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L'avocat Jean-Pierre Mignard et le sénateur-maire Françis Szpiner sont les débatteurs du jour. Thème : "Conflit au Proche-Orient : artistes, sportifs, personnalités - prendre position ou non ?" Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10/le-debat-du-7-10-du-lundi-23-octobre-2023-4507360

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00:00 ce matin sur l'engagement ou le manque d'engagement des artistes et des personnalités sur le sujet le
00:07 plus épineux qui soit le conflit israélo-palestinien. Est-ce le rôle de l'artiste, du footballeur,
00:13 de l'écrivain de se prononcer ? Il y a le piège de la parole et le piège du silence et on sent
00:20 bien depuis l'attaque du Hamas contre Israël un malaise généralisé dont on va débattre ce matin
00:26 avec deux avocats Jean-Pierre Mignard et Francis Spiner. Bonjour à tous les deux, merci d'être
00:34 là. Plusieurs personnalités de la communauté juive ont dénoncé le silence des artistes après les
00:38 massacres commis par le Hamas le 7 octobre en Israël. Certains silences m'ont terrassé,
00:44 a dit Delphine Orvilleur qui dénonce une faille empathique majeure. Il me tue ce silence a dit la
00:50 chanteuse Keren Han ou encore l'animateur Arthur qui appelle ses amis artistes, comédiens, humoristes,
00:55 sportifs à réagir. Ne restez pas silencieux, arrêtez d'avoir peur, votre silence les tue
00:59 une seconde fois. Vous aussi Francis Spiner, vous avez été surpris voire choqué par ces silences ?
01:05 Oui parce qu'il y a des artistes qui d'habitude sont beaucoup plus prolixes sur des sujets moins
01:11 importants. Si quelqu'un se tait tout le temps vous n'allez pas lui reprocher son silence. Mais
01:16 quand vous avez des grands bavards qui brusquement deviennent muets, ça pose évidemment des
01:21 questions. Et vous Jean-Pierre Méniard ? Oui je pense que surtout cette catastrophe, c'en est une,
01:28 elle brise les gens et elle les sépare. C'est à dire que s'il y a du muetisme c'est
01:34 parce qu'il y a un effondrement de beaucoup de personnes qui de manière presque pavlovienne
01:40 intervenaient ici ou intervenaient là. Ce sujet est un sujet intime pour les français parce que
01:46 nous sommes un pays qui a sa responsabilité dans l'histoire de la Shoah. Si un peuple effrayé a
01:51 voulu trouver un refuge, et bien la France, l'Europe, porte une responsabilité. Nous avons des
01:57 communautés extrêmement importantes de juifs et de musulmans français. Donc nous sommes dans un
02:02 débat intime, ce qui explique à mon avis pourquoi il y a une sorte de sidération et je dois le dire
02:07 d'effroi. D'effroi, de peur vous dites ? Oui, c'est ça que vous dites. Parce que nous sommes effrayés par ce
02:16 qui peut advenir. Nous savons ce qui est advenu des gens qui ont été massacrés le 7 octobre,
02:22 il n'y a pas de mots pour ça. Et puis nous assumons maintenant les risques d'une population
02:27 civile dont nous pensons que soit les femmes ou les enfants, elle n'est pour rien, elle ne peut pas
02:31 être considérée comme complice du Hamas. Donc nous sommes effondrés. La peur, vous êtes d'accord
02:37 avec Jean-Pierre Mignard ? Ce silence s'explique par la peur, la peur que ça dérape, la peur que
02:43 la première communauté juive fasse face à la première communauté... Je suis d'accord en partie avec Jean-Pierre Mignard, parce qu'il y a des gens qui
02:50 effectivement ont peur, et puis il y a des gens qui sont lâches, et puis il y a des gens qui pensent mal,
02:56 et donc il n'y a pas que la peur qui est la cause du silence. Alors parfois quand on en entend certains,
03:03 on se dit que le silence serait mieux. Mais c'est vrai qu'il y a une peur et moi je vois des gens
03:08 qui vous disent en privé des choses qu'ils n'oseront pas dire en public. Pourquoi ? Parce qu'ils auront
03:13 le sentiment d'être des traîtres à une appartenance communautaire, et donc ils vous disent "oui, oui,
03:20 mais si je dis ça, on va me dire que..." et donc la peur elle est aussi liée au sentiment que, au lieu
03:30 d'analyser les choses froidement, en tant que citoyen, on analyse les choses par rapport à un
03:36 réflexe communautariste. - Des lâches, dit Francis Spiner. - Oui, il y a des lâches, il y a aussi...
