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Transcription
00:00 Eric Nican est avec nous aujourd'hui. Bonsoir Eric, merci d'être là.
00:04 On voulait parler dans Parf politique aujourd'hui des coulisses des cuisines de Délizé.
00:09 Évidemment j'ai pensé à toi parce que tu as été le cuisinier de trois présidents,
00:13 Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande.
00:16 Et tu es venu effectivement avec des menus parce que tu as composé des menus
00:21 et tu as servi pour des dîners qui étaient quand même complètement exceptionnels.
00:25 Eric, d'abord raconte-nous un peu comment ça se passe avant d'en venir effectivement aux festivités, aux réceptions.
00:32 Comment ça se passe le quotidien d'un chef à Délizé ?
00:36 En fait, moi je m'occupais de la partie privée du président et c'était sous...
00:43 Ne vous inquiétez pas je suis là.
00:45 Il se promène au Mérida.
00:47 Il va dire bonjour à tout le monde.
00:50 Il fait connaissance avec les lions.
00:52 Et en fait, j'étais sous la coupe de Bernard Vaucion qui était le grand chef à Délizé.
00:59 Bernard Vaucion c'est 40 ans à Délizé.
01:03 Donc une grosse pointure.
01:05 Pour moi c'est mon mentor.
01:07 Mais après les coulisses, ça se passe comment ?
01:09 C'est que tous les jours on fait une proposition de menus, deux entrées, deux plats, deux desserts.
01:15 Et après ou c'est Madame qui choisit pour Monsieur.
01:19 Ah c'est Madame qui choisit pour Monsieur.
01:22 On parlait du rôle de la première maitrière.
01:24 Je me souviens qu'il y avait un lesbian en France.
01:26 Là c'est Madame qui choisit pour Monsieur le menu.
01:28 Sous Monsieur Chirac c'était pratiquement tout le temps Madame.
01:32 C'est vrai ?
01:33 Madame Chirac était vraiment une maîtresse de maison en fait.
01:37 Dès qu'on parle de Bernard Vaucion...
01:40 Le petit romer.
01:42 C'est ça il n'est pas Bernard Chirac.
01:46 Donc c'était elle plutôt qui choisissait les menus.
01:49 C'était elle qui nous donnait plus ou moins les consignes.
01:52 Et qu'est-ce qu'il aimait Jacques Chirac ?
01:54 Jacques Chirac il aimait bien tout.
01:57 Il aimait l'agneau, il aimait bien les fruits de mer.
02:01 Mais en fait Chirac il était servi au plat.
02:05 Ah servi au plat ?
02:07 Parce que c'était vraiment un très très bon mangeur en fait.
02:09 Oui ça c'est sûr.
02:10 Quel était le plat préféré de Nicolas Sarkozy ?
02:13 Le plat préféré de Nicolas Sarkozy ?
02:16 C'est difficile.
02:18 Je n'ai pas forcément de plat préféré pour lui.
02:21 C'était quelqu'un...
02:22 A part les chouquettes.
02:23 Il aimait le raffinement.
02:24 Les chouquettes Nicolas Sarkozy.
02:26 Autant il aimait des choses simples aussi.
02:29 Mais c'est quelqu'un qui avait pour lui la table.
02:33 C'est pas qu'il n'aimait pas manger.
02:34 C'est que pour lui la table était une perte de temps.
02:37 Ah oui donc il n'avait pas le plaisir de la nourriture comme l'avait Jacques Chirac.
02:42 Jacques Chirac lui il s'installait quoi.
02:45 Il s'installait à table.
02:47 Comme Monsieur Hollande d'ailleurs.
02:49 Ah François Hollande aussi ?
02:50 On n'est pas certifiés.
02:51 En fait Monsieur Sarkozy, pour gagner du temps, il avait supprimé le fromage en fait.
03:00 Ah bon ?
03:01 Ah parce que c'est entré plat dessert, fromage ?
03:04 En principe vous avez tout sur un dîner.
03:06 Tous les jours ?
03:07 Ah non.
03:08 Et vous finissez avec 10 kilos de plus ?
03:09 Non, surtout en repas officiel.
03:11 En repas officiel il avait même supprimé le fromage pour gagner du temps.
