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L’écrivain et philosophe Alain Finkielkraut était l’invité de BFMTV pour évoquer le conflit entre Israël et le Hamas, le déplacement d’Emmanuel Macron au Proche-Orient, la menace terroriste et les propos récents de Jean-Luc Mélenchon.

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00:00 - Raphaël Fickelkraut, rebonsoir. - Rebonsoir.
00:03 - La France tient-elle son rang depuis le massacre du Hamas en Israël le 7 octobre ?
00:10 - Oui, bien sûr. Je pense que les initiatives et les propos d'Emmanuel Macron sont très justes.
00:21 Il est bon parce que, si vous voulez, il désigne le Hamas très clairement comme un ennemi.
00:31 Il est proposant d'élargir la coalition, même s'il a précisé ce qu'il entendait.
00:36 Et c'est très important parce qu'on a tendance, ici ou là, et même à l'ONU,
00:43 à considérer le Hamas en quelque sorte comme une conséquence, même ses attentats,
00:51 une conséquence de la politique israélienne de colonisation.
00:56 - On l'a beaucoup entendu, ça.
00:57 - Ce n'est pas une conséquence, c'est un ennemi. C'est notre ennemi.
01:03 Et c'est l'ennemi aussi de la cause palestinienne. Il est bon qu'ils le disent.
01:09 Mais justement, arrêtons-nous à cet effort de contextualisation.
01:14 Tout le monde dit que c'est horrible, que c'est des atrocités, etc.
01:18 Mais contextualisons. Moi, je veux bien contextualiser, mais pas comme ça.
01:23 La contextualisation dont on nous parle est, si vous voulez, indécente,
01:28 puisqu'elle fait presque porter la responsabilité de ce qui arrive à Israël,
01:33 de ce qu'Israël subit à Israël même, et en même temps, elle est fausse.
01:40 Parce qu'on nous dit que c'est une politique de colonisation terrible,
01:44 qui pousse les Palestiniens en désespoir.
01:46 Moi, je m'oppose très fermement, depuis toujours, à la colonisation rampante
01:54 de la Cisjordanie. Et ça fait 40 ans même que je plaide pour une autre politique.
02:02 Mais voyons les choses d'un peu plus loin.
02:07 Israël, pays expansionniste, s'est retiré du Sinaï.
02:12 Israël s'est retiré de Gaza. Israël s'est retiré du Sud-Liban.
02:20 Drôle d'expansionnisme. Mais surtout, on peut même dire que le Hamas répond
02:28 à la décolonisation de son territoire par la terreur.
02:37 Et cette terreur, elle a visé d'abord les kibbouts, c'est-à-dire les hauts lieux
02:44 de la gauche israélienne. Donc on est là, non pas dans une forme de résistance,
02:51 mais dans une volonté très claire d'extermination.
02:55 Et c'est pour ces raisons aussi que je suis très inquiet.
03:00 Oui, il faut relancer le processus de paix.
03:04 – Vous y croyez, peut-on encore croire à la paix dans cette région ?
03:07 – Eh bien, il faut essayer d'y croire. Mais Emmanuel Macron nous dit
03:13 que le Hamas ne représente pas la cause paix israélienne.
03:17 Parlons à l'autorité palestinienne. – Qui est très décriée aussi.
03:22 – L'autorité est corrompue. Et s'il est corrompue, c'est pas la faute d'Israël.
03:26 C'est un négationniste. Et en outre… – Le président Abbas.
03:31 – Le président Abbas, Abou Mazen, il a perdu les élections en 2006.
03:36 Depuis lors, il n'y a plus aucun processus électoral.
03:39 Donc tout laisse à penser que le Hamas, au prochain des séances,
03:47 prendrait le pouvoir en si journalisant. Comment voulez-vous que les Israéliens,
03:51 même épris de paix, veuillent céder la Cisjordanie aujourd'hui ?
03:56 Parce que c'est le pays tout entier qui serait à portée de pompes et de missiles.
04:00 – Mais alors avec qui faire la paix ?
