Le 6 juin 1944, les Allemands exécutent entre 70 et 80 résistants emprisonnés à Caen. Quelques heures après le début
du Débarquement en Normandie, l'occupant ne veut pas que ces résistants soient libérés par les Alliés. Le Jour même,
les corps sont enterrés dans la prison de Caen. À la fin du mois de juin 1944, devant l'avancée des armées de libération,
le SD (service de renseignement des SS) fait déterrer les corps pour masquer les preuves de ce crime de guerre.
du Débarquement en Normandie, l'occupant ne veut pas que ces résistants soient libérés par les Alliés. Le Jour même,
les corps sont enterrés dans la prison de Caen. À la fin du mois de juin 1944, devant l'avancée des armées de libération,
le SD (service de renseignement des SS) fait déterrer les corps pour masquer les preuves de ce crime de guerre.
Category
📚
ÉducationTranscription
00:00 [Bruits de tirs]
00:06 Le 6 juin 1944, alors que le débarquement a commencé sur les côtes normandes,
00:12 les nazis massacrent les résistants détenus à la prison de Caen.
00:16 [Bruits de tirs]
00:19 Le jour même du débarquement, on a cette tragédie qui a souvent été oubliée.
00:26 Ce sont des crimes de guerre qui sont commis.
00:28 Ils feront ensuite disparaître les corps.
00:31 On ne les retrouvera jamais.
00:34 Ce mystère, il est un des grands mystères de l'histoire.
00:39 Où sont ces corps ?
00:41 Toutes ces familles aimeraient tant pouvoir se recueillir sur un endroit.
00:46 L'occupant a voulu effacer jusqu'à leur identité.
00:50 Cette disparition est une plaie ouverte pour les familles de ces fusillés.
00:56 Ça me fait mal.
00:57 D'abord, vous voyez, là, je tremble.
00:59 Je suis toujours en tremblement dans ma peau.
01:01 [Bruits de tirs]
01:07 Nous avons voulu restituer leur histoire,
01:11 leur rendre cette identité que les nazis voulaient supprimer.
01:15 [Bruits de tirs]
01:27 Drapeau, drapeau !
01:29 [Bruits de tirs]
01:36 Derrière ce mur, dans les pourettes de promenade,
01:40 tandis que les canons stonnaient au loin,
01:42 tous ces patriotes devaient être éliminés,
01:46 disparaître à jamais dans la nuit et le brouillard.
01:50 Et c'est grâce à ces combattants que nous vivons,
01:53 que vous vivez aujourd'hui l'Hypre,
01:57 l'oppresseur en les tuant a cru les faire mourir.
02:01 Il les a immortalisés.
02:02 [Musique]
02:14 [Bruits de tirs]
02:23 Les forces navales alliées, avec le soutien de la puissante formation d'Aelghez,
02:27 ont commencé ce matin le débarquement des armées alliées sur les côtes nord de la France.
02:33 [Musique]
02:42 Le matin du 6 juin 1944, à la prison de Caen,
02:47 on a un drame absolu,
02:50 puisque en deux temps, le matin mais aussi l'après-midi du 6 juin,
02:56 vont être assassinés, exécutés, fusillés plus de 70 prisonniers.
03:02 [Musique]
03:09 Ce matin du 6 juin, alors que les détenus de cette maison d'arrêt
03:16 ont perçu le bruit qu'un débarquement a commencé sur les côtes normandes,
03:23 car il y a ce bruit, ce roulement, qui leur indique que la liberté est proche.
03:29 [Bruits de tirs]
03:36 C'est un formidable espoir qui gagne toutes les cellules
03:40 des hommes et des quelques femmes qui, ici, ont été incarcérés par les Allemands
03:45 dans les jours qui ont précédé ce débarquement.
03:49 [Musique]
03:54 Certains même, d'après les quelques personnes qui ont pu survivre et qui ont pu témoigner,
04:00 imaginaient qu'un obus aurait pu faire en sorte
04:04 qu'un des murs de la prison soit ouvert et qu'ils auraient pu retrouver la liberté.
04:10 [Musique]
04:26 Je suis né le 5 juin 1944, en fin d'après-midi,
04:31 quelques heures avant que mon papa soit fusillé à la prison de Caen.
04:35 [Musique]
04:40 Ma naissance, c'est presque un miracle, en fait.
04:43 Maman était extrêmement malade, elle avait une grossesse extrêmement difficile.
04:48 Vers les derniers jours, elle ne pouvait pratiquement plus marcher.
04:52 Donc, ça faisait la troisième fois dans la même journée qu'elle descendait dans son abri
04:57 et elle n'a pas pu remonter.
04:59 La naissance s'est faite en fin d'après-midi dans un souterrain.
05:03 [Musique]
05:11 Le lendemain de la naissance de Joël, alors que les Alliés débarquent sur les plages normandes,
05:17 les Allemands ont pour consigne de déporter les détenus vers les camps de concentration.
05:21 [Musique]
05:27 Ces prisonniers ne devaient pas tomber, en quelque sorte, dans les mains des libérateurs.
05:32 Ils auraient dû être évacués, notamment par le train de 9h10 ou 15 de la gare de Caen.
05:40 Mais comme la gare est bombardée, la seule solution trouvée en réalité par la Gestapo,
05:46 c'est d'exécuter, d'assassiner ces prisonniers.
05:50 [Musique]
05:59 Ce matin, très tôt, il y a un commando de la CIPO-SD de Caen,
06:03 c'est-à-dire plus communément appelée la Gestapo,
06:05 qui arrive, qui donne les ordres au capitaine Hoffmann qui commande la garnison allemande,
06:12 puisqu'il y a une partie de la prison qui est un quartier allemand,
06:16 qui a été réquisitionné entièrement par les Allemands,
06:20 et qui vont faire descendre, cellule par cellule, des prisonniers,
06:27 qui pour la plupart d'entre eux appartiennent à des réseaux et des mouvements de résistance du département.
