Nucléaire, exception française (2013)

  • l’année dernière
Après Fukushima, l’énergie nucléaire est entrée dans l’ère du soupçon. De
nombreux pays, à commencer par le Japon, ont fait le choix de tourner la page du
nucléaire à plus ou moins brève échéance : l’Allemagne, la Suisse, la Belgique,
mais aussi les Etats-Unis, l’Autriche, l’Italie …
En France, on garde le cap : la catastrophe n’a pas remis en question le
lancement des centrales de nouvelle génération, malgré leurs coûts exorbitants.
Chez nous, le nucléaire est sûr, il est indispensable, il est incontournable. Le
remettre en cause relève de l’obscurantisme, malgré les démentis que tant de
pays voisins nous opposent.
Le film va décrypter cette singulière histoire : 60 ans de nucléaire français,
ou comment une filière d’excellence est devenue peu à peu une religion
nationale, aux mains d’un lobby qui a ses entrées dans les plus hautes instances
de l’état. Les contre-exemples des pays étrangers viendront mettre en évidence
l’anomalie que constitue cette autre exception culturelle français : notre choix
inconditionnel pour l’atome.
Transcript
00:00 [bruit de moteur]
00:07 [bruit de moteur]
00:12 [bruit de moteur]
00:24 11 mars 2011
00:26 [bruit de moteur]
00:32 La catastrophe de Fukushima bouleverse les certitudes et les choix énergétiques.
00:37 L'Allemagne et la Suisse programment leur sortie du nucléaire.
00:40 L'Italie condamne par référendum l'énergie d'origine atomique.
00:44 Et le Japon ferme précipitamment la totalité de ses centrales.
00:48 En France, la réaction est bien différente.
00:54 Il est de mon devoir de défendre la place de l'énergie nucléaire dans notre politique énergétique.
01:02 Ce choix du nucléaire a été fait par tous mes prédécesseurs depuis le général de Gaulle.
01:10 La politique nucléaire de la France, c'est un atout de la France. On ne doit pas y toucher.
01:15 Le nucléaire français est un dogme et Fukushima n'échange rien.
01:23 La France continue comme si le risque atomique ne la concernait pas,
01:26 alors que le pays compte 150 installations nucléaires
01:29 et que la filière produit plus des trois quarts de notre électricité.
01:33 Les gouvernements français ont fait du nucléaire une religion d'État,
01:40 défendue par une technocratie toute puissante,
01:43 et les racines de cette exception française remontent loin dans notre histoire.
01:49 (Musique)
01:53 Pour comprendre comment la France est devenue le pays le plus nucléarisé de la planète,
02:10 il faut revenir aux années 70, à l'époque du premier choc pétrolier.
02:16 Fin 73, guerre du Kipour, augmentation d'un facteur 4 des prix du pétrole dans le monde.
02:23 Et d'un seul coup, en France en particulier,
02:27 alors qu'on s'était habitués doucement à dépendre de plus en plus d'un pétrole bon marché,
02:32 c'est devenu intolérable.
02:34 Mon père nous avait réunis dans la cuisine, toute la famille,
02:37 et nous avait dit "Mes enfants, le temps de l'énergie facile est terminé."
02:43 Et je m'en souviens comme une forme de choc, c'est-à-dire comme si on changeait d'époque.
02:49 Les Français sont priés de conduire plus sagement pour économiser l'essence.
02:58 "Voyez régulier, vous irez plus loin. Vous aussi, chassez le gaspille."
03:03 Mais aussi de réduire leur consommation d'électricité,
03:09 qui est alors produite principalement par des centrales au fioul.
03:12 Quand nous laissons marcher inutilement des appareils électriques,
03:15 nous gaspillons de l'électricité.
03:18 En France, on n'a pas de pétrole, alors on économise l'électricité.
03:23 À l'époque, c'était M. Messmer qui était Premier ministre,
03:28 et Pompidou qui était Premier ministre de la République.
03:31 La décision a été prise de lancer un grand programme.
03:34 La priorité, nous la donnons à l'électricité.
03:38 Et dans l'électricité, nous la donnons à l'électricité nucléaire.
03:42 Nous avons pris la décision de réaliser, en 1974 et 1975,
03:48 le lancement de 13 centrales nucléaires de 1000 MW chacune,
03:54 qui coûtent environ 1 milliard de francs actuels chacune.
03:58 C'est une décision extrêmement importante.
04:00 À raison de 6 centrales construites chaque année,
04:04 le plan Messmer engage la France dans le tout nucléaire pour les 50 ans à suivre.
04:08 Cette décision stratégique est prise en tout petit comité.
04:11 Le programme Messmer, en 1974, c'est vraiment un choix d'imposer.
04:16 C'est-à-dire qu'il n'y a aucun débat à l'Assemblée,
04:18 il n'y a pas de débat démocratique,
04:20 c'est que le gouvernement décide que, en résumé,
04:24 les Français sont trop bêtes pour comprendre.
04:26 Donc, puisqu'on va agir pour leur bien,
04:29 on va mettre en place le programme électronucléaire.
04:31 Et c'est assez vite que j'ai vu que ce qui était en train de se produire,
04:36 c'était le passage d'une addiction au pétrole
04:40 à une addiction à l'électricité d'origine nucléaire.
04:43 Et ça, c'est très curieux, c'est que c'est passé comme une lettre à la poste.
04:47 C'est-à-dire qu'il y a eu une telle pression à l'occasion du choc pétrolier,
04:52 ils ont profité de ça.
04:54 Donc, vous voyez la catastrophe,
04:56 donc la seule réponse, c'est le nucléaire massif,
04:59 ce qui était assez idiot, mais finalement, c'est très bien passé.
05:02 Le nucléaire ou la bougie, le nucléaire ou le chaos,
05:05 c'était quand même les grands titres.
05:07 Le plan Mesmer va devenir la grande réussite industrielle
05:13 de la République planificatrice de l'époque.
05:16 Je dois dire que ceux qui ont lancé ça ont dû ressentir,
05:19 effectivement, les démarrages comme une forme extraordinaire de pari.
05:23 Et on a eu l'impression, mais vraiment,
05:26 de participer à une mission nationale.
05:28 On a vraiment assimilé l'idée, il faut faire quelque chose,
05:33 et nous, on fait partie des gens qui peuvent.
05:36 Et on était prêts.
05:38 En effet, la France est prête.
05:43 Au moment de la crise du pétrole,
05:45 cela fait déjà 25 ans qu'elle a mis au point sa première pile atomique.
05:49 Et dès l'origine, la radioactivité, c'est la France.
05:53 Ou du moins, un de nos plus prestigieux domaines de recherche,
05:57 récompensé par trois prix Nobel, Henri Becquerel,
06:00 les époux Pierre et Marie Curie,
06:02 leur fille Irène et son mari Frédéric Joliot-Curie.
06:06 Ces noms sont une fierté nationale.
06:08 Rien d'étonnant alors si ces applications fascinent le public.
06:15 J'ai un souvenir d'enfance très marqué,
06:19 quand avant la guerre, on allait acheter des chaussures,
06:22 j'ai les chaussures André,
06:24 et on les mettait le pied dans une petite boîte et on voyait les os.
06:27 Et tous les petits enfants étaient tout fiers d'avoir vu leurs os
06:30 en se faisant irradier le pied par monsieur André.
06:33 Ça ne se fait plus du tout, c'était quand même relativement dangereux.
06:36 C'est-à-dire qu'à l'époque, on n'était quand même pas vraiment avertis
06:39 de tout le risque qu'on prenait.
