Et c'est ça qui est vraiment frappant dans les enquêtes d'opinion,
36:49 notamment le Français qui pensait être tranquille dans sa campagne,
36:53 avoir ses petits espaces préservés.
36:56 Il pensait que Paris était une ville plus sûre, plus sécurisée.
36:59 Eh bien, on constate que ce n'est plus le cas aujourd'hui.
37:01 Est-ce que vous avez noté aussi une évolution de ce vocabulaire ?
37:03 Parce que en 2013, dans la France Orange Mécanique,
37:06 vous intéressez aux "faits divers".
37:07 Le concept même de "faits divers" est discuté aujourd'hui.
37:10 "Faits divers", "ricks", "déséquilibrés".
37:13 Le vocabulaire normalement utilisé pour parler de ce que vous appelez l'hyperviolence.
37:17 Est-ce que ce vocabulaire, aujourd'hui, sert à décrire ou quelquefois peut-être à masquer ?
37:21 Oui, déjà à l'époque d'Orange Mécanique, c'était...
37:24 Vous savez, il y avait le prénom Jean-Pierre avec le petit astérisque.
37:29 Le prénom a été modifié.
37:30 On parlait de "jeune" avec des guillemets.
37:33 Le réflexe médiatique consistait toujours à passer sous silence une certaine réalité.
37:41 Et malheureusement, ça a eu un effet d'accumulation.
37:44 Si vous voulez, on a fait barrage, comme en politique,
37:46 mais derrière un barrage, les eaux montent.
37:48 Et à un moment, ça risque de céder et de créer une déferlante.
37:51 Laurent Bertrand, quelle est l'étape d'après,
37:54 alors que déjà, nous vivons un moment assez grave ?
37:57 Et je le dis quand même en posant cette question,
37:59 l'objectif, c'est de conjurer le risque et d'essayer d'éviter un affrontement plus important.
38:06 Là, nous faisons face à des attaques terroristes qui sont, j'allais dire, non ciblées.
38:11 Peut-être, nous le verrons en tous les cas.
38:13 Quand il s'agit d'un professeur, malheureusement,
38:15 comme Samuel Paty et Dominique Bernard, ça a été le cas.
38:18 Mais certains dans les services de renseignement affirment
38:20 qu'on pourrait justement être face à des attaques extrêmement ciblées.
38:25 Est-ce que c'est l'étape d'après ?
38:26 Est-ce que vous travaillez vous-même sur ces scénaris-là ?
38:30 Oui, le groupe terroriste a priori avec lequel cet individu était lié,
38:35 Forzanalisa, était une cellule de combat qui prévoyait,
38:39 qui avait prévu d'enlever un magistrat, d'attaquer le journal Libération,
38:44 de s'en prendre à Pierre Sautarel, l'animateur principal du site f2souch.com,
38:49 site de réinformation.
38:51 On a eu cette cellule qui a été démantelée depuis.
38:55 Donc on va plutôt aller vers des, comme on l'a dit tout à l'heure,
38:57 vers des choses plus simples, c'est-à-dire n'importe qui, n'importe où,
39:01 parce qu'on se dit que dans l'opinion, ça a peut-être encore plus d'impact.
39:05 Si tout le monde se sent en danger, c'est plus efficace
39:09 que de cibler précisément telle profession ou tels individus.
39:13 C'est plus difficile d'aller dans les écoles,
39:15 c'est plus difficile de s'en prendre à des policiers ou à des magistrats.
39:17 Donc allons-y pour les supermarchés, pour le tout venant, en quelque sorte.
39:22 Mais c'est plus difficile pour les forces de l'ordre de lutter contre ?
39:24 C'est pour le coup extrêmement… Vous arrivez toujours après trop tard.
39:28 Si on regarde la réponse de l'exécutif,
39:30 il y a une réponse sécuritaire du renseignement.
39:34 Puis il y a eu une phrase il y a quelques semaines qui est un peu passée inaperçue,
39:36 celle d'Emmanuel Macron.