03:41 Il a raison, mais sur ce point il y a des difficultés aussi, c'est-à-dire à qui va-t-on parler lorsque
03:47 l'on veut la paix, la protection des personnes ? On ne peut parler qu'à Israël, donc on soutient et on
03:53 s'engueule. On ne va pas parler au Hamas, ça ne veut rien dire, on ne parle pas au Hamas. Donc on est dans
03:58 un conflit épouvantable où il y a une population civile, des gens massacrés et un gouvernement
04:03 civil ou militaire, qui est le gouvernement actuel d'Israël, à qui on parle. Et donc nous reprenons
04:09 à notre compte les divisions qui existaient à l'intérieur de la société israélienne, qui étaient
04:13 vraies. Moi je pense qu'Israël porte une responsabilité notamment dans sa politique
04:17 coloniale, mais ça ne justifie évidemment pas les massacres. Je pense même que le Hamas est
04:24 une malédiction pour les Palestiniens, il faut oser le dire. Moi je soutiens le peuple palestinien, je dis
04:28 le Hamas est une malédiction pour lui. Peur de parler ou insensibilité à la souffrance des juifs ?
04:35 C'est le dessinateur Johan Sfar qui pose cette question-là. Je ne sais pas ce qu'ont fait les
04:41 juifs pour que, quand on leur fait ça, il y ait une telle insensibilité. Ce qui existe aujourd'hui
04:47 en Israël, c'est comme s'il y avait eu dix attentats du Bataclan. Vous pensez qu'il y a une
04:54 insensibilité Francis Spiner ? Je ne pense pas, je la constate. Quand vous entendez ce qui s'est
04:59 passé, on parle de dix Bataclan. Je suis désolé, ce n'est pas le Bataclan, c'est pire. Quand vous
05:06 avez des femmes éventrées, toutes les atrocités dont on a entendu parler, ce n'est pas la mort
05:13 instantanée, la fusillade, l'attentat terroriste. C'est le crime sadique, perpétré, jouissif de la
05:21 part de ses auteurs. C'est de la monstruosité. Et que cette monstruosité puisse laisser des gens
05:27 insensibles, oui, ça interroge. Jean-Pierre Minard, vous êtes d'accord ? Oui, je suis d'accord au sens
05:32 où on ne peut pas parler à ces gens-là. Vous savez, quand il y a une guerre, il y a deux États,
05:37 il y a un antagonisme. On peut parler aux deux États. On peut dire à l'un et à l'autre, modérez-vous,
05:42 réfrénez vos pulsions. Parce qu'elles peuvent vous conduire à commettre des choses graves. Israël
05:48 n'est pas à l'abri de commettre des choses graves. Mais on ne peut parler qu'à Israël, on ne peut
05:52 pas parler aux autres. Ça n'a pas de sens. Alors, ce que dit Francis sur l'insensibilité, c'est vrai,
05:58 je l'ai déjà remarqué. Je trouve que ça, c'est quelque chose de gravissime, c'est quasi
06:03 anthropologique. Parce que je pense que la page la plus grave de l'histoire du monde, c'est Auschwitz.
06:07 Et je pense qu'à partir d'Auschwitz, on peut se dire que l'humanité peut le pire. On ne dépassera
06:12 jamais ça. Et donc, je pense que si on n'a pas cette sensibilité qui va au-delà du peuple juif,
06:18 et qui est notre propre réalité, c'est catastrophique.
06:20 Mais alors, essayez d'aller plus loin. Expliquez-le. Jean-Pierre Mignard, vous notamment, vous le dites,
06:25 vous avez été depuis toute votre histoire un défenseur des Palestiniens, de l'OLP, etc.
06:30 Donc, de venir dire ça aujourd'hui, essayez d'expliquer d'où elle vient cette insensibilité.
06:34 Pourquoi cette insensibilité quand il s'agit des Juifs ?
06:37 Alors d'abord parce que premièrement, il y avait de l'antisémitisme. Je ne vois pas pourquoi il se serait
06:41 évaporé à la suite de la création de l'État d'Israël. Et deuxièmement, parce que la division du monde,
06:45 le bloc de l'Est, et puis le bloc... Beaucoup ont considéré effectivement qu'Israël devenait une sorte
06:51 de porte-avions de l'Occident, et a été embarqué dans les guerres Est-Ouest. C'est aussi ça.
06:58 C'est d'ailleurs ce qui transparaît un peu aujourd'hui. Et puis, l'antisémitisme, ça existe.
07:04 Francis Le Maire.
07:05 Parce qu'il y a plusieurs insensibilités, si vous permettez. Il y a l'insensibilité dans une partie
07:11 du monde arabe qui diabolise les Juifs dès l'enseignement, dans l'Emmanuel scolaire, qui est l'ennemi absolu.
