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Inflation ne rime pas avec liquidation pour le commerce équitable. Malgré le contexte inflationniste, ce marché ne cesse de progresser. Le secret ? Les producteurs s’adaptent et les Français restent attachés au respect du juste prix.

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00:00 [Musique]
00:05 On parle commerce équitable avec mes invités Blaise Desbordes.
00:09 Bonjour, bienvenue.
00:10 Bonjour, merci.
00:11 Vous êtes le directeur général de Max Avalar, ONG,
00:14 la belle de référence du commerce équitable,
00:15 avec nous également en duplex Frédéric Lerebourg.
00:18 Bonjour et bienvenue.
00:19 Vous êtes le directeur général de Lobodies,
00:23 PME breton spécialisé dans la torréfaction du café.
00:27 On Blaise Desbordes, je commence vraiment par la question générale
00:30 sur l'état de la consommation.
00:31 À quel point cette inflation persistante bouleverse votre marché,
00:36 le marché du commerce équitable ?
00:37 Le commerce équitable résiste très bien en fait dans la crise.
00:40 Pourquoi ? Parce que notre ADN, notre principe de fonctionnement,
00:43 c'est justement de mettre de la lumière sur qui gagne quoi
00:46 et comment se répartit la valeur.
00:48 Donc en cas de choc, comme c'est le cas actuellement,
00:50 choc sur l'énergie, choc sur l'emballage, choc sur le transport,
00:54 on est un peu plus à même de résister que d'autres.
00:56 On se parle beaucoup plus dans les chaînes de commerce équitable.
00:59 Donc ça nous aide.
01:00 Après, le marché a progressé en 2022,
01:03 donc c'est une bonne nouvelle, en chiffre d'affaires,
01:05 +7% absolument.
01:06 Et il est tiré, je dois le dire, par des passions gourmandes.
01:11 C'est le cacao, un +19% qui va maintenir le commerce équitable cette année.
01:15 Les glaces aussi, le thé dans une moindre mesure.
01:18 Et puis aussi, je dirais, quelques enseignes
01:21 ou quelques entreprises très engagées qui vont continuer à le mettre en avant.
01:25 Un produit équitable peut tout à fait être accessible
01:27 dans une période d'inflation,
01:29 à condition qu'on travaille la marge, qu'on travaille le prix
01:32 et qu'on le mette au bon endroit.
01:33 - Vous résistez donc mieux que le bio,
01:35 qui subit un coup d'arrêt qui est quand même important.
01:38 Comment vous l'expliquez ? Par la transparence dont vous parliez ?
01:41 - Par la transparence et l'attachement des Français.
01:43 C'est-à-dire qu'on correspond, malgré la crise.
01:45 Vous regardez tous les sondages, toutes les études.
01:46 Les gens à 80% disent "nous voulons payer un juste prix".
01:50 Nous voulons que soit payé un juste prix aux producteurs agricoles.
01:53 Et ça, c'est une conviction qui se maintient malgré les bouleversements.
01:56 Donc d'autres secteurs, d'autres segments souffrent un peu plus, c'est sûr.
01:59 Mais celui-là, qui est celui, je dirais, du respect des producteurs,
02:02 il a tellement progressé dans la société qu'il se maintient.
02:04 Après, deuxième élément, les acteurs du commerce équitable,
02:08 c'est des centaines de PME en France, en Europe,
02:11 se sont adaptés. Peut-être que Lobody en parlera.
02:13 Mais l'idée, c'est aussi de proposer des produits plus accessibles
02:17 à certains segments de la population qui sont plus sensibles.
02:19 Et c'est beaucoup ça qui s'est développé.
02:21 Deux exemples parmi beaucoup d'autres.
02:22 Intermarché a décidé de faire toutes ses gammes propres
02:26 de pâtes à tartiner, de tablettes de chocolat en équitable.
02:29 Et puis une enseigne qui est présente dans la restauration rapide,
02:32 la Micaline, qui est une enseigne accessible, populaire.
