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Comment allons nous gérer la transition énergétique dans les années futures ? Dans le cadre d'une université organisée par le MS21, Clément CAUDRON nous propose des pistes de réflexion sur ce sujet sensible ...

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00:00 La situation énergétique française, et en particulier sur le plan électrique, est particulièrement préoccupante.
00:20 Même si, effectivement, on a commencé à décarboner un peu notre économie au cours de ces dernières décennies,
00:28 il faut bien avoir en tête que l'économie française dépend encore aux deux tiers des énergies fossiles.
00:35 Donc, énergie fossile, ça t'ai dit, pétrole, gaz, charbon, on consomme quasiment plus de charbon depuis longtemps en France,
00:42 au niveau mondial beaucoup, mais en France quasiment plus.
00:44 Par contre, pétrole et gaz, on en consomme encore énormément en France, c'est les deux tiers de l'énergie qu'on consomme.
00:49 Et donc, c'est effectivement les voitures, les camions, les avions, les chaudières au fil de la gaz, une bonne partie de l'industrie.
00:56 Et ça, ça pose un minimum quadruple problème.
01:01 Le premier problème, il est climatique, c'est que la combustion de ces énergies émet des gaz à effet de serre qui dérèglent le climat à vitesse grandée.
01:08 Là, on va tout droit vers une catastrophe climatique si on ne diffère pas très rapidement.
01:12 Le deuxième problème, il est géologique, c'est que ces énergies sont là une fois pour toutes dans les sous-sols terrestres.
01:18 Alors, techniquement, ça se renouvelle à l'échelle de millions d'années.
01:22 À notre échelle, ce sont des stocks qui sont non-renouvelables.
01:27 Et les prospectivistes annoncent ce qu'ils appellent un pic pétrolier, c'est-à-dire le moment où, pour des raisons géologiques, l'offre de pétrole mondial va décliner.
01:38 Les prospectivistes annoncent ça pour la décennie à venir.
01:42 Et à peu près la même chose pour le gaz.
01:46 Il faut savoir que le pétrole conventionnel, celui qu'on utilise traditionnellement, qui constitue à peu près les trois quarts de notre approvisionnement pétrolier,
01:54 on a déjà passé le pic de production depuis 2008.
01:58 Et on ne tient plus aujourd'hui, la croissance de l'offre pétrolière ne se maintient que par le pétrole non conventionnel américain,
02:05 pétrole de schiste, très polluant, très cher, difficile à extraire,
02:10 et dont l'Agence internationale de l'énergie elle-même dit que ce pétrole de schiste va avoir du mal à compenser le déclin du pétrole conventionnel.
02:22 Et donc on anticipe un pic pétrolier en général, tout pétrole compris, pour la décennie qui vient.
02:28 Et on a le même genre de constat sur le gaz.
02:30 Donc problème climatique, problème géologique.
02:32 Et évidemment, le problème suivant, pour un pays comme la France qui n'a pas d'énergie fossile dans ses sous-sols, c'est un problème géostratégique.
02:41 C'est-à-dire que non seulement ça s'épuise en général, mais quand ça va commencer à s'épuiser de manière sévère,
02:46 les pays producteurs vont garder ce qui reste pour eux, et ceux qui importent tout comme nous vont avoir des difficultés.
02:53 D'autant plus quand nos importations viennent de régimes assez peu recommandables, que ce soit pour le pétrole ou pour le gaz.
02:59 Et le dernier problème économique, il est que les prix de ces énergies, donc pétrole et gaz,
03:08 ne sont pas des prix administrés politiquement, mais sont des prix qui se forment sur des marchés financiers,
03:13 donc extrêmement volatiles, extrêmement soumis à la spéculation.
03:17 On se conviendra d'ailleurs en parler en détail, donc je ne développe pas.
03:19 Mais voilà, on est sur des prix qui peuvent poser un réel problème social,
03:25 si on est confronté à une explosion des factures du jour au lendemain.
03:28 Indépendamment des quantités, ça c'était le problème d'avant.
03:31 Voilà, donc on a ces 4 problèmes là, et donc il faut au plus vite sortir des énergies fossiles.
03:35 Ça ne veut pas dire que c'est la seule chose à faire sur le plan écologique, mais c'est la priorité absolue.