06:33 [Musique]
06:46 Ils sont obligés de quitter leur cellule, main sur la tête,
06:50 jusqu'à l'appel de leur nom, un officier appelle les noms,
06:55 et ensuite, un par un, ils pénètrent dans une des courrettes qui sert de promenoir aux détenus.
07:01 [Bruits de pas]
07:07 Beaucoup ont compris, ont compris que ce n'était pas l'heure de la liberté qui sonnait pour eux.
07:14 [Bruits de pas]
07:31 Toute la matinée, ce ne sont que des exécutions,
07:35 et vous imaginez un peu l'atmosphère qui règne dans cette maison d'arrêt,
07:40 mais aussi dans le quartier, quand on entend le bruit de la fusillade.
07:44 Et les Allemands marquent un arrêt sur le temps de midi pour aller manger.
07:49 [Bruits de pas]
07:53 Après le déjeuner des tortionnaires,
07:55 la Gestapo revient à la prison avec une nouvelle liste de prisonniers à fusiller.
08:00 [Bruits de pas]
08:08 - Mains croisées, posées sur la tête, corps attaché au poteau,
08:14 dans les cours d'exécution, douze hommes, douze salauds,
08:19 attendent sans émotion, dans le flou matinal, le cri d'un petit caporal.
08:26 [Bruits de pas]
08:27 - Range-vous ! Feu !
08:30 [Bruits de pas]
08:32 [Bruits de pas]
08:38 - Alors, avant, juste avant, pendant un court instant,
08:45 je sais tes pensées, je sais tes regrets,
08:49 ce 6 juin au matin, tout près, pas très loin,
08:54 [Bruits de pas]
09:01 dans un souterrain,
09:03 [Bruits de pas]
09:04 laissez ton gamin.
09:06 [Bruits de pas]
09:10 [Musique]
09:18 - Le nombre exact d'exécutés, on ne le sait toujours pas aujourd'hui.
09:23 Un chiffre a été donné après la guerre,
09:25 nous sommes sur le rond-point dit des 87 fusillés,
09:29 mais on est vraisemblablement plus proche de 72, 73 personnes exécutées sommairement ce jour-là.
09:38 [Bruits de pas]
09:41 - Le massacre de la prison de Caen n'est malheureusement pas le seul en cette année 1944.
09:46 [Bruits de pas]
09:48 - Le 7 juin, on fait la même chose à Rennes,
09:51 quelques semaines plus tard, ce sera à Lyon, dans la prison de Montluc.
09:55 Ça va être aussi des massacres, on compte sur l'été 1944 à peu près 26 massacres différents,
10:02 les plus connus étant Ascq dans le nord,
10:05 Auradour-sur-Glane le 10 juin,
10:07 mais vous allez avoir Maillé le 25 août 1944,
10:11 Comblanché en Côte d'Or, dans les Vosges à l'automne 1944, etc.
10:16 [Musique]
10:36 - Les corps sont inhumés à la va-vite dans quatre courrettes,
10:40 au milieu desquelles il y avait, dès l'origine de la prison, des massifs de fleurs.
10:46 Donc ces massifs ont été creusés, les corps ont été mis très rapidement recouverts de chaux,
10:53 et le tout recouverts de terre.
10:56 [Musique]
11:03 - Les fusillés de la prison de Caen font partie malheureusement
11:06 de cette radicalisation de la répression allemande.
11:10 Il faut rappeler que c'était la Wehrmacht jusqu'à présent qui contrôlait,
11:15 j'irais, la population en France, mais depuis fin 1943, début 1944,
11:21 ce sont les hommes d'Himmler, en fait c'est la SS,
11:24 un réseau de renseignements malheureusement très efficace,
11:28 et ils ont réussi à infiltrer énormément de mouvements de résistance.
11:32 Ce qui permet aussi de comprendre pourquoi il y a autant de résistants
11:36 qui sont arrêtés le jour du débarquement,
11:39 les 6 juin, qui ont été enfermés, que ce soit à la prison de Caen,
11:43 mais on le voit aussi dans la prison de Saint-Lô.
11:46 Donc on voit que c'est quelque chose qui a démantelé complètement la résistance locale,
11:50 qui va mettre du temps à se reconstituer.
11:54 Bernard Duval sera détenu dans la prison de Caen jusqu'au 20 mai 1944.
11:59 Ce jour-là, il est déporté vers l'Allemagne.
12:03 Sa déportation lui a, paradoxalement, sauvé la vie.
12:08 J'ai été arrêté le 10 mars 1944,
12:12 devant ma mère qui n'était pas au courant,
12:15 vous voyez, à 5h30 du matin.
12:26 Mon père a été arrêté le 17 mars, fin d'après-midi,
12:33 après Robert Douin et Jean Gabi.
12:41 Le même jour.
12:43 Ça a été tout simple, vous êtes bien le comte de Saint-Paul, oui.
12:45 Bon, allez, hop, monnette, viens embarquer.
12:48 Terminé.
12:48 Nous étions donc à Verville, mon papa était donc muté.
13:04 À Trévière.
13:04 En canton Trévière.
13:06 Il était facteur.
13:07 On rentrait de l'école.
13:09 Et bon, il y a la Gestapo qui est arrivée,
13:19 deux Français et un Allemand.
13:21 Et un Allemand.
13:21 Une Gestapo française.
13:23 Nous sommes de la Gestapo, on vous arrête.
13:25 Ils ne voulaient même pas qu'ils nous disent au revoir.
13:28 Ça a duré quoi, peut-être 5 minutes ?
13:32 Oui.
13:32 Et heureusement que ça n'a pas duré plus longtemps,
13:34 parce qu'on ne serait peut-être pas là avec vous aujourd'hui.