07:19 Et donc, il y a une espèce de déshumanisation. Et ensuite, des gens qui, par calcul politique, cynique,
07:28 sont totalement dans l'insensibilité parce qu'ils sont finalement des gens qui découvrent leur personnalité.
07:37 Quand je vois les gens de la France Insoumise qui viennent dire "Ah non, c'est pas des terroristes,
07:43 mais c'est ceci, mais c'est cela", on ne discute pas, on ne pinaille pas par rapport à un tel événement.
07:48 On doit tout de suite dire "Ce qui vient de se passer est répugnant et monstrueux",
07:53 quitte après à faire des analyses politiques plus ou moins douteuses. Et donc, on voit qu'il y a aussi
07:57 des gens cyniques. Il y a le cynisme, il y a la culture ou l'absence de culture, il y a l'éducation de la haine,
08:05 qui depuis des années a lieu. Quand vous voyez certains manuels scolaires, quand vous entendez qu'il faut
08:10 éradiquer, que c'est le mal absolu, c'est d'ailleurs ce que vient de faire le Hamas. On a tué des gens
08:15 tout simplement parce qu'ils étaient juifs et parce qu'on veut débarrasser la terre de Palestine des juifs.
08:21 Donc vous avez une insensibilité par un détournement de la foi religieuse et vous en avez une par cynisme politique.
08:27 — Jean-Pierre Mignard. — Moi, je suis d'histoire chrétienne, je suis chrétien. Donc je sais très bien aussi
08:30 comment le christianisme, le catholicisme a véhiculé des monstruosités vis-à-vis des juifs.
08:37 — Il y a eu le concile Vatican III. — Oui, mais ça a mis du temps, mon cher Francis. — Oui.
08:40 — Précisément. Donc nous en sommes là. Je pense qu'aujourd'hui, la question qu'on doit se poser, moi, c'est ce qui me terrifie,
08:45 c'est demain et après-demain. Il y aura une entrée dans Gaza. Il y aura des combats terribles. Les gens du Hamas
08:50 seront tués. Tant pis pour eux. Ils l'ont cherché. Des soldats israéliens seront tués. Beaucoup d'enfants, etc.,
08:56 et de femmes et d'hommes qui ne sont en rien des complices, au sens où pour être complice, il faut savoir.
09:01 Donc comment on va surmonter ça, après ? Parce que si on aime les Palestiniens, si on aime les Juifs,
09:08 si on veut qu'Israël soit absolument... Je vais même enlever mon adverbe, parce que si je mets mon adverbe,
09:13 ça veut dire même que ma pensée est plus faible. Non. Doit un droit, je veux dire, absolu à l'existence.
09:19 Comment on va par la suite ? Parce que moi, quand je défendais, Léa, quand je défendais Arafat,
09:25 quand on abandonnait la charte, le droit, l'existence, etc., je défendais un État où il y avait des chrétiens,
09:31 où il y avait des musulmans. C'était laïc. Il était quand même, en tout cas, pas laïc, mais en tout cas,
09:38 il était nationaliste. Et on sait ce que c'est, nous, les nationalistes. Avec la guerre d'Algérie,
09:42 il a fallu discuter avec des résistants nationalistes.
09:44 - Mais on voit bien que là, c'est la fin du nationalisme. Parce que ça a été remplacé par le Hamas,
09:48 donc un mouvement religieux. Et c'est qu'on voit que la religieuse s'enchevente.
09:51 - Si on redéfend les droits des Palestiniens, on ne peut que souhaiter la défaite du Hamas.
09:57 Le conflit n'est pas entre Israéliens et Palestiniens. Le conflit est entre ceux qui sont totalitaires
10:04 et ceux qui ne le sont pas. Et le Hamas est une organisation totalitaire. On poursuit les homosexuels,
10:11 on emprisonne les femmes, on interdit la liberté d'expression. Le meilleur service qu'on puisse rendre
10:16 au peuple palestinien, c'est de briser le Hamas. Et après, il faudra effectivement une solution politique.
10:23 - De reconstruire l'OLP, de reconstruire un État palestinien, et peut-être voir ce qu'on peut faire
10:26 avec les détenus du Fata, qui sont en détention. Où en sont-ils ? Voyez ! Et donc, ça signifie que le nouveau
10:33 gouverneur d'Israël devra faire un effort sur lui, mais considérable, non pas pour oublier le massacre,
10:38 mais pour penser à son propre avenir, et il devra penser à son avenir en pensant à l'avenir des Palestiniens.
10:42 C'est énorme, ça va durer très longtemps, et je vous assure que nous allons beaucoup souffrir.