03:40 Comment on sort des énergies fossiles ? On a plusieurs degrés pour faire ça, plusieurs degrés de liberté par exemple pour faire ça,
03:47 et qui sont complémentaires les uns des autres.
03:51 Une première façon de faire c'est de dire "on va réduire les volumes de production et de consommation".
03:58 On va réduire le PIB. Donc là c'est des mesures de sobriété, de décroissance, moi j'appelle ça la décélération.
04:04 Moi je pense qu'il faut une dose de décroissance, mais attention on ne peut pas non plus aller trop loin là-dedans,
04:10 parce que ça va poser la question de l'emploi.
04:13 Alors certes on peut réduire le temps de travail pour essayer de maintenir le volume de l'emploi,
04:17 mais ça va poser aussi la question des revenus des gens tout simplement.
04:21 Donc évidemment on part d'une situation avec des fortes inégalités, donc on dit on peut jouer sur la réduction des inégalités,
04:28 mais évidemment on ne peut pas faire ça autant qu'on veut,
04:31 et là on parle de réduire notre consommation d'énergie fossile dans des proportions énormes.
04:37 Et donc au moment où même la réduction des inégalités va atteindre ses limites.
04:42 Et donc sauf à arriver sur des choses socialement et politiquement indéfendables,
04:45 qui consisterait à appauvrir drastiquement des couches de la population qui sont déjà pauvres,
04:52 il va falloir en complément du coup faire d'autres choses que de la simple décroissance.
04:59 Donc on a après les mesures d'efficacité énergétique.
05:02 Là c'est de dire on va avoir un même service rendu à l'utilisateur,
05:06 mais en consommant moins d'énergie parce que les machines sont plus efficaces,
05:10 les procédés sont plus efficaces, l'isolation des bâtiments par exemple ça rentre là dedans,
05:15 mais même l'amélioration des moteurs des voitures, des moteurs des avions, tout ça rentre là dedans.
05:20 On a un même service mais on consomme moins d'énergie.
05:23 Mais voilà, ça c'est rythmé par les progrès de la technique qui ne sont pas instantanés,
05:29 il faut du temps de recherche et de développement,
05:31 et puis une fois que c'est au point il faut le temps de renouveler toute la flotte.
05:35 Par exemple si demain matin vous avez une nouvelle génération d'avions, il faut 25 ans pour renouveler la flotte.
05:41 Donc c'est quand même quelque chose qui est assez lent par rapport à l'urgence du problème.
05:45 Donc il faut le faire, mais à l'arrivée on est quand même à court terme dans une situation
05:52 où on va encore consommer beaucoup d'énergie malgré la sobriété et malgré l'efficacité,
05:58 et il faut donc se passer au plus vite en métamorphosant dans notre métier d'énergie les sources d'énergie carbonées,
06:04 celle qui pose le quadruple problème que j'ai annoncé au début.
06:07 Et alors là c'est trouver d'autres sources d'énergie, et tu en as parlé,
06:10 tu as bien indiqué effectivement les autres sources d'énergie en question.
06:14 Alors déjà, décarboner ça va souvent être électrifié.
06:18 Ça va souvent être électrifié, c'est-à-dire que ça va être électrifié les transports,
06:23 électrifié les moyens de chauffage, électrifié les procédés industriels.
06:28 Donc ça va être faire ça, et faire en sorte que cette électricité soit bas carbone.
06:33 Ça ne sert à rien.
06:35 Et rien que ça, cette électrification pose un certain nombre de soucis,
06:39 qui sont ceux que j'avais écrits, c'est-à-dire qu'on a des soucis sur les approvisionnements en métaux,
06:43 la consommation de métaux qui va avec ça.
06:46 Il y a par exemple une étude de l'IFP Énergie Nouvelle qui montrait que
06:51 si on essaye de faire la transition écologique pour rester sous les 2 degrés de réchauffement climatique,
06:56 mais sans toucher à la croissance, et qu'on mise à fond sur l'électrification,
07:01 on épuise quasiment les réserves de cuivre et de cobalt qui sont dans la prouce terrestre,
07:06 on les épuise quasiment à l'horizon 2050.