03:15 D'accord.
03:16 Et François Hollande ?
03:17 Non, non il l'a remis.
03:18 Ah il l'a remis.
03:19 Il l'a réintégré.
03:21 Oui Maxime.
03:30 Comment vous avez géré la pression et les attentes liées à votre poste ?
03:33 Parce que le niveau est très très élevé quand même.
03:36 Non mais en fait la plus grosse difficulté en fait c'est que vous avez toujours le même client en face de vous.
03:44 Donc en fait vous avez ces interdits et ce qu'il aime, le tout c'est de se remettre en question tous les jours,
03:51 d'avoir de la créativité etc. et retravailler parfois les mêmes produits mais différents.
03:57 Oui moi je me demandais si vous aviez, j'imagine que oui, mais comment ça se passe ?
04:01 Est-ce que vous avez des goûteurs comme ça se passait il y a des siècles ?
04:04 Dans un chalet ?
04:05 Est-ce qu'on goûte les plats ? Est-ce qu'on goûte le fromage ?
04:07 Pour être sûr qu'il n'y ait pas un pépin, que ça n'ait pas été empoisonné, qu'il n'y ait pas de bactéries, quelque chose ?
04:11 En principe c'est nous qui préparons les repas donc en fait…
04:14 Ah oui, t'as tout gardé astérisque toi.
04:16 Non, ce qui arrive parfois…
04:18 Je vois que t'as des références.
04:20 Ce qui arrive parfois par exemple quand c'est l'Israël, vous avez un rabbin qui vient etc.
04:27 Donc c'est lui qui va constituer l'assiette pour son président.
04:31 Quand vous avez américain éventuellement, vous avez peut-être quelqu'un qui vous regarde mais ça s'arrête là.
04:38 Il va juste vérifier que vous goûtez les produits.
04:41 Ah vous êtes sous surveillance pendant que vous préparez le repas ?
04:43 C'est très rare, c'est très très rare.
04:45 Mais c'est vrai que c'est une vraie question sur la sécurité alimentaire de ce que vous donnez aux invités.
04:49 Il y a juste une chose, c'est que par exemple ça arrivait régulièrement que des gens s'arrêtaient à l'Elysée
04:54 pour offrir un dessert ou des produits pour le président avec une petite lettre.
04:59 Ça me fait plaisir de vous offrir un dessert.
05:01 Malheureusement les desserts ça n'arrive pas jusqu'à lui et ils vont directement à la poubelle en fait.
05:06 Ah oui, c'est trop risqué.
05:08 Tous les jours avec des desserts.
05:10 Ça ne vient pas du chef.
05:12 Moi j'ai une petite question, vous avez parlé Eric il y a quelques instants d'interdits.
05:15 Il y avait des listes de choses qu'ils aimaient et de produits qui étaient interdits.
05:18 Quelles étaient les intolérances des trois présidents pour lesquels vous avez…
05:21 C'est une question peut-être un peu cracra.
05:23 Qu'est-ce qui pourrait leur provoquer des petits problèmes gastriques.
05:27 Franchement les trois, il n'y avait pas forcément d'interdits alimentaires par rapport à leur santé.
05:34 C'est juste arrivé à un moment quand M. Chirac avait fait son AVC.
05:38 Là on avait des conciles un peu strictes.
05:42 Après on avait du mal à le tenir.
05:44 [Rires]
05:47 Ils nous appelaient pour avoir de la charcuterie à 10 euros.
05:50 Eric, je crois qu'il met bien le gin tonic Jacques Chirac, non ?
05:53 Alors rapide, oui.
05:56 La bulle d'alcool et les enjeux pour la santé, on le rappelle c'est très important.
06:01 Ce qu'il y a c'est que Madame avait donné des consignes, plus d'alcool, charcuterie, etc.
06:07 Donc c'était poisson, légumes.
06:09 Donc là il commençait à craquer.
06:11 [Rires]
06:13 Du coup il a dit j'ai trouvé une solution.
06:18 Comme Bernadette boit du tonic, je vais me mettre au gin tonic.
06:24 [Rires]
06:27 Donc vous mettez un petit peu de gin dans mon verre, vous remplissez de tonic et surtout vous ne trompez pas de verre.
