Retour de mission en Israël : "l'odeur de la mort et le temps qui s'arrête"

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Transcription
00:00 - Bonjour, Pauline Godard. Vous étiez il y a quelques jours à la frontière entre Israël et la bande de Gaza.
00:04 Vous avez assisté à ces tirs croisés.
00:06 Vous avez également été l'une des premières équipes, avec Luc Schrago et Ammar Al-Abedaoui,
00:11 à rentrer dans l'un des kiboutzs attaqués le 7 octobre dernier.
00:14 L'odeur de la mort, le temps qui s'arrête, c'est l'illustration du massacre du Hamas.
00:18 - Oui, c'est complètement ça quand vous rentrez dans ce kiboutz,
00:21 et même un peu avant d'arriver dans ce kiboutz, vous sentez cette odeur de la mort,
00:26 et c'est ce qui nous a vraiment marqués.
00:28 On s'est regardés avec Ammar et Luc, on s'est dit "mais waouh, c'est très prenant en fait, ça ne vous lâche pas cette odeur".
00:36 Il y avait notamment ces cadavres d'assaillants qui étaient mis les uns sur les autres un peu avant l'entrée du kiboutz.
00:44 Et puis, plus vous continuez à avancer dans ce kiboutz, plus vous sentez cette odeur,
00:48 plus vous voyez les dégâts, et quand vous voyez les dégâts autour de vous,
00:51 vous vous rendez compte de la violence de l'assaut.
00:54 Tout est détruit ou en partie, beaucoup de voitures sont brûlées,
00:59 on voit les impacts de balles, les portes des maisons sont toutes ouvertes,
01:05 il y a beaucoup de traces de sang, on voit que la vie s'est arrêtée,
01:08 puisque ici et là, vous voyez encore des traces de vie, les jouets des enfants, des photos de famille,
01:14 vous voyez un café posé sur une table, vous voyez des chaussures, un sac,
01:19 toute cette vie qui s'est arrêtée.
01:20 Il faut rappeler quand même que beaucoup de familles, ce jour-là, étaient réunies,
01:25 et notamment des gens qui n'habitaient pas dans le kiboutz,
01:28 mais qui étaient venus voir leurs familles parce que c'était les fêtes,
01:31 et parce que c'était les vacances,
01:32 c'est pour ça aussi qu'il y avait encore plus de monde, notamment à Béhéry.
01:37 Et c'est vrai que c'est vraiment ce qui nous a choqués,
01:40 et qui est parfois difficile aussi pour nous journalistes,
01:42 même si on essaie d'écrire au mieux les situations comme celle-là,
01:45 et de trouver vraiment les mots exacts pour retranscrire ce qu'on a vécu
01:50 et ce qu'on a ressenti.
01:52 Et c'est ce que nous ont dit également les militaires, en fait.
01:55 Comment vous expliquer, comment vous parler de tout ce qu'on a pu voir,
01:58 tout ce qu'on a pu découvrir quand nous sommes arrivés,
02:01 l'état de certains corps notamment.
02:03 Et on a vu des militaires très impactés, en fait, par ce qu'ils avaient vu,
02:07 et notamment aussi les personnes de Zaka.
02:09 On a pu avoir une interview avec un des responsables de Zaka,
02:14 et qui nous a expliqué qu'en 25 ans,
02:19 il faisait ce métier depuis 25 ans, et finalement en un jour,
02:22 tout ce qu'il avait vu en 25 ans avait été réuni en un jour.
02:25 Il nous a dit que normalement...
02:26 - C'est une association, Zaka ?
02:27 - Ah oui, pardon, c'est une association religieuse,
02:31 une organisation religieuse,
02:33 et qui en fait va sur place récupérer les corps après,
02:37 ça peut être après des accidents de voiture,
02:39 mais aussi pour les attaques qui sont menées,
02:42 comme les attaques qui ont été menées le 7 octobre.
02:45 Et il nous a expliqué aussi que parmi...
02:48 En fait, à la base, normalement, comme c'est une organisation religieuse,
02:51 ils n'ont pas le droit de prendre les photos des corps.