07:09 Ce qui veut bien dire qu'il va falloir aussi faire autre chose, la sobriété, en l'occurrence du recyclage,
07:14 et ce qui veut bien dire qu'il faut aussi interroger la croissance en tant que telle.
07:18 Mais ceci étant dit, il faut bien une forte dose d'électrification,
07:24 parce que c'est le moyen d'aller décarboner en électrifiant et en approvisionnant en électricité pas carbone.
07:30 Et électricité pas carbone, il n'y a pas 50 moyens non plus.
07:33 L'électricité pas carbone, c'est le nucléaire et le renouvelable.
07:37 Et l'un et l'autre posent un certain nombre de soucis.
07:43 Alors aujourd'hui, on est dans une situation où en France, le gros de notre mix électrique, c'est le nucléaire.
07:50 C'est à peu près 70%, et après vous avez 10% de barrages hydrauliques,
07:57 et 10% de pétroliens rétrolaires, et le reste c'est du gaz, de la biomasse.
08:05 Et le problème qui se profile à l'horizon, c'est que le nucléaire, qui représente donc le gros de production d'électricité,
08:15 notre part nucléaire arrive en fin de vie.
08:18 Pourquoi ? Parce que notre part nucléaire a été construite en réaction aux gens de pétrolier,
08:22 au début des années 80, dans les années 80, à la fin des années 90.
08:26 Et une centrale nucléaire, ça a 40 ans de durée de vie, et on est dans les années 2020.
08:32 Donc ça veut dire que là, on va avoir ce qu'on appelle les "dépalèges",
08:34 ce qui veut dire que les réacteurs nucléaires vont tous arriver en fin de vie, les uns après les autres.
08:38 C'est un intervalle très court.
08:41 Et donc, ce qu'on est en train de dire, c'est que non seulement il va falloir maintenir une production d'électricité importante,
08:50 on va même l'augmenter, si on veut électrifier plein de choses,
08:53 et qu'en même temps, notre principal mode de production va arriver en fin de vie.
08:58 Et donc ça veut dire qu'il y a un effort colossal à faire pour renouveler notre appareil de production.
09:06 Donc ce qu'on veut faire, ça peut être soit développer davantage de renouvelables,
09:12 soit développer de nouveaux nucléaires.
09:15 Mais dans les deux cas, ça va être compliqué, parce que si on veut aller sur un scénario 100% renouvelable, par exemple,
09:24 les rythmes de déploiement que ça demanderait pour arriver à déployer le renouvelable suffisamment vite
09:29 pour compenser les fermetures de réacteurs, il faudrait faire mieux que les meilleurs élèves européens en la matière
09:35 pour toutes les formes d'énergie renouvelable.
09:37 Il faudrait faire ça simultanément pendant 30 ans pour arriver dans les temps.
09:42 Donc c'est un défi industriel. Alors c'est jamais impossible si on y met tous les efforts,
09:46 mais en même temps c'est un défi plus gros.
09:48 Donc le risque de se planter est important.
09:51 Et ça c'est la trajectoire, mais à l'arrivée, un mix électrique 100% renouvelable, on n'est pas certain de dire que ça fonctionne.
09:58 Personne ne l'a jamais fait. Au maximum, les Allemands par exemple font un 30%.
10:03 Et comment on gère l'intermittence ?
10:06 Le fait qu'on n'a pas d'électricité solaire quand il fait nuit, pas d'électricité éolienne quand il n'y a pas de vent,
10:12 ils ont à côté des moyens de production fossiles, centrales à gaz et à charbon.
10:17 Centrales à gaz qui les ont maintenues sous la dépendance russe,
10:20 et des centrales à charbon qui sont extrêmement volantes en termes de production d'énergie.
10:25 Et gaz et charbon sont de tous les cas un désastre sur le plan du climat.
10:30 Donc faire du 100% renouvelable, ça serait un énorme défi industriel et un pari technique.
10:38 Même si il y a des moyens de stockage, l'hydrogène peut être un moyen de stockage.
10:43 C'est à dire que quand il y a de l'électricité en trop, on l'utilise pour produire de l'hydrogène.
10:47 Et puis quand il n'y a plus de vent et de soleil, on utilise cet hydrogène pour produire de l'électricité dans l'autre sens.
