Général Vincent Desportes - "Cette guerre est du pain béni pour la Russie"

  • l’année dernière
Jean-Jacques Bourdin reçoit le Général Vincent Desportes.

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##L_INVITE_POLITIQUE-2023-10-23##

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Transcription
00:00 Ce matin nous recevons, et je suis très heureux de vous accueillir,
00:03 Général Vincent Desportes, bonjour.
00:06 - Bonjour.
00:07 - Merci d'être avec nous. Je rappelle que vous avez dirigé l'école de guerre, que vous êtes docteur en histoire,
00:11 ce qui est important
00:14 dans la situation actuelle. Alors expliquer,
00:17 analyser et comprendre la situation au Proche et Moyen-Orient avec lucidité,
00:23 sans parti pris au-delà des jeux politiques, des manifestations pro-Israël ou pro-Palestine,
00:30 c'est ce que nous allons faire. À l'Assemblée Nationale aujourd'hui, les députés débattront comment vont-ils se comporter,
00:34 quelle est la position exacte de la France.
00:37 Emmanuel Macron sera demain en Israël, Israël qui se prépare à l'immersion terrestre de Gaza, et les otages, dont des Français,
00:46 détenus par le Hamas, que fait-on ? Joe Biden, le Premier ministre canadien Trudeau,
00:52 Emmanuel Macron, Olaf Scholz,
00:55 Georgia Melanie et le Premier ministre britannique Rishi Sunak se sont réunis en vidéoconférence
01:01 dans la nuit. Ils ont réitéré leur soutien à Israël et à son droit de se défendre contre le terrorisme.
01:09 Ils ont également appelé au respect du droit humanitaire international, y compris en matière de protection des civils.
01:16 Des livraisons d'eau, de nourriture, de médicaments vont se poursuivre.
01:21 Ils s'engagent à œuvrer en faveur d'une solution politique et d'une paix durable au Proche-Orient.
01:28 Général Deporte, sur le terrain, l'armée israélienne continue de bombarder la bande de Gaza.
01:35 "Rien ne doit empêcher Israël de se défendre", disait hier la présidente de l'Assemblée Nationale, Yael Bron-Pivet.
01:42 "Entrer dans Gaza
01:45 permettrait à Israël de se défendre ?"
01:47 Écoutez, c'est toute la question. Moi je crois que nous sommes dans un piège. Israël est aussi dans un piège et c'est pour ça que
01:53 cette opération n'a pas été lancée il y a huit jours et qu'on est toujours en train d'attendre et qu'on ne sait pas.
01:59 C'est-à-dire que les dirigeants israéliens
02:02 comprennent bien qu'il y a de fortes chances que ce soit une opération perdant-perdant. Et donc ils hésitent.
02:08 Probablement ils le feront si rien ne se dessine au niveau politique.
02:14 Mais la mission que se donne l'armée israélienne est une mission absolument évidemment impossible.
02:21 Il y a deux missions. - Mission impossible ? - Mission impossible. - Pourquoi impossible ? - Mission impossible. La première c'est détruire le Hamas.
02:29 C'est impossible. On peut...
02:31 Le Hamas c'est une idéologie, c'est un réseau. Les grands dirigeants du Hamas ne sont d'ailleurs pas à Gaza mais plutôt au Qatar.
02:40 Donc on peut casser des instruments du Hamas, on ne détruira pas cette idéologie qui veut quoi ? La destruction d'Israël.
02:48 Donc si le Hamas est cassé dans la bande de Gaza, quelque chose de similaire ou la même chose renaîtra ailleurs.
02:55 Donc ça fera disparaître la menace un certain temps mais pas pour tout le temps. La deuxième chose c'est libérer les otages.
03:02 Bon on sait bien que les otages sont aussi aujourd'hui sous les coups que Israël porte
03:07 sur la bande de Gaza et que dans cette bataille qui sera forcément extrêmement sanglante des deux côtés,
03:13 eh bien les otages en feront probablement l'effret. Et d'un autre côté,
03:18 évidemment Israël ne peut pas laisser impuni. Il y a un besoin de vengeance et on le comprend. Mais la loi de Talion, du Talion ne peut pas servir
03:25 évidemment de stratégie. Et puis
03:29 Israël a le droit évidemment de se défendre.