04:02 – Mais donc on est dans une situation véritablement tragique.
04:05 – C'est une impasse.
04:06 – La séparation entre les deux peuples s'impose.
04:09 Et elle est aujourd'hui rendue impossible, notamment par le Hamas.
04:16 On dit qu'il faut faire un geste pour les Palestiniens.
04:19 Mais j'aimerais que le jour vienne où les Palestiniens feront un geste pour les Palestiniens.
04:25 Les Palestiniens eux-mêmes.
04:27 Arafat a négocié à Camp David.
04:30 Ehud Barak lui a cédé 90% de la Cisjordanie.
04:33 Jérusalem-Est pour capitale de l'État palestinien.
04:36 Il a dit non. Il a été accueilli pour ce non en ERO ou à Gaza.
04:42 Abou Mazen, Mahmoud Abbas a négocié avec Ehud El Mert en 2008.
04:46 Même scénario, il a dit non.
04:49 Il a dit non parce qu'effectivement, il avait l'impression que les Palestiniens voulaient autre chose.
04:54 Le droit au retour des réfugiés notamment. Mais qu'est-ce que ça veut dire ?
04:57 – Oui mais, Anna Fickel-Kroth, il y a aussi l'opinion publique arabe
05:00 qui a applaudi l'attentat du Hamas.
05:03 – Qui a applaudi l'attentat, oui.
05:04 – Partout, on a vu des manifestations.
05:06 – Oui, et ça aussi, ça fait terriblement pleure cette rue arabe.
05:11 Là il faut… j'ai lu un texte de Kamel Daoud, vous savez, dans "Le Point".
05:15 Il y a quelque temps, il se disait, mais au lieu, s'il voulait, de se mobiliser pour construire un pays,
05:26 pour même libérer leur croyance religieuse du fanatisme,
05:33 il ne trouve rien de mieux à faire que de se mobiliser sur un mode imaginaire
05:39 pour la cause palestinienne, à Casablanca, à Bagdad, à Tunis.
05:45 Mais pourquoi ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
05:47 Pourquoi ne s'occupe-t-il pas de leur propre nation ?
05:52 Mais c'est un événement terrible, s'il voulait.
05:55 Il faut aussi s'interroger de la situation.
05:57 Il ne faut pas flatter la rue arabe dans les réflexes qu'elle a.
06:01 Il faut la renvoyer à la situation qui est aujourd'hui la sienne
06:07 et exiger de l'opinion publique arabe qu'elle se préoccupe d'abord de ce qui se passe chez elle.
06:14 Dans son pays. Et en France, alors ?
06:16 Est-ce que vous craignez l'importation du conflit ?
06:18 Ça a peut-être déjà été le cas.
06:20 Il y a eu un tout d'un débat avec la France insoumise
06:25 qui refusait de qualifier le Ramas de mouvement terroriste.
06:29 On l'accuse même, Jean-Luc Mélenchon, de tenir des propos antisémites.
06:34 Est-ce que vous êtes aussi sévère que cela avec le leader de la France insoumise ?
06:38 Alors, je dirais un mot sur ce qu'on appelle l'importation du conflit.
06:42 La France insoumise a dit que les attaques de l'offensive armée des forces palestiniennes
06:53 menées par le Ramas se faisaient dans un contexte d'incentification de la politique d'occupation
06:59 israélienne à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem.
07:02 Donc, ce n'est même pas renvoyer dos à dos.
07:04 C'est dire que tout procède de la politique israélienne.
07:08 Je répète que Gaza n'est pas un territoire occupé.
07:11 Ce n'est pas vrai. Il n'y a pas d'apartheid à Gaza.
07:13 Il n'y a pas de colonie israélienne à Gaza.
07:15 Il n'y a pas de colonie israélienne.
07:16 Donc, factuellement, c'est une erreur.
07:17 Et ça a été très difficile.
07:18 Et d'ailleurs, le parti le pire d'Israël, Force juive, celui d'Isam Harbinvir,
07:23 est né en réaction à ce démantèlement.