39:37 Et vous l'avez citée au début de votre argumentaire tout à l'heure,
39:41 au début de l'émission, vous avez parlé de une cité de vigilance,
39:43 c'est-à-dire que nous serions appelés à être tous des sentinelles,
39:46 quelque part à nous protéger nous-mêmes,
39:48 mais sans être évidemment, sans se faire justice soi-même.
39:51 Est-ce qu'il faut se résigner à cela ?
39:54 Ou est-ce qu'au contraire c'est dangereux d'appeler à cette société de la vigilance ?
39:57 C'est assez terrible parce que l'État, qui a le monopole de la violence,
40:02 de notre sécurité, qui nous, la plupart du temps,
40:05 nous interdit de nous défendre par nos propres moyens.
40:07 Il est contre la constitution de milices,
40:08 il est même contre les manifestations pour dénoncer la violence.
40:11 Là, il sous-entend quand même "débrouillez-vous un petit peu",
40:13 parce qu'on ne va pas être là tous les jours.
40:16 Donc c'est un énorme problème.
40:17 Qu'est-ce qu'il est en train de nous dire ?
40:19 Est-ce que le citoyen doit s'armer ?
40:20 Est-ce qu'il doit faire comme si sa vie était menacée et se débrouiller tout seul ?
40:26 Ça, c'est vraiment une question qui est assez sidérante
40:30 et qui montre qu'il y a un renoncement du pouvoir.
40:33 Un renoncement à nous protéger.
40:35 En tout cas, voilà, il pense qu'il n'est plus à la hauteur
40:39 et qu'il ne peut pas empêcher cette fatalité, en quelque sorte.
40:42 C'est normal.
40:43 Vous êtes en train de dormir chez vous, vous prenez une balle
40:44 parce qu'il y a des trafiquants qui se tirent dessus.
40:47 Ça fait partie du jeu, en quelque sorte.
40:49 Il y a un mot qui revient souvent dans votre propos
40:51 depuis le début de cet entretien, c'est "sérieusement".
40:54 C'est-à-dire l'État renonce à agir sérieusement.
40:56 Il ne se permet pas les mesures sérieuses qui permettraient de changer la donne.
40:59 Alors, à quoi réfère ce "sérieusement" chez vous ?
41:02 Que voudrait dire un tel changement de cap
41:04 qu'on serait désormais dans des mesures sérieuses
41:06 pour contenir et pour renverser l'ultraviolence ?
41:08 Il y a deux sortes de mesures.
41:09 Il y a les mesures de communication, cosmétiques,
41:12 d'acheter des nouvelles voitures aux policiers
41:14 ou de les mettre un peu partout,
41:15 de mettre des caméras ou de voter un tas de choses comme ça.
41:18 Et il y a les mesures qui traitent le problème fondamental,
41:21 c'est-à-dire la non-implication de la loi, le laxisme judiciaire,
41:25 puisqu'aujourd'hui, le code pénal n'est plus appliqué,
41:29 les peines ne sont pas exécutées comme elles devraient l'être.
41:31 On multiplie les alternatives à la prison.
41:34 Et ce faisant, quand la justice refuse de condamner les coupables,
41:39 elle condamne les innocents, les croisés, ça c'est très clair.
41:42 Donc ce serait déjà toute une série de mesures à prendre,
41:44 évidemment aussi sur l'immigration.
41:46 Là, on a quand même l'exécutif qui en est à nous dire
41:50 "la Tunisie ne veut pas reprendre leurs ressortissants,
41:51 on est très embêtés, la CEDH nous aide".
41:54 Si à un moment, la France a un poids, elle doit l'exercer.
41:58 Elle doit dire "vous êtes très gentilles, mais vous êtes la Tunisie,
42:02 on a un poids démographique extrêmement important".
42:05 Et plutôt que d'accepter d'être un petit peu le paillasson du monde,
42:08 on pourrait, la France pourrait exercer une pression,
42:10 renégocier des traités, y compris sur les expulsions massives.
42:16 Aujourd'hui, on n'a pas le droit d'expulser plusieurs individus à la fois.
42:20 Donc il faut renégocier évidemment tout ça.
42:23 Ça, ce seraient des mesures sérieuses.
42:24 Mais malheureusement, on est encore au stade de l'habillage, du cosmétique.