06:33 [Rires]
06:35 [Applaudissements]
06:42 [Rires]
06:48 Donc ça c'était les petits arrangements.
06:50 Est-ce que François Hollande...
06:52 [Bruits de chien]
06:54 Je suis désolée, on va peut-être faire sortir Homer.
06:57 [Bruits de chien]
06:59 Ça suffit, c'est quoi la blague là ?
07:01 [Rires]
07:02 Tu viens avec moi ?
07:04 Est-ce que François Hollande lui aussi avait des petites particularités, des préférences ?
07:10 Son plat préféré c'est la côte de bœuf.
07:13 Ah la côte de bœuf, c'est costaud.
07:16 Avec des frites, le samoal, tout simple.
07:20 Mais pas tous les jours quand même.
07:22 Non, mais pour son anniversaire, on lui faisait la côte de bœuf avec des frites maison.
07:31 Est-ce qu'il arrivait que les présidents descendaient de leurs appartements privés pour aller prendre des petites choses en cuisine ?
07:39 La nuit.
07:41 En loucedé.
07:43 En loucedé, ça paraît bizarre.
07:45 Il ne peut pas savoir.
07:46 Non, non, non, c'est pas ça.
07:47 C'est que de temps en temps on les croisait.
07:49 "Tenez, j'ai une petite faim."
07:51 Mais après c'était souvent...
07:55 Ça m'arrivait de croiser Carla Bruni ou "Ah ben j'ai une petite faim" ou "Où est-ce que le saucisson ?"
08:02 Et puis elle vous laisse le couper elle-même en fait.
08:05 Ça reste, il faut partir du principe, en fait moi je n'avais pas un homme politique en face de moi.
08:11 J'avais une personne que je respectais bien sûr par rapport au rang.
08:15 Mais derrière ce sont des gens simples.
08:19 Bien sûr que vous avez créé un lien.
08:20 Je voudrais que vous nous montriez, Eric, ce que vous nous avez apporté peut-être.
08:24 Parce que vous avez aussi dressé des menus pour des dîners un peu, on va dire, exceptionnels.
08:31 Dans le sens où, effectivement, peut-être la terre entière avait les yeux rivés sur la France.
08:36 Notamment, je passe à un dîner où Nicolas Sarkozy recevait Kadhafi.
08:40 Monsieur Kadhafi.
08:41 Président libyen, leader libyen.
08:43 Il y avait effectivement beaucoup de tensions, beaucoup d'attentes autour de ce dîner.
08:49 Alors comment on compose ce dîner ? Je crois que vous nous avez apporté le menu, Eric.
08:52 Alors oui, je suis désolé, en le prenant je l'ai fait tomber.
08:55 Ah ça c'est pas de chance.
08:57 C'est pas de chance. Ah zut.
08:58 Ah oui.
08:59 C'est pas grave.
09:00 Voilà le menu. Il y avait quoi au menu ? Vous l'avez avec vous ?
09:04 Vous avez...
09:05 Avec toi. Le menu ?
09:07 Voilà.
09:08 C'est pas mal. Alors il y avait quoi ?
09:12 Vous aviez un moelleux volaille forestier avec des tomates confites.
09:17 Et ensuite vous aviez du gigot de 7 heures.
09:21 Ah.
09:22 Donc en fait, un menu, en fait quand c'est dîner officiel, je parle en officiel,
09:27 c'est Bernard Vaucian qui préparait les menus.
09:30 Et donc c'était envoyé ou au président ou à Madame, selon comment ça se passait au niveau...
09:36 Ce qu'il faut savoir c'est que le service protocole donnait à Bernard des informations
09:42 sur les interdits, les allergènes des présidents étrangers.
09:46 D'accord.
09:47 Et suite à ça, on se base par rapport plus ou moins à leur culture pour effectuer des menus, en fait.
09:54 Justement par rapport à ces menus, on a vu quand Emmanuel Macron a reçu Charles III,
09:58 il y a eu toute une polémique, notamment au niveau des vins qui lui ont servi, du coût du repas, etc.
10:03 Est-ce que c'est des idées reçues ? Est-ce que parfois ces repas sont finalement plutôt simples
10:07 et pourraient être presque préparés par Monsieur et Madame Tout-le-Monde ?