03:32 Donc on voit bien que Israël ne peut pas ne rien faire et en même temps en faisant, elle le fera mal. Et donc elle est
03:38 dans un piège comme nous d'ailleurs occidentaux sommes dans le piège.
03:42 - Oui, je remarque la lucidité de votre propos.
03:46 Nous nous en tenons au fait. Pas de parti pris, je le disais en introduction, Général Desportes.
03:52 Vous vous en tenez au fait, j'aime cela parce que ça devient très très difficile aujourd'hui d'ailleurs de garder la tête froide.
04:00 Au milieu de toutes ces prises de position. L'armée israélienne est prête donc pour cette étape
04:06 l'invasion terrestre de Gaza. C'est ce que déclare encore une fois le porte-parole de l'armée israélienne.
04:12 Est-ce que des opérations ciblées sont déjà conduites, j'imagine, à l'intérieur même de la bande de Gaza ? Je parle à terre,
04:19 on oublie bien les bombardements.
04:22 - Alors il est tout à fait possible et nul ne le sait véritablement que les forces spéciales israéliennes qui sont très aguerries
04:28 conduisent déjà des opérations. Mais je pense que néanmoins ce qui va véritablement compter,
04:33 si elle existe, c'est cette opération terrestre. Et on a vu d'ailleurs la manœuvre d'Israël, qui n'est pas une manœuvre qu'une manœuvre intelligente,
04:40 qui est de libérer une "freaky zone", une zone dans laquelle on pourra tirer surtout
04:45 tout ce qui bouge. Et d'ailleurs ça a été dit, paraît-il, hier, si vous êtes encore dans la partie nord de Gaza, alors vous serez considéré
04:52 comme terroriste. Donc elle veut arriver à nettoyer et ensuite elle ira nettoyer un peu plus au sud et encore un peu plus au sud.
04:58 Et ça, ça ne peut être le résultat que d'une opération massive qui va dépasser les quelques
05:03 exécutions ciblées dont vous parlez. - Pourquoi est-ce qu'Israël tarde à lancer son offensive terrestre sur Gaza ? Pour des raisons purement
05:10 politiques ou à cause des otages ?
05:13 - Alors à cause des otages bien sûr et puis parce que Israël sait bien que
05:17 ça ne débouchera pas. Le risque majeur, c'est que... - Israël sait que ça ne débouchera pas, oui vous l'avez dit tout à l'heure, sur la disparition du Hamas.
05:25 - Non, ça ne débouchera pas, ça risque.
05:29 Israël a encore, et c'est bien, un fort capital de sympathie dans le monde, mais un capital néanmoins qui s'amenuise.
05:35 Et la survie d'Israël repose aussi sur ce capital de sympathie. Le pire, le pire qui pourrait arriver, c'est que devant
05:43 le bain de sang, parce que ce sera ça qui va se passer, Israël sera obligé d'arrêter et donc finalement
05:49 d'être en échec partout. Et donc ça, évidemment, Israël le craint,
05:54 Netanyahou le craint, parce que Netanyahou a besoin, pour sa survie politique, de lancer l'opération,
06:00 mais il sait bien que l'échec de cette opération sera aussi sa mort politique et peut-être son emprisonnement.
06:05 - Et puis mener une guérilla urbaine à Gaza est extrêmement difficile, Général.
06:11 - Alors c'est évidemment extrêmement difficile, il faut se rappeler les précédents, rappelez-vous la prise de Fallujah par les Américains qui a pris des semaines.
06:19 - Des semaines !
06:20 - Regardez la prise de Raqqa, la prise de Mossoul, plus récemment les combats dans les villes ukrainiennes qui ont pris des semaines, des semaines et des semaines.
06:30 Donc la guerre urbaine est celle qu'il y a de plus difficile.
06:34 Et aujourd'hui Gaza est un champ de ruines, on se bat mieux dans un champ de ruines, posez la question aux Russes à Stalingrad,
06:39 on se bat mieux dans un champ de ruines qu'évidemment sur un terrain ouvert.
06:43 Donc ce sera, quoi qu'il arrive, très compliqué, très sanglant.
06:46 - Est-ce que la guerre est toujours une défaite comme l'a dit le pape François hier ?
06:51 - Alors moi je crois que la guerre est une défaite, en ce sens qu'elle devrait être évitée.
06:56 La guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens, c'est pas moi qui le dit, c'est Clausewitz évidemment.