42:28 Laurent Oberthon, on va poursuivre notre entretien sur CNews et Europe 1
42:32 avec ces informations qui nous parviennent à l'instant.
42:35 Nous le savions déjà depuis tout à l'heure,
42:36 le parquet antiterroriste a donc ouvert une enquête
42:39 et les enquêteurs vont désormais se pencher sur le profil
42:43 et aussi le suivi médical de l'assaillant.
42:47 L'assaillant qui est donc entre les mains des enquêteurs.
42:50 Quand il y a eu des rares cas où les assaillants ont été,
42:53 si je puis dire, capturés vivants, il n'en est pas ressorti beaucoup de choses.
42:58 On va voir ce qu'il en est.
42:59 Peut-être, il faudrait qu'on s'intéresse aussi au contexte,
43:02 on en parle depuis tout à l'heure, international, au Proche-Orient.
43:06 Est-ce que ce contexte aujourd'hui, qui risque d'être long,
43:09 il y a une reprise de la guerre après une trêve
43:11 qui a été réitérée à plusieurs reprises,
43:13 nous met en danger, nous, la France ?
43:15 Et pourquoi, j'allais dire, la France plus que d'autres pays ?
43:18 Est-ce que la France est plus ciblée, selon ce que vous savez,
43:22 que d'autres pays européens, en particulier occidentaux, plus largement ?
43:25 Elle l'est fatalement par sa composition démographique.
43:28 La France est un pays, pour le coup, qui a eu une immigration extra-européenne,
43:33 maghrébine, africaine, subsaharienne, en particulier ces dernières décennies,
43:39 qui a été très forte.
43:40 Donc, on a aujourd'hui, sur deux générations,
43:43 on doit avoir à peu près 22% d'individus qui sont issus d'immigration.
43:47 Donc, forcément, le conflit vient avec.
43:50 Il n'y a pas de miracle.
43:53 Si on avait importé des personnes d'autres pays,
43:54 on aurait peut-être leur conflit à eux, comme c'est le cas.
43:57 Par exemple, j'ai vu des conflits indos-pakistanais,
44:03 dans d'autres pays.
44:04 Ça, ça se produira partout.
44:07 On ne peut pas, d'un coup de baguette magique,
44:09 effacer l'intégralité du parcours et de l'identité des individus
44:14 pour en faire des bons petits Français,
44:15 comme le prétendait l'éducation nationale il y a quelques années.
44:19 - Une question sur le rapport que vous avez évoqué plus tôt,
44:22 le rapport au quotidien des Français.
44:24 Société de vigilance, la plupart d'entre vous avez parlé des femmes
44:27 qui adaptent leur comportement désormais.
44:29 Vous dites que certains développent un réflexe,
44:31 ils veulent fuir toujours plus loin,
44:32 espérant retrouver tranquillité.
44:33 De quelle manière, déjà, aujourd'hui,
44:35 les Français ont-ils transformé leur manière de vivre,
44:38 comme s'ils avaient intériorisé un univers
44:40 beaucoup plus dangereux qu'autrefois ?
44:42 - On le sait tous.
44:43 On est...
44:45 Vous parlez d'une discussion de famille ou avec des collègues,
44:48 et on vous parlera d'endroits qui craignent,
44:51 vous voyez, ce genre d'expression.
44:53 De faire attention, tu ne rentres pas trop tard, tu m'appelles,
44:55 tu évites ce quartier-là.
44:57 Le Français sait très bien que la situation s'est dégradée.
45:02 Y compris maintenant, justement, certaines élites
45:05 qui pensaient que...
45:06 Qui voulaient croire que tout va bien,
45:07 maintenant, elles mettent leurs enfants dans des écoles
45:09 qui sont parfaitement préservées des joies du vivre ensemble.
45:13 Et il y a une hypocrisie assez énorme derrière tout ça, d'ailleurs,
45:17 puisque tout le monde le proclame,
45:19 mais personne ne veut le vivre, en réalité.
45:22 Et tout le monde a eu tendance à le fuir.
45:24 Mais maintenant, l'État fait en sorte de répartir partout
45:27 les demandeurs d'asile et les nouveaux arrivants.