06:41 L'atome est bon, le radium est bénéfique.
06:44 Les publicités d'avant-guerre en témoignent.
06:47 Crème de beauté au radium,
06:49 eau minérale radioactive,
06:51 parfums atomiques,
06:53 cette science-là fait rêver.
06:55 En 1945, même l'explosion de la première bombe sur Hiroshima
07:00 n'entame pas la ferveur pour la science atomique.
07:03 Certes, Hiroshima avait frappé les imaginations,
07:09 mais en même temps, on se rendait compte qu'il y avait là une force considérable
07:12 et si, comme le présentaient certains savants,
07:14 on pouvait mettre cette force à la disposition de la vie civile,
07:20 ça représentait quand même quelque chose de très prometteur.
07:23 Dans une France qui se relève difficilement des humiliations de la guerre,
07:29 toutes les forces politiques, des communistes aux démocrates chrétiens,
07:33 se rallient à un idéal de progrès par la science et par l'atome.
07:37 En même temps que les déserts pourront être rendus à la vie,
07:40 les races de bestiaux, grâce à certains traitements atomiques,
07:43 verront se développer leur qualité, leur poids et leur valeur.
07:48 L'agriculture pourra prétendre à d'autres développements encore imprévisibles.
07:52 Des pluies atomisées donneront aux terres une fertilité jamais atteinte
07:56 et les expériences faites prouvent que le temps de croissance
08:00 pourra se réduire à quelques jours.
08:02 Récoltes accélérées, épis géants,
08:08 permettront de supprimer le nom même de famine.
08:11 Vérons-nous ce qui se passe dans l'espace.
08:13 Récoltes accélérées, épis géants,
08:15 permettront de supprimer le nom même de famine.
08:18 Vérons-nous cela au lieu du tragique champignon
08:21 dont l'inquiétude humaine a maintenant pris la forme.
08:24 C'est dans ce climat que le général de Gaulle crée le commissariat à l'énergie atomique.
08:32 Il confie sa direction à Frédéric Joliot-Curie,
08:35 prix Nobel, militant communiste et pacifiste convaincu.
08:40 En 1936, la guerre froide durcit les lignes.
08:43 Joliot-Curie signe l'appel de Stockholm pour l'interdiction de la bombe atomique.
08:48 Il est aussitôt relevé de ses fonctions.
08:51 Remplacé par le partisan convaincu de l'arme atomique,
08:55 le physicien Francis Perrin.
08:58 Francis Perrin avait le goût de la vulgarisation,
09:02 mais il a quelquefois été un peu loin.
09:04 Je me souviens notamment lors d'une conférence,
09:06 il a dit "Vous savez, le plutonium c'est formidable, c'est extraordinaire.
09:09 Le mouvement d'arène et de plutonium ont pu tuer l'humanité entière."
09:13 Je ne suis pas un argument vraiment très heureux pour convaincre les anti-nucléaires,
09:18 mais à l'époque, ça ne lui venait pas à l'esprit.
09:20 Ils pensaient que le nucléaire, c'est formidable.
09:24 Je viens chercher ma provision de calories polinaires.
09:33 Parfaitement, madame.
09:38 Je vais la chercher là pour 6 mois.
09:40 L'Europe toute entière vit alors dans le rêve d'un avenir radieux grâce à l'atome.
09:52 Et c'est le thème choisi par les Belges pour leur Expo 58.
09:56 L'atomium restera dans les mémoires comme le signe même de l'exposition de Bruxelles.
10:00 9 sphères de 18 m de diamètre stylisent l'atome d'un cristal de métal grossi 150 milliards de fois.
10:06 Mais cette représentation de l'atome symbolise bien davantage les forces de l'ère nouvelle
10:10 dans laquelle l'humanité est entrée et auxquelles on donnera sans doute le nom d'âge de l'atome.
10:15 Pendant que les foules se pressent pour visiter l'atomium,
10:20 en France, le général de Gaulle revient au pouvoir.
10:24 Il va donner un élan décisif à la recherche nucléaire
10:27 avec un objectif prioritaire, la bombe atomique française.
10:31 Voici maintenant que leur âge est proche.
10:34 Vous vivez dans le blochaus de la mise à feu,
10:36 la minute solennelle de la première explosion atomique française.
10:40 Cette nouvelle de la première bombe a été accueillie par le général de Gaulle
11:03 avec une immense fierté et une immense satisfaction.
11:06 Donc il avait le sentiment que la France revenait de plein droit
11:11 dans une capacité de dialogue avec les plus grands de ce monde,
11:14 avec cet outil nouveau.
11:17 C'est ainsi que le nucléaire est définitivement associé à la grandeur du pays.
11:23 Les essais atomiques en Algérie puis en Polynésie
11:26 vont déchaîner les protestations internationales.
11:29 Mais de Gaulle n'en a cure.
11:32 Il en profite même pour réaffirmer sa stature sur la scène diplomatique.
11:36 Nous avons décidé d'avoir ce qu'il nous faut,
11:42 et d'autant mieux et d'autant plus
11:45 que cette puissance nucléaire, comme on dit,
11:50 est liée directement à l'énergie atomique elle-même,
11:56 qui est, comme vous le savez tous,
11:59 le fond de l'activité de demain.
12:03 Fort du soutien inconditionnel de l'appareil de l'État,
12:07 le nucléaire français va devenir en moins d'une décennie
12:10 une véritable filière industrielle
12:12 organisée autour de grandes entreprises publiques.
12:15 Dans un même temps, on fait miroiter aux Français le confort électrique.
12:20 Les logements de nos ancêtres étaient spacieux, bâtis en dur.
12:25 Bien sûr, on n'y voyait pas très clair.
12:28 Pour faire cuire leur nourriture, ils allumaient du feu.
12:32 Ils allumaient du feu.
12:35 Du feu.
12:37 Pour se distraire, nos ancêtres avaient même la télévision.
12:41 Évidemment, les programmes n'étaient pas très variés.
12:45 Bien sûr, cette existence n'était pas parfaite,
12:48 pas très confortable,
12:50 car il manquait à nos ancêtres...
12:53 l'électricité.
12:57 (musique)
12:59 - Incomparable confort électrique.
13:06 - En 1974, toutes les conditions sont alors réunies
13:12 pour lancer un programme colossal de centrales nucléaires.
13:16 - Peu de gens imaginent que sur cette période,
13:21 chaque année, on lançait la construction de 3 à 4 nouveaux réacteurs.
13:25 À une certaine époque, en France,
13:27 il y a eu jusqu'à 25 réacteurs en construction simultanée.
13:31 - Ainsi, sur cette lancée, 2 savants américains ont calculé
13:34 qu'en l'an 2000, pour se passer du pétrole en France,
13:37 il faudra construire, tenez-vous bien, 900 centrales nucléaires.
13:41 C'est vertigineux.
13:43 - Mais justement, ce vertige fait peur.
13:47 Les Français qui émettent en atomes dans les laboratoires
13:50 n'en ont guère envie dans leur commune.
13:52 Chaque projet d'implantation va donner lieu à des oppositions véhémentes.
13:56 - Et il y a eu des conflits partout.
13:58 Avec une vraie difficulté pour l'opposition,
14:00 c'est que finalement, vu que tout se construit en même temps,
14:03 il est très difficile d'organiser une lutte forte à certains endroits.