10:47 - Un mot sur cette polémique entre Gérald Darmanin et Karim Benzema. Gérald Darmanin qui a déclaré,
10:56 sans apporter de preuves, que Benzema, à qui il reproche des messages sélectifs d'empathie envers les
11:01 Palestiniens et pas les Israéliens, avait un lien notoire avec les frères musulmans.
11:07 A-t-il parlé trop vite, Francis Spiner ?
11:09 - Ecoutez, je pense que c'est une polémique qui est disproportionnée par rapport à ce que nous vivons
11:15 et aux enjeux. Maintenant, M. Benzema ne s'est jamais caractérisé par un sens de la nuance, de l'équilibre,
11:23 et c'est vrai qu'il est hémiplégique. Il ne regarde que d'un côté. Quand on voit ce qui s'est passé,
11:30 effectivement, on peut regretter qu'il n'ait pas eu de mots pour les victimes de ce massacre horrible,
11:37 et sa solidarité avec les Palestiniens, je ne suis pas sûr que ce soit pour les Palestiniens la meilleure chose.
11:42 Maintenant, c'est vrai que dans la société française, où la parole est contestée, une partie de la jeunesse,
11:50 elle écoute qui ? Elle écoute de temps en temps les hommes politiques. - Pas tellement.
11:54 - Mais j'ai dit de temps en temps. - Les footballeurs et les rappeurs.
11:57 - Mais elle écoute les footballeurs et les rappeurs. Donc c'est vrai que lorsque l'on est un immense joueur
12:03 de football, ce qui est inversement proportionnel à son sens politique, lorsqu'on est un immense joueur
12:08 de football, on a un impact sur la jeunesse. Et donc on doit mesurer ce que l'on dit. Benzema ne l'a pas fait.
12:15 Que le ministre de l'Intérieur l'ait taclé, moi, ça ne me gêne pas. - Et vous, ça vous gêne Jean-Pierre Mignard ?
12:21 - Je trouve que c'est assez minuscule. Même si je veux pogner l'importance, l'influence.
12:27 - Ce sont des figures d'autorité d'une certaine manière. - Si on n'est pas content avec Benzema, on ne va pas le voir jouer.
12:32 - D'autorité non, mais d'influence. - C'est-à-dire que dans les années 70, quand vous étiez jeune,
12:38 c'était les intellectuels. - Coquines. - C'était les intellectuels, les figures.
12:45 Les figures qui inspiraient la jeunesse aujourd'hui. Ça a changé. - C'était un peu différent.
12:50 - C'était le temps des idéologies. - Simone de Beauvoir, c'était pas exactement Karim Benzema.
12:54 - Je dis ça bien, parce que là, on ne va pas le voir. On ne va pas le voir jouer. - Mais après, pardonnez-moi, c'est un débat.
13:00 Donc allons au fond des choses. Quand vous entendez certains aussi dire, Benzema, mais ça peut être Mbappé ou Omar Sy,
13:07 à qui on a reproché de ce tard, de dire, mais c'est quoi cette injonction de parler ? Pourquoi est-ce que nous, artistes, footballeurs,
13:13 on devrait forcément dire des choses ? Ça s'interroge aussi. - Non, on revient à ce que j'ai dit au début.
13:19 Si vous aviez quelqu'un qui ne se mêlait de rien et qui gardait le silence, vous n'allez pas le sommer de s'exprimer sur tel sujet.
13:26 Mais là, nous parlons de gens qui se sont exprimés régulièrement sur un certain nombre de sujets. Et donc on peut s'étonner.
13:34 Lorsqu'il y a eu la mort de Nahel, beaucoup de gens se sont exprimés. Je ne les entends plus les mêmes aujourd'hui.
13:40 Et je me dis qu'aussi tragique que soit la mort d'un jeune homme de 17 ans qui a refusé d'obtempérer un contrôle légitime de police,
13:48 c'est dérisoire par rapport à ce qu'on vient de vivre en Israël.
13:51 - Écoutez, quand on s'exprime, c'est assez risque et péril. Et ne lançons pas de chasse aux sorcières dans notre pays.
13:57 Adoptons déjà un cessez-le-feu en France.
14:00 - Merci Jean-Pierre Niniard. - C'est pas gagné. - Oui, c'est pas gagné.
14:03 Avocat S.A.I.S. Francis Piner. Avocat, j'ai oublié de mentionner que vous étiez sénateur LR de Paris.
14:08 - Oui. - Ça se fait quand même. - Vous avez pêché. - Oui.
14:11 - Merci à tous les deux. - Mais moi, je ne le cache pas. - Oui, oui, c'est un oubli de ma part.
14:15 À suivre, vos invités, Léa Mabankou, Blanchard, Waberry, juste après The Ailey Brothers sur Inter.

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