07:01 C'est donc que la politique a échoué. Donc la guerre est la défaite de la politique.
07:05 Cette guerre-là, elle est la défaite de quoi ? Elle est la défaite de tout le monde !
07:08 Elle est la défaite depuis 1948 de la communauté internationale qui n'existe pas, bien sûr,
07:14 enfin de la communauté internationale qui a été incapable de réaliser ce qui avait été arrêté par l'ONU avant 1948,
07:21 c'est-à-dire la réalisation de deux États capables de vivre ensemble.
07:25 Au fond, elle est un échec basé sur un déni.
07:29 Le déni du droit de vivre de 5 millions de Palestiniens à qui on n'a pas permis d'avoir cet État.
07:37 Et la solution politique recommandée, enfin que cherchait par le président Macron demain,
07:41 quand il ira à Israël, c'est évidemment ça. Il faut créer les conditions de la paix.
07:46 Mais créer les conditions de la paix, c'est pas, on l'a vu, simplement faire tellement peur au Hamas
07:51 que le Hamas ne fait rien parce que ça n'a pas marché cet octobre dernier.
07:54 C'est avoir deux États. C'est ça qu'il faut trouver.
07:58 Tant qu'on n'aura pas trouvé cette solution-là, le Moyen-Orient sera toujours au risque d'un embrasement général.
08:04 - Évidemment. Les Chinois qui nous disent "la force n'est pas un moyen pour résoudre la crise",
08:10 ça c'est de la diplomatie chinoise. Mais ça a une signification, Général Desportes.
08:16 - Alors la guerre, elle est un moyen en ce sens que. À quoi ça sert la guerre ?
08:22 - À quoi sert la guerre ? - La guerre sert à changer les conditions politiques.
08:28 D'où doivent émerger de ces conditions une nouvelle solution politique ?
08:32 On part en guerre quand on est dans un blocage.
08:35 Et pourquoi les Palestiniens commettent ces massacres ignobles le 7 octobre ?
08:42 Parce qu'il y a un blocage. Ils veulent que l'État palestinien existe,
08:47 ils veulent même plus que ça puisqu'ils veulent la disparition d'Israël,
08:49 et que le processus d'Abraham empêche cette affaire.
08:53 Alors qu'il faut changer les conditions politiques. Et ils ont réussi.
08:55 - Alors justement, j'allais vous poser la question, est-ce que le Hamas n'a pas gagné son pari
08:59 en ramenant la question palestinienne au cœur de la diplomatie internationale, mondiale ?
09:04 - Je pense que le pari initial du Hamas est réalisé.
09:09 Et donc, qui a perdu dans cette affaire-là ?
09:12 Tous ceux qui voulaient oublier cette affaire-là.
09:14 D'abord évidemment les Israéliens, mais aussi tout l'Occident.
09:17 Pas que l'Occident d'ailleurs, parce que la Chine, la Russie...
09:20 - Mais aussi les pays arabes. - Mais bien sûr.
09:22 Tout le monde voulait penser que c'était fini.
09:25 Et d'ailleurs le processus d'Abraham, c'est bien ça.
09:28 C'est de dire "on s'occupe plus de ça". Et ça aurait pu marcher.
09:31 Le problème, vous le savez, c'est que d'un autre côté, l'extrême-droite israélienne n'a pas été raisonnable.
09:37 En particulier dans cette politique de colonisation incendiaire de Cisjordanie,
09:41 qui a à mon avis été pour beaucoup dans cette tension qui a fini par exploser.
09:47 - Mais alors justement, Général, justement, le risque pour les Israéliens
09:52 n'est-il pas de tomber dans le piège du Hamas à Gaza ?
09:58 Est-ce que ce n'est pas un piège ?
09:59 - C'est un piège. Mais c'est un piège dans lequel Israël est tombé,
10:03 et dans lequel, je dirais, l'Occident est tombé.
10:06 On a bien vu le retournement de situation,
10:10 on a bien vu comment, au fond, tout ce qui se disait a complètement changé
10:13 à partir du faux bombardement de l'hôpital Al-Ali,
10:17 parce qu'il y a eu effectivement des morts.
10:19 Mais tout d'un coup, on a vu alors qu'il y avait la sympathie pour Israël
10:23 après ces attentats horribles du 7 octobre,
10:26 et puis tout d'un coup, l'opinion publique internationale s'est totalement retournée.