07:26 Tellement, ça avait traumatisé une partie de la nation israélienne.
07:31 Donc, voilà.
07:33 Et le problème, évidemment, de la France insoumise,
07:37 c'est, et je ne suis pas le premier à le dire,
07:40 c'est d'abord l'électoralisme.
07:42 Ils ont fait carton plein en Seine-Saint-Denis.
07:45 Et ils se disent qu'avec l'immigration,
07:47 il y aura de plus en plus de Seine-Saint-Denis en France.
07:50 Et un jour, ils arriveront au pouvoir.
07:53 C'est seulement ce calcul cynique, en fait ?
07:55 Ils spéculent sur ce nouveau peuple.
07:59 Et ils se disent que la judéophobie y est très répandue.
08:04 Et donc, ils accompagnent cyniquement ce processus mortifère.
08:11 Mais il n'y a pas de conviction, c'est uniquement un calcul politique ?
08:14 C'est aussi cynique que ça ?
08:15 Alors, vous avez raison.
08:16 Il y a aussi une conviction qui est l'anti-sionisme, l'anti-colonialisme.
08:22 Antisionisme, sionisme = racisme.
08:26 Voilà ce qu'on pense à la France insoumise.
08:28 Et ainsi surgit aujourd'hui une modalité inédite de l'antisémitisme.
08:36 Un antisémitisme antiraciste.
08:39 Donc inculpabilisable.
08:41 Nous, on est contre le racisme,
08:43 dont témoigneraient les Israéliens, les Juifs d'Israël.
08:46 Voilà.
08:47 Donc, ce n'est pas seulement un calcul.
08:49 C'est aussi une conviction,
08:51 mais une conviction aussi détestable que le calcul lui-même.
08:56 Quant à l'importation du conflit, pas du tout.
08:59 Il n'y a pas de conflit.
09:00 Les Juifs de France ne se battent pas aujourd'hui contre la communauté musulmane.
09:06 Il y a des actes antisémites quand même,
09:08 qui sont plus importants depuis le 7 octobre.
09:10 Il y a, sous couleur de la solidarité,
09:14 sous le glorieux étendard de la solidarité avec la Palestine,
09:19 un déchaînement en France de la nouvelle haine anti-juive nouvelle,
09:26 parce qu'elle n'a rien à voir avec Maurras, avec Bares,
09:30 ni a forceri avec Hitler.
09:32 C'est un autre support, c'est autre chose.
09:35 Et ce qui accompagne cette autre chose,
09:40 ce n'est pas l'extrême droite,
09:42 c'est une partie de l'extrême gauche.
09:46 Et je suis très inquiet, parce que nous sommes au début de cette guerre,
09:51 parce que l'offensive terrestre risque d'arriver,
09:55 et parce que plus il y aura de victimes dans cette guerre,
10:01 plus on accusera Israël des pires tuplitudes,
10:04 on part dès aujourd'hui de massacres.
10:07 Mais ce n'est pas vrai.
10:09 Quand la coalition internationale, d'en part le Macron,
10:15 a fait la guerre à Daesh, elle a largué des bombes.
10:19 - Et des civils sont morts.
10:21 - Forcément.
10:22 A la différence de ce que fait Israël, sans prévenir les civils.
10:26 Il y a un préavis de la part d'Israël,
10:28 puisque le ramasse lui-même a dit,
10:31 quand il n'y aura pas de préavis, on va éliminer un otage.
10:35 Ça veut dire qu'il y a un préavis.
10:37 Ça veut dire aussi que les Israéliens ont demandé,
10:40 on le sait, à une partie de la population asiatique,
10:44 de quitter le nord de Gaza.
10:46 - Il y a quand même des civils qui se sont tués à Gaza.
10:49 - Mais il y a aussi des civils qui meurent.
10:52 Il faut se méfier des chiffres fournis par le ramasse.
10:55 Mais c'est vrai.
10:56 Simplement, ce n'est absolument pas un massacre.
