L'invité du jour : replongez dans la guerre froide, entre fiction et réalité !

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Retrouvez William Leymergie entouré d’experts, du lundi au vendredi en direct dès 12h30, pour une émission dédiée aux problématiques de notre quotidien.

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00:00 -Vous êtes journaliste à France Télévisions et vous avez été grand reporter correspondant à Berlin et vous publiez le sceau "Vers la liberté".
00:08 Le sceau, alors, c'est l'un des sceaux les plus célèbres de l'histoire, me semble-t-il.
00:11 -Oui. C'est une photo iconique de notre histoire contemporaine. C'est celle effectivement de l'inconnu le plus célèbre de la guerre froide, Konrad Schumann,
00:21 qui est un Wopo, c'est-à-dire un flic militaire, affecté à la surveillance du mur de Berlin aux prémices de la construction du mur.
00:30 -Alors, lui, il est côté de l'Est, lui. -Il est côté Est. Et puis, à un moment, alors qu'il est censé surveiller et empêcher les gens de passer,
00:36 parce que l'Est a décidé de construire ce mur pour éviter l'hémorragie de population, décide lui-même de faire défection.
00:45 Et pour son grand malheur, il est photographié. C'est une époque où on faisait pas des selfies toutes les semaines.
00:51 -Où était le photographe ? Il était derrière le mur ? -Le photographe était côté Ouest, sur l'autre trottoir de la Bernauer Strasse,
00:59 qui est une rue de Berlin. Et il observait ce Wopo. Et depuis un moment, il se disait... Il est nerveux, il arrête pas de fumer, cigarette sur cigarette.
01:07 -Il le voyait bien, il y avait pas le mur... -Non, il y avait un barbelé. Parce que le mur était en construction.
01:11 -Ah, d'accord. -Improvisoirement, on avait mis des barbelés. Le mur était construit, petit à petit, et il se dit "Si je saute pas maintenant,
01:19 demain, ce sera trop tard." -Il a quel âge, là ? -Et là, il a 19 ans. Et souvent, on se dit "Qu'est-ce qu'on aurait fait, nous, à 19 ans ?"
01:25 -Je suis pas sûr qu'on aurait... Parce qu'il se dit "Je vais sauter par-dessus les barbelés." -Oui. C'est-à-dire qu'il prend 5-6 m d'élan.
01:31 Si jamais il se vautre... -Eh oui ! -Parce qu'il les a effleurés, les barbelés. Il est mort. Parce que les soldats, il était pas seul.
01:37 Il avait des petits collègues qui étaient chargés de tirer sur les fugitifs. -Eh oui ! -Donc il se vautre pas. Et puis, une fois qu'il a passé les barbelés,
01:44 il s'engouffre dans une voiture de la police de l'Ouest. Alors ce qui est marrant, c'est qu'il a 19 ans. Mais celui qui fait la photo, il est pas plus âgé.
01:52 Il a 20 ans. C'est un petit stagiaire. Parce qu'à l'époque, tout le monde se fout de ce qui se passe à Berlin. Donc on a envoyé...
02:00 Une agence de Hambourg a envoyé le petit stagiaire à Berlin pour prendre quelques photos. Il s'appelle Peter Leibing. Et il va faire la photo de l'année, voire du siècle.
02:08 -Oh oui ! Mais alors c'est curieux parce qu'il monte dans une voiture de l'Ouest. Il avait prémédité son coup ? C'était un... Non, pas du tout ?
02:14 -Il a pas du tout prémédité son coup. Ça lui a pris comme, pardonnez l'expression, une envie d'uriner, quoi. Tout à coup...
02:20 -Il écrit mieux qu'est-ce qu'il parle. Il écrit beaucoup mieux qu'est-ce qu'il parle. -Non.
02:25 -Il décide à un moment de sauter, de faire des fictions. Il y pense tellement pas qu'il finit par oublier qu'il a laissé papa et maman à l'Est.
02:34 Papa et maman vont forcément avoir des petits problèmes. -Ah bah c'est sûr. Mais justement, alors il passe à l'Ouest avant la construction du mur.
02:40 Qu'est-ce qui lui arrive ensuite ? Et dans votre roman, vous mélangez tout ça, vous rajoutez de la fiction, quand même.
02:45 -Bien sûr. Alors, tout ce qui relève du factuel historique, ça a été vérifié, j'ai fait des recherches, tout ça, il y a une rigueur de ce côté-là.
02:57 Après, les personnages, quand on les met en scène, qui se rencontrent et qu'ils ont des dialogues, ça, il faut forcément l'inventer.
03:04 -Là, qu'est-ce que vous imaginez ? Il passe de l'autre côté, on lui dit "mais d'où tu viens, toi ?" "Bah moi, de l'autre côté, j'ai fui, etc."