10:30 Le roi de Jordanie n'a pas voulu recevoir,
10:33 c'est quand même une espèce de claque, enfin c'est une claque,
10:35 aux États-Unis, le président Biden, etc.
10:37 Donc on voit bien que tout s'est retourné, et désormais,
10:40 Israël est tombé dans le piège, un piège qui ira où, on ne sait pas,
10:44 parce que personne ne domine la guerre, c'est bien ça qu'il est important de comprendre.
10:47 Mais aussi, je dirais, tout l'Occident est tombé dans le piège.
10:52 On ne peut pas ne pas soutenir Israël,
10:54 et en même temps, on ne peut pas...
10:57 - Et on voit l'Occident hésiter à condamner les morts des civils palestiniens
11:01 sous les bombardements israéliens.
11:03 - C'est bien le piège, si vous voulez. - C'est le piège !
11:05 - C'est exactement le piège. - Mais oui !
11:07 - C'est pour ça que ce qui a été dit, il a parlé à différents responsables occidentaux,
11:10 c'est pour ça aussi que le président Biden,
11:13 quand il est allé en Israël, a essayé d'avoir les deux discours à la fois.
11:19 Qu'est-ce qu'on reproche, l'Occident ?
11:21 Pourquoi est-ce qu'on a ce qu'on appelle le "suit global" qui est en train de se construire ?
11:26 Le grand reproche qu'on fait à l'Occident, évidemment, c'est le "deux poids, deux mesures".
11:30 Dire ce que vous reprochez aux Russes en Ukraine,
11:32 finalement, vous le supportez de la part d'Israël dans la bande de Gaza.
11:38 Et donc, le piège est tendu vers nous.
11:40 Il faut reconstruire un monde qui nous permette de vivre.
11:43 On voit bien qu'on avait une tendance lourde,
11:46 que la guerre en Ukraine a accélérée,
11:48 et ce conflit israélo-palestinien a encore creusé,
11:51 je dirais, la tombe de la capacité à établir une paix durable.
11:56 - Un monde multilatéral détruit par Donald Trump.
11:58 - Vous avez raison, vous avez raison.
12:00 Évidemment, d'ailleurs, dans cette affaire-là,
12:02 quand Trump fait installer l'ambassade américaine à Jérusalem-Est,
12:07 quand il approuve en quelque sorte la colonisation de la Cisjordanie,
12:12 il rajoute de l'huile sur le feu.
12:14 Et vous avez raison de dire que le président Trump
12:19 a porté des responsabilités importantes
12:23 dans la disparition de cet ordre international,
12:26 dont on doit dire qu'il était extrêmement ébréché avant.
12:29 Mais si le président Trump est réélu dans un an, dans deux ans,
12:34 je ne sais pas,
12:35 je crois que là, on va vers un monde
12:38 dans lequel on n'arrivera plus à trouver une solution pour la paix.
12:42 - Oui, Général Desportes, regardons maintenant la chose purement militaire.
12:48 L'armée israélienne est très engagée donc aux portes de Gaza,
12:52 elle est aussi engagée au nord, contre le Hezbollah.
12:55 Est-ce qu'elle a les moyens de se battre sur les deux fronts ?
12:59 - Alors, l'armée israélienne est une grosse armée,
13:01 on le sait, 180 000 personnels d'actifs, 350 000 personnels de réserve,
13:05 c'est quatre fois plus que l'armée française, c'est étonnant.
13:09 C'est quand même énorme,
13:11 et c'est non seulement une armée, mais c'est une nation en armes,
13:13 ce qui n'est pas le cas de la France,
13:14 mais la France n'est pas attaquée comme l'étaient les Israéliens.
13:16 Donc c'est une énorme armée.
13:17 Mais néanmoins, c'est un pays qui est enclavé, on le sait,
13:21 il y a le nord, comme vous l'avez dit,
13:23 mais il n'y a pas que des amis autour,
13:24 il y a la Syrie qui n'est vraiment pas un copain d'Israël,
13:27 d'ailleurs Israël bombarde l'aéroport de Damas tous les jours maintenant,
13:31 on a les autres pays.
13:32 Donc, est-ce que l'armée israélienne pourrait faire face
13:35 à un embrasement général de la zone ?