45:31 Et les logiques démographiques sont telles que,
45:33 quoi qu'il en soit, la France actuelle
45:39 voit sa population changer massivement un peu partout.
45:42 Donc, voit toutes ces problématiques l'accompagner partout.
45:46 Mais cette logique démographique n'est pas évidente,
45:48 je veux dire, elle est inscrite maintenant à long terme en notre pays.
45:52 Donc, les solutions, j'allais dire à court terme,
45:55 au moyen terme, ce serait une réponse pénale très forte
45:57 pour laquelle vous plaidez,
45:58 une construction massive de places de prison.
46:02 Et à chaque fois, on entend les dirigeants actuels
46:04 et le ministre de la Justice affirme
46:06 qu'il n'y a jamais eu autant de personnes en prison.
46:09 Alors, qui faut-il croire ?
46:10 Est-ce qu'il y a un laxisme judiciaire ?
46:12 Ou est-ce qu'au contraire, on ne cesse de mettre en prison
46:14 pour finalement avoir toujours une délinquance
46:17 et une hyper-violence de plus en plus importante ?
46:19 Alors, c'est vrai, on a 75 000 personnes en prison aujourd'hui,
46:23 c'est un record absolu.
46:24 Mais comme je l'ai dit tout à l'heure, en 1992,
46:27 vous aviez 55 000 détenus déjà.
46:29 Donc, une augmentation qui n'est pas si énorme
46:30 comparativement à celle des violences aux personnes,
46:33 multipliées par six sur la même période.
46:35 Ça fait très longtemps que la justice n'y arrive plus
46:38 parce que les prisons débordent.
46:39 Il y a 61 000 places de prison actuellement.
46:45 Donc, il y a un taux de suroccupation qui est complètement délirant
46:49 parce que la justice n'a jamais voulu prendre la mesure
46:52 de cette ultra-violence nouvelle,
46:53 n'a jamais voulu y adapter sa réponse.
46:55 On a encore le système judiciaire de papa,
46:57 de la France des années 60, des loulous, etc.
47:02 Mais on a basculé dans complètement autre chose.
47:04 Et on pense que construire des prisons est un échec
47:07 parce qu'on se dit aujourd'hui, la prison,
47:09 c'est le projet de vie du délinquant, en quelque sorte.
47:12 Pourquoi, Laurent Bartrand, ça va contre le logiciel
47:15 et puis contre ce que vous regardez, le vivre ensemble ?
47:17 Est-ce que ça vient assompter quelque chose
47:21 qui était porté par beaucoup depuis longtemps ?
47:24 Tout à fait. C'est un démenti de croyances profondes,
47:27 d'égalité, du fait qu'il suffisait d'accompagnement,
47:31 de réinsertion pour faire des miracles.
47:34 Et c'est un échec massif.
47:36 On a mis énormément d'argent là-dedans,
47:37 comme en politique de la ville, comme dans un tas d'autres sujets.
47:40 Et ça ne fonctionne pas.
47:41 Et on a du mal à admettre ça et à passer à cette étape
47:44 qui fait plaisir à personne, de construire des prisons,
47:46 d'expulser les délinquants et criminels condamnés.
47:49 Ce sont des décisions dures politiquement
47:51 qui ne sont pas du tout dans le domaine
47:57 des possibles politiques en France.
47:59 Mais je pense qu'on est obligés d'y venir.
48:02 Le verrou est idéologique, selon vous ?
48:04 Oui, le verrou est totalement idéologique.
48:06 La France a les moyens de se défendre,
48:07 mais c'est dans les têtes que ça n'est pas encore passé.
48:09 Oui, c'est complètement ça.
48:10 C'est qu'on est verrouillé sur une croyance
48:14 à laquelle on ne veut pas renoncer.
48:15 Alors faisons un exercice de politique fiction.
48:17 Vous avez été sévère à l'endroit de la classe politique
48:20 depuis le début de cet entretien.
48:21 Imaginons que demain, par je ne sais quel concours de circonstances,
48:24 Laurent Berton devienne ministre de l'Intérieur.
48:26 Quelle est la première mesure que vous prenez
48:28 pour marquer la rupture avec l'état des choses actuelles ?
48:30 Le ministre de l'Intérieur n'a pas énormément de pouvoir.
