Éric Reinhardt, écrivain

  • l’année dernière
ABONNEZ-VOUS pour plus de vidéos : bit.ly/radioE1
Dans la deuxième heure de son émission consacrée à la culture, Thomas Isle reçoit chaque jour un invité.
Retrouvez "Le portrait sonore de l’invité" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-culture
LE DIRECT : http://www.europe1.fr/direct-video

Nos nouveautés : http://bit.ly/1pij4sV

Retrouvez-nous sur :
| Notre site : http://www.europe1.fr
| Facebook : https://www.facebook.com/Europe1
| Twitter : https://twitter.com/europe1
| Google + : https://plus.google.com/+Europe1/posts
| Pinterest : http://www.pinterest.com/europe1/
Transcript
00:00 Culture Média, Thomas Hilm.
00:02 Alors Eric Rennart, revenons d'abord sur ce prix Goncourt,
00:05 décerné avant-hier. Moi j'avais personnellement misé sur votre 9e roman,
00:09 "Sara, Suzanne et l'écrivain". Je l'ai dit à cette antenne, vous en êtes tous témoins,
00:14 ça m'a valu quelques colibés sur mon intuition légendaire. Mais ce qu'on a appris,
00:19 c'est que ça s'est joué vraiment à un cheveu, au 14e tour entre vous et Jean-Baptiste.
00:24 Andrea, qu'est-ce qui s'est passé ? Vous l'avez suivi, vous étiez tenu au courant,
00:29 comment ça s'est passé pour vous ?
00:30 Alors c'est quelque chose que je suis très heureux d'avoir vécu quand même.
00:34 Alors d'abord, je suis vraiment heureux et fier d'être allé jusque là.
00:38 Ah oui, fantastique !
00:40 En finale du Goncourt, surtout que vraiment ça s'est extrêmement bien passé pour mon livre jusque là,
00:48 et j'espère que ça va continuer. Non, vraiment, on était dans le bureau d'Antoine Gallimard,
00:55 chez Gallimard, l'équipe, le téléphone posé sur la table basse et on attendait le message.
01:02 Voilà, c'est comme ça que ça se passe.
01:04 Et donc, on s'est récité vers 12h15, 12h30 et puis le temps passait,
01:10 on se disait "mais qu'est-ce qui se passe ?"
01:12 Ah vous ne saviez pas qu'il y avait 14 tours en cours ?
01:14 Ah oui !
01:15 Oui, ça a été très long, c'est tard.
01:16 Et donc on disait "non mais là c'est cuit et tout, ils ont déjà appelé Andrea,
01:20 puis nous ils nous ont oubliés, tout ça, puis le temps passait, tout ça".
01:23 Et puis, en effet, ils ont délibéré jusqu'à 12h45,
01:27 et voilà, donc là à un moment on a reçu un appel de l'Académie Goncourt
01:33 nous disant que nous avions perdu ou qu'Andrea avait gagné.
01:38 Et voilà, je suis vraiment très très reconnaissant aux jurés Goncourt qui m'ont soutenu,
01:46 c'est-à-dire personne n'a lâché l'affaire,
01:51 autant du côté d'Andrea que du mien.
01:55 Oui maintenant, vaguement, je sais, on m'a raconté.
01:59 Parce que ça s'est joué juste grâce à la voix compte double du président Didier Decoin.
02:02 Voilà, exactement.
02:03 C'est le règlement du Goncourt, c'est-à-dire qu'au 14ème tour,
02:07 c'est Didier Decoin, le président du jury,
02:11 qui fait jouer sa double voix, et visiblement il avait une préférence pour le livre d'Andrea.
02:16 Vous ne lui en voulez pas j'imagine ?
02:17 Non, non, non, pas du tout, chacun ses goûts, peut-être que la fois d'après...
02:20 C'est ça.
02:21 Et bien ça sera votre invité inconnu tout à l'heure.
02:23 Invité surpris.
02:25 Il fera tout pour que j'ai le Goncourt.
02:29 Mais ça fait longtemps en plus qu'on dit que vous êtes un auteur Goncourable.
02:33 C'était la troisième fois qu'un de mes livres participait au Goncourt,
02:37 enfin était sélectionné pour le Goncourt.