13:36 Non plus.
13:37 Bah oui, tant de demander un peu de linge de corps,
13:39 ils sont repartis aussitôt.
13:41 Et ma mère, il a fallu qu'elle lui donne du linge de toilette.
13:46 Et il a réussi à lui glisser un petit carnet dans la main.
13:49 Et il lui a dit, surtout tu le brûles tout de suite.
13:51 Et bon, il est parti avec la Gestapo, puis elle l'a affiché dans la cuisinière,
13:58 parce que c'était des renseignements.
14:00 Le jour de l'arrestation, on m'arreste tous les deux.
14:09 C'est une photo flash, on peut dire.
14:12 J'avais été emmené par les deux gars en manteau de cuir.
14:17 C'est quelque fois qu'ils auraient foutu le camp.
14:21 Il a bien compris ce qui arrivait.
14:23 Parce que j'ai tout le réseau, une partie du réseau tombé le même jour.
14:27 Mon père s'est fait arrêter le 2 juin.
14:35 Au moment d'une vaste opération,
14:38 il est passé par la rue des Jacobins, là où on torturait les gens.
14:43 Il est donc arrivé à la prison de camp le 2.
14:47 Et il fait partie des gens qui ont été lâchement assassinés
14:54 dans l'une des cours de la prison de camp,
14:56 le 6 au matin.
14:58 Paul Chaléa appartenait au réseau du Dr Derrien, médecin à Argence.
15:06 Le Dr Derrien et sa compagne, Raymond Vessier,
15:10 dirigent d'importantes activités de renseignement.
15:18 L'abbé Victor Bousso appartient au même réseau.
15:22 L'abbé Victor Bousso était un prêtre.
15:24 Il connaît toutes les fermes des communes voisines.
15:28 Il a aussi plusieurs paroisses.
15:30 Il connaît les fermes Patriote.
15:32 A partir de 1943, est instauré par le régime de Vichy
15:36 le service du travail obligatoire.
15:38 Il va cacher ces réfractaires du service obligatoire dans ces fermes-là.
15:44 Le matin du 6 juin 1944, un témoin rescapé se rappelle avoir vu l'abbé Bousso
15:52 faire un grand signe de croix.
15:54 Le 2 juin 1944, 4 jours avant le massacre, ils sont arrêtés.
16:04 Les voitures de la Gestapo commencent par aller à Argence.
16:08 Ils arrêtent le Dr Derrien et sa compagne, Raymond Vessier,
16:12 qui est une des rares femmes à faire partie des victimes.
16:14 Ils arrivent à Huit-Tesson.
16:16 Le père Bousso est en train de préparer une messe d'inhumation.
16:20 Il est dans son église et c'est là qu'ils vont le cueillir.
16:24 Ils sont tous embarqués et ils arrivent ici le soir, dans la soirée du 2 juin 1944.
16:32 Les frères Boutrois, employés à la SNCF, résistent en sabotant le matériel des chemins de fer.
16:41 Il y a eu cette fameuse rafle.
16:44 Ma mère, parce que nous on ne savait pas, c'est par la police qui est venue chez maman
16:51 et qui a prévenu qu'on avait des choses à la prison.
16:55 Mais de ce jour-là, je n'ai jamais revu mes frères.
16:59 L'intérêt supérieur de la patrie commande à tous les Français libres de continuer le combat.
17:13 On écoutait la radio anglaise sur un vieux poste que mon père avait, qui marchait sur la queue.
17:19 Un truc avec un cadre pour orienter, enfin le vieux truc.
17:23 Et on avait connaissance de ce qu'il lisait à la BBC.
17:29 Quand il a dit que la France n'avait pas perdu la guerre, mais seulement qu'une bataille,
17:35 que le combat continuait, enfin tout ce qui...
17:37 Sa mémoire était très bien, la façon dont nous pensions.
17:42 Et par l'intermédiaire d'un copain qui était déjà affilié à un réseau de résistance,
17:48 c'est comme ça que je suis rentré au réseau de résistance, le Front National.
17:54 L'importance de la résistance en Normandie, elle est quand même extrêmement liée
17:58 à cette nécessité de renseigner les alliés.
18:02 Au fur et à mesure des années d'occupation, il y a de plus en plus le rejet,
18:07 le refus de la présence allemande, avec une germanophobie qui s'est développée
18:12 de plus en plus au fil des années durant la guerre.
18:15 Donc la résistance, elle est diverse, elle est parfois d'obédience communiste,
18:21 avec le mouvement que l'on appelle le Front National,
18:25 une résistance composée là principalement de cheminots.
18:29 Vous avez aussi le réseau arc-en-ciel.
18:32 Là, c'est un réseau avec le BCRA qui est plutôt un réseau de renseignements
18:37 et d'origines politiques gaullistes.
18:39 On était affectés aux renseignements.
18:47 Ces renseignements, c'était d'aller sur la côte,
18:50 là où les Allemands faisaient les fortifications du Mirail d'Azantille,
18:54 le mancher de l'Atlantique.
18:56 On y allait en vélo et faire les relevés de tout ce qu'ils faisaient.
19:00 À travers ce métier de facteur, il avait toute possibilité
19:04 de piquer des renseignements à droite à gauche, soit en parlant, soit en visuellement.
19:09 Parce que les fameux renseignements, c'était sur du papier
19:12 qu'ils mettaient dans les tubes de selle de vélo.
19:14 Ils montaient la selle, ils mettaient ça dedans.
19:16 En tant que facteur, c'est normal.
19:19 Mon père s'est engagé dans la résistance le 1er mai 1942,
19:27 officiellement, d'après les documents du réseau Allianz, dans lequel il était.
19:32 Le réseau Allianz était sur le secteur Calvados.
19:37 C'était un réseau de renseignements qui était rattaché au MI6.