11:01 - D'accord.
11:02 Mais je ne sais pas si vous avez entendu la reine Rania de Jordanie,
11:05 qui a pris la parole pour condamner le silence assourdissant
11:09 des pays occidentaux après les bombardements d'Israël à Gaza.
11:12 Elle dit qu'on a condamné,
11:15 elle condamne bien sûr les attentats du 7 octobre,
11:18 mais elle dit aujourd'hui,
11:20 pourquoi les occidentaux ne condamnent pas les civils tués à Gaza.
11:26 En fait, il y a deux points de mesure selon elle.
11:28 - D'abord, on n'a entendu personne,
11:32 et pas elle non plus, dans le monde arabe,
11:36 et surtout dans l'arabe, condamner les atrocités contre Rome.
11:42 - Elle les condamne.
11:43 - Oui, elle les condamne, mais elle doute qu'il y ait eu des décapitations.
11:47 Et surtout, dès qu'elle les condamne,
11:49 elle dit que ce déchaînement de violence
11:57 vient des violations répétées du droit international par Israël.
12:01 Donc toujours, Israël est à l'origine même de ce qui lui arrive.
12:06 Et premièrement.
12:08 Deuxièmement, en Occident,
12:10 les protestations contre les bombardements israéliens à Gaza
12:15 se font entendre.
12:17 Il y a de plus en plus de manifestations dans les rues européennes,
12:21 dans les campus américains.
12:23 Les occidentaux en appellent à un respect du droit humanitaire,
12:29 mais je n'aime pas l'expression "de poids, de mesure",
12:33 parce que ces deux réalités ne sont pas du même ordre.
12:37 Et j'ajoute que le Hamas n'a jamais combattu l'armée israélienne.
12:44 Et eux-mêmes, aujourd'hui, se réfugient dans les mosquées, dans les écoles.
12:51 C'est de là qu'ils lancent leurs roquettes,
12:54 c'est là aussi qu'ils stockent leurs armes.
12:57 Donc il est vrai que pour eux,
13:00 les Palestiniens habitant Gaza sont un bouclier humain.
13:05 C'est une réalité dont il faut tenir compte.
13:08 Une dernière question.
13:09 L'attaque terrestre n'a pas commencé.
13:11 Le conflit peut durer.
13:13 Vous n'avez pas peur qu'à un moment donné,
13:15 finalement, on n'ait plus le souvenir du massacre du 7 octobre,
13:19 mais qu'on voit jour après jour les dégâts causés par la guerre menée par Tsaïl
13:25 et que l'attaqué devienne l'attaquant qu'il faudra condamner ?
13:29 Mais je pense qu'une partie de l'opinion est déjà en train de se retourner.
13:37 Oui, je crois.
13:40 Et c'est pour ça d'ailleurs que j'ai très peur des retombées en France
13:45 de ce qui se passe aujourd'hui en Israël.
13:49 Les actes antisémites se multiplient
13:54 et on n'est pas à l'abri d'attaques plus violentes encore.
14:00 Je n'ai que des raisons de m'inquiéter aujourd'hui.
14:08 Simplement, il faut le dire, avec le Hamas,
14:14 nous avons affaire à quelque chose comme Daesh
14:18 et la coalition internationale ne s'est embarrassée d'aucun scrupule
14:26 pour essayer de détruire l'Etat islamique.
14:29 J'appelle l'armée israélienne à faire preuve, elle, de prudence et de scrupule
14:37 dans un contexte particulièrement difficile, mais je le répète...
14:41 Il faut éradiquer le Hamas ?
14:43 Je le répète, je l'ai dit, le Hamas assassine la cause palestinienne.
14:49 Si on peut avoir un espoir à long terme, c'est effectivement
14:55 que les Palestiniens soient débarrassés du Hamas
14:59 et que surgisse enfin en Palestine un leader moderne, digne de ce nom,
15:05 face aussi à un gouvernement israélien un peu plus ouvert
15:10 C'est une anecdote que celui de Benyamin Netanyahou.

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