La chronique du Dr Milhau du 27/11/2023

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Les conseils de notre docteur Brigitte Milhau sur les sujets santé qui vous concernent dans #BonjourDrMilhau

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00:00 -Docteur Brigitte Millot, on va parler de la libération des otages.
00:03 On pense tous, on pense à tous les otages encore retenus,
00:07 évidemment, en Israël et à Gaza, les otages du Hamas.
00:12 Ce matin, vous nous parlez du syndrome de Lazare.
00:15 De quoi s'agit-il ?
00:17 -Alors, on va rappeler la Bible, les écrits de la Bible.
00:21 Lazare est malade, meurt, et quatre jours après sa mort,
00:25 Jésus décide de le ressusciter.
00:28 Quand il retourne parmi les siens, il ne reconnaît plus ce monde.
00:32 Il dit "mais tout a changé, rien n'est plus pareil".
00:35 En fait, vous vous doutez bien que rien n'a changé,
00:37 mais que lui n'est plus le même.
00:39 Et donc, on appelle un syndrome de Lazare,
00:42 quelqu'un qui a frôlé la mort, que ce soit un cancer,
00:45 quelqu'un qui est resté en réanimation très longtemps,
00:48 quelqu'un qui a vécu des attentats, quelqu'un qui avait des otages.
00:52 Voilà, c'est quelqu'un qui a frôlé la mort.
00:54 Et quand il revient, ce n'est pas que le monde a changé,
00:56 c'est que lui n'est plus le même.
00:58 On n'est jamais le même quand on a vécu ces horreurs
01:01 qui ont été vécues le 7 octobre.
01:03 On ne peut pas être le même.
01:05 Alors, attention, chaque réaction est totalement individuelle et imprévisible.
01:12 Ça va dépendre de votre vécu avant,
01:14 ça va dépendre aussi de l'entourage que vous avez, de la famille,
01:18 quand il y aura encore de la famille.
01:20 Ça va dépendre de beaucoup de choses.
01:21 Il ne faut pas penser que c'est stéréotypé,
01:24 que toutes les réactions sont les mêmes,
01:25 même si certains psychiatres disent que pour les enfants,
01:28 dans la mesure où la mémoire n'est pas encore développée,
01:31 il n'y aura pas de souvenirs trop importants.
01:33 Et dans la mesure où ils ont une plasticité neuronale,
01:36 c'est-à-dire que les neurones se développent très rapidement,
01:39 tout petit, que ce sera mieux vécu, on ne peut pas le savoir.
01:42 Ces traumatismes peuvent aussi laisser des traces dans la chair.
01:47 Enfin, voilà.
01:47 Donc, aucune réaction ne peut être prévisible et elles sont toutes individuelles.
01:52 Ça, c'est important quand même de le préciser.
01:54 Après, ce qu'il y a quand ils sont libérés,
01:56 il y a ce qu'on appelle le "debriefing", le debriefing psychologique.
02:00 Ça, ils y auront tous droit.
02:01 En plus, en Israël, les médecins sont habitués,
02:03 malheureusement, puisqu'ils sont habitués à la guerre depuis longtemps,
02:06 ils sont habitués à ce genre de traumatismes.
02:09 Donc, ça aura lieu pour tout le monde.
02:11 Mais ensuite, il va y avoir ce syndrome de Lazare.
02:15 Et quelles sont les principales conséquences ?
02:17 Je vous en ai mis quelques-unes.
02:19 On va se retrouver, donc évidemment,
02:20 il y aura eu la joie de se retrouver, de se soulagement.
02:26 Ça va être évidemment un moment très important.
02:29 Mais après, il peut y avoir un grand sentiment de solitude et d'incompréhension.
02:34 On a l'impression d'être le seul à avoir vécu ça
02:37 et que personne ne peut l'avoir vécu comme nous, même entre...
02:42 Et que les proches ne comprennent pas ce qu'on a vécu réellement.
02:44 Oui, c'est ça, il y a une incompréhension, il y a un décalage.
02:47 Je vous ai mis les principales conséquences,
02:49 le décalage avec les proches.
02:51 C'est sûr que personne ne peut se mettre à la place de l'autre.
02:56 Personne ne peut comprendre.
02:58 Il va y avoir des deuils à faire, les deuils des proches que l'on a perdus.
03:03 On a parlé d'Abigail qui a été libérée,
03:05 elle a fêté ses quatre ans là-bas,
03:08 donc qui a perdu ses parents, qui ont été massacrés, on va le rappeler.
03:12 Donc, il y a les deuils à faire, mais aussi son propre deuil,
03:17 le deuil de sa vie d'avant.
03:19 On ne sera plus jamais le même, il y a un avant et un après.
03:22 Donc ça aussi, ce sont des traumatismes terribles.
03:26 Traumatisme.
03:27 Sentiment de culpabilité aussi.
03:29 Et ça aussi, on le retrouve assez souvent,
03:31 la culpabilité finalement de s'en être sorti,
03:34 alors que d'autres ne s'en sont pas sortis.
03:37 Donc ça aussi, ça peut arriver,
03:38 il va falloir travailler sur ce sentiment de culpabilité.
03:41 Il y a aussi un sentiment de culpabilité auquel on ne pense pas,
03:44 mais ce sont les gens qui se disent "mais j'aurais dû y être,
03:47 et je n'y étais pas, c'est moi qui aurais dû être là,
03:50 j'avais dit que je passerais la soirée avec eux,
03:53 et puis je n'y étais pas".
03:54 Sentiment de culpabilité aussi.
03:56 Il y a un syndrome dont on parle peu, c'est aussi le syndrome du vicarian.
04:00 C'est-à-dire en fait, le vicarian, ça veut dire un organe vicarian,
04:03 c'est un organe qui remplace un autre organe.
04:05 Le syndrome du vicarian, ce sont toutes ces personnes,
04:08 tous ces proches, toutes ces familles,
04:10 qui vivent aussi ce traumatisme depuis 50 jours,
04:14 qui vivent dans l'angoisse, ne pas savoir qui est en vie,
04:17 qui ne l'est pas.
04:18 Ça aussi, c'est un syndrome traumatique important,
04:20 et on devrait les accompagner,
04:22 on ne pense pas accompagner les familles, les proches.
04:25 Il faudrait eux aussi les accompagner d'un point de vue psychologique.
04:29 Et ensuite, apparaîtra.
04:30 Alors, je rappelle qu'on parle beaucoup de stress post-traumatique,
04:33 évidemment, depuis quelques temps.
04:35 En fait, le stress post-traumatique, il existe,
04:38 mais c'est une définition un peu particulière,
04:40 c'est quand tous les symptômes durent plus de trois mois.
04:44 Mais sinon, le stress post-traumatique,
04:45 c'est évidemment la reviviscence en permanence
04:48 de ces pensées qui arrivent comme ça,
04:50 qui vous empêchent de dormir, ces images,
04:53 le moindre son vous sursautait,
04:55 ça peut se raduire aussi, finalement, par un isolement.
04:58 De toute façon, il faut comprendre
05:01 qu'il va falloir suivre ces personnes,
05:03 que l'entourage est très important.
05:06 Peut-être parfois aussi,
05:08 ouvrir avec d'autres personnes qui ont vécu,
05:11 elles aussi, la même chose, ça peut aider,
05:13 mais encore une fois, chaque réaction
05:15 est individuelle et imprévisible.
05:18 (musique)
05:21 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]