03:10 -La première chose qui se passe, c'est quand il passe de l'autre côté, évidemment, toutes les autorités de l'Ouest se saisissent du bonhomme
03:18 et de la photo qui va être publiée le lendemain, parce que c'est quelque chose de létal pour le communisme.
03:24 C'est-à-dire cette photo dit "même leur propre troupe les fuit et n'y croit plus pour les communistes".
03:30 -Il est en uniforme. -Il est en uniforme. Donc, il se barre. Ensuite, la première chose, c'est qu'il va être interrogé par les Américains, les Anglais, les Français et les Allemands,
03:39 parce qu'à l'Ouest, ce sont les Alliés qui commandent. Il va passer quelques semaines à Marienfeld, qui est un quartier de Berlin,
03:46 où échouaient toutes les personnes qui faisaient défection à l'Est, avant ensuite d'être transféré là où il a souhaité, en l'occurrence en Bavière,
03:54 c'est-à-dire à 300 km de là, en RFA, République fédérale.
03:58 -Et là, pour le reste, vous avez imaginé beaucoup ou vous vous êtes reporté, là aussi, sur des documents historiques ?
04:04 -Alors, j'ai travaillé à base, évidemment, de coupures de presse du monde entier. J'ai travaillé à base d'archives déclassifiées et tout ce qui n'était pas vérifiable,
04:16 tout ce qui n'est pas vrai est vraisemblable, notamment tout ce qui concerne les dialogues.
04:22 -Les dialogues qu'il avait à l'Ouest, est-ce qu'il a pu correspondre avec ses parents ou une petite amie, je ne sais pas, ou les copains restés à l'Est ?
04:29 -Il écrivait tous les 15 jours à ses parents et un jour... -Mais oui, mais la lettre, elle n'était pas confisquée ?
04:36 -Mais évidemment, évidemment que les autorités de l'Ouest, ils disaient "Vous écrivez à vos parents, faites attention à ce que vous dites parce que les premiers à lire les lettres,
04:44 c'est qui ? C'est la Stasi. Avant de les remettre, ils ouvraient... -Les services secrets.
04:48 -Voilà, les services secrets est-allemands, ils ouvraient, ils regardaient et puis un jour, qu'est-ce qu'ils voient ? Ils voient son père débarquer chez lui à l'Ouest.
04:55 -Oh. -Oui, et le père qui était un paysan de la Saxe, il lui dit "Mais papa, qu'est-ce que tu fais là ? Ils m'ont dit que tu pouvais revenir, qu'il n'y avait pas de problème."
05:04 Et les autorités de l'Ouest, ils disent "Non mais n'y allez pas parce qu'à peine vous aurez franchi la frontière, c'est... -Allez, ça arrête, ça.
05:10 -Retour volontaire, 15 ans de prison, retour involontaire, c'est condamnation à mort. Donc il ne retournera dans son village et ne reverra ses parents que après la chute du mur de Berlin.
05:21 -Ça veut dire combien d'années plus tard ? -Eh bien, il a sauté le 15 août 1961, il reverra ses parents après le 9 novembre 1989, date de la chute du mur de Berlin.
05:31 -Ils ont retrouvé un homme, un adulte, ils avaient quitté un ado. -Ils avaient quitté un gamin de 19 ans, ils ont retrouvé un homme mûr, il avait vu juste son père un jour pendant ce laps de temps.
05:41 -Et quand il a... Il a retrouvé ses parents vivants ? -Oui, il a retrouvé ses parents vivants, mais il n'a pas... Enfin, certaines personnes l'ont accueilli en héros dans le village.
05:50 -Oui, oui, et puis ? -Mais d'autres l'ont accueilli en retraitant de traître, etc. -Encore après la chute du mur de Berlin, il a saudi avec quelques restes.
05:57 -Oui, non, non, mais il y en a certains qui sont restés... -On peut faire le film, maintenant, parce que moi, je suis partie dans le film, là.
06:02 -Ah ben, je pense que ça mérite un peu de commentaires, ça va être un film. -C'est bien, hein ? -Une pièce de théâtre. -Vous avez tout spoilé, mais oui.
06:08 -Moi, je vois très bien l'acteur allemand qui peut jouer... -Vous l'avez ? -Oui, oui, c'est formidable. -Bon, on va l'écrire.
06:14 -Et c'est très bien écrit. -Et puis, il y a de la fiction, parce que Hormedade, en plus, c'est pas son premier livre, alors il a dû en rajouter, croyez-moi.
06:20 Merci beaucoup, Patrice. -C'est moi qui vous remercie. -Alors, ça s'appelle "Le saut vers la liberté", c'est publié chez Plon.
06:25 Merci de votre visite, à bientôt, bonne chance.
06:27 Bonne chance.
06:28 [Musique]

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