10:52 Mais effectivement les rendements sont très mauvais.
10:54 Et encore une fois, personne n'a jamais fait un système qui généraliserait ce principe là et qui baserait entièrement là dessus.
11:00 Donc quand on regarde un petit peu les scénarios, par exemple les scénarios RTE sur les mix électriques à l'horizon 2050,
11:07 ils proposent des scénarios 100% renouvelables mais ils exposent un certain nombre de risques liés à ce que je viens de décrire.
11:13 Et à côté de ça, ils proposent aussi des scénarios avec du renouvelable et du nucléaire.
11:18 Et le nucléaire, moi je suis partisan d'un mix avec justement du renouvelable et du nucléaire.
11:25 Mais le nucléaire ne peut pas tout non plus.
11:27 Parce que, je l'ai dit, toutes nos centrales arrivent en fin de vie.
11:30 Alors on peut avoir espoir de les prolonger.
11:32 Normalement c'est 40 ans mais si on a l'accord de l'autorité de sûreté nucléaire, on peut négocier un 50 ans, peut-être même 60 ans.
11:38 Les américains ont prolongé une durée de vie comme ça importante.
11:41 Bon maintenant ça ne fait que retarder le problème.
11:44 Normalement on se pose quand même la question de "est-ce qu'on en construit des nouvelles ?"
11:48 Et là pareil, si on veut en construire au bon rythme, le défi industriel il est colossal.
11:53 On parle de construire les fameuses EPR2, c'est la suite de l'EPR1 de Flamanville,
11:58 qui ne fonctionne toujours pas, après Argentier et Interminable.
12:02 Là il faudrait construire, suivant les scénarios, 14, 22, jusqu'à 24 EPR2 à l'horizon 2050.
12:11 Pourquoi pas si on s'en donne les moyens, mais là aussi c'est un chantier industriel colossal,
12:16 avec donc un risque de ne pas tenir le rythme.
12:20 Et dans tous les cas, même si on fait tout ça, RTE nous dit qu'on sera au maximum à 50% de nucléaire en 2050.
12:28 Alors qu'aujourd'hui on est au 3/4.
12:30 C'est-à-dire que dans tous les cas, le vieillissement du parc actuel, on ne pourra pas complètement le compenser,
12:35 et ça veut dire que la moitié restante, si on est à 50%, c'est du renouvelable.
12:41 Donc voilà, moi mon message, et je conclurai là-dessus,
12:46 c'est que la situation est tellement urgente et tellement grave en termes de dépendance aux énergies fossiles,
12:52 autant sur le plan climatique, géologique, géostratégique et économique,
12:57 qu'il faut en sortir à tout prix, le plus vite possible, et en mettant tous les moyens possibles à notre disposition.
13:03 Je pense qu'on n'est plus autant, il faut se chamailler entre décroissance et décarbonation,
13:10 entre technique ou pas technique, entre renouvelable ou nucléaire.
13:14 En fait, il faut tout faire à la fois.
13:16 Donc il faut et décroître autant que possible, c'est-à-dire ce qui est socialement soutenable,
13:23 et donc accommodable via de la réduction des inégalités.
13:26 Il faut faire autant d'efficacité énergétique que possible via des progrès techniques,
13:31 il faut décarboner autant que possible en électrifiant autant que possible,
13:34 et en faisant autant de renouvelable et de nucléaire que possible.
13:37 Et on n'a pas beaucoup d'autres moyens que de faire ça le plus vite possible,
13:42 pour essayer de minimiser à un horizon aussi court que possible notre dépendance aux énergies fossiles.
13:47 Mais évidemment on sent bien que tout ça ne va pas se faire spontanément par le libre-jeu du marché,
13:52 si c'était comme ça, ça se serait déjà fait, puisque le libre-marché a dû le remettre,
13:57 et visiblement ça n'a pas spontanément produit une transition énergétique d'une seconde.
14:02 Donc ça aurait nécessité une forte dose d'intervention publique sous différentes formes,
14:08 et on sent bien que ça ne va pas complètement correspondre au mode de fonctionnement néolibéral actuellement en vigueur.
14:15 Et je m'arrêterai là.