14:06 Mais je me rappelle m'être déplacé à Golfech,
14:08 m'être déplacé à Chaux, dans les Ardennes,
14:10 et à l'époque, on partait le vendredi, après le travail,
14:13 avec nos 2 chevaux en piteux état, pour aller à l'autre bout de la France
14:16 planter une canadienne, même en plein hiver,
14:18 pour aller manifester contre l'installation des centrales nucléaires.
14:21 (Musique)
14:40 Cette contestation trouve bientôt un écho à l'intérieur même
14:43 de l'appareil du pouvoir nucléaire.
14:45 Physiciens de haut vol, ingénieurs atomistes,
14:48 syndicalistes ou membres du Parti Socialiste français,
14:51 questionnent publiquement le bien fondé du nucléaire.
14:55 Je suis allé à la Hague, justement,
14:57 travailler avec les militants locaux,
15:00 et je suis descendu dans les ateliers souterrains,
15:03 dans lesquels les gens descendaient en scaphandre,
15:06 cette espèce de tenue qui est bien connue,
15:09 avec 3 épaisseurs de plastique, des gants en plastique,
15:11 des scotches qui vous collent partout, et le masque.
15:14 Et je me suis rendu compte de ce que c'était.
15:19 Ça m'a vraiment fait toucher du doigt, c'est le cas de le dire,
15:24 que tous les discours sur le fait que tout ça était nickel,
15:27 que tout ça était formidable,
15:30 devaient être analysés de façon critique.
15:34 C'est un peu comme un conflit technique.
15:37 Très vite, on s'est aperçu qu'il pouvait y avoir
15:59 toute une série de problèmes, problèmes techniques,
16:01 problèmes financiers, mais aussi des problèmes de sécurité.
16:04 Je me disais, est-ce qu'on a le droit de mettre en péril
16:08 ainsi l'humanité toute entière ?
16:11 Les années 70, c'était un mouvement très fort,
16:13 mais qui s'est heurté à un État très fort aussi.
16:17 Cet État fort s'incarne dans un nouveau président,
16:20 qui n'est autre que l'ancien ministre des Finances
16:23 du gouvernement de Pierre Messemer.
16:25 Et d'une présidence à l'autre, c'est la même détermination.
16:30 Tout nouvellement élu, Valéry Giscard d'Estaing assurera à son tour
16:34 la permanence du choix français pour le nucléaire.
16:37 La politique nucléaire est à la rencontre
16:40 des deux besoins d'indépendance français.
16:42 Indépendance de la défense, indépendance de notre approvisionnement en énergie.
16:47 On ne rentrera pas dans les détails, mais en 1985,
16:50 si nous n'avions pas de développement d'électricité nucléaire en France,
16:54 les Français achèteraient à l'extérieur 85% de l'énergie qu'ils consomment.
17:00 Ces arguments font mouche dans l'opinion publique.
17:04 Et malgré les manifestations, les militants antinucléaires
17:08 sont bien loin de gagner la bataille des idées.
17:10 Mais un nouveau projet, Superphénix,
17:13 un surgénérateur aussi futuriste qu'hasardeux,
17:15 va relancer la contestation.
17:17 Le président de la République de l'époque, avec son air de tout savoir
17:22 et de présenter les choses de façon simple,
17:25 avait expliqué que grâce au surgénérateur,
17:28 nous aurions plusieurs Arabies Saoudites sous les pieds.
17:31 Et donc, le surgénérateur, pour moi, a été un virage qui a été pris,
17:36 un mauvais virage.
17:38 Le combustible est donc du plutonium,
17:40 donc vous avez une industrie du plutonium,
17:42 et le plutonium est le corps le plus dangereux que l'on connaisse.
17:45 Et il faut refroidir, évidemment, comme dans tous les réacteurs,
17:49 le cœur du réacteur,
17:50 et le refroidisseur, c'est du sodium liquide.
17:53 Formidable !
17:54 Le sodium liquide s'enflamme à l'air et explose à l'eau.
17:58 Bon.
17:59 Donc c'est un truc très dangereux,
18:00 et c'est pour ça qu'on s'y était opposés à l'époque.
18:03 Pour les écologistes, le projet Superphénix est une provocation.
18:09 À Cresse-Malville, sur le site qui doit accueillir la future centrale,
18:13 60 000 manifestants investissent les lieux.
18:16 Les forces de l'ordre répliquent avec brutalité.
18:20 Les manifestants sont une dizaine de milliers afflués,
18:23 mais surtout près de 2 000 autres sont armés de casques et de bâtons.
18:27 Ils prennent position.
18:28 Par haut-parleurs, la police précise que sur ordre du préfet,
18:31 elle s'opposera à l'entrée des manifestants dans la zone interdite,
18:34 et comme réponse, c'est un jet de pierre.
18:36 Plusieurs cocktails Molotov sont lancés,
18:38 une voiture prend feu, et c'est l'affrontement très violent.
18:41 Alors que les affrontements entre forces de l'ordre et manifestants se poursuivent,
18:45 une équipe médicale avec un médecin va livrer en vain une bataille contre la mort.
18:51 Pendant environ un quart d'heure, tout ce qui est possible sera fait.
18:55 Bouche à bouche, perfusion, massage,
18:57 mais bientôt il faudra reconnaître cruellement les faits
19:01 ce manifestant de 31 ans, monsieur Michalon,
19:04 qui habitait à Dix dans la Drôme, a succombé à un arrêt cardiaque.
19:08 Donc la mort de Vitale Michalon, pour un mouvement qui était globalement non-violent,
19:13 c'est une stupeur qui nous arrête, qui nous fait réfléchir,
19:18 qui nous met en colère contre l'État.
19:20 L'État qui est une sorte de monstre tentaculaire assez fasciste finalement.
19:28 Dans notre esprit en tout cas.
19:30 Je me rends compte maintenant ce que ça peut avoir d'adolescent de le qualifier comme tel,
19:33 mais c'était comme ça qu'on le voyait à l'époque en tout cas.
19:38 Or même, le ministre de l'Intérieur de l'époque est invité au journal télévisé.
19:43 Sans le moindre mot de compassion pour la tragédie qui vient d'avoir lieu,
19:47 il donne une image glaçante de la raison d'État,
19:50 appliquée à la défense coûte que coûte d'un terrain vide.
19:53 Alors le préfet de l'Isère a déclaré que les consignes qu'il avait données aux forces de l'ordre
19:58 étaient de défendre le site à n'importe quel prix.
20:01 Ce sont des consignes extrêmement sévères.
20:04 J'en assume la pleine et entière responsabilité.
20:08 Il appartient au ministre de l'Intérieur d'assurer la sécurité des personnes et des biens.
20:15 Soyez assurés que je n'y faillirai pas.
20:17 On voit tout de suite que pour installer ces centrales à l'époque,
20:21 il y a forcément des CRS partout.
20:23 Et il y a forcément ce système policier qui est en place derrière.
20:26 À partir du moment où on a des matériaux extrêmement dangereux,
20:29 une industrie dangereuse,
20:31 on perd obligatoirement un système policier,
20:34 un système extrêmement militarisé et centralisé.
20:37 C'est quand même un combat totalement disproportionné dans la société française
20:41 entre ces forces médiatiques, ces forces politiques
20:44 et des poignées de barbues chevelues qui ne vivent pas comme tout le monde
20:48 et qui contestent finalement le progrès.
20:51 Les opposants à Superphénix ne parviendront pas à bloquer le projet.
20:56 Il sera poursuivi par EDF avec obstination
20:59 et il deviendra avec l'accumulation de ses pannes et de ses erreurs de conception
21:03 un des ratages industriels les plus cinglants du nucléaire français.
