Un déferlement de cadavres, de mutilés, des vidéos qui peuvent traumatiser les plus jeunes. Comment les ados perçoivent les choses ? Comment y faire face ? Comment trouver les mots ? Pour en parler, Audrey Akoun, psychothérapeute, et Yannick Olland correspondant de RTL à Strasbourg.
Regardez L'invité de RTL Soir du 11 octobre 2023 avec Marion Calais et Julien Sellier.
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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 Julien Celié.
00:05 RTL bonsoir jusqu'à 20h.
00:07 Allez RTL bonsoir, se poursuit et place maintenant à vos invités comme chaque soir pour tout comprendre.
00:13 Et ce soir on vous explique comment gérer l'afflux d'images atroces du conflit au Proche-Orient avec vos enfants.
00:19 Depuis ce week-end sur les réseaux sociaux un déferlement de cadavres, de mutilés, des vidéos qui peuvent traumatiser les plus jeunes.
00:26 Alors comment notamment nos adolescents qui sont très exposés aux écrans perçoivent les choses, comment y faire face, comment trouver les mots aussi.
00:33 Pour tout nous expliquer on est avec Audrey Hakoun, psychothérapeute. Bonsoir.
00:37 Bonsoir.
00:38 On est également avec Yannick Holland correspondant à RTL à Strasbourg. Bonsoir Yannick.
00:41 Bonsoir.
00:42 Alors avec vous Yannick on a voulu recueillir des paroles d'ados, savoir comment ils reçoivent et perçoivent les images parfois brutales de ces attaques.
00:49 Vous êtes donc allé prendre le pouls à la sortie de plusieurs collèges de Strasbourg et de ses environs.
00:53 Et première étape dans un collège de banlieue à Strasbourg.
00:56 Le sujet est tellement esquivé par les professeurs que certains élèves comme Abdeljalil se posent la question, est-ce qu'ils sont vraiment au courant ?
01:02 Non pas du tout ils n'en parlent pas. Peut-être qu'il y a des profs qui ne savent même pas qu'il se passe ça mais sinon non ils ne parlent pas de ça.
01:07 Tu penses qu'ils ne savent pas ou qu'ils ne veulent pas en parler avec vous ?
01:09 Peut-être qu'ils ne veulent pas en parler pour ne pas faire d'embrouilles peut-être pendant les cours.
01:14 Ils s'informent via leur famille et sur les réseaux sociaux où ils voient effectivement parfois des images qu'ils ne devraient pas voir.
01:19 Une personne qui traverse juste la rue et on la voit se faire descendre en plein milieu de la rue.
01:23 Par exemple sur TikTok il y a des chaînes qui montrent des enfants à l'hôpital, ils floutent les membres qui manquent et tout.
01:30 Il y a aussi le festival en Israël, c'était un massacre. Des gens qui n'avaient rien demandé, qui faisaient juste la fête, ils sont tous morts.
01:36 Et les parents Yannick, comment ils gèrent ça avec leurs enfants ?
01:39 Et bien ils évitent eux aussi largement la discussion. Dans sa voiture Audrey attend la sortie du collège de son fils Evan et elle regrette que les profs ne s'emparent pas du sujet.
01:46 Peut-être que les professeurs auraient peut-être les mots plus justes que les parents.
01:51 On manque de mots, c'est ça. Et on se rend compte que les répercussions psychologiques sur les enfants c'est très très important.
01:56 Et en fonction des termes qu'on utilise, je pense que leur cerveau n'est pas forcément toujours assez mature pour comprendre certaines choses.
02:02 Alors difficile d'aborder le sujet avec les enfants. Certains parents préfèrent changer de chaîne comme le racontent Maud et Gabin au collège de Bremert.
02:08 On n'en parle pas trop. Je sais que mes parents hier en avaient un reportage à la télé mais ils ne voulaient pas trop qu'on en parle.
02:14 Parce que c'est violent. Ils ont changé de chaîne.
02:17 J'ai regardé le journal, on en a parlé un peu. Pas forcément le grand sujet de discussion. Et plus les notes.
02:24 Voilà une manière assez classique pour les parents d'esquiver ce sujet difficile.
02:28 Merci Yannick. Audrey Hakoun, on a besoin de votre regard de psychothérapeute sur ce qu'on vient d'entendre.
02:33 Faut être transparent avec nos ados ou comme on vient de l'entendre, faut changer de chaîne et esquiver ?
02:37 J'ai plusieurs points à partager avec vous. Le premier point, je pense que dans l'idéal, étant que faire se peut,
02:43 ce serait d'éviter à tout prix de les exposer aux infos sur la guerre et encore plus aux images.
02:48 Et peut-être avec les ados, de leur enlever momentanément l'accès à TikTok et Insta et de prendre cette responsabilité d'adultes,
02:54 même s'ils ne sont pas contents. Et surtout pas de chaîne d'infos en continu depuis le petit déjeuner qui tourne en boucle.
03:01 Nos cerveaux d'adultes ne sont pas configurés pour ça. A fortiori, les cerveaux d'enfants et d'ados ne peuvent pas encaisser la violence de ces images.
03:11 C'est traumatisant. Mais puisqu'on ne peut pas passer à côté...
03:15 Parce que quelque part, on est toujours rattrapé par les images, par le copain qui a vu, par le copain qui lui aura TikTok dans la cour de récré.