14:17 Et ce qui est assez inquiétant dans ces conclusions,
14:20 c'est qu'ils expliquent que même si les relations avec la Russie redevenaient normales,
14:24 c'est-à-dire même si on oublie la question ukrainienne,
14:27 on aurait de toute façon un sujet à court et moyen terme sur l'approvisionnement en gaz,
14:32 parce que la croissance de la consommation est telle, dans un certain nombre de régions du monde, notamment l'Asie,
14:41 que même si on est optimiste non seulement sur les relations avec la Russie,
14:47 mais aussi sur la décarbonation de l'Union Européenne,
14:49 c'est-à-dire on a besoin de moins de gaz, et on a le gaz russe qu'il nous faut,
14:53 même dans ces cas-là, ce n'est pas évident qu'on arrive à trouver les quantités nécessaires sur les marchés internationaux.
14:58 Dans le sens où effectivement, les gaz en duc, ça c'est limité, ça va d'un point A à un point B,
15:02 et après il y a effectivement le gaz naturel liquéfié,
15:04 où là, comme Aurélien a expliqué, c'est une concurrence internationale,
15:08 et là effectivement il va y avoir une très forte demande du côté asiatique,
15:12 et il n'y en aura probablement pas pour tout le monde en fait.
15:15 Même dans des scénarios assez optimistes de décarbonation.
15:18 On ne tiendra probablement pas, parce que c'est l'UE qui est aux manettes et elle ne fait pas grand-chose.
15:21 Mais même si on éteignait qu'on avait besoin de moins de gaz,
15:24 il n'y aurait sûrement pas une production suffisante pour y répondre.
15:28 Les conclusions du rapport sont assez inquiétantes.
15:31 Ils avaient fait le même genre de rapport sur l'approvisionnement pétrolier,
15:34 où ils analysaient le fait qu'il y a à peu près la moitié des pays depuis lesquels on importe notre pétrole,
15:40 qui ont des productions en déclin.
15:43 Parce qu'on parle de pic pétrolier, je disais le pic pétrolier attendu pour la décennie à venir, ça c'est mondial,
15:48 il y a des pays qui ont déjà passé leur pic pétrolier.
15:51 L'Afrique dans son ensemble a déjà passé son pic pétrolier,
15:54 l'Europe dans la mer du Nord a déjà passé son pic pétrolier,
15:57 la Russie doit plus ou moins y être, alors là c'est bouleversé par la crise ukrainienne,
16:01 mais avant la crise ukrainienne il était annoncé qu'elle approchait de son pic pétrolier.
16:05 Et donc on dépend comme ça pour moitié, mais en fait on dépend pour moitié de zones qui sont en cours de contraction
16:10 en termes de production pétrolière.
16:12 Que ce soit sur le pétrole ou sur le gaz,
16:14 le panorama mondial est assez inquiétant, et le panorama européen il y a encore plus.
16:19 Alors après sur la deuxième question de
16:22 quelles ressources on aurait nous en France, est-ce qu'il n'y aurait pas des solutions de ce côté là,
16:26 alors sur le thorium, j'explique un petit peu,
16:28 effectivement là on parle d'une nouvelle génération de centrales nucléaires,
16:32 c'est à dire que les centrales qui sont aujourd'hui majoritaires,
16:35 c'est ce qu'on appelle les centrales de deuxième génération,
16:38 il y a la troisième génération qui arrive, ça c'est les EPR,
16:41 c'est encore des technologies à peu près comparables,
16:44 c'est à dire qu'on fait de la fission nucléaire,
16:48 et dans tout l'uranium qu'on extrait de la couche terrestre,
16:51 on utilise une partie seulement, ce qu'on appelle l'isotope,
16:55 qu'on appelle l'uranium 235, donc c'est 1% à peu près de l'uranium total.
17:00 Et la génération future de centrales nucléaires, la quatrième génération,
17:05 ça pourrait être des centrales qu'on appelle la neutron rapide,
17:09 qui est aussi de surgénération, et qui utiliserait non plus le 1% d'uranium 235,
17:14 mais 100% de l'uranium, y compris l'uranium 238, c'est à dire le reste.
17:19 Et donc là si on arrive à développer ça, on multiplie par un facteur 100 les réserves disponibles.