02:55 Il nous a expliqué que là, les sévices qu'ils avaient vécus étaient tels
03:00 qu'il fallait garder des preuves,
03:02 et qu'ils ont décidé ensemble, finalement, de prendre des photos de ces corps.
03:06 Il nous a montré son ordinateur, on a vu de nombreuses photos,
03:09 on lui a demandé d'essayer de nous montrer le moins insupportable, si je puis dire.
03:14 Et on a vu notamment ces corps qu'elle scinait dans les voitures,
03:17 ces bouts de corps aussi, des corps d'enfants aussi,
03:21 qu'elle scinait encore accrochés à certains sièges.
03:25 Donc c'est vrai qu'on peut parler vraiment d'horreur,
03:28 et c'est vrai que c'est difficilement supportable,
03:32 mais c'est aussi comme ça, en voyant certaines choses,
03:35 que nous, après, on peut vous dire qu'on a été témoin de ce genre d'événement.
03:38 - Et vous avez passé 15 jours en Israël.
03:41 Quel est l'état d'esprit que vous avez capté de la part de la population ?
03:44 - Alors la population déjà est encore choquée, évidemment,
03:47 par ce qui s'est passé le 7 octobre.
03:49 Ils sont encore très choqués, certains ont peur,
03:52 notamment on a pu parler avec des gens à Tel Aviv, par exemple,
03:56 qui nous expliquaient qu'avant, même quand il y avait des sirènes,
03:59 vous n'allez pas forcément dans les shelters, les abris.
04:02 Et en fait là, quand vous êtes, ne serait-ce que dans Tel Aviv,
04:06 vous voyez les gens, les gens courent partout, les gens vont se mettre à l'abri,
04:08 les gens ont peur, ils ne se sentent même plus en sécurité à Tel Aviv.
04:11 Alors après, il y a aussi, je parle, bien sûr, encore une fois,
04:15 je ne fais pas une généralité, je parle des gens avec qui nous avons pu parler,
04:17 avec qui nous avons pu discuter, nous disent aussi également
04:21 que eux, ce qu'ils veulent vraiment, alors il y en a beaucoup qui parlent de paix,
04:24 qui ont envie de, qui aient la paix, qui veulent qu'une chose,
04:28 eh bien c'est que les otages rentrent.
04:30 Il y en a certains qui nous ont dit, et ça par contre,
04:32 c'est vraiment assez récurrent dans les témoignages,
04:35 c'est "nous sommes unis, nous sommes plus unis que jamais,
04:38 ils ont voulu nous briser, ils n'arriveront pas à nous briser".
04:41 Et il y en a certains qui parlent de cette offensive aussi,
04:43 qui attendent cette offensive terrestre, après l'échec, le cafouillage,
04:47 l'échec qu'il y a eu par rapport à Israël, qui n'a pas vu venir ces attaques du 7 octobre.
04:51 Il y en a certains qui attendent cette offensive,
04:54 d'autres qui ont peur de cette offensive terrestre,
04:56 car encore une fois, s'ils rentrent dans Gaza,
04:59 il faut savoir que ce n'est pas une offensive qui oppose une armée à une armée,
05:02 mais une offensive qui oppose l'armée israélienne au groupe Hamas.
05:05 Et donc, il ne faut pas oublier non plus qu'il y a 360 000 réservistes
05:09 qui ont été rappelés en Israël.
05:11 Ces personnes, il faut les réentraîner, il faut les rééquiper,
05:15 il faut faire de nombreux briefings pour mettre tout le monde à l'ordre du jour.
05:20 Et c'est aussi pour ça que ça prend du temps,
05:22 même si l'armée et notamment Yoav Galant, le ministre de la Défense,
05:26 dit régulièrement à ses troupes "Tenez-vous prêts, tenez-vous prêts".
05:29 Alors, il est vrai qu'à plusieurs reprises, nous, on a cru qu'il y allait avoir cette offensive,
05:34 mais pour l'instant, elle n'a pas eu lieu.
05:36 Merci Pauline Goddard pour la justesse de vos propos et votre travail.

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