02:34 240 magasins en France.
02:36 Ils ont eu aussi ce courage, ils ont basculé leur cacao en équitable
02:39 sans changer leur prix.
02:40 Alors justement, on peut effectivement, Frédéric Lerebourg,
02:42 savoir comment vous faites parce qu'on l'a dit, les principes,
02:46 ça vaut évidemment aussi pour le café, du café équitable,
02:48 c'est la rémunération juste des producteurs.
02:51 On va dire, il n'y a pas que ça, mais c'est quand même un principe de base.
02:54 Comment la maintenir quand l'inflation, rancheries, l'énergie,
02:58 les engrais, les matières premières, j'en passe ?
03:00 - On la maintient de toute façon, c'est nos engagements.
03:05 Nos engagements auprès des producteurs,
03:07 des 25 organisations de producteurs avec lesquelles
03:10 le Godis travaille dans 14 pays à travers la planète.
03:14 C'est notre engagement aussi pour le consommateur.
03:17 Je pense qu'on est connu, reconnu,
03:24 parce que les consommateurs ont adhéré à notre démarche,
03:28 ils nous font confiance et on doit maintenir ça.
03:31 Et le marché reste dynamique, moi je voudrais rajouter,
03:37 sur le café on subit forcément un petit peu la déconsommation actuelle
03:42 des Français, comme tous les segments de marché,
03:45 mais là où l'offre du café équitable est toujours présente,
03:51 surtout les segments de consommation, a une bonne dynamique.
03:56 La marque Le Godis, par exemple, sur le segment des cafés pure origine grains,
04:02 est la deuxième marque en termes de performance aujourd'hui
04:06 sur ce segment particulier, derrière une grande marque internationale
04:12 qui est sur le marché conventionnel.
04:14 - Vous faites du bio et de l'équitable, les deux à part ou les deux en même temps,
04:21 est-ce que vous voyez que l'équitable résiste mieux que le bio ?
04:25 - Ça va être compliqué pour nous parce que nous on a une seule référence
04:30 qui est uniquement équitable et tout le reste est bioéquitable
04:33 parce qu'on croit beaucoup à cette double lavilisation
04:37 et je pense que c'est un avantage sérieux pour les consommateurs.
04:41 D'un côté on a l'aspect environnemental porté par l'agriculture biologique
04:47 et de l'autre l'aspect social et la garantie du respect,
04:53 du partage de la valeur ajoutée sur tous les acteurs de la filière avec l'équitable.
04:57 Cette double réassurance est très importante pour les consommateurs.
05:01 Donc moi j'ai du mal à...
05:03 - Oui je comprends, à pouvoir faire le comparatif.
05:05 Blaise Desbordes, vous nous avez donné les chiffres de 2022
05:09 mais cette inflation continue malheureusement, elle persiste.
05:12 Est-ce que c'est toute l'équation économique du commerce équitable
05:16 qui est quand même fragilisée par l'inflation durable ?
05:19 - Non, pas du tout. C'est l'équation économique tout court qui est fragilisée.
05:23 - La consommation qui baisse en général.
05:24 - Tout à fait, les gens réalisent et il faut qu'ils réalisent
05:27 que les prix à la consommation dysfonctionnent complètement.
05:30 Quand vous avez une étiquette près d'un produit dans votre magasin,
05:33 ça ne reflète pas une réalité vraie, ça reflète une certaine réalité
05:37 mais ça ne reflète pas les coûts réels de votre produit,
05:39 la rémunération réelle des gens qui le fabriquent.
05:41 - Vous parlez de coûts cachés, c'est ça ?
05:43 - C'est ça, absolument. C'est ce qu'on appelle les coûts cachés dans le jargon.
05:46 Quand vous avez un produit pas cher qui derrière pollue,
05:49 qui derrière rend les gens pauvres,
05:51 et bien vous avez des coûts qui vont être reportés sur la sécurité sociale,
05:54 sur les retraites, les transferts de retraite, sur la dépollution.