17:24 Ce qui n'est pas négligeable parce qu'effectivement aujourd'hui,
17:28 on a de quoi revenir en termes de réserve, uniquement en se basant sur l'uranium 235,
17:32 tu l'as dit c'est effectivement de l'ordre de 120, moi j'avais 150 ans en tête,
17:37 mais c'est avec la consommation actuelle.
17:40 Et il se trouve qu'aujourd'hui personne ne fait de nucléaire au niveau mondial.
17:43 Nous on en fait 70%, au niveau mondial c'est peut-être 10%, quelque chose comme ça.
17:47 Si tout le monde se met à faire comme les français, c'est à dire à faire 70% de nucléaire,
17:52 et qu'en plus on dit qu'on électrifie tout massivement,
17:55 donc si on commence à faire x10 ou x15 sur notre consommation d'uranium 235,
18:00 les 150 ans deviennent 15 ans ou 10 ans.
18:03 Et donc là il devient très urgent, si on défend le nucléaire,
18:07 d'avoir des centrales de 4ème génération qui peuvent utiliser tout l'uranium.
18:11 Et les déchets.
18:12 Et qui peuvent aussi, effectivement, c'est pour ça qu'on parle de sur-génération,
18:16 elles ont aussi la propriété de pouvoir réutiliser en entrée le plutonium,
18:21 qui est aujourd'hui généré par les centrales actuelles.
18:24 Donc ça c'est des centrales de 4ème génération à l'uranium,
18:28 et on a aussi des centrales de 4ème génération au thorium,
18:31 qui est donc un autre élément,
18:34 qui est encore 3 ou 4 fois plus abondant dans la coupe terrestre,
18:36 donc là dans le réserve c'est encore une manne encore beaucoup plus importante.
18:41 Une grande partie des réserves sont en Inde,
18:44 parce que les indiens font beaucoup de recherches là-dessus.
18:48 Sur la 4ème génération en général, on a des prototypes qui tournent maintenant en Russie et en Chine.
18:54 C'est un chantier dont la France s'était saisie avec succès,
18:57 puisqu'on avait eu plusieurs projets de 4ème génération.
19:02 On avait eu Rhapsody, Phoenix, Super Phoenix, et le dernier en date Astrid.
19:07 Ça marchait, dans le sens où on a déjà fourni sur le réseau de l'électricité via ces prototypes.
19:12 Ça restait des prototypes.
19:15 Alors il faut toujours se méfier, parce que quand on a un prototype qui marche dans un coin,
19:18 ça ne veut pas dire que c'est forcément fiable, généralisable, rentable,
19:23 et ça ne pose pas la question de la durée de déploiement.
19:26 Parce que là-dedans, la question clé, c'est le temps. Il y a une urgence.
19:30 Donc si on a une solution qui marche, mais à l'horizon d'un demi-siècle,
19:33 les piques pétroliers et gaziers seront déjà passées, le climat sera déjà réchauffé,
19:36 et ça ne sert pas à grand-chose.
19:39 Mais il faut se dire qu'effectivement, on a des prototypes qui marchent,
19:43 et nous, on a choisi d'abandonner ça, pour des raisons essentiellement politiques,
19:47 pour faire plaisir aux verts, pour le dire.
19:50 Et parce qu'on disait "oui, mais en ce moment, les cours de l'uranium sont bas sur les marchés,
19:54 donc ça vaut pas le coup".
19:56 Ce qui prouve aussi la vision de long terme qu'on doit avoir en dirigeant.
20:00 Donc oui, oui, moi je l'ai dit, je défends un mix renouvelable nucléaire,
20:05 et le nucléaire se trouve qu'il n'est pas généralisable à grande échelle
20:09 avec les ressources actuelles d'uranium-235.
20:12 Donc il faut développer la quatrième génération, selon moi, à l'uranium et au thorium.
20:17 Et effectivement, sans même parler du thorium qu'on aurait dans les sous-sols,
20:20 j'avoue que j'ai pas l'état des lieux de ces ressources là en tête,
20:23 mais sans parler de ça, on a des stocks d'uranium appauvris sur le territoire français.
20:28 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on prend de l'uranium dans le sous-sol,
20:30 il y a 1% d'uranium-235.