48:33 C'est-à-dire qu'il pourrait faire exécuter les OQTF,
48:35 ce que Darmanin ne fait pas d'ailleurs.
48:38 Il pourrait au moins faire ça.
48:39 Il ne peut pas faire grand-chose d'autre.
48:40 Il peut s'occuper de la police, il peut faire des déclarations.
48:42 Mais ce n'est pas lui qui détient les clés de la réponse pénale.
48:46 Là, pour le coup...
48:47 Alors on remonte dans l'échelon.
48:48 À quel poste doit-on vous nommer pour qu'une rupture véritable arrive ?
48:51 Nommez-moi président, on verra ce que je peux faire.
48:54 Non, non, mais ça implique une réforme assez colossale de tout ce système.
49:00 Mais est-ce que ça se joue au niveau national ?
49:01 Pour reprendre ce que...
49:03 Toujours au niveau national, certains disent qu'au niveau national,
49:05 je fais bien attention en le disant certains,
49:07 pointe une perte de souveraineté finalement,
49:10 mais je trouve que tous ces grands sujets supranationaux
49:13 ne se décident plus au plan, j'allais dire hexagonal, en ce qui nous concerne.
49:17 En effet, il y a eu un transfert massif de pouvoir et de compétences
49:21 de la France vers Bruxelles.
49:23 Voulue, parce qu'on dit "c'est la faute à l'Europe".
49:26 Si la France décidait de faire machine arrière et de reprendre sa souveraineté,
49:31 elle pourrait le faire et personne ne pourrait l'en empêcher.
49:32 Donc c'est vraiment une question de volonté.
49:34 Je me permets de revenir en instant sur la question,
49:37 laissant de côté la politique fiction.
49:38 La première mesure, si on voulait marquer une rupture,
49:41 vous nous dites "l'état actuel des choses ne fonctionne pas,
49:43 le dispositif politique et juridique ne fonctionnent pas".
49:46 En quelle mesure serait susceptible de marquer un véritable tournant
49:50 pour avoir une politique sérieuse, pour reprendre votre terme ?
49:53 Je pense que l'expulsion de tous les criminels étrangers,
49:57 de tous les délinquants récidivistes étrangers,
49:59 marquerait justement, enverrait un message extrêmement ferme.
50:02 C'est-à-dire, vous venez en France, vous ne ferez pas n'importe quoi,
50:06 vous serez pour le coup réellement sanctionnés.
50:08 On pourrait également frapper justement cette immigration d'une caution,
50:11 comme par exemple la Suède vient de le faire.
50:14 La Suède exige maintenant un certain niveau de revenus
50:17 pour rester sur son sol,
50:19 ce qui permet de choisir de nouveau,
50:23 de maîtriser de nouveau cette immigration,
50:26 qu'encore une fois, les Français n'ont fait que subir.
50:28 Les Français n'ont jamais voulu cette immigration,
50:30 toutes les enquêtes d'opinion le montrent,
50:32 et on leur a donné.
50:34 En même temps, on voit que ce n'est pas si simple,
50:35 parce que l'exemple de l'Italie avec Mélanie,
50:37 qui a ce genre de programme, a du mal à le mettre en œuvre.
50:41 Oui, mais les Suédois, par exemple,
50:42 qui passent quand même pour un pays extrêmement progressiste et raisonnable,
50:47 ont voté sans problème des mesures très restrictives.
50:49 Le Danemark l'a fait aussi.
50:50 Je pense que c'est dans l'air du temps.
50:52 Les démocraties occidentales voient bien que ces situations sont atteinables,
50:56 mettent en danger leur modèle de providence, etc.
51:00 Donc, il faut des décisions de ce genre.
51:02 Ça ne fera pas plaisir, mais tout le monde va y venir.
51:05 Et la France a un peu l'habitude d'être en retard, malheureusement.
51:08 - Mise à part ces faits extrêmement graves que nous subissons,
51:13 nous l'avons dit tout à l'heure, Laurent Berton,
51:15 il y a ceux qui prophétisent ou en tous les cas qui veulent dénoncer
51:18 le risque d'un choc des civilisations,
51:20 appuyés par ce qui se passe notamment au Proche-Orient.