21:07 Ce n'est que 20 ans après la manifestation de Kress-Malville
21:11 que les écologistes obtiendront sa fermeture définitive.
21:15 En Allemagne, le mouvement antinucléaire émerge à la même époque et sur les mêmes thèmes.
21:23 Mais il va connaître un succès politique bien différent.
21:27 Rokdo, le nom de ce petit village près de Hambourg
21:30 est devenu le symbole de la lutte contre l'énergie nucléaire.
21:33 Ici devait s'élever une nouvelle centrale.
21:35 Des mois de manifestations ininterrompues ont arrêté le chantier.
21:39 Des défenseurs de la nature, au maoïste,
21:41 la coalition anti-atomique mobilise plusieurs centaines de milliers de personnes
21:45 à travers toute la RFA.
21:48 Les vers allemands parviennent bientôt à bloquer plusieurs projets de centrales
21:52 en portant les dossiers devant les tribunaux.
21:55 Et tandis que les écologistes restent marginalisés dans le système politique français,
22:00 les Grunen entrent au Bundestag grâce à la proportionnelle.
22:04 Le nucléaire devient un thème majeur du débat politique en Allemagne.
22:09 Ainsi, dès les années 70, l'édifice du nucléaire commence à se lézarder.
22:19 Et les premiers doutes sont bientôt confirmés par un accident grave.
22:25 Des quantités de radioactivité sont encore détectées ce matin,
22:28 à des milliers de kilomètres de l'atomique en centrale de la Pennsylvanie.
22:32 C'est devenu le scénario d'un des meilleurs accidents d'atomique.
22:36 À Trimise Island, l'inimaginable est devenu réalité.
22:41 Les combustibles atomiques ont échappé au contrôle des techniciens
22:44 et le réacteur a fondu.
22:46 Trimise Island a été un vrai choc culturel.
22:49 Ils mettaient en évidence qu'en dépit des précautions prises,
22:54 une erreur humaine était capable d'engager un réacteur
22:58 dans un espèce de processus extrêmement dangereux
23:02 où vous pouviez aller jusqu'à la fusion du cœur.
23:15 L'accident de Trimise Island conduit l'administration du président Carter
23:19 à déclarer un moratoire sur la construction de toute nouvelle centrale.
23:24 Je sais qu'on ne peut pas immédiatement fermer toutes nos plantes.
23:29 Il y en a 72 à la fois.
23:32 Mais je pense qu'on peut prendre des étapes immédiatement
23:35 pour s'assurer qu'il n'y ait pas de plus grande expansion
23:39 de plantes générant de l'énergie nucléaire
23:42 qui peut juste augmenter géométriquement le danger que nous vivons tous.
23:46 La résolution américaine provoque des débats dans tous les pays nucléarisés.
23:53 La Suède adopte dans la foulée un moratoire identique.
23:57 En France, Trimise Island n'entame en rien la conviction des partisans
24:01 de l'énergie atomique qui refusent de prendre la pleine mesure du risque.
24:05 J'aurais précisé que le plus grave accident qui a eu lieu jusqu'à maintenant
24:11 est celui auquel M. Quilles a fait référence, celui de Trimise Island.
24:16 Aux Etats-Unis.
24:17 Aux Etats-Unis. Et qu'il n'y a eu ni un mort, ni un blessé.
24:22 Par conséquent, ce n'est pas un accident nucléaire
24:26 dont on peut dire qu'il a eu des conséquences tragiques.
24:29 Dans les années qui suivent, l'électricité nucléaire s'insinue dans tout notre espace quotidien.
24:40 Mais au début des années 80, la propagande s'essouffle.
24:56 Les discours de grandeur et d'indépendance ne font plus recette.
25:00 Pour acquérir cette indépendance, la France a engagé un programme électronucléaire.
25:08 Qui est un programme électronucléaire dont personne ne peut faire oublier ici
25:19 qu'il est approuvé à la fois par le Parlement et par l'immense majorité de la population française.
25:28 Au tournant des années 80, tous les espoirs des antinucléaires
25:33 reposent sur une victoire possible du socialiste François Mitterrand aux prochaines présidentielles.
25:38 C'est vrai qu'à l'époque, l'arrivée de la gauche, l'arrivée de Mitterrand,
25:42 était pour nous un très grand espoir.
25:44 On avait l'impression qu'il y aurait un véritable changement vis-à-vis de la politique énergétique.
25:48 Moi j'ai gardé bien soigneusement à la maison une lettre qui signait deux François Mitterrand de sa main.
25:52 En gros il nous disait "appelez à voter pour moi et j'arrêterai l'usine de la Rég'.
25:57 La campagne présidentielle se déroule sur fond de luttes antinucléaires à Plogov
26:03 où un projet de construction d'une centrale va cristalliser toutes les oppositions.
26:08 J'entends terminer les centrales en construction,
26:14 que je n'entends pas mettre en œuvre celles qui ne le sont pas
26:19 et que Plogov ne figure pas et ne figurera pas dans mon plan nucléaire.
26:25 C'est la grande victoire de la mobilisation antinucléaire.
26:28 Mais c'est aussi extrêmement simple pour le nouveau pouvoir socialiste
26:33 d'abandonner Plogov, donc de donner des gages aux écologistes
26:38 et de continuer le programme électronucléaire.
26:40 Puisque dans les engagements de Mitterrand il n'y a pas bien sûr que Plogov,
26:45 il y a aussi le grand débat sur le nucléaire.
26:48 Ce grand débat sera totalement escamoté,
26:50 quelques heures de débat au Parlement en tout et pour tout,
26:53 et le programme va se poursuivre.
26:54 Je crois que je peux le dire maintenant parce qu'il y a prescription,
26:57 mais quand M. Mitterrand a dû le présenter à la République,
27:00 j'ai été baisé à la mule, ce qui était mon devoir.
27:02 Et il m'a dit "écoutez cher ami, pour le nucléaire,
27:05 vous me laissez Plogov et je vous sauve le reste".
27:08 Je me dis "enfin, c'est pas aussi clairement que ça, mais c'est ça que ça voulait dire".
27:12 Il est élu le 10 mai et quelques semaines après arrive le premier train
27:16 de déchets nucléaires en provenance d'Allemagne,
27:18 et on a laissé R.S. de gauche à la place de cette droite et rien n'a changé.
27:22 En 1981, il n'y aura pas non plus de poste ministériel pour Paul Killes,
27:28 spécialiste de la question énergétique au Parti Socialiste.
27:32 Quand quelqu'un connaît trop bien un sujet,
27:34 il ne faut pas le mettre à ce poste au gouvernement parce qu'il est dangereux.
27:37 Donc vous avez peut-être ça, et on préfère mettre des gens qui ne connaissent pas le sujet.
27:42 Ça c'est... vérifiez-le.
27:44 Parce que s'il connaît trop bien le sujet, il va être sensible à... etc.
27:48 En réalité c'est l'inverse.
27:50 Quelqu'un qui ne connaît pas le sujet est encore plus sensible
27:52 à ce qu'il ne voit pas se matérialiser comme des lobbies.
27:57 Le lobby. Le mot résonne longuement lorsqu'on parle du nucléaire.
28:02 Derrière cette étonnante continuité de politique énergétique,
28:06 c'est tout un monde qui s'active en coulisses.
28:09 Hauts fonctionnaires et conseillers techniques,
28:11 les promoteurs du programme nucléaire français sont présents dans toutes les strates de l'État.
