Tensions à la frontière Liban-Israël

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00:00 -Maintenant, Joseph Bout, directeur de l'Institut pour les affaires publiques et internationales,
00:03 professeur à l'Université américaine de Beyrouth. Bonjour.
00:06 Il y a des tirs quotidiens entre Israël et le Liban.
00:10 Ce sont des escarmouches ou cela s'intensifie ?
00:12 -Ce sont des escarmouches qui s'intensifient, je pourrais dire.
00:17 Nous sommes encore évidemment sous le seuil de ce qu'on pourrait considérer comme, disons,
00:24 le palier à partir duquel la guerre serait plus totale entre Israël et le Hezbollah.
00:29 Il y a entre ces deux parties des arrangements de sécurité,
00:32 ce qu'on appelle des règles d'engagement qui sont mises en place depuis des années,
00:37 peut-être même depuis la guerre de 2006.
00:39 On est encore sous le seuil de ces arrangements.
00:41 Mais évidemment, le dérapage peut devenir important à n'importe quel moment.
00:46 Il est surtout, pour être plus analytique, il est surtout très indexé à ce qui pourrait se passer à Gaza,
00:51 sur le front de l'offensive terrestre.
00:53 L'hypothèse de travail que tout le monde a aujourd'hui est que si cette offensive prend une ampleur
01:00 qui risque de, disons, de décapiter complètement, d'annihiler le Hamas,
01:06 ou que les pertes civiles deviennent vraiment insupportables pour l'opinion qui entoure le Hezbollah,
01:13 à ce moment-là, l'Iran et le Hezbollah pourraient prendre la décision, peut-être,
01:17 de rentrer en guerre de façon plus forte.
01:19 Pourtant, malheureusement, enfin, toutefois, je vois des limites à cela,
01:24 puisqu'il y a des limites israéliennes, c'est-à-dire ne pas vouloir se battre sur deux fronts.
01:29 Il y a des limites au Hezbollah qui sait que la situation au Liban est catastrophique
01:34 et qu'il ne peut pas y ajouter un autre élément de désastre.
01:38 Et il y a aussi la limite, disons, du grand jeu géopolitique dans la région,
01:43 c'est-à-dire qu'un embrasement pareil, à un moment donné,
01:46 fera intervenir peut-être les Américains qui ont déployé des forces maritimes dans la zone.
01:53 Et en cas de dérapage ou en cas, comme vous venez de dire,
01:56 d'offensive terrestre israélienne d'ampleur et massive,
01:59 est-ce que si le Hezbollah entre en guerre, ça veut dire que l'Iran est derrière ?
02:03 Là, on est dans l'opinion ou dans l'analyse.
02:09 La mienne est que oui, l'Iran sera derrière.
02:11 Le Hezbollah fait partie de l'axe iranien dans la région, dont le Hamas fait partie aussi.
02:19 Évidemment, chacune de ces organisations a une gradation différente de sa relation avec l'Iran.
02:25 Le Hezbollah est beaucoup plus organiquement lié à l'Iran que ne l'est le Hamas.
02:35 Le Hezbollah peut être considéré un tout petit peu comme l'unité d'élite des forces pro-iraniennes dans la région.
02:43 C'est une des raisons pour lesquelles l'Iran ne voudrait pas jeter dans le brasier cette force
02:50 avant que le seuil de ce qui est insupportable pour l'Iran dans ses calculs régionaux ne soit atteint.
02:57 Mais évidemment, la décision sera prise en coordination, sinon plus, avec l'Iran.
03:03 C'est là aussi où il y a une limite. L'Iran multiplie les signaux à l'égard des États-Unis
03:10 et inversement les États-Unis à l'égard de l'Iran,
03:12 en disant qu'ils ne voulaient pas un dérapage total, un embrasement total de la région.
03:18 C'est pour ça aussi, et là on revient à Gaza, que les États-Unis déconseillent encore fortement à Israël
03:25 de poursuivre cette offensive terrestre jusqu'à la conquête totale de Gaza.
03:30 Ils ont probablement couvert et donné le feu vert à l'opération d'hier,
03:34 qui est surtout une opération de bombardement massif, peut-être même une incursion partielle dans la bande.
03:40 Mais je crois qu'à partir du moment où Israël pourrait prendre la décision de conquérir l'ensemble de la bande de Gaza,
03:48 je crois que les États-Unis seront beaucoup plus vocaux dans leur mise en garde,
03:52 non seulement pour des raisons iraniennes, mais pour des raisons aussi de sauvetage Israël elle-même.