20:32 Il faut l'enrichir à quelques pourcents pour que ça marche dans une centrale.
20:35 Ce qui reste, on le met de côté. C'est de l'uranium appauvri, on n'en fait rien.
20:39 Déjà, non.
20:40 Le jour... Non, l'uranium appauvri, on le stocke dans un coin, on n'en fait rien.
20:44 Le jour où on peut utiliser cet uranium appauvri comme une ressource,
20:47 dans les centrales de 4e génération, on a des stocks pour des siècles
20:50 sur le territoire français actuel, sans avoir besoin d'extraire la moindre once de thorium.
20:55 C'est vraiment 50 ans pour déployer des stocks ?
20:58 Ben... Ouais.
21:00 En fait, quand vous voyez déjà que déployer des EPR à l'horizon 2050
21:04 pour maintenir un peu notre production électrique, c'est un énorme défi,
21:07 avec la technologie actuelle.
21:08 Là, on parle de mettre au point des prototypes, de vérifier que ça fonctionne bien,
21:12 et puis de faire ça à l'échelle du mix électrique national ou mondial.
21:15 Ouais, l'ordre de grandeur, c'est le demi-siècle, je pense, pour avoir fait quelque chose comme ça.
21:19 Si ça marche.
21:20 Parce que les solutions, elles sont toujours parfaites tant qu'elles ne sont pas mises en place.
21:23 Mais il peut y avoir des problèmes.
21:25 C'est-à-dire que l'un des fluides qui est utilisé dans les centrales de 4e génération,
21:29 plusieurs technologies, c'est le sodium.
21:31 Et le sodium explose au contact de l'eau.
21:33 Et il y a aussi de l'eau dans ces réacteurs.
21:35 Donc évidemment, tout ça est censé être bien étanche,
21:37 mais la construction des oxydants pourrait aussi exploser dans ce genre de cas.
21:41 Elle prendrait une autre forme que la forme actuelle dans les centrales de 2e et 3e génération,
21:47 mais il y aurait aussi un sujet de sécurité.
21:49 Et ça, si on ne le résout pas, du coup, ce n'est pas généralisable.
21:52 Donc voilà un petit peu sur le thorium. Je vais m'arrêter là.
21:54 Vous n'avez pas évoqué la méthanisation.
21:59 Est-ce qu'on peut en attendre quelque chose ?
22:03 Dans quel contexte, exactement ?
22:06 Pour produire du gaz, en l'occurrence, oui.
22:11 Alors, ça, c'est plutôt de l'utiliser pour peindre les vaches.
22:16 Non, non, le problème avec la méthanisation actuellement,
22:22 c'est qu'au lieu de produire des cultures nutritives,
22:25 ils produisent des cultures pour la méthanisation.
22:29 C'est le problème des bio-énergies en général.
22:32 Que ce soit le biogaz, les biocarburants, etc.
22:35 C'est qu'à chaque fois, vous allez avoir un conflit d'usage
22:38 entre l'énergie et l'alimentaire.
22:42 Prenez les biocarburants.
22:45 Bon, si on fait pousser des cultures, on va faire confler du carburant avec.
22:50 Quand on les brûle, ça relâche du gaz à effet de serre, du CO2.
22:54 Mais il se trouve que les plantes, en poussant, ont absorbé du CO2.
22:56 Donc on dit qu'en ensemble, c'est neutre.
22:58 Alors déjà, il faut regarder de près, parce qu'il y a des études qui ont été faites
23:00 et qui montrent qu'en fait, ce n'est pas si neutre que ça.
23:03 Parce qu'il se trouve que l'activité agricole, elle a aussi un petit impact
23:06 en termes d'émission de gaz à effet de serre.
23:08 Et en fait, il y avait une étude qui avait montré, il y a quelques années de ça,
23:11 que les biocarburants, en fait, émettent plus que les carburants classiques.
23:16 Parce que souvent, en plus, pour avoir les surfaces cultivables en question,
23:20 il faut déforester.
23:21 Donc on a des fois des choses qui, en fait, sont...
23:23 Alors, sachant que dans les cultures qui servent aux biocarburants,
23:27 on a par exemple l'huile de palme,
23:29 qui en termes de déforestation, est catastrophe.