19:44 Et c'était l'un des plus importants réseaux de renseignements,
19:48 donc non armés, qui comptait plus de 2800 agents.
19:55 Et 432 ont été fusillés ou morts en camp de concentration.
20:03 Louis Renouf est arrêté en même temps que les frères Boutroit.
20:09 Son frère Claude est le dernier né de la famille Renouf.
20:13 Je suis donc issu d'une très grande famille,
20:17 puisque mon frère et soeur, nous étions dix.
20:20 Mon frère, Louis, il a travaillé notamment chez un transporteur.
20:26 Un transporteur qui était installé juste en face du lieu où fusillaient les gars.
20:34 Et alors, le frangin, quand ma mère voyait son fils arriver à la maison,
20:41 elle avait la tête blanche, bien triste, à table, et une nez.
20:47 Elle lui passait la main dans les cheveux, et disait "mon Louis,
20:53 t'as encore vu une chose ce matin ?"
20:57 Il dit "oui".
20:59 "Ah les pauvres types, les pauvres types."
21:02 Et il les voyait, et les fusillés à quoi, à 60 mètres ?
21:07 Vous les voyez les gars ?
21:09 Il disait "il faudra qu'ils le paient, il faudra qu'ils le paient."
21:15 Et je pense que c'est ce qu'il a décidé à résister.
21:19 Jean-Christophe, est-ce que tu peux me dire comment ces documents
21:32 relatifs à mon grand-père, Antoine de Toucher,
21:35 sont arrivés au service historique de la Défense ?
21:38 La résistance, évidemment, par la nature clandestine de son activité,
21:42 c'est peu de traces écrites, comparativement à d'autres administrations.
21:47 Les archives allemandes auraient pu être détruites,
21:50 elles ont été, pour celles-ci, récupérées et sauvegardées
21:55 par les services de renseignement français.
21:57 Mon grand-père, Antoine de Toucher, est né en 1886,
22:01 qui avait 58 ans lorsqu'il a été exécuté le 6 juin, à Carle 4.
22:06 Et donc, comme beaucoup de Français, et de militaires, d'officiers,
22:11 il a supporté, effectivement, la défaite, l'armistice et l'occupation.
22:15 Et donc, il a été approché, probablement, par des personnes
22:21 qui lui ont demandé d'intégrer des réseaux.
22:23 Alors, à la fois l'Organisation de résistance de l'armée,
22:26 dont il est devenu l'adjoint régional pour le Calvados,
22:30 et également le réseau Allianz, qui l'a rejoint le 1er novembre 1941.
22:37 Donc, toutes ces personnes qui sont là font partie du réseau Allianz
22:43 et ont été arrêtées entre le 28 avril et le 4 mai 1944
22:49 de forte présomption d'espionnage ou d'appartenance à un groupe de résistance.
22:54 Je pense que c'était un bon recrut, parce que, étant donné qu'il avait fait du renseignement
22:59 dans une partie de sa carrière, il était capable, en tant que militaire,
23:02 de renseigner sur les positions allemandes, sur les matériels,
23:06 et également il a donné des renseignements sur les défenses côtières
23:11 et les fortifications du mur de l'Atlantique.
23:14 Il partait souvent de bonne heure le matin en bicyclette,
23:17 soi-disant pour aller faire du ravitaillement,
23:19 jusqu'à ce qu'il soit arrêté le 28 avril 1944 à son domicile à Caen,
23:25 et la suite, malheureusement, on la connaît.
23:28 [Musique]
23:44 Jusqu'en 1944, les Allemands considèrent la France "paisible"
23:51 par rapport à d'autres pays et d'autres fronts, comme le Front de l'Est,
23:54 sur lequel ils ont eu, avec les partisans, Mayapartir.
23:57 Et avec le développement des actions de la résistance,
24:02 les Allemands considèrent que la France devient un pays hostile.
24:06 Et donc, en février 1944, le décret Spierl,
24:10 qui est du nom de celui qui a produit le décret,
24:13 va considérer tous les maquisards comme des hors-la-loi.
24:18 Cela signifie que toute personne armée,
24:21 ou que l'on soupçonne de détenir des armes,
24:25 peut être immédiatement, sans jugement, soit exécutée sommairement,
24:30 soit être envoyée aux travaux forcés,
24:34 ce qui sous-entend être déportée dans un camp de concentration.
24:37 [Musique]
24:41 L'idée, c'est de pouvoir ainsi se débarrasser de tous les opposants au Reich,
24:46 alors au sens très large, puisqu'un opposant au Reich, à l'époque,
24:49 ça peut être un juif, un communiste ou une personne soupçonnée
24:52 d'appartenir à la résistance.
24:54 C'est aussi une façon de mettre le reste de la population
24:57 dans un état de terreur permanente,
25:00 de créer une angoisse pour, par exemple, les familles
25:04 des personnes qui ont été ainsi arrêtées
25:06 et qui n'ont plus du tout de traces de savoir
25:10 elles sont encore en vie ou non.
25:12 [Musique]
25:23 J'ai attendu jusqu'à ce que se présente un gars en gabardine noire,
25:27 le vrai type, à la gaste à peau, il s'assoit,
25:31 avec des gestes un peu terratoires pour impressionner,
25:34 il se tire sa veste, il tire son revolver, il met une balle dans le canon,
25:37 il met le revolver devant moi et il me dit
25:41 "T'es un sale espion toi !"
25:44 Je dis "Je réponds pas, je ne dis rien."
25:47 "T'as fait ça, ça et ça, t'as deux minutes pour m'en répondre."
25:52 Il me dit "Non, je dis rien, vous trompez,
25:54 enfin tout ce qu'on peut dire pour nier."
25:57 "Ah bon ? Je te donne encore deux minutes mais tu réfléchis bien."