28:18 Quand vous avez le patron d'EDF, du CEA, des ingénieurs,
28:24 des gens qui viennent vous trouver, qui vous retrouvent au repas,
28:27 qui vous disent "mais c'est pas possible, vous ne pouvez pas",
28:30 que vous avez les élus d'une région qui vous disent "ça fait tant d'emplois en moins".
28:34 Cette somme d'informations fait qu'à la fin, oui, tension, voilà.
28:39 Et on se retrouve dans une contradiction.
28:42 Le lobby nucléaire est un lobby très particulier en France
28:45 parce qu'on ne peut pas le mettre sur un pied d'égalité avec le lobby du pétrole,
28:49 ou le lobby de l'agroalimentaire, ou même le lobby agricole,
28:52 qui sont des lobbies distincts de l'État.
28:56 En France, le nucléaire et l'État sont totalement liés.
29:00 Et donc c'est pas vraiment un lobby, c'est une partie de l'État.
29:05 L'élite technique de la République française est issue des grandes écoles.
29:13 Au premier rang de celle-ci, on trouve Polytechnique,
29:16 qui est à la fois une école d'ingénieurs et une institution militaire.
29:20 Parmi les polytechniciens, les 10 premiers rejoignent le corps des mines,
29:24 une élite au sein de l'élite.
29:26 Et ce corps des mines est entièrement acquis au développement du nucléaire,
29:30 dont il a fait une chasse gardée.
29:32 Les grands corps français, sa forme, c'est un moule.
29:36 On peut avoir des valeurs et des opinions de droite ou de gauche,
29:40 mais on a quand même eu la même formation.
29:42 Et ce système français très fort des grands corps, des grandes écoles
29:46 et d'une formation commune de tous ceux qui vont se retrouver en situation de décideur,
29:50 c'est ça aussi qui est une partie du deal nucléaire français.
29:55 C'est un système absolument épatant.
29:57 C'est que vous avez le patron d'Areva et corps des mines,
30:01 le directeur des risques naturels et industriels et corps des mines.
30:06 À l'intérieur de cette direction, le service des risques technologiques et corps des mines.
30:11 Et à l'intérieur de ce service, la mission nucléaire et corps des mines.
30:15 Donc voilà le côté administration.
30:18 Et puis plus grave, c'est qu'au niveau des cabinets, c'est pareil.
30:21 Donc aujourd'hui, par exemple, les conseillers énergie de monsieur le président de la République
30:29 et corps des mines.
30:31 Le conseiller énergie de Moscovici et corps des mines.
30:36 S'il y a un ministre qui change, il va se trouver devant un bureau.
30:40 En arrivant avec trois CV du corps des mines sur son bureau,
30:45 desquels il peut choisir son conseiller énergie.
30:49 Par nature, l'existence d'une caste de ce type est antidémocratique.
30:54 Ils sont persuadés qu'ils ont la durée pour eux,
30:58 puisque de 20 ans à 65 ans, ils seront au pouvoir.
31:00 Donc c'est quand même mieux que les mecs qui se font élire,
31:02 qui tournent, qui peuvent perdre leur poste, etc.
31:04 Ils sont tranquilles.
31:06 Donc ils assurent la permanence de la France.
31:10 Le nucléaire français fonctionne en vase clos, en dehors de tout contrôle démocratique.
31:15 C'est ce que va mettre en évidence la catastrophe de Tchernobyl.
31:19 La France compte alors 45 réacteurs en activité,
31:25 ce qui fait d'elle le pays le plus nucléarisé d'Europe.
31:29 Et les Français ne découvrent pas seulement un désastre d'une ampleur inédite,
31:36 avec un nuage radioactif qui survole la moitié du continent.
31:40 Ils découvrent aussi le discours de leurs experts en sûreté nucléaire.
31:44 Si on fait le total de ce qu'on ingérera à la suite de l'accident de Tchernobyl en 1931,
31:51 ce sera le dixième de la norme, qui est la seule norme de 5,4 microcuries par an.
31:58 Mais non, mais c'est pas la peine de ramener à l'ancienne unité qui était le curie.
32:01 On parle de curie dans beaucoup de milieux.
32:03 Essayons de faire en sorte que tout le monde comprenne,
32:06 parce que moi j'y comprends rien, je suis pas physicien nucléaire,
32:08 je pense que tous ceux qui nous regardent sont pas non plus des physiciens nucléaires.
32:11 La plupart des personnes qui connaissent cette question parlent en curie,
32:15 je vais continuer à parler en curie.
32:16 Bon, alors si tout le monde parle en becquerelle et que vous vous parlez en picocurie,
32:21 alors déjà qu'on y comprenait pas grand chose, là on est complètement perdus.
32:24 La communication a été une vraie catastrophe, c'est pas une découverte.
32:30 Je pense que le professeur Pellerin, en fonction des informations dont il disposait,
32:34 a dit ce qu'il pensait.
32:36 Mais avec vraiment, ça transparaît dans son discours, l'idée qu'il faut surtout éviter une panique.
32:42 Et donc, il a été beaucoup plus rassurant que transparent.
32:47 Le professeur Pellerin est alors le patron tout puissant du service de sûreté nucléaire français,
32:53 responsable de l'inspection et de la surveillance des centrales.
32:58 Il va se livrer à un exercice de non-communication surréaliste.
33:02 L'opinion publique résume alors la version officielle en une phrase,
33:06 "Le nuage de Tchernobyl s'est arrêté à nos frontières."
33:10 La France a créé au moment de Tchernobyl une ligne maginot de l'information absolument incroyable.
33:20 Je l'ai vécu cette affaire-là de très près.
33:23 Je vous le disais, j'étais l'avocate du Land de Sars.
33:25 Trois, quatre jours après Tchernobyl, j'avais rendez-vous avec Yolainen,
33:28 qui était le ministre de l'environnement de la Sars.
33:30 Il me dit, "On a interdit aux enfants d'aller dans les parcs,
33:33 les gens ne font pas de sport, ne courent pas dans la rue, sortent le moins possible,
33:36 pas de fruits frais, pas de salades, pas de lait frais, tout ça."
33:41 Nous avons pris contact avec le gouvernement français.
33:44 Vous pouvez imaginer le succès qu'on a eu au secrétariat général de gouvernement
33:47 que nous connaissions un peu à l'époque.
33:49 Et puis, nous avons pris contact avec Corinne Lalau.
33:54 Je me trouve à la frontière entre la France et l'Allemagne.
33:57 De ce côté-ci, c'est la France, et la salade est jugée parfaitement saine.
34:02 Mais de ce côté-là, c'est l'Allemagne, et la salade est jugée dangereuse pour la consommation,
34:08 car trop chargée, en particule radioactive, elle est par conséquent interdite à la consommation.
34:13 Donc oui, nous avons été en face d'un vrai mensonge d'État.
34:16 Oui, il y a eu de la radioactivité en France.
34:19 Je continue personnellement à penser qu'on n'a pas dit la vérité aux Français
34:22 et qu'au-delà de ça, on leur a menti.
34:23 D'abord, je tiens à vous dire qu'il n'y a aucun problème de sécurité en France.
34:28 Aucun.
34:29 Mais on a dit qu'il n'y avait pas assez d'informations.
34:32 C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place d'abord une cellule d'information
34:35 destinée aux journalistes pour les aider à faire leur travail.