13:38 Ça, ce n'est pas évident.
13:40 C'est pour ça qu'Israël a besoin de l'engagement américain,
13:44 des munitions américaines, de la technologie américaine.
13:47 Et les États-Unis doivent aider Israël,
13:50 mais les États-Unis ne peuvent pas aider Israël à n'importe quel prix.
13:54 C'est bien pour ça, d'ailleurs, que le président Biden
13:57 cherche à limiter la liberté d'action de Netanyahou,
14:02 de manière à ce que cette affaire-là ne dérive pas complètement
14:06 et n'entraîne pas une montée aux extrêmes
14:10 dont tout le monde finalement serait général.
14:12 - Vous avez vu la déclaration américaine,
14:13 les États-Unis n'hésiteront pas à agir militairement
14:15 en cas d'élargissement du conflit.
14:17 C'est un avertissement, évidemment,
14:19 un avertissement adressé à l'Iran,
14:21 notamment, l'Iran qui, de son côté,
14:25 déclare la situation risque de devenir incontrôlable.
14:29 Ce risque d'embrasement, vous y croyez ?
14:33 Vous pensez qu'on est dans les prémices d'un embrasement
14:39 dans tout le Proche-Orient ?
14:41 - Le principe de la guerre,
14:43 Clausewitz nous dit, c'est qu'elle a sa vie propre.
14:45 Une fois que vous déclenchez la guerre,
14:47 vous ne savez jamais jusqu'où vous voulez aller.
14:49 - C'est comme le feu.
14:51 - C'est exactement comme le feu, mais le feu, on arrive à le maîtriser.
14:54 La guerre, en général, on ne maîtrise pas la guerre.
14:56 Et donc, jusqu'où va-t-on aller ?
14:58 La question qui se pose, c'est est-ce que l'Iran veut un embrasement général ?
15:02 La question se pose. Ce que veut l'Iran, c'est la disparition d'Israël.
15:06 Ce que veut l'Iran, c'est affaiblir son ennemi numéro un,
15:10 qui s'appelle les États-Unis.
15:14 Maintenant, est-ce que ça passe par un embrasement ?
15:16 Ce n'est pas absolument sûr. Parce qu'on sait que le régime des Molas,
15:18 aujourd'hui, est un régime qui est affaibli intérieurement.
15:22 On a tous en tête les manifestations.
15:24 Alors, il y a deux solutions pour le régime des Molas et des Ayatollahs.
15:28 Est-ce qu'on va profiter de la guerre pour fédérer la nation autour de nous ?
15:32 Et donc, ça vaut le coup d'aller provoquer l'enflammement général ?
15:35 Ou bien nous sommes encore trop faibles pour le faire,
15:37 et on va continuer à agir avec ce qu'ils appellent l'axe de la résistance,
15:41 c'est-à-dire tous les mouvements terroristes qu'ils financent et qu'ils organisent,
15:45 le Hamas, le Hezbollah, le djihad islamique, etc.
15:49 Donc, ça, on ne sait pas encore. Mais je pense que ça peut basculer.
15:52 Et encore une fois, on ne le sait pas, personne ne maîtrise une guerre qui a commencé.
15:56 - Avec l'Iran et d'autres qui se réjouissent de l'importation du conflit partout dans le monde.
16:03 En Europe, on parle beaucoup de la France, mais en Europe et partout dans le monde général.
16:08 - Bien sûr, bien sûr, puisque ce qu'on appelle le sud global,
16:12 qui n'est pas, qui n'existe pas, mais qui est un fait géopolitique.
16:17 Il y a une majorité de pays et une grosse partie de la population mondiale
16:21 qui est opposée à la perpétuation du système politique précédent
16:25 qui était dominé par l'Occident.
16:27 Donc, dès que l'Occident, quels qu'en soient ses parties, est pris dans un conflit,
16:31 finalement, ce sud global s'en félicite, parce que ça nous affaiblit
16:35 et ça permet à ces gens, qui ne sont jamais liés que par leur ressentiment vis-à-vis du Nord,
16:41 de pousser leur pion jusqu'à la destruction du système international,
16:47 dans lequel il faut le reconnaître.
16:49 Ils sont sous-représentés, un système qui est inégalitaire.
16:52 Et donc, tous ces conflits vont dans l'intérêt de ce sud
16:58 qui veut réégaliser les rapports dans le monde,
17:02 au détriment, bien sûr, de ce que nous sommes nous, l'Occident.