26:01 Il part dans la pièce qui était derrière et il revient avec une matraque
26:05 en caoutchouc, corré, noir, ondulé, je la vois encore,
26:10 puis il en donne un coup violent sur son verrou pour rien me faire voir
26:13 de quelle nature c'était.
26:15 Il dit "Maintenant tu vas parler."
26:17 Et il commence à me frapper.
26:19 Je me frappais sur les cuisses, par la douleur je me levais,
26:24 je jamblais la chaise avec moi, coup de poing dans le ventre
26:28 pour me faire asseoir.
26:30 Et ainsi de suite, un rythme assez rapide,
26:32 puis au bout d'un moment il s'arrête.
26:35 Il me dit "Bon alors, ça y est, tu comprends ?
26:38 Tu vas encore me parler ?"
26:40 Je dis "Non, vous trompez, j'ai continué à nier
26:43 et il a continué à me frapper."
26:45 Ça a duré un bon moment, le temps vous s'échappe.
26:48 Je commençais à signer du nez,
26:52 jusqu'au moment où j'ai entendu des cloches.
26:56 Je pensais que c'était mon esprit qui me faisait des tours.
27:00 Maintenant, à midi, les églises sonnent.
27:04 Et on était arrivés à midi,
27:06 j'étais en interrogatoire depuis 7h30, 8h45 à peu près.
27:11 Alors là il s'est arrêté, et direction la prison.
27:17 S'il fut torturé toute une matinée,
27:20 Bernard Duval était, du point de vue guestapiste,
27:23 une petite main de la Résistance.
27:26 On imagine donc la violence et la fréquence des interrogatoires
27:30 qu'ont subi les autres membres et chefs de réseau.
27:34 Le 2 au petit matin, arrêté, battu, torturé,
27:38 visage bleuï, tueux,
27:41 il a été arrêté, il a été torturé,
27:44 visage bleuï, tumefié,
27:47 cœur meurtri et lacéré,
27:51 couvert de béantes plaies,
27:54 d'où coule encore le sang de révolte et de liberté.
28:00 C'est un homme chancelant, aux membres pantelants,
28:05 qu'on jette recroquevillé sur un sol froid et glacé,
28:10 à peine quelques heures avant le soleil levant.
28:15 Ton corps, épuisé de douleur, se dresse dans les hurlements.
28:21 Le bruit de tes pas hésitants,
28:33 dans l'escalier de fer rouillé de cette prison de camp,
28:37 compagnons, futurs fusillés, tous sur le chemin de la mort,
28:42 vous, pour nos libertés, leur corps,
28:46 au bal de leurs meurtriers, coupables de nombreux charniers.
28:51 La violence, la violence au moment de l'arrestation,
29:01 la torture, l'humiliation, l'enfermement, la prison,
29:06 les conditions de détention dans la prison sont d'une extrême rudesse.
29:12 Alors, cellules complètement noires, insalubres, pleines d'humidité,
29:19 ils ont vécu là-dedans pendant 47 à 50 jours.
29:24 Ils sortaient que pour des interrogatoires de la Gestapo.
29:28 Et ce qu'on sait, c'est que Douin et Cabi ont été très fortement martyrisés.
29:34 C'est ça que je veux dire.
29:36 Je traduis ce qui est indiqué ici.
29:52 Deux touchés à nier catégoriquement
29:56 avoir jamais travaillé dans une organisation de renseignement,
29:59 ni connaître aucun des membres du service de renseignement Girod dans la région.
30:04 Malgré des jours d'interrogatoire,
30:06 il n'y avait aucun moyen de prouver qu'il était membre.
30:10 Voilà, donc ça correspond à ce qui a été dit dans son interrogatoire.
30:17 Il n'a pas lâché le morceau.
30:19 Il a nié jusqu'au bout ce grand-père qui a su résister.
30:25 Le décret de la guerre
30:29 Le maréchal Keitel, qui commande la Wehrmacht pour tous les pays occupés occidentaux,
30:42 décide de publier un décret
30:45 qu'on va appeler de façon générique le décret "Nuit et brouillard",
30:49 même si l'expression n'est même pas écrite dans le décret,
30:52 mais c'est le terme générique qui va lui être donné par la suite.
30:55 Et en fait, l'idée, c'est de donner l'autorisation à la Wehrmacht
31:00 sur les territoires occupés, dont la France,
31:03 de pouvoir arrêter toute personne dans le plus grand secret
31:08 où on ne donne plus aucune information sur le destin de la personne.
31:12 La famille ne sait plus ce qu'elle devient.
31:17 La Gestapo de Caen va appliquer ce principe de disparition des prisonniers.
31:22 Le SD Canet, qui avait fui la ville le 6, revient sur les lieux du massacre.
31:28 Fin juin, on sait que Caen va tomber,
31:31 mais il faut quelques semaines pour que la ville soit prise.
31:34 Donc les Allemands savent très bien qu'en réalité,
31:38 ce crime qu'ils ont commis, il faut tenter au maximum de l'effacer.
31:44 Il faut enlever toute trace de ces exactions.
31:49 L'antenne de la Gestapo de Caen va se mettre en rapport avec celle d'Alençon
31:53 et ils vont puiser parmi les prisonniers de la maison d'arrêt d'Alençon
31:59 une équipe de 8 détenus de droit commun,
32:02 qui vont être acheminés sous escorte allemande
32:04 et sous escorte d'auxiliaires français en armes,
32:07 entre Alençon et Caen.
32:09 Ils arrivent le 30 juin ici.
32:12 Les 8 détenus de droit commun vont s'affairer dans les différentes courettes,
32:17 exhumer les corps des fausses,
32:20 de manière à ce que les corps puissent être sortis à bord de camions
32:24 le plus rapidement possible sans avoir de témoins oculaires.
32:27 [Musique]
32:51 Les nazis, fidèles à cette directive nuit et brouillard,
32:55 ont donc planifié et organisé la disparition des corps des fusillés.