02:40 Est-ce que vous misez sur le Goncourt des lycéens maintenant ?
02:43 Ça je sais pas, c'est complètement imprévisible.
02:47 On verra bien.
02:49 La bonne nouvelle c'est que je vous remets officiellement ce matin le prix Culture Média 2023.
02:56 Bravo !
02:57 A l'unanimité des votes du jury.
03:00 C'est-à-dire vous.
03:01 Vous seulement.
03:02 C'est une voix contre 50.
03:04 Mais vous pourrez le mettre en bordeau sur votre livre, Éric Rennart,
03:07 maintenant qu'on vous a décerné un prix, on va peut-être pouvoir parler un petit peu de ce livre,
03:11 raconter son histoire et sa forme si particulière.
03:14 On revient dans une minute sur Europe 1.
03:16 De 9h à 11h sur Europe 1, vous écoutez Culture Média avec Thomas Hill.
03:20 Et ce matin, Thomas, vous recevez l'écrivain Éric Rennart pour Sarah Suzanne et l'écrivain son dernier roman
03:26 paru chez Gallimard et dans toutes les bonnes librairies en ce moment.
03:30 Et alors c'est l'histoire d'une femme en rémission d'un cancer du sein,
03:33 une artiste qui se sent délaissée par son mari.
03:36 C'est ça le point ?
03:37 Oui, tout à fait.
03:38 Alors sur les conseils d'une amie, elle va essayer de provoquer en lui un électrochoc
03:41 en prenant un appartement seul.
03:44 Mais ça va avoir des conséquences bouleversantes pour sa vie.
03:47 Oui, c'est ça.
03:49 En fait, cette femme, alors je précise que la maladie est vraiment traitée d'une façon très rapide dans le livre,
03:58 c'est pas un livre sur le cancer, la maladie, etc.
04:01 D'ailleurs, c'est traité dans le livre par un flashback.
04:05 Cette femme, en effet, lorsqu'elle réchappe de cette maladie extrêmement grave
04:10 et qu'elle revient à la vie, elle se trouve être dans un désir de vérité,
04:16 et d'intensité, de voracité par rapport à sa vie.
04:21 Comme souvent, d'ailleurs, les personnes qui reviennent d'une maladie extrêmement grave,
04:26 on a envie de vivre deux fois plus, et on est vraiment dans une exigence de vérité par rapport à soi,
04:32 ses désirs, la vie qu'on a envie d'avoir, ce qu'on a envie de faire,
04:36 que tout ça ait du sens, et d'aller le plus loin possible.
04:39 Et elle sent, cette femme, que son mari n'est pas avec elle, n'est pas vraiment en osmose dans ce désir-là,
04:46 qu'elle éprouve très profondément en elle.
04:49 Ils vivent dans la même maison, mais l'un à côté de l'autre.
04:52 Et elle en souffre. Dans le fond, elle considère que sa vie amoureuse et conjugale est devenue une sorte de mensonge,
05:02 de doux mensonge, parce que tout se passe bien,
05:06 et elle ne veut pas capituler devant ses exigences existentielles,
05:11 devant son idéalisme d'adolescence, et tout ça,
05:14 et elle aimerait ramener son mari vers l'intensité de la vie.
05:17 - Et lui, ça commode très bien, cette petite vie pépère, ça lui va très bien.
05:20 - Tout à fait, en fait, il est dans la convention du mariage bourgeois,
05:24 et dans une forme d'hypocrisie, comme ça.
05:26 - Il n'est pas méchant, d'ailleurs.
05:27 - Il n'est pas du tout méchant, il n'est pas du tout contrariant,
05:29 il est très conciliant à chaque fois qu'elle lui dit "mais il faut que tu passes plus de temps avec moi",
05:33 parce qu'il a pris la fâcheuse habitude, chaque soir, de s'enfermer dans un bûcher qu'il s'est aménagé
05:38 pour écouter de la musique, faire de la musique, fumer un petit pétard, et tout ça,
05:43 parce qu'il est avocat fiscaliste, et il a beaucoup de travail la journée,
05:48 et il a besoin de se changer les idées, le soir, mais seul, pas avec sa femme.