23:32 Donc là, on est sur un bilan en termes de gaz à effet de serre
23:34 qui est négatif par rapport à un carburant classique,
23:37 qui a déjà un impact catastrophique.
23:40 Et quand bien même ça ne marche pas parfaitement,
23:42 il y a un moment où il y a un sujet sur la surface qui est tout seul.
23:45 C'est-à-dire que si vous voulez passer tout votre parc de véhicules automobiles
23:49 aux biocarburants, et que vous voulez en même temps nourrir une population
23:53 qui est en plus en croissance démographique,
23:55 il y a un moment où il va falloir faire des arbitrages.
23:57 Moi, je pense que dans la situation d'urgence extrême dans laquelle on est,
24:01 il faut tout simplement faire les deux autant que possible.
24:04 Et de la même manière, on oppose le renouvelable et le nucléaire
24:08 comme si il fallait vraiment choisir une voie ou l'autre,
24:11 et que c'était incompatible.
24:12 Or, là aussi, rien n'empêche de faire les deux.
24:15 Donc ça, c'est un peu des fausses incompatibilités.
24:19 Et du coup, des faux débats qui ont tendance à être très clivants.
24:23 C'est-à-dire que vous regardez aujourd'hui le champ politique,
24:26 vous avez la gauche, en tout cas LFI et ELV,
24:30 qui globalement est dogmatiquement anti-nucléaire.
24:34 Donc il n'y a pas de débat possible,
24:36 ce qui devient de plus en plus compliqué pour eux,
24:38 parce qu'il y a des sondages récents qui ont montré
24:40 que maintenant une majorité de leurs sympathisants est ex-nucléaire.
24:43 Donc ça va commencer à être compliqué pour la tête de ces appareils-là
24:46 de maintenir comme ça une absence de débat sur ces questions.
24:50 Et vous avez le symétrique tout aussi absurde,
24:52 à droite et à l'extrême droite,
24:54 de gens qui sont dogmatiquement anti-renouvelables,
24:56 ce qui est encore plus stupide.
24:58 Parce qu'autant il y a une incertitude sur des scénarios 100% renouvelables,
25:01 autant des scénarios 100% nucléaires.
25:03 Il n'y a aucun scénario RTE qui propose ça, et de loin.
25:06 Au maximum c'est 50% nucléaire.
25:09 Donc on a malheureusement un champ politique
25:13 qui se caractérise par un certain dogmatisme,
25:15 dans un sens ou dans l'autre,
25:17 alors qu'il faudrait au contraire pousser les deux formes d'énergie,
25:21 nucléaire et renouvelable, simultanément.
25:25 Et alors on va dire "bah oui Macron c'est ce qu'il propose,
25:27 mais malheureusement lui, et ce sera mon deuxième message,
25:30 oublie un petit détail qui est que
25:32 la transition écologique ne peut certainement pas se faire à iso système économique.
25:37 Et là par contre il y a un vrai débat,
25:39 et là il y a une vraie incompatibilité,
25:41 c'est entre la transition énergétique et le néo-libéralisme.
25:43 C'est à dire que si on dit qu'on fait une transition écologique sérieuse,
25:47 ça veut dire de forts investissements publics,
25:50 donc évidemment que ça va se heurter à toutes les contraintes de déficit, de dette, etc.
25:55 C'est des mesures de relocalisation,
25:57 donc ça va se heurter au libre-échange.
25:59 C'est des mesures de contraintes pour le secteur privé,
26:02 donc ça va se heurter à la concurrence libre et non faussée,
26:05 ça va être des contraintes pour les entreprises.
26:07 Et évidemment la question des monopoles publics,
26:11 où je vous crie totalement à ce qu'Aurélien a dit.
26:14 Donc là par contre, il y a une vraie incompatibilité,
26:17 et entre la transition écologique réelle et sérieuse et le néo-libéralisme,
26:22 il va falloir choisir.
26:24 Moi en ce qui me concerne, mon choix est fait.
26:27 Merci.
26:28 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
26:31 Les sous-titres ont été réalisés par la communauté d'Amara.org
26:34 Merci à tous !
26:36 [SILENCE]