17:04 - Oui, et tout cela alimenté par ces conflits antérieurs
17:09 que l'Occident n'a jamais su conduire.
17:11 Moi, l'Afghanistan, l'Irak, etc., etc., général.
17:17 - Vous avez raison, vous avez raison.
17:19 Non seulement on n'a jamais su conduire, mais nous avons creusé notre propre tombe.
17:24 On l'a fait en deux coups.
17:26 La première fois, c'est cette stupide guerre en Irak, lancée par le président Bush en 2003,
17:32 qui a détruit le Moyen-Orient, créé Daesh,
17:35 et qui a déstabilisé l'ensemble de cette région,
17:38 et qui a donné du poids à l'Iran.
17:40 Parce que le poids que l'Iran a aujourd'hui,
17:42 est une conséquence directe de la guerre en Irak lancée en 2003.
17:47 La deuxième coup de pioche de l'Occident, c'est notre stupide guerre en Libye en 2011,
17:52 qui a totalement déstabilisé le Sahel,
17:55 et qui a, quelque part, entraîné la déstabilisation de tous les pays
18:00 de la bande sahélienne et du nord de la route noire.
18:04 - Et ne parlons pas de l'Afghanistan, évidemment.
18:06 Général Deporte, en ce temps-là, la Russie, finalement,
18:09 utilise ce conflit du Proche-Orient pour détourner la tension,
18:12 et se dire que les Occidents sont maintenant plus préoccupés
18:17 par la situation au Proche-Orient, que par ce qui se passe en Ukraine.
18:21 - C'est pain béni, c'est pain béni pour la Russie.
18:25 Alors, est-ce qu'il n'a pas béni un peu le pain avant de le donner à manger ?
18:28 Ça n'est pas impossible.
18:29 Quels étaient les liens ?
18:31 On connaît les liens entre la Russie et l'Iran,
18:33 les liens provoqués par la guerre en Ukraine,
18:36 et on connaît les liens entre l'Iran et le Hamas,
18:39 qui est contrôlé par l'Iran.
18:42 Et donc, il y a une chaîne.
18:44 Est-ce qu'ils ont provoqué ? J'en sais rien.
18:45 Mais en tout cas, pour eux, c'est extraordinaire.
18:47 C'est extraordinaire.
18:48 Sur les plateaux de télévision et de radio,
18:50 on parle, et on le comprend bien, de ce conflit israélo-palestinien,
18:54 et on se préoccupe évidemment beaucoup moins du conflit ukrainien,
18:58 qui sont pourtant extrêmement liés.
19:00 Et puis, il y a une capacité physique, si vous voulez.
19:02 Est-ce que l'Amérique est capable de soutenir,
19:06 d'appuyer le combat et de l'Ukraine et d'Israël en même temps ?
19:09 Ça n'est pas sûr.
19:10 Parce que rappelons-nous quand même,
19:11 que le grand problème des États-Unis,
19:13 c'est pas l'Ukraine et ça n'est pas Israël,
19:16 c'est Taïwan.
19:17 Et donc, l'Amérique a besoin de conserver ses propres munitions,
19:20 ses propres armes, pour parer.
19:22 Parce que l'acteur qui pourrait venir par la suite,
19:24 si ces deux conflits affaiblissaient suffisamment les États-Unis,
19:27 évidemment, le président Xi pourrait en tirer parti
19:30 pour jouer sa propre carte en mer de Chine méridionale.
19:34 - Oui, les Russes qui pourtant ont des liens étroits aussi avec Israël.
19:38 J'ai remarqué, tout le monde, enfin peu l'ont remarqué,
19:41 mais j'ai remarqué que Israël n'avait jamais condamné
19:46 aux Nations-Unies l'intervention, l'invasion russe de l'Ukraine.
19:51 Jamais.
19:52 - Mais vous avez raison.
19:53 Vous avez raison, et il y a toujours eu des liens ambigus
19:57 entre Israël et la Russie.
20:00 Mais on voit bien que la Russie là, est en train de lâcher Israël.
20:03 La Russie a eu des propos modérés le 7-8 octobre,
20:06 et puis en particulier depuis le massacre,
20:09 c'est pas un massacre parce qu'il y a eu beaucoup moins de morts qu'on ne l'a dit,
20:11 mais enfin, l'affaire de l'hôpital à Lali,
20:13 et bien maintenant, la Russie se met complètement du côté palestinien.