34:38 Et puis, comme il y a encore ici et là une certaine inquiétude,
34:41 mais vraiment que rien ne justifie, nous avons mis en place ce numéro vert gratuit.
34:45 Non seulement il y a eu cette volonté à l'instant T de dire
34:48 "Nous n'inquiéterons pas la population française,
34:50 parce qu'inquiéter la population française, c'est déstabiliser le soutien
34:55 de la société française au nucléaire", mais qu'on est allé jusqu'à dire
34:59 "Et il est plus important de préserver l'industrie nucléaire française
35:02 que de préserver la santé des Français".
35:05 C'était extrêmement grave et ça a été décidé au plus haut niveau de l'État.
35:09 Mais c'est terrible parce que du coup, la perte de confiance dans les autorités publiques,
35:16 dans les gens du nucléaire, dans l'autorité en général même, on va dire,
35:21 a changé, mais durablement, l'acceptation de cette technologie.
35:28 Les sondages réalisés après Tchernobyl sont sans appel.
35:32 Pour la première fois, l'opinion décroche.
35:36 Une majorité de Français se prononce contre la construction de nouvelles centrales.
35:41 Et ils sont encore plus nombreux à penser qu'on leur a menti sur les conséquences de l'accident.
35:47 La catastrophe agit comme un révélateur des travers du système nucléaire français.
35:51 Elle met en évidence l'opacité et la culture du secret qui l'enveloppent depuis ses commencements.
35:58 On voit bien que nous avons un groupe décideur français qui se considère comme étant sachant
36:03 et qui ne considère pas légitime que la population participe au débat.
36:08 Je crois que c'est une des grandes erreurs du programme nucléaire français
36:12 que d'avoir méconnu ce problème de la transparence et de la pédagogie vis-à-vis de la population.
36:19 C'est-à-dire qu'à partir du moment où, quelques années après le démarrage du programme,
36:25 des oppositions ont commencé à naître, des manifestations ont eu lieu,
36:29 la machine nucléaire s'est refermée comme une huître avec le message de dire
36:32 "Vous en faites pas, nous sommes compétents, nous allons vous garantir qu'il n'y a pas de risque d'accident,
36:37 que les risques sont maîtrisés, laissez-nous nous occuper de tout ça."
36:42 Tchernobyl révèle aussi l'entêtement de la France nucléaire.
36:45 On le mesure au nombre de pays dans lesquels la catastrophe fait bouger les lignes.
36:50 L'Irlande, la Norvège, le Danemark, l'Italie et la Grèce interdisent toute nouvelle construction de centrales,
36:57 bientôt rejoint par l'Australie.
36:59 Mais pour les partisans de l'atome, l'explication de Tchernobyl tient en peu de mots.
37:05 "Cet accident n'est pas d'accident nucléaire, c'est d'un accident soviétique.
37:09 Je précise, il faut se rendre compte que les 5 ans sur l'accident sont tout à fait extraordinaires,
37:15 n'ont jamais pu se produire dans des pays plus organisés."
37:20 "Tchernobyl, je rappelle que Tchernobyl, grosso modo, un RBMK,
37:24 c'est une cuve nucléaire dans un bardage de supermarché.
37:28 Bon, pas du tout les centrales nucléaires françaises, donc c'est... non, on n'est pas dans le même monde."
37:34 L'industrie nucléaire française réagit à la catastrophe en pariant sur de nouveaux réacteurs,
37:40 encore plus gros, encore plus puissants, dits de troisième génération.
37:45 La première centrale EPR est en chantier sur la côte normande, à Flamanville.
37:51 Elle doit fournir de quoi alimenter à elle seule une ville comme Paris.
37:56 "La troisième génération vient de là, c'est-à-dire,
37:59 quoi qu'il arrive à l'intérieur du réacteur, il n'y aura pas d'effet à l'extérieur.
38:03 Alors, ça veut dire que c'est plus cher, ça veut dire qu'effectivement,
38:06 comme je le disais, il y a beaucoup d'éléments de sûreté, de sécurité qui ne servent à rien au quotidien,
38:11 mais le jour où vous avez un pépin, c'est ça qui fait la différence."
38:15 "Fondamentalement, c'est un réacteur électronucléaire de la même sorte que les autres,
38:19 et donc sa puissance même, qui est la plus puissante de tous les réacteurs,
38:23 fait qu'on emmagasine dans une usine comme cela une quantité d'énergie absolument phénoménale,
38:28 et la garantie absolue que rien ne peut se passer à l'extérieur et avec des conséquences graves,
38:33 elle ne peut pas être aujourd'hui apportée.
38:35 C'est mieux, beaucoup mieux que les réacteurs existants,
38:38 mais ça n'est pas impossible d'avoir un accident avec l'EPR."
38:42 Prévu initialement à 3,3 milliards d'euros, l'EPR affiche aujourd'hui un coût de 8 milliards et demi,
38:50 et quatre années de retard à la livraison.
38:52 "L'EPR est beaucoup plus cher que les autres,
38:55 et ce qui est curieux, c'est que contrairement à la plupart des techniques,
38:59 c'est vrai par exemple sur les renouvelables,
39:02 dont le coût diminue au fur et à mesure qu'elles s'étendent, qu'elles progressent,
39:07 le coût du photovoltaïque diminue, le coût de l'éolien diminue, etc.,
39:10 le coût du nucléaire augmente.
39:12 C'est-à-dire que l'EPR est trois fois plus cher que Fessenheim, à monnaie constante."
39:17 "Pour l'instant, le réacteur EPR coûte la peau du dos,
39:22 prend un retard considérable, et si ça doit rester comme ça,
39:26 si c'est vraiment une caractéristique définitive de la filière,
39:30 tant qu'à son coût et son durée de construction,
39:32 les autres énergies n'ont pas d'inquiétude à avoir."
39:35 Malgré l'inflation des coûts et la multiplication des critiques,
39:41 la France continue de tout miser sur le nucléaire.
39:44 En ce début de 21e siècle, nous sommes devenus le pays le plus nucléarisé au monde,
39:49 avec 58 réacteurs qui fournissent près de 80% de l'électricité.
39:54 La filière de l'atome est même devenue un élément incontournable de notre diplomatie.
39:59 "La France est l'amie de l'Inde, la France croit dans l'avenir de l'Inde,
40:03 la France respecte la démocratie indienne,
40:06 la France est à vos côtés pour développer l'industrie nucléaire."
40:11 Areva, entreprise d'État championne des constructions de centrales
40:16 et de tous les voyages officiels.
40:18 Chaque succès à l'exportation est célébré comme une victoire nationale.
40:22 "Anne Lauvergeon vient d'officialiser le plus gros contrat jamais signé par Areva,
40:27 la vente de deux réacteurs nucléaires EPR de nouvelle génération."
40:30 "Nous avons eu toujours le soutien des présidents de la République,
40:35 de Jacques Chirac comme de Nicolas Sarkozy, pour aboutir."
40:39 Mais la face cachée de ce consensus, c'est la désinformation sur les risques.
40:44 Les problèmes rencontrés par les centrales françaises sont le plus souvent minimisés ou dissimulés.
40:51 "L'accident Mad in France, on l'a frôlé."
40:56 Le 27 décembre 1999, la tempête du siècle crée une vague de 3 mètres dans l'estuaire de la Gironde.
41:04 Cette vague géante déferle par-dessus la digue de la centrale de Blaï
41:09 et vient engorger la station de pompage.
41:12 Le système de secours se retrouve hors service.
41:15 Les réacteurs 1 et 2 s'arrêtent.