03:58 Ils savent très bien que c'est là le risque d'un enlisement politique et militaire israélien.
04:04 Je crois que les États-Unis essayent de traiter cette crise de façon encore contenue,
04:10 n'ont pas envie de voir Israël s'engouffrer dans une guerre sans fin à Gaza,
04:14 mais n'ont surtout pas non plus envie de se voir eux-mêmes engouffrés dans une confrontation avec l'Iran,
04:20 qui elle, mettrait aux prises, si vous voulez, des théâtres différents comme l'Est de la Syrie, l'Irak,
04:26 le Yémen ou même encore des théâtres asymétriques dans la région.
04:30 Donc les pressions américaines actuellement sur le gouvernement israélien doivent être fortes.
04:33 Cette guerre, elle implique des militaires, des milices,
04:35 mais elle touche aussi énormément les populations civiles.
04:37 Qu'en est-il au Liban ?
04:39 Non, au Liban justement, et c'est un peu ce qui explique d'une certaine façon les pertes élevées du Hezbollah.
04:46 Le Hezbollah a perdu en deux semaines une affaire de 55 hommes,
04:50 ce qui est assez grand pour cette organisation.
04:54 Et cela s'explique en partie par le fait que les opérations que lancent les combattants du Hezbollah
04:59 contre des installations essentiellement de surveillance électronique sur la frontière israélienne,
05:06 le Hezbollah essaye de les lancer à partir d'un point très avancé vers la frontière
05:11 pour épargner justement des ripostes sur les populations civiles.
05:15 Je crois que le Hezbollah, cette année, dans cette guerre-là, à la différence de 2006,
05:20 a très à cœur de ne pas engager ou de ne pas, disons, exposer la population civile à la riposte israélienne
05:29 parce que justement le Hezbollah est très conscient que la société libanaise est aujourd'hui exempte,
05:34 qu'elle pourrait très mal supporter ce genre de ripostes et l'exode qui en suivrait.
05:40 Et donc le Hezbollah, on pourrait dire, paye un peu de sa personne
05:45 en voulant épargner les villages frontaliers au Liban Sud.
05:48 La grande question est de savoir s'il peut continuer à opérer comme ça.
05:53 À partir d'un certain moment, il faudra qu'il fasse appel peut-être à des techniques plus classiques
05:59 et qui, elles, à ce moment-là, mettraient sous le feu israélien les villages frontaliers du Liban Sud.
06:05 Rapidement d'un mot, comment les différentes communautés de la population libanaise
06:09 perçoivent ou vivent en ce moment, perçoivent plutôt ce conflit ?
06:14 C'est toujours très difficile de répondre à ce type de questions
06:17 parce que le Liban est un pays, comme vous le savez, très clivé
06:20 et où les clivages sont parfois masqués par une sorte de propos un tout petit peu pudiques.
06:27 C'est-à-dire que souvent dans leur fort intérieur, les Libanais sont peut-être,
06:32 je ne dirais pas détachés par rapport à ce qui se passe à Gaza,
06:36 mais n'ont pas de sympathie particulière pour ce genre de questions.
06:41 Ils le professent parfois à haute voix.
06:43 Ceci dit, il est frappant de voir que dans des segments de la société libanaise
06:47 qui sont classiquement, en général, insensibles à cette question,
06:51 l'ampleur du désastre humain à Gaza est en train aujourd'hui de provoquer
06:55 un effroi et une sympathie, je pourrais dire.
06:58 Ce qui d'ailleurs frappe quelque part les interlocuteurs occidentaux
07:03 ou même l'opinion israélienne qui n'arrivent pas à comprendre que,
07:07 par exemple, par rapport au 7 octobre, une population ou une société
07:11 comme la société libanaise n'ait pas été très choquée par ce qui s'est passé
07:16 le 7 octobre parce que dans cette région du monde, nous vivons de plus en plus
07:20 dans une sorte de, je dirais, d'habitude de la violence,
07:25 mais aussi du poids de plus en plus fort, du deux poids et deux mesures dans la région.
07:30 Ce qui fait dire à certains de plus en plus que, finalement,
07:33 la violence n'appelle que la violence et que tout ça, somme toute,
07:37 n'est qu'un cycle interminable dont le Liban fait aussi plus ou moins partie.
07:42 Merci beaucoup, Joseph Bawouf, pour votre analyse et d'avoir été avec nous sur France 24.
07:46 Merci à vous.
07:47 L'Assemblée Générale de l'ONU a adopté à une...

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