20:20 Et on voit bien, on voit bien dans cette affaire là, que la Russie,
20:26 elle est juste, elle cherche juste à tirer parti
20:29 des pièces qui sont en train d'être jouées sur les chiquiers mondiaux.
20:32 Et là, la pièce Israël-Palestine, elle joue pour lui,
20:35 puisqu'elle affaiblit la Russie, donc l'Ukraine.
20:38 - Et une fois de plus...
20:39 - Elle affaiblit les Etats-Unis, donc l'Ukraine.
20:41 - Donc l'Ukraine.
20:42 Et une fois de plus, le Liban va se retrouver au cœur de ce conflit,
20:46 un pays déjà dévasté, partagé, divisé, éploré,
20:52 j'en plourais 25 qualificatifs,
20:55 Général Deporte, le Liban qui risque encore une fois de se retrouver avec une guerre civile.
21:00 C'est terrible ce Liban qui souffre depuis septembre noir,
21:06 enfin depuis le début des années 70.
21:09 Et on voit bien quand même que les problèmes du Liban
21:12 sont liés à l'affaire palestinienne,
21:14 puisque c'est bien les Palestiniens qui étaient partis en Jordanie,
21:17 qui, poussés hors de Jordanie par le roi Jolissen,
21:24 vers le Liban, ont déstabilisé totalement le Liban,
21:29 à ce point qu'aujourd'hui, c'est bien le Hezbollah qui dirige au fond le Liban.
21:36 Donc la grande victime de ce conflit, ce sont les Palestiniens,
21:39 bien sûr, et c'est le Liban qui est bombardé tous les jours.
21:43 - Je suis très heureux que vous finissiez sur les Palestiniens,
21:45 parce que c'est vrai qu'ils ont été oubliés depuis tant d'années aujourd'hui,
21:50 et n'oublions pas non plus tous ces camps
21:53 où ils sont rassemblés par centaines de milliers, dont on ne parle jamais.
21:58 Absolument jamais, généralement.
22:01 - Vous avez parfaitement raison, et c'est en cela, moi,
22:05 je crois qu'il faut regarder les choses.
22:07 Rien n'excuse les massacres perpétrés par les Palestiniens le 7 octobre,
22:13 mais je crois qu'il est important de comprendre les responsabilités.
22:16 Et il y a eu une grande démission, des grandes,
22:19 que ce soit la Chine, que ce soit la Russie,
22:21 mais que ce soit les États-Unis, parce qu'à la chute du mur,
22:24 finalement c'est les États-Unis qui se sont trouvés un peu responsables de cette affaire-là.
22:28 Et on a continué, les grands, la Chine, la Russie...
22:31 - Et nous aussi l'Europe !
22:32 - Et nous aussi, complètement, à commercer avec Israël,
22:37 sans les obliger à être francs sur leur politique,
22:41 sur leur politique palestinienne.
22:43 Et nous sommes donc, quelque part, fautifs.
22:45 Nous n'avons pas eu le courage, nous avons fermé les yeux.
22:49 Et nous les fermons encore depuis longtemps sur cette tragédie incendiaire
22:55 qui est la colonisation de la Cisjordanie.
22:58 Donc nous avons nos propres responsabilités.
23:00 Et c'est en cela que nous devons agir, évidemment, pour soutenir Israël,
23:05 mais nous devons aussi absolument sortir par le haut de cette crise
23:09 et trouver une solution pour qu'enfin, sur cette terre meurtrie depuis 1948,
23:14 on arrive à trouver une solution pour la paix.
23:16 - Bien, merci beaucoup Général Desportes.
23:18 Voilà un message que vous lancez, en quelque sorte, au président Emmanuel Macron
23:23 qui sera demain en Israël et qui doit tenir un discours d'importance demain.
23:29 Un discours qui fixera la position de la France et de l'Europe.
23:33 Donc ce sera très intéressant.
23:36 C'est l'occasion ou jamais, pour lui, de marquer l'histoire demain.
23:39 Nous verrons bien.
23:40 Merci Général Desportes d'être venu nous voir.
23:43 Je rappelle que vous êtes docteur en histoire et ancien directeur de l'école de guerre.

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