33:00 On ne les a jamais retrouvés.
33:02 [Musique]
33:08 On sait grâce à deux de ces détenus de droit commun,
33:11 Marcel Heurteau et Marcel Constantin,
33:14 qui sont deux très jeunes hommes qui ont 19, 20 ans,
33:19 qu'il y a eu deux rotations de camions,
33:22 que la rotation de ces camions n'excède pas 1h30 à 2h.
33:28 Par conséquent, ça nous donne une indication sur,
33:33 disons, l'éloignement géographique des corps.
33:36 On sait que ce n'est pas très loin de Caen.
33:39 On ne sait pas où exactement, et encore aujourd'hui au moment où je vous parle,
33:42 on ne sait pas où ces corps ont été réenfouis.
33:45 [Musique]
34:08 Il se trouve qu'au retour d'un de ces transports,
34:12 les Allemands remarquent sur ces deux jeunes hommes
34:15 qu'ils ont de la gale entre les mains,
34:18 sans doute après la manipulation des corps,
34:20 ce qui fait qu'ils vont être tout de suite dissociés des autres
34:24 et renvoyés sur l'hôpital d'Alençon.
34:28 C'est ce qui va sans doute leur sauver la vie.
34:31 Les autres participants n'ont jamais été retrouvés.
34:34 [Musique]
34:40 En se basant essentiellement sur le témoignage de ces deux détenus survivants,
34:45 les hypothèses et recherches sur le lieu d'inhumation des fusillés
34:49 n'ont pas cessé depuis 1944.
34:52 [Musique]
34:55 En juillet 1944, à l'hôpital d'Alençon,
34:58 il y a en fait le même homme,
35:00 elle est une personne qui porte l'uniforme de la Croix-Rouge
35:05 et lui confie ce qu'il vient de vivre un mois plus tôt,
35:09 c'est-à-dire qu'il a été emmené à Caen,
35:12 il a procédé à l'exhumation de résistants
35:15 qui ont été assassinés le jour même du débarquement.
35:18 Et il dit à cette femme que lorsqu'il était dans la camionnette
35:24 qui suivait le camion dans lequel se trouvaient les corps,
35:29 ou une partie des corps,
35:31 il a vu, alors qu'il avait les yeux blandés,
35:33 mais le bandeau avait peut-être glissé,
35:36 et la bâche avait dû se soulever un peu,
35:39 cru voir l'inscription "Bretteville-le",
35:42 ce qui pourrait correspondre à la commune de Bretteville-le-Rabais.
35:46 Il y a ce premier témoignage-là.
35:49 Et puis il va en faire un second devant l'ancien commissaire divisionnaire Jacques Delahue,
35:55 qui va faire un remarquable rapport d'enquête,
35:59 très bien étayé,
36:01 et qui va terminer sur une conclusion
36:03 comme quoi les corps des détenus de la maison d'arrêt de Caen
36:09 ont été probablement enfouis du côté de Carpiquet,
36:13 la base aérienne de Carpiquet,
36:15 bombardées à plusieurs reprises.
36:17 Et effectivement, il y avait de nombreux cratères d'obus et cratères de bombes.
36:21 Et cette conclusion du rapport,
36:26 elle est restée pendant plusieurs décennies,
36:29 comme si c'était une vérité.
36:32 Mais en y réfléchissant bien,
36:34 ça aurait été une folie pour les Allemands d'aller s'approcher aussi près du front.
36:39 L'hypothèse que nous devons suivre,
36:41 c'est celle d'un lieu qui se trouve non loin de Caen, au sud,
36:46 là où les Allemands maintiennent encore le territoire.
36:50 La deuxième hypothèse, sur le site d'inhumation des résistants,
36:55 est liée à un autre témoignage du même détenu de droit commun.
37:00 40 ans plus tard, il change sa version, pour vous dire la fragilité du témoin.
37:05 Et là, il va parler d'un poteau indicateur indiquant Saint-Brieuc.
37:12 Et il existe un toponyme comme cela, le pont de Brie ou de Brieuc.
37:18 Il existe un hameau sur la rive droite de l'Orne.
37:21 On sait que le pont qui était en aval avait été détruit.
37:26 Et donc le seul passage possible pour un convoi dans ce secteur-là,
37:32 c'était le pont de Brieuc.
37:33 Et bien, cette route conduit au Moutier-en-Cinglais et à Épin.
37:37 Dans les tout derniers jours de l'année de décembre 1944,
37:52 un garde-chasse va fortuitement découvrir un charnier
37:57 avec cinq corps sur le territoire de la commune des Moutier-en-Cinglais.
38:03 Donc l'hypothèse, c'est que ces cinq cadavres qui ont été retrouvés
38:07 faisaient partie de cette équipe d'exhumateurs.
38:11 À la suite de la découverte d'un charnier de plusieurs corps,
38:21 les historiens ont considéré que ça pouvait être effectivement
38:25 les restes de ces résistants qui avaient été extraits
38:31 de la prison d'Alençon et de Comté-sur-Sarthe
38:35 pour le transport des corps.
38:37 [Musique]
38:55 On a collaboré avec les services de recherche de la Gendarmerie nationale
38:59 qui ont réalisé une couverture lidar avec un drone.
39:03 Le lidar, c'est une technique qui permet d'observer les micro-variations
39:08 du relief du sol, de façon à cibler les zones où on allait faire des sondages
39:12 avec une pelle mécanique.
39:14 On a fait cet endroit-là avec une équipe d'archéologues,
39:20 dont des archéologues du département du Calvados.
39:24 Malheureusement, ces sondages ont été négatifs.
39:27 Même après des décennies et des décennies après le conflit,
39:34 régulièrement des nouveaux éléments sont apportés
39:37 qui laissent un petit peu d'espoir sur la possibilité de trouver
39:40 le lieu d'inhumation de ces corps.