41:18 Pendant plusieurs heures, cette centrale située à 40 km de Bordeaux est au bord de l'accident grave.
41:24 "Ce qui m'a stupéfaite, c'est le fait de ne pas être informée tout de suite,
41:32 le fait de devoir pleurer pour aller à la pêche aux informations.
41:35 Je suis allée au PC d'urgence pour toute autre chose.
41:40 Je suis allée pour apporter du champagne et du chocolat,
41:42 pour remercier les gens qui faisaient le passage de cette nuit dans 2000,
41:46 et je tombe sur un incident dont personne ne nous avait parlé quand même."
41:50 Cette crise à la centrale de Blaï est aussitôt étouffée.
41:54 Elle est classée comme un problème de niveau 2 quasi négligeable.
41:57 "C'est bien le nucléaire français qui ce jour-là a montré que pas plus que les autres,
42:02 il était prêt finalement à une agression extérieure majeure."
42:09 Cet incident nucléaire était pourtant riche d'enseignements.
42:12 Il nous avertissait qu'une simple inondation due à des causes naturelles
42:15 suffit à mettre en danger une centrale.
42:19 C'est exactement ce qui va se passer 10 ans plus tard à Fukushima.
42:25 La centrale japonaise résiste au séisme,
42:28 mais elle succombe à l'inondation de son système de refroidissement
42:31 par une vague d'une ampleur imprévue.
42:34 Mais une fois de plus, le lobby nucléaire français a réponse à tout.
42:39 Tsumaya Land était une erreur humaine.
42:42 Tchernobyl un accident soviétique, Fukushima, c'est une catastrophe naturelle.
42:47 "On est en face d'une catastrophe très très importante au Japon,
42:52 une catastrophe naturelle, un tremblement de terre d'une magnitude très très élevée,
42:57 un tsunami gigantesque.
43:00 Il est clair qu'effectivement le Japon est aujourd'hui extrêmement touché
43:04 et avec des moyens de faire face à la crise nucléaire qu'il connaisse
43:08 qui ne sont pas les moyens habituels."
43:10 "Est-ce que vous diriez que c'est aussi une catastrophe nucléaire à laquelle on assiste ?"
43:13 "Non, pas une catastrophe, puisque aujourd'hui, je l'espère,
43:17 ça c'est la version positive, je crois qu'on va éviter la catastrophe nucléaire."
43:22 La suite est connue.
43:24 Dans les jours qui suivent, 180 000 personnes sont évacuées.
43:28 Et les autorités imposent une zone d'exclusion de 30 km autour de la centrale.
43:33 Des milliers d'habitants sont touchés par les radiations.
43:37 L'économie locale est anéantie.
43:40 Le coût pour le Japon se chiffre en centaines de milliards d'euros.
43:44 "Même si ça a conduit à l'évacuation d'une centaine de milliers d'habitants,
43:48 qui pour une partie d'entre eux ne pourront pas rejoindre les territoires qui sont les leurs,
43:52 il n'y a pas eu de morts multiples et nombreuses par l'ensemble de la radioactivité qui a été relâchée.
43:59 Donc je pense que même en cas d'accident, il peut y avoir encore un bénéfice et un solde réel.
44:04 Oui, j'accepte ce risque, j'accepte le risque nucléaire, je l'accepte pleinement,
44:08 parce que je mesure que les avantages de cette technologie sont très largement supérieurs
44:14 aux risques encourus pourvu que je respecte les règles de bon fonctionnement de cette technologie."
44:20 "Et si l'histoire vous donne tort ? Je l'assume."
44:24 "Dans le nucléaire comme dans d'autres industries, il y a une perception des risques, une perception des besoins.
44:31 Et c'est... il n'y a que la perception des besoins qui peut équilibrer la perception du risque.
44:35 On avait ça en 1974. Là, tôt encore, c'est pas certain."
44:39 Dans l'opinion mondiale, Fukushima est l'accident de trop. Le temps du consensus est révolu.
44:47 Un sondage international, réalisé à travers 24 pays, donne une nette majorité d'avis hostiles au nucléaire.
44:54 Les trois quarts des sondés jugent que cette énergie sera bientôt obsolète.
44:58 Résultat, le Japon ferme ses centrales, l'Italie réaffirme son rejet,
45:04 la Suisse décide de sortir du nucléaire pour 2035, et la chancelière allemande annonce son revirement.
45:11 "Un miss-factionnt-lique, je me dis aujourd'hui devant cette maison, Fukushima a changé mon opinion sur l'énergie nucléaire."
45:19 Angela Merkel se fixe comme objectif le zéro nucléaire en 2022.
45:24 Et elle oriente résolument son pays dans la direction des énergies renouvelables, dont elle veut faire la nouvelle filière d'excellence allemande.
45:32 "Dans le grand cauchemar du lobby électro-nucléaire français, il y a les Allemands.
45:38 Les Allemands sont en train de démontrer, finalement, assez tranquillement,
45:41 que la décision politique de sortie suffit pour mobiliser de grands industriels, de grands énergéticiens qui mettent de l'argent."
45:51 "Il faut imaginer qu'en décembre 2011, en un seul mois, l'Allemagne a connecté plus de 3000 mégawatts de solaire au réseau.
46:03 3000 mégawatts, c'est-à-dire l'équivalent de deux EPR en un mois."
46:09 Et pendant qu'outre-Rhin, on élabore une nouvelle donne énergétique, en France, on rejoue le débat nucléaire de 1981.
46:19 Cette fois, c'est notre plus ancienne centrale, celle de Fessenheim, qui cristallise les oppositions.
46:26 Elle va faire les frais de l'alternance de 2012.
46:30 Sa fermeture est promise par le nouveau président François Hollande, comme l'abandon de Plogov, autrefois par François Mitterrand.
46:37 "La centrale de Fessenheim, qui est la plus ancienne de notre parc, sera fermée à la fin de l'année 2016,
46:44 dans des conditions qui garantiront la sécurité des approvisionnements de cette région, la reconversion du site et la préservation de tous les emplois."
46:57 Concession aux écologistes, cette fermeture annoncée est encore loin d'être effective.
47:02 Et la politique nucléaire est maintenue.
47:05 "Pour ma part, je considère que le nucléaire, puisque c'était votre question implicite, est une filière d'avenir.
47:11 Notre choix d'avoir une énergie pas chère, abordable et en quantité, est un choix stratégique pour la nation."
47:19 Les socialistes nouvellement élus reprennent à leur tour le flambeau du nucléaire national.
47:26 Pourtant, nous sommes bien à un moment charnière.
47:28 40 ans après le lancement du plan Messe-Mer, la première génération de centrale arrive en fin de vie et va devoir être démolie.
47:37 A Brennilis, dans le Finistère, une première expérience de démantèlement est en cours.
47:43 Le chantier s'est vite révélé plus compliqué que prévu, car la radioactivité est partout et impose des conditions de sécurité maximales.
47:52 Il faut tout conditionner en fusée tanche, jusqu'au plus petit boulot.
47:56 Les travaux durent déjà depuis 25 ans.
47:59 "L'exemple de Brennilis montre que ce qui devait coûter 20 millions d'euros a déjà coûté plus de 450 millions d'euros.
48:09 Donc on n'est plus du tout même dans les mêmes ordres qu'en dehors."
48:12 La promesse originelle du nucléaire, celle d'une électricité abondante et à bas prix, est aujourd'hui contredite par les économistes.
48:21 "Il est vrai qu'en comparaison sur le plan international, la France a un prix d'électricité très compétitif.