03:22 Qui aura TikTok et qui va montrer les images et que ça va tourner. Donc puisqu'on ne peut malheureusement pas passer complètement à côté,
03:28 plutôt que d'esquiver ce qui est de la part des professeurs. Et voilà, je n'ai pas de jugement là-dessus. Chacun fait comme il peut.
03:35 Mais de la part des professeurs et de la part des parents qui esquivent, je comprends pourquoi ils le font.
03:40 Mais c'est l'erreur justement à ne pas faire. Puisque quand on esquive et quand on n'en parle pas, les enfants fantasment encore plus.
03:47 Ils vont s'imaginer peut-être des choses qui n'ont pas lieu d'être.
03:51 Le mieux, ce n'est pas de leur faire un cours magistral sur ce qui se passe, mais toujours de partir d'eux-mêmes, de les questionner, de dire
03:57 "Voilà, toi, qu'est-ce que tu as entendu et qu'est-ce que tu penses de tout ça ? Qu'est-ce que tu dis ? Qu'est-ce que tu as compris de la situation ?"
04:04 Et à partir de la réponse de l'enfant et de l'ado, on va pouvoir étayer, on va pouvoir rectifier, on va pouvoir rassurer et faire notre job d'adulte.
04:14 Si on sent déjà un traumatisme, que nos ados sont perturbés, voire même nos enfants, comment on peut rattraper le coup en quelque sorte, une fois que le mal est fait ?
04:23 Si on sent déjà que le mal est fait, si on sent cette angoisse, c'est vraiment aussi de mettre des mots là-dessus et de dire ce qui est.
04:32 Par exemple, dire que c'est un groupe de terroristes, et d'employer le mot, c'est un groupe qui ont fait des choses horribles.
04:37 Mais il y a la police, il y a l'armée, il y a les institutions qui sont là pour nous protéger.
04:42 Tenter de rassurer en quelque sorte.
04:43 Oui, de rassurer, mais sans banaliser, sans essayer de minimiser, de fuir, de dire des choses de "Non, mais t'inquiète pas, de toute façon c'est loin".
04:51 "Non, non, les enfants ne sont vraiment pas bêtes en fait".
04:53 Mais Audrey Hakoun, est-ce qu'il y a des signes aussi chez nos enfants qui peuvent nous alerter ?
04:59 Parce qu'ils ne vont pas forcément nous le dire, ils ne vont pas forcément partager ce qu'ils ressentent.
05:03 Qu'est-ce qui peut nous mettre la puce à l'oreille et nous inquiéter ?
05:06 Je pense qu'une des premières choses, ce sont les troubles du sommeil.
05:09 Il faut observer un enfant, un ado, qui n'avait pas de problème de sommeil et qui se met à ne pas pouvoir s'endormir.
05:16 Ou qui a des reveilles nocturnes, ou qui a vraiment des terreurs ou des cauchemars.
05:20 C'est qu'il y a quelque chose peut-être qu'il a vu, ou la situation actuelle, ce qu'il entend, qui est angoissant.
05:27 Et les comportements, les dérives de comportement.
05:30 C'est-à-dire que les enfants qui sont exposés à de la violence, forcément peuvent avoir ce besoin de l'exprimer.
05:37 Puisqu'ils n'arrivent pas à l'exprimer avec des mots, ils vont pouvoir l'exprimer par des comportements.
05:41 Ça, ça doit alerter.
05:42 Audrey Hakoun, pour terminer, les enfants sont évidemment très exposés.
05:47 Mais nous, les adultes également, on entendait il y a quelques minutes ce témoignage bouleversant sur l'antenne d'une maman d'otage à Gaza.
05:57 Comment se protéger ? Est-ce qu'il faut se protéger dans cette période qui est terriblement anxiogène ?
06:02 Elle est difficile votre question.
06:04 Je me pose cette question-là depuis cinq jours.
06:09 Comment arriver à vivre avec ça ?
06:12 Comment reprendre le cours normal et continuer le cours normal de ces activités ?
06:16 Est-ce que c'est même possible ?
06:18 Moi, je me pose cette question-là.
06:19 Je n'ai pas la science infus, je n'ai pas la vérité absolue.
06:22 Ce que je sais, c'est qu'on n'est pas obligé de faire comme si de rien n'était.
06:26 Je ne pense pas qu'il faille faire comme si de rien n'était.
06:28 Mais en revanche, se raccrocher à la lumière, se raccrocher à la gratitude aussi, de mettre l'accent.
06:34 Parce qu'on fait beaucoup le focus sur toute l'horreur.
06:37 Et je pense que sur les messages haineux, sur les silences assourdissants, sur tout ce qui se passe en ce moment,
06:43 je pense qu'on peut au moins essayer de contrebalancer un peu sur les belles actions, sur la solidarité,
06:49 sur ce qui va bien aussi dans ce monde.
06:52 Ça ne va pas résoudre tout.
06:54 Ce n'est pas un propos angélique.
06:55 C'est juste dans l'horreur, peut-être, d'atténuer un tout petit peu pour continuer.
06:58 Merci beaucoup, Audrey Hakoun, psychothérapeute.
07:01 Merci à vous, Yannick Holland, pour ces mots d'adolescent également, à Strasbourg, à votre micro RTL.
07:07 Merci à tous les deux.
07:08 Vous étiez nos invités pour tout comprendre ce soir dans RTL.
07:11 Bonsoir et l'émission continue. On revient dans quelques secondes.
07:14 Julien Cellier, Marion Calais et Cyprien Séni.
07:17 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org