39:42 [Musique]
39:52 Claude Renouf a passé toute son existence à chercher le lieu d'inhumation
39:56 des fusillés pour savoir où pouvait se trouver le corps de son frère Louis.
40:02 C'est lui qui nous amène une troisième hypothèse,
40:06 celle de la chapelle Saint-Anne, en forêt de Grimbaud.
40:10 C'est là qu'un garde-chasse aurait découvert une zone dévégétalisée,
40:15 brûlée à la chauve.
40:17 [Musique]
40:20 Un gars qui habitait à côté, et j'ai su que depuis un peu longtemps,
40:25 il faut pas se les chercher, ils sont tous là.
40:28 Ils sont au haut de la côte, d'ailleurs les camions avaient du mal
40:36 à monter cette côte tellement elle est dure, elle est en mauvais état.
40:41 Donc ils avaient mis à l'avant des camions d'énormes câbles
40:46 avec un brasard qui tournait, qui était un machine-tête.
40:51 Et puis parfois ils ont monté ça, ils ont déchargé les gars et tout ça.
40:55 Moi honnêtement j'y crois pas.
40:57 Parce que pour le transport, ça durait, comme me disait celui qui ouvrait les portes,
41:04 Monsieur Maé, il dit 1h45, 1h50, 1h50 aller-retour.
41:12 Bon mais s'il faisait tout le brasard et tout ça pour le chameau, c'est impossible.
41:17 Moi je ne crois pas du tout du tout à cette possibilité.
41:22 Pour moi ils n'en sont pas là.
41:24 Le point essentiel qui génère évidemment beaucoup d'émotion
41:39 de la part de toutes les familles, c'est la recherche des corps.
41:46 Alors là, aujourd'hui il y a beaucoup de recherches qui sont entreprises.
41:51 Et évidemment, toutes ces familles aimeraient tant pouvoir se recueillir sur un endroit.
41:57 Parce que les familles n'ont pas pu faire leur deuil.
42:05 Et même en dehors du cercle des familles, c'est un événement qui compte beaucoup.
42:11 La ville de Caen a été bombardée, il y a eu pratiquement 2000 morts sous les bombardements.
42:18 Mais c'est clairement l'épisode des fusillés qui a laissé le plus de traces dans les esprits.
42:24 C'est peu probable qu'on ne retrouve rien.
42:31 Il y a certains charniers dont on parle parfois,
42:35 dont on parle de dépendage de chaux, chaux-vives, qui a tendance un petit peu à dégrader l'os.
42:41 Mais un nombre de corps aussi important, il y a forcément des restes qui subsistent.
42:47 Deux derniers lieux possibles retiennent l'attention.
42:54 Tous deux basés sur le fameux témoignage du même prisonnier de droit commun.
42:59 Le premier lieu, c'est la ferme du Foupendant, à Épin.
43:03 La route qui passe par le pont de Brieux nous mène sur ce site,
43:08 siège du SD allemand au mois de juin 1944.
43:12 Nous sommes dans un champ qui est situé à proximité d'une ferme
43:18 qui était le QG de la Gestapo de Caen au moment où ils ont quitté la ville de Caen
43:25 au moment des bombardements de la ville.
43:28 C'est le premier site où on est intervenu, puisqu'on avait un indice,
43:34 on avait une tâche qui était visible sur une photo de 1944
43:39 qui laissait penser peut-être à une zone de terrain remanié.
43:44 Ce trou de bombe se situait le long de la haie, près de l'arbre couché là-bas.
43:49 Malheureusement, effectivement, il était comblé avec énormément de déchets contemporains,
43:55 des pneus, etc.
43:58 Le deuxième lieu possible qui retient l'attention, c'est Bredeville-le-Rabais,
44:04 une hypothèse que Claude Renouf tient pour très crédible
44:08 et qui se base sur le témoignage d'un habitant de cette commune.
44:12 Après 6 juin, les SS ont occupé beaucoup de châteaux,
44:19 c'était le cas ici.
44:21 Je suis venu plusieurs fois ici,
44:24 je me suis renseigné et un jour,
44:28 j'ai rencontré un gars qui était quand même là à l'époque.
44:33 Et qui m'a dit "Ah bah oui, mais alors, ce serait bien là,
44:38 parce que moi je me rappelle d'une affaire".
44:41 Il m'a dit "Quel bazar il y a eu ici".
44:44 Eux, ils habitent juste à côté.
44:46 Et ils ont fait un circuit.
44:48 Il a dit que les camions arrivaient,
44:51 reculaient et se dirigeaient vers le puits.
44:56 Et les Français descendaient,
44:59 interdiction de bouger.
45:02 Et puis eux, ils jetaient des cadavres dans le puits.
45:07 Ils étaient déjà dans les couvertures d'ailleurs.
45:10 Et hop, direction le puits, terminé.
45:13 L'essentiel c'était de les camoufler, tout ça.
45:16 Mais à mon sens, c'est pas un bazar.
45:19 C'est tout ça.
45:21 Oui, à mon sens, je peux me tromper,
45:24 mais il y a une histoire là-dessous, c'est sûr.
45:27 Parce qu'un jour, on me téléphone,
45:31 comme ça, puis on me dit "Dis donc, espèce de vieux con,
45:35 tu vas pas te terminer de te balader partout ?
45:39 Non mais tu sais, affaire tes conneries,
45:42 il peut t'arriver des bricoles".
45:44 Mais il m'a dit "Ce qui est plus embêtant,
45:46 c'est que les bricoles là, ça peut arriver à tes 2 gosses".
45:49 Donc il savait déjà qu'il y avait 2 gamins.
45:51 "Ça peut arriver à tes 2 gosses,
45:53 ce serait dommage qu'il leur arrive quelque chose.