05:57 Donc vous avez l'impression d'avoir un certain prix mais il ne reflète rien.
06:00 Et à l'inverse, vous avez des entreprises,
06:03 et je n'ai pas honte de le dire devant lui, comme Lobody's ou d'autres,
06:06 qui eux ont du courage, font du bien à la société
06:10 mais qui ne vont pas forcément être encouragées par les pouvoirs publics.
06:13 Donc nous, ce qu'on appelle dans cette rentrée,
06:15 vous avez raison, il faut revoir le moteur, ouvrir le moteur, regarder les pièces,
06:18 ce à quoi on appelle, c'est un encouragement fiscal majeur
06:23 aux entreprises qui font du bien à la société.
06:25 C'est facile à faire, on peut moduler la TVA, on peut moduler l'IAS.
06:28 Pourquoi l'impôt sur les sociétés est le même pour une entreprise
06:31 qui maltraite les humains ou la planète
06:34 et plus une entreprise comme Lobody's qui fait du bien ?
06:36 C'est absurde, pourquoi payer chacun 25% ?
06:38 Et enfin, pourquoi pas un crédit d'impôt ?
06:40 On donne des crédits d'impôt à un certain nombre d'actions publiques,
06:43 et bien il en faut une pour le secteur du commerce équitable
06:46 parce que l'État ne peut pas couper la branche sur laquelle il est assis.
06:49 S'il promeut des produits avec des coûts cachés, avec des impacts négatifs,
06:53 en les laissant être à des prix ridicules,
06:55 et bien plus tard, il se condamne à devoir développer des politiques publiques
06:59 de dépollution, de prévention des maladies, etc., qui seront beaucoup plus chères.
07:03 – Frédéric Le Rebours, Lobody's fait partie des pionniers du commerce équitable en France,
07:09 je crois qu'il y a 30 ans à peu près, trois décennies,
07:12 c'est une tendance de progression régulière,
07:15 il y a eu des années fastes, là c'est une année moins faste,
07:17 comment vous pouvez nous peindre le tableau de ces trois décennies ?
07:22 Rapidement évidemment.
07:24 – Oui, alors il y a eu d'abord la phase de découverte,
07:28 Lobody's a été pionnier, on a vu le premier produit vendu en France
07:32 avec le label Max Hablar, c'était un produit Lobody's,
07:37 donc il y a eu une première dizaine d'années,
07:39 on va dire, avec lesquelles le grand public a découvert ses offres,
07:44 les grandes enseignes s'en sont emparées,
07:47 elles ont mis à disposition ses offres des consommateurs,
07:52 et puis plein d'acteurs sont arrivés sur le marché entre 1990 et 2000.
07:57 Ensuite au milieu des années 2000, il y a eu une petite inflexion,
08:03 et puis, j'insiste, mais l'apport du bio, le développement du bio
08:09 et la complémentarité bio et fair trade
08:14 a redonné une nouvelle dynamique au marché,
08:17 et aujourd'hui effectivement on est, pour ce qui nous concerne,
08:23 si vous voulez, plus dans une situation,
08:26 nos volumes continuent de progresser,
08:28 avec des petites progressions tous les ans,
08:30 mais on est toujours en progrès, toujours en progrès.
08:32 Le problème aujourd'hui n'est pas trop au niveau des volumes,
08:37 l'inquiétude d'une entreprise comme la nôtre,
08:40 mais plutôt sur notre capacité à continuer.
08:44 Pourquoi en fait ce marché est resté dynamique ?
08:46 C'est parce que des entreprises comme la nôtre ont continué à innover,
08:49 à porter des solutions, à être présentes sur tous les segments de consommation du café,
08:55 et du coup, par exemple, et aujourd'hui on est la première entreprise
09:01 à avoir proposé des solutions très innovantes,
09:04 sur des solutions WRAC par exemple,
09:07 avec la garantie de maintien de la qualité des produits, etc.