48:30 Mais, puisque nous avons poussé l'électricité dans les grandes consommations, comme le chauffage électrique et l'eau chaude sanitaire,
48:41 ça veut dire que les gens consomment beaucoup plus qu'un ménage moyen, par exemple en Allemagne.
48:49 Donc les factures d'électricité sont beaucoup plus élevées en France que dans d'autres pays.
48:56 Ce qui a conduit d'ailleurs à un phénomène de pauvreté énergétique, avec 4 millions de ménages qui n'arrivent plus à payer leurs factures d'énergie.
49:05 C'est ça la mesure d'un succès de politique énergétique."
49:10 "Chéri, imagine que si les trois quarts de notre électricité n'étaient pas nucléaires, il faudrait extraire de notre sol 80 millions de tonnes de pétrole.
49:21 T'imagines, sans l'électricité nucléaire, il faudrait importer l'équivalent de 300 superpétroliers.
49:38 Et en plus, on perd l'électricité plus chère. T'imagines ?"
49:41 "Je vois d'ici la scène."
49:43 "Aujourd'hui, l'électricité nucléaire assure notre avenir énergétique. EDF, nous vous devons plus que la lumière."
49:49 "Ce prix bas est un prix qui est faux, économiquement faux.
49:53 Ça n'intègre pas le démantèlement des centrales nucléaires, qu'il va bien falloir payer.
49:57 Ça n'intègre pas en totalité l'aval du cycle, et vous savez qu'il y a tout un débat sur le véritable coût de l'enfouissement des déchets radioactifs.
50:05 Ça n'intègre pas l'assurance. Le nucléaire, avec du reste les OGM, sont des technologies qui ne sont pas assurées, parce qu'elles ne sont pas assurables."
50:15 "La conséquence, c'est que même les plus grands, comme Exelon aux Etats-Unis, les plus grands exploitants nucléaires en Amérique,
50:25 ont dit très clairement que le nouveau nucléaire n'est pas compétitif. Et ce n'est pas prévisible quand il sera un jour compétitif."
50:34 "Je crois que la question qui doit nous intéresser, qui doit amener à un vrai dialogue, y compris entre des gens qui se sont combattus,
50:40 c'est comment on sort en bon ordre de cette aventure qui aura duré un demi-siècle,
50:46 et que les gens de talent qui sont, y compris dans la filière nucléaire, dans la recherche, dans l'industrie nucléaire,
50:52 on leur retrouve des emplois de haut niveau sur le nouveau challenge qui est le défi intellectuel du renouvelable.
51:00 Et je pense qu'il faut maintenant qu'on amène ce potentiel humain vers ce nouveau challenge."
51:06 "En France, on a toutes sortes de choses."
51:09 Lors du premier choc pétrolier, la France affichait en réponse à la crise le slogan
51:14 "On n'a pas de pétrole, mais on a des idées."
51:18 Mais dans cette course à l'indépendance énergétique, le recours toujours plus massif au nucléaire a fini par conduire la France dans une impasse.
51:28 Cette énergie de l'avenir apparaît aujourd'hui comme appartenir au passé, porteuse d'inquiétudes et de menaces.
51:35 Comme d'autres pays, la France va devoir envisager la sortie du nucléaire et dessiner son avenir en explorant de nouvelles pistes.
51:46 Sous-titres par Jean Laflute
51:50 "La France, c'est un pays qui a fait l'histoire.
51:53 La France, c'est un pays qui a fait l'histoire.
51:57 La France, c'est un pays qui a fait l'histoire.
52:01 La France, c'est un pays qui a fait l'histoire.
52:05 La France, c'est un pays qui a fait l'histoire.
52:09 La France, c'est un pays qui a fait l'histoire.
52:14 La France, c'est un pays qui a fait l'histoire.
52:17 La France, c'est un pays qui a fait l'histoire.
52:21 La France, c'est un pays qui a fait l'histoire.
52:25 La France, c'est un pays qui a fait l'histoire.
52:29 La France, c'est un pays qui a fait l'histoire.
52:33 Sous-titrage ST' 501
52:36 © Sous-titrage ST' 501
52:39 © Sous-titrage ST' 501
52:42 © Sous-titrage ST' 501
52:45 © Sous-titrage ST' 501
52:48 © Sous-titrage ST' 501
52:51 © Sous-titrage ST' 501
52:54 © Sous-titrage ST' 501
52:57 © Sous-titrage ST' 501
53:00 © Sous-titrage ST' 501
53:03 © Sous-titrage ST' 501
53:06 © Sous-titrage ST' 501
53:09 © Sous-titrage ST' 501
53:12 © Sous-titrage ST' 501
53:15 © Sous-titrage ST' 501
53:18 © Sous-titrage ST' 501
53:21 © Sous-titrage ST' 501
53:24 © Sous-titrage ST' 501
53:27 © Sous-titrage ST' 501
53:30 © Sous-titrage ST' 501
53:33 © Sous-titrage ST' 501
53:36 © Sous-titrage ST' 501
53:39 © Sous-titrage ST' 501
53:42 © Sous-titrage ST' 501
53:45 © Sous-titrage ST' 501
53:48 © Sous-titrage ST' 501
53:51 © Sous-titrage ST' 501
53:54 © Sous-titrage ST' 501
53:57 © Sous-titrage ST' 501
54:00 © Sous-titrage ST' 501
54:03 © Sous-titrage ST' 501
54:06 © Sous-titrage ST' 501
54:09 © Sous-titrage ST' 501
54:12 © Sous-titrage ST' 501
54:15 © Sous-titrage ST' 501
54:18 © Sous-titrage ST' 501
54:21 © Sous-titrage ST' 501
54:24 © Sous-titrage ST' 501
54:27 © Sous-titrage ST' 501
54:30 © Sous-titrage ST' 501
54:33 © Sous-titrage ST' 501
54:36 © Sous-titrage ST' 501
54:39 © Sous-titrage ST' 501
54:42 © Sous-titrage ST' 501
54:45 © Sous-titrage ST' 501
54:48 © Sous-titrage ST' 501
54:51 © Sous-titrage ST' 501
54:54 © Sous-titrage ST' 501
54:57 © Sous-titrage ST' 501
55:00 © Sous-titrage ST' 501
55:03 © Sous-titrage ST' 501
55:06 © Sous-titrage ST' 501
55:09 © Sous-titrage ST' 501
55:12 © Sous-titrage ST' 501
55:15 © Sous-titrage ST' 501
55:18 © Sous-titrage ST' 501
55:21 © Sous-titrage ST' 501
55:24 © Sous-titrage ST' 501
55:27 © Sous-titrage ST' 501
55:30 © Sous-titrage ST' 501
55:33 © Sous-titrage ST' 501
55:36 © Sous-titrage ST' 501
55:39 © Sous-titrage ST' 501
55:42 © Sous-titrage ST' 501
55:45 © Sous-titrage ST' 501
55:48 © Sous-titrage ST' 501
55:51 © Sous-titrage ST' 501
55:54 © Sous-titrage ST' 501
55:57 © Sous-titrage ST' 501
56:00 © Sous-titrage ST' 501
56:03 © Sous-titrage ST' 501
56:06 © Sous-titrage ST' 501
56:09 © Sous-titrage ST' 501
56:12 © Sous-titrage ST' 501
56:15 © Sous-titrage ST' 501
56:18 © Sous-titrage ST' 501
56:21 Merci à tous !
56:23 [SILENCE]

Recommandée