51:24 On a rappelé les titres de vos ouvrages.
51:26 Le dernier s'appelle "Guérilla".
51:28 On a beaucoup entendu certains dire, notamment Michel Onfray et d'autres,
51:32 qu'on est dans une guerre civile larvée et de moins en moins larvée en France.
51:37 Est-ce que cette expression vous semble adéquate avec tout ce qu'elle comporte
51:40 quand même, comme évidemment conséquence pour notre pays ?
51:43 Est-ce que nous allons y venir ou est-ce que finalement,
51:45 c'est une forme de fantasme aujourd'hui ?
51:48 - Alors, moi, "guerre civile", je ne suis pas fanatique du terme
51:51 parce que ça implique deux camps constitués.
51:54 Or, aujourd'hui, on n'a pas ça.
51:56 On a les victimes et on a les auteurs et les auteurs indistinctement
52:01 ne forment pas non plus un camp.
52:04 Ce serait faux de dire ça, c'est-à-dire il y a des bandes, il y a des gangs,
52:06 il y a des... eux-mêmes s'entre-massacrent allègrement.
52:11 Donc, ce n'est pas cette situation-là.
52:13 Par contre, on va un petit peu vers une guerre de tous contre tous,
52:17 avec un État qui est extrêmement fragile et dépassé.
52:21 Donc, ce n'est pas une situation de guerre civile, mais c'est une situation de guérilla.
52:26 - Un État fragile et dépassé qui cherche ses mots.
52:29 On l'a vu aussi bien sur Crépol, où on a vu un porte-parole du gouvernement
52:32 qui est passé à... qui ne voulait pas reprendre le terme d'ensauvagement,
52:35 à finalement arrivant sur place, parlant d'un basculement de la société.
52:40 Et en même temps, un garde des Sceaux qui dénonce plutôt la récupération.
52:45 Aujourd'hui, selon vous, comment les Français vivent ces changements de pied ?
52:49 On voit un garde des Sceaux qui va sur l'aspect moral pour condamner le RN
52:53 et le porte-parole du gouvernement qui se voit contraint, sur place,
52:56 de dénoncer un basculement de la société,
52:58 chose qu'on n'avait jamais entendue dans sa bouche.
53:00 - Dans l'opinion, aujourd'hui, le terme "ensauvagement" est perçu comme même faible
53:04 et très insuffisant.
53:05 Moi, la France Orange Mécanique, c'est souvent ce que m'ont reproché des victimes,
53:09 des gens qui avaient vécu l'insécurité, des policiers.
53:11 Ils m'ont dit "mais vous n'allez pas assez loin dans vos constats".
53:13 - Pas assez loin en parlant de France Orange Mécanique ?
53:15 - Bien sûr. Moi, j'essayais d'expliquer que j'étais un...
53:17 j'essayais d'être l'intermédiaire entre le plateau médiatique et le ressenti populaire.
53:24 Et malheureusement, ce gouffre n'est pas comblé aujourd'hui.
53:29 Quand on a... on fait toujours peser cette suspicion sur la réaction.
53:34 Moi, je trouve que c'est sain de réagir à des faits d'horreur.
53:37 C'est sain de ne pas s'y habituer.
53:39 Et quand on a le garde des Sceaux qui parle de récupération politique,
53:42 quelque part, il est en train de vous dire "vos intentions sont mauvaises,
53:45 votre esprit est mal tourné,
53:47 vous n'avez pas raison de vous indigner de ces actes-là".
53:51 Et je trouve que c'est extrêmement grave, mais encore une fois,
53:53 ça fait partie du paysage politique depuis longtemps.
53:56 - Merci Laurent Oberthon, merci d'avoir été notre invité pour cette édition spéciale,
54:00 évidemment bousculée par ce qui s'est passé,
54:02 cet attentat terroriste islamiste en plein cœur de Paris.
54:04 Je remercie mes camarades Nicolas Barré et Mathieu Bocoté.
54:07 Restez avec nous sur nos deux antennes, Europe 1 et Essay News,
54:11 avec la suite évidemment de vos éditions.
54:13 merci à bientôt !

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