09:12 Bon, donc en fait c'est l'innovation qui nous mène,
09:15 et aujourd'hui la difficulté c'est que tenir nos engagements,
09:20 assurer le partage de la valeur sur toute la chaîne,
09:23 ça se traduit pour l'entreprise par une baisse drastique de ses marges,
09:28 des difficultés de trésorerie tout au long de l'année qui commencent à apparaître,
09:34 et donc une situation un petit peu inquiétante,
09:37 dans le sens où est-ce qu'on va pouvoir garder cette dynamique de prise de risque
09:42 au travers de l'innovation, etc, pour développer un marché,
09:45 garantir aux producteurs avec lesquels on travaille,
09:51 l'engagement dans la durée, sur les volumes, etc,
09:55 parce que eux aussi sont de leur côté en transformation,
09:59 si vous voulez, les enjeux planétaires sont tels aujourd'hui
10:02 qu'on constate par exemple qu'on ne peut plus faire pousser de café,
10:08 enfin considérer que le café gagne en altitude,
10:13 c'est-à-dire plus on est en dessous de 1200 mètres,
10:15 plus c'est compliqué de faire pousser du café aujourd'hui,
10:17 parce que les maladies apparaissent, la rouille, etc,
10:21 et on constate aussi des grosses difficultés sur les cycles de pluie
10:26 qui sont modifiés, qui deviennent chaotiques,
10:29 et on a besoin de périodes de temps sec pour faire sécher le café,
10:33 ça nécessite que les producteurs déploient d'autres méthodes de travail, etc,
10:38 donc investissent, on doit investir dans des petits séchoirs artisanaux
10:44 qui sont low-tech certes, mais c'est des investissements pour eux,
10:47 et donc les coûts augmentent de toutes parts,
10:50 on doit soutenir tout ça,
10:51 on doit accompagner ça avec des programmes agronomiques,
10:54 l'agroforesterie, etc,
10:56 donc les besoins augmentent, les ressources supplémentaires sont nécessaires
11:00 pour faire face à cette transformation, face aux enjeux climatiques.
11:05 De l'autre côté, on doit nous maintenir aussi de l'innovation,
11:09 et voilà, mon inquiétude, elle est là aujourd'hui,
11:13 comment on peut encourager ces entreprises comme la nôtre
11:16 qui mènent la transformation nécessaire ?
11:19 – Pardon de vous interrompre, ça rejoint ce que nous disait Blaise Desbordes,
11:21 je vais juste terminer, il nous reste une minute, ça a filé trop vite,
11:23 sur le changement d'échelle, on dit le commerce équitable prend de l'ampleur,
11:27 c'est 5% des bananes vendues à l'international aujourd'hui,
11:29 5% du cacao mondial, et 2 à 3% du café mondial.
11:34 Ça veut dire quoi ? Ce changement d'échelle, il a quelles conséquences ?
11:39 – Il a une conséquence très concrète, c'est qu'on fait faire des économies à l'État,
11:42 aux institutions internationales, puisqu'il y a moins de pauvreté,
11:45 il y a moins de déforestation, il y a moins d'impact sur la société.
11:48 L'absurdité, c'est comme je vous le disais,
11:50 c'est qu'il y a une égalité de traitement entre les entreprises et les filières
11:53 qui font du bien à la société et à la planète,
11:55 et puis celles qui font plutôt du mal.
11:56 Il est très important que le cadre législatif change,
11:59 l'Union européenne a commencé avec une directive anti-déforestation
12:02 tout à fait intéressante, mais par exemple la fiscalité en France
12:05 doit aussi changer pour soutenir les PME du territoire
12:08 dont on vient d'entendre parler, parce que sinon, il y a une profonde inégalité.
12:12 Les pouvoirs publics font des économies avec le commerce équitable,
12:15 donc elles doivent l'encourager.
12:16 – Merci beaucoup, merci à tous les deux, à bientôt.
12:19 Sur Bsmart, on passe à Smart Ideas, une start-up en pleine lumière,
12:22 comme tous les jours.

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