10:10 Ou est-ce que c'est toujours des menus qui sont très chers, avec des tiers-premières très chers,
10:14 des vins très chers ? Ou est-ce que non, c'est accessible ?
10:17 Là, là-dessus, moi je vais avoir une politique qui fait que quand il y a des gens qui râlent
10:23 en disant « ouais, mais ça coûtait cher, c'est ceci, c'est cela »,
10:27 personnellement, c'est des choses que je ne comprends pas.
10:30 Pourquoi ? Je m'explique juste dessus.
10:33 C'est qu'en fait, l'Élysée, c'est la vitrine de la France.
10:37 L'Élysée, on reçoit tous les pays du monde entier et on se doit de défendre les producteurs français.
10:44 Tous ceux qui sont producteurs français travaillent d'arrache-pied pour sortir des produits d'exception
10:50 et on a cette richesse en France.
10:53 Donc, qu'est-ce qu'on fait ? C'est que sur des dîners d'État, que ça soit de l'entrée au vin, comme vous le dites,
10:59 ou des digestifs, il faut défendre tout ça et il faut les mettre en avant.
11:04 Donc, on se doit de faire de l'excellence.
11:07 Et c'est ce qui fait d'ailleurs que la gastronomie française a été reconnue sous l'UNESCO, il faut quand même le savoir.
11:15 Et on a une telle belle réputation dans le monde entier qu'on se doit de préserver ces richesses.
11:23 Donc, après, quand j'entends des polémiques, ça a coûté tant, ça a coûté tant, mais il faut le regarder autrement en fait.
11:31 Parce que là, c'est vraiment les valeurs de la France.
11:34 – Ça, c'est le point de vue effectivement du chef qui a servi 3 présidents.
11:38 – Le point de vue, mais aussi, je ne parle pas que de moi.
11:40 – Non, non, bien sûr.
11:41 – Je parle aussi, parce qu'on fait travailler des petits producteurs.
11:45 – Oui, c'est ça.
11:46 – Des petits producteurs qui travaillent 7 jours sur 7.
11:48 – Comment vous choisissez d'ailleurs les producteurs ?
11:50 Parce que tout le monde doit se battre, les producteurs de légumes, de viande, tout le monde doit fournir l'Élysée.
11:54 On avait un boulanger qui fournissait la galette pour le président de la République et toute l'Élysée.
12:00 Comment vous les choisissez les producteurs ? Il y a une course ?
12:02 – Après, ce n'est pas qu'il y a une course, c'est qu'après, c'est du bouche à oreille, etc.
12:06 On se renseigne aussi comment il élève ses produits ou qui fait pousser ses produits.
12:14 Mais on regarde, on fait attention à comment il fait.
12:18 Parce que derrière, si on prend ce producteur, derrière, indirectement, il faut qu'il soit rapproché.
12:23 – Il n'y a pas un turnover, je ne sais pas, de producteur,
12:26 "Allez, une année c'est toi, une année c'est toi, non, voilà, en fonction, si".
12:29 – Par exemple, Jacques Chirac, la fois où il y avait eu la grille pavillère sur les volailles,
12:35 il y avait un dîner, il a fait changer le menu, il a dit "vous mettez de la volaille ce soir en menu".
12:43 Je lui ai montré à tout le monde que notre volaille, elle est à Prochapcord.
12:47 Je trouve ça beau.
12:49 – Oui, oui, c'est beau, ce sont aussi des messages politiques.
12:52 Donc voilà pour les coulisses, c'est passionnant, ces histoires, ces anecdotes.
12:56 Alors, un restaurant, aujourd'hui, dans le 15e arrondissement, les trois présidents…
13:00 – Vous connaissez ? – Oui, je les connais.
13:02 – C'est une habituée ? – Oui, enfin, une habituée, oui, effectivement.
13:06 J'ai eu l'occasion d'y aller, ce n'est pas très loin de mon ancien travail, pour tout vous dire.
13:10 Donc, on se connaît bien, Eric et moi.
13:12 Eric, effectivement, raconte des histoires passionnantes.
13:14 [Musique]

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