45:55 Alors toi, je t'en prie, agrasse-toi".
45:57 Deux fois c'est arrivé.
45:59 - Ce mystère, il hante les familles des fusillés, des exécutés.
46:10 Comment voulez-vous pour les enfants, les descendants,
46:14 les familles, au sens large, de ces fusillés
46:17 dont on ne sait pas encore aujourd'hui où ils sont,
46:21 avoir ce travail de deuil ?
46:23 - Je les vois tous les jours, ça me fait mal.
46:29 D'abord, vous voyez, là, je tremble,
46:31 je suis toujours en tremblement un peu.
46:33 Parce que c'est vraiment un drame dans une famille.
46:40 Parce que tout le monde meurt, je ne les prends pas après les autres.
46:44 Je dis, tu vois tes 2 frères, on ne sait même pas où ils sont.
46:48 C'est ça qui est dur, c'est de savoir qu'ils sont n'importe où.
46:52 On marche peut-être dessus.
46:54 Ma mère, elle en a souffert de ne pas savoir où il était.
47:02 C'est terrible parce qu'elle était malheureuse.
47:07 On ne lui souhaitait pas sa fête, on ne lui souhaitait pas,
47:10 on ne le voulait pas.
47:11 La fête des mères, il ne fallait pas le faire.
47:13 On n'a jamais fait quelque chose pour maman,
47:16 parce qu'elle ne voulait pas.
47:17 Elle a dit non, je ne veux plus mes enfants,
47:19 je ne veux plus avoir de fleurs et tout ça pour moi.
47:22 Dans ma chambre, j'ai les photos de mes frères
47:31 et puis de mes petits-enfants, comme ça j'ai tout avec moi,
47:34 j'ai ma famille avec moi.
47:36 Moi, ces huit jours, je ne suis pas bien dans ma peau.
47:40 Et encore pas si longtemps que ça, je faisais encore des cauchemars
47:43 par l'absence de mon père.
47:45 Je lui ai dit, il y a peut-être une vingtaine d'années,
47:48 pas tous les jours bien sûr, mais des cauchemars,
47:50 je me réveillais en pleurs, je pensais le voir arriver.
47:53 Mais ça reste, puisqu'on n'a jamais trouvé le corps.
47:56 Donc on se fait un monde, on crée un monde avec lui.
48:00 Le dernier souvenir que je dirais sur mon père,
48:14 c'est qu'il nous a laissé quasiment une relique.
48:18 Il avait sur lui une image de sa femme et de ses deux enfants.
48:25 Cette photo, elle a été remise à ma mère après,
48:31 par un gardien de la prison de camp.
48:33 Elle était maculée de sang et derrière,
48:36 il avait écrit ses derniers adieux.
48:39 J'accepte ce sacrifice si c'est pour mon salut.
48:45 Mes petits-enfants chéris, aimez et respectez toujours
48:49 votre maman chérie.
48:51 Adieu mon amour, à bientôt auprès de Jésus.
48:56 Guy
48:58 J'ai su que mon père ne reviendrait jamais,
49:08 j'avais quatre ans et demi à peu près.
49:10 Ça a été toute ma vie, un vide absolu.
49:15 En contrepartie, je me le suis fabriqué mon père.
49:19 Mais bien, j'entendrai jamais le son de sa voix.
49:25 Ça m'a construit parce que, en fait,
49:35 je l'ai toujours considéré comme un héros.
49:39 Et ça m'a aussi construit parce que je m'en suis fabriqué,
49:44 en fait.
49:46 Un père absent est toujours le meilleur des pères.
49:52 Mais ça m'a beaucoup pesé.
49:56 Et d'ailleurs, ça me pèse de plus en plus.
50:00 Plus les années passent et plus je me rapproche de lui.
50:12 Et quand je peins, d'ailleurs, je rentre dans ce monde un peu
50:17 que peu de gens peuvent comprendre.
50:40 Albert, Anne, Maurice Dutac, Robert Boulard,
50:44 Emilien Cosnard, Jean Cabie, Yves Le Goff, Louis Bourdon,
50:48 Guy de Saint-Paul, Anatole Lelièvre, Antoine de Touché,
50:51 Raymond Jules Leboeuf, Robert Douin, Roland L'Oiseau,
50:55 Auguste Duval, Roger Veillat, Joseph Langeart,
50:59 Georges Madorey, Roger Ouvray, Jean Le Baron, René Bizet,
51:03 Désiré Lemière, François Collet, Colbert-Marie,
51:06 Alexis Lerre, René Laulier, Henri Lerre, Georges Martin,
51:10 son père, Ernest Margerie, Georges Noël, Olivier Lefold,
51:14 Marcel Marier, Camille Le Petit, Maurice Primaud,
51:17 Pierre Ménocher, André Robert, Jean Manchion,
51:20 Roger Roussel, Henri Morel, Georges Tomine,
51:23 Marcel Vincent, Maurice Huilly, Pierre Audigé, Louis Lecomte,
51:27 Victor Boussot, Alexis Lelievre, Henri Carrel, Maurice Sarraud,
51:31 Paul Chaléa, Achille Boutroie, Paul Derrien,
51:34 Michel Boutroie, son frère, Jean Giraud, Serge Dumont,
51:37 Gabriel Gême, Maurice Hardy, Jean Hébert, Louis Lechevalier,
51:41 Joseph Picnot, Charles Seveste, Bernard Picnot, Raymond de Vessi,
51:46 son fils, Désiré Renouf, Robert Vigot, Louis Renouf,
51:50 Paul Vigou, son frère, Pierre Crévin, Bernard Renouf,
51:53 Paul Vivier, mort pour la France.
51:56 Mort pour la France.
51:58 Mort pour la France.
52:00 Mort pour la France.
52:02 Sous-titrage Société Radio-Canada