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Le Sénat a adopté ce mardi la suppression de l'aide médicale d'Etat (AME), réservée aux sans-papiers, transformée en "aide médicale d'urgence" lors de l'examen du projet de loi immigration.

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00:00 La politique, Mathieu Croissanteau, à l'occasion de l'examen du projet de loi sur l'immigration,
00:03 le Sénat a voté la suppression de l'aide médicale d'État.
00:07 On va d'abord rappeler ce qu'est l'aide médicale d'État.
00:09 Oui, c'est un dispositif mis en place en 2000 qui permet aux étrangers en situation irrégulière
00:14 d'avoir accès aux soins à condition qu'ils résident en France depuis plus de trois mois
00:19 et qu'ils ne dépassent pas un certain plafond de ressources.
00:21 Pour une personne seule, par exemple, le plafond est fixé à 9700 euros par an.
00:25 Il y a deux exceptions, les mineurs qui bénéficient de l'aide médicale d'État sans condition
00:29 et puis il y a une aide médicale d'État à titre humanitaire qui est accordée au compte-gouttes
00:34 quand il y en a besoin.
00:35 La droite en a fait depuis plus de 15 ans un cheval de bataille, un argument de campagne
00:39 parce que pour le RN comme pour LR, l'aide médicale d'État serait une pompe aspirante
00:44 qui provoquerait un appel d'air et qui ferait venir les étrangers en France.
00:48 Elle s'appuie pour cela sur l'augmentation du nombre de bénéficiaires.
00:51 Il y en avait à peu près 400 000 en 2022, c'est deux fois plus qu'il y a 20 ans.
00:54 Et puis elle fait valoir aussi le coût, 1,2 milliard d'euros par an.
00:58 Du coup la majorité sénatoriale a décidé de la supprimer, de la remplacer par une aide médicale d'urgence
01:02 beaucoup plus réduite.
01:03 Hier, ils jubilaient de voir voter cette disposition qu'ils réclament à Corée Acry
01:07 quand ils sont dans l'opposition mais qu'ils n'ont jamais fait quand ils étaient au pouvoir
01:10 ou qu'ils avaient la majorité.
01:11 Vous en dites quoi vous de la suppression de la ME ?
01:13 Pour la droite, c'est une victoire idéologique.
01:15 Pour le pays, c'est une défaite de santé publique.
01:17 D'abord, les arguments de la droite méritent d'être nuancés.
01:19 Le gouvernement a confié une mission à un ancien ministre de la Santé de gauche
01:22 et un ancien préfet de droite pour essayer d'y voir plus clair.
01:25 Qu'est-ce qu'ils disent ?
01:26 Ils disent que l'aide médicale d'État n'est pas un facteur d'attractivité.
01:29 Ça c'est ce qu'ils disent dans un rapport intermédiaire qui a été remis.
01:31 Pourquoi ?
01:32 D'abord, c'est une prestation sociale très encadrée, l'aide médicale d'État.
01:35 14% des dossiers donnent lieu à des contrôles.
01:37 1 bénéficiaire sur 7.
01:38 Ce n'est pas du tout le cas dans le reste de la Sécu.
01:40 Ensuite, il y a beaucoup de gens qui n'y ont pas recours.
01:43 Plus de la moitié des gens qui pourraient en bénéficier n'y ont pas recours.
01:46 Puis, quant au coût, ça a l'air énorme quand on parle en milliards
01:48 mais ça représente 0,47% du budget de la Sécu.
01:52 Mais surtout, la suppression de l'aide médicale d'État pose plus de problèmes qu'elle n'en résout.
01:56 Un problème éthique d'abord pour les soignants fidèles au serment d'Hippocrate.
01:59 3 000 d'entre eux ont signé une tribune dans Le Monde pour défendre l'aide médicale d'État.
02:03 Problème économique ensuite, si j'ose dire.
02:05 Qu'est-ce si vous supprimez l'aide médicale d'État ?
02:07 Autrement dit, le parcours de soins classique.
02:09 Qu'est-ce qui se passe ?
02:10 Tous les étrangers en situation régulière vont aller aux urgences,
02:12 engorger encore plus les services.
02:13 Et puis, quand l'hôpital va transmettre la note à la Sécu,
02:16 ils seront non-solvables, donc ça va occasionner des frais administratifs.
02:19 Bref, ce n'est pas une bonne idée.
02:21 Puis, un problème de santé publique enfin,
02:22 parce qu'il faut rappeler l'idée originelle de cette aide médicale d'État,
02:26 c'est de faire de la prévention pour les maladies contagieuses, par exemple,
02:29 éviter que ça se répande dans la population.
02:30 Et puis aussi de la prévention pour prendre les maladies à leur début,
02:33 parce que ce qui ne paraît pas urgent aujourd'hui,
02:36 si ce n'est pas soigné, ça pourra être beaucoup plus urgent,
02:38 beaucoup plus grave et beaucoup plus coûteux demain.
02:41 L'Espagne, tiens, elle avait fait cette disposition en 2012,
02:43 elle est revenue, elle a fait machine arrière quelques années après.
02:46 Entendons-nous, s'il y a des abus, des fraudes,
02:48 il faut évidemment les traquer, mais supprimer l'aide médicale d'État,
02:51 c'est une très mauvaise idée.
02:52 - D'un mot, la position du gouvernement, vraiment d'un mot ?
02:54 - Divisé.
02:55 Gérald Darmanin n'y est pas contre,
02:56 mais le porte-parole du gouvernement, le ministre de la Santé a dit hier
02:58 que c'était une faute, une erreur.
03:00 Mais lors des débats, hier, le gouvernement a préféré rendre un avis de sagesse,
03:03 autrement dit, ni favorable ni défavorable.
03:05 C'est surtout un avis de faiblesse et d'hypocrisie,
03:07 parce que soucieux de voir à tout prix un steak sortir du Sénat,
03:10 le gouvernement est prêt à de petits arrangements
03:12 avec ses principes sur le dos des étrangers et de la santé.
03:15 - Soucieux de voir un texte sortir, pas un steak.
03:17 - Un texte, j'ai dit un steak ?
03:18 - Merci Mathieu.

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