05:52 - Pas avec ses enfants d'emprunement.
05:53 - Et donc il remonte dans leur chambre de plus en plus tard,
05:55 laissant Sarah passer ses soirées seule, avec ses enfants, en première partie de soirée,
06:00 et seule dans la deuxième partie.
06:02 Et donc elle lui en parle souvent, et lui, il lui dit "mais tu as raison,
06:07 pardon, je suis désolé, mais c'est dur en ce moment, au boulot, je vais changer, je vais faire un effort".
06:14 Par ailleurs, elle se rend compte, complètement par hasard,
06:17 chez leur notaire, que son mari possède 75% de leur maison, et elle seulement 25%,
06:24 alors c'est un acte notarié qu'elle avait bien signé lorsqu'elle avait 21 ans,
06:30 elle l'avait un peu oubliée, et surtout, elle pensait que ça s'était rectifié,
06:34 avec les 21 ans qui s'étaient passés, puisqu'ils sont mariés depuis 21 ans,
06:37 - Et elle, elle paye tout le quotidien.
06:38 - Elle paye tout le quotidien.
06:40 En fait, pour ne pas avoir affaire de compte d'apothicaires,
06:44 son mari l'a à un moment convaincu que, pour plus de commodité,
06:49 eh bien, elle paierait tout ce qui relève de la vie quotidienne,
06:53 donc tout ce qui est paierissable et momentané,
06:56 c'est-à-dire la nourriture, l'entretien de la maison, les vêtements,
06:59 les trains, les voyages, les vacances, etc.,
07:03 le fume pour la chaudière, l'électricité, vous m'avez compris,
07:06 et le mari, dans ce qui est plutôt patrimonial, la maison, etc.
07:11 - Quand elle découvre ça, ça lui plaît pas du tout,
07:14 et donc elle va lui dire "là, il faut qu'on change,
07:16 il faut qu'on rétablisse les comptes et qu'on se mette à 50/50".
07:18 - Et il lui dit "oui, tu as raison, je vais aller voir le notaire",
07:21 et puis il ne va pas voir le notaire, et donc elle le relance,
07:24 et jusqu'au moment où une amie dit à Sarah
07:27 "eh bien, moi je connais bien les hommes",
07:29 elle est plus âgée qu'elle, elle a plus de 60 ans,
07:32 et elle lui dit "en fait, il ne changera jamais,
07:35 il faut que tu lui administres un électrochoc,
07:38 pour qu'il comprenne qu'il peut te perdre,
07:42 que tu ne lui es pas acquise à jamais,
07:46 et puis qu'il voit l'effet que ça lui fait de vivre sans toi,
07:50 et tu verras, il va te rattraper, il va changer, etc."
07:54 Et donc Sarah fait ça, elle le loue
07:57 une petite maison lugubre pour deux mois,
08:00 et elle annonce à son mari qu'elle va partir pendant deux mois,
08:05 il y a deux chambres pour les enfants, pour qu'ils viennent la rejoindre une semaine sur deux,
08:08 et du jour où elle annonce à son mari un soir au restaurant,
08:12 cette décision qu'elle a prise, en lui expliquant pourquoi elle l'apprend...
08:15 - Ça c'est la scène terrible du livre,
08:19 une scène cruciale où elle se retrouve face à son mari,
08:21 elle lui explique ça, et lui ne dit pas un mot.
08:24 - Et surtout, elle n'en rappelle jamais de ses nouvelles.
08:28 - Il s'en va, et il la laisse seule dans sa maison,
08:33 et ses enfants vont avoir bien du mal à venir,
08:36 on va continuer à parler de cette histoire,
08:38 parce que ce qu'il faut savoir aussi, c'est ce qu'on racontera tout à l'heure,
08:41 c'est que cette histoire part d'un point de départ,
08:44 d'une lettre que vous avez reçue sur Facebook, d'une femme,
08:47 et donc cette histoire est vraie, même si elle est romancée,
08:50 elle part d'un point de départ qui est réel.
08:52 On continue à parler de Sarah, Suzanne et l'écrivain tout à l'heure.

Recommandée