Avec François Ploquin, journaliste d'investigation spécialisé dans le narcotrafic

  • l’année dernière
Avec Frédéric Ploquin, journaliste d'investigation, réalisateur du documentaire "La drogue est dans le pré", diffusé le dimanche 1er octobre à 21h05 sur France 5

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##SUD_RADIO_MEDIA-2023-09-29##

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Transcription
00:00 Le 10h30 Sud Radio Média, Valérie Exper, Gilles Gansman.
00:05 Bonjour à toutes et à tous, bonjour Gilles Gansman.
00:08 Bonjour Valérie.
00:09 Bonjour Frédéric Ploquin, merci d'être avec nous ce matin.
00:11 Vous êtes journaliste spécialisée "Crimes faits divers".
00:16 Non ? C'est comme ça qu'on peut vous qualifier ?
00:18 Vous avez écrit un certain nombre de livres sur le sujet
00:23 et France 5 propose un document formidable
00:28 dans le cadre du "Monde en face, la drogue est dans le pré".
00:31 Enfin quand je dis formidable, terrifiant sur la manière dont la drogue s'est infiltrée
00:35 un petit peu partout en région, en province, dans des petites villes.
00:40 Dans des territoires qu'on n'imagine pas.
00:42 Dans des territoires qu'on n'imagine pas avec une organisation assez...
00:46 Je dirais pour résumer que plus aucun territoire n'échappe au stupéfiant aujourd'hui.
00:49 C'est un peu le constat de ce documentaire.
00:52 Gilles vous a préparé un zapping sur mesure pour vous et on commence tout de suite.
00:58 Sud Radio Média, l'instant zapping.
01:01 Évidemment je vous ai fait un zapping délinquant.
01:03 C'est évidemment l'actualité de ma rattrapée avec l'effroi à Fusillade
01:07 qui a eu lieu hier à Marseille.
01:09 Depuis le début de l'année c'est plus de 42 morts.
01:12 Mais ce qu'a remarqué BFM c'est qu'aujourd'hui cette fusillade a eu lieu à 18-19h,
01:18 là où tout le monde est présent.
01:20 Il est un peu avant 20h, une voiture arrive.
01:23 Elle a repéré trois hommes sur la droite de votre écran.
01:26 Il sort du véhicule, il traverse et n'hésite pas, ouvre le feu instantanément,
01:30 vide son chargeur sur ses trois hommes.
01:32 A priori il en repère un en particulier et il repart.
01:36 La voiture va être retrouvée quelques minutes plus tard.
01:39 Alexis Pluyette, vous êtes à l'endroit où s'est produite cette fusillade
01:42 qui a donc fait deux morts et un blessé.
01:44 Ce matin on en voit les traces sur place.
01:47 Oui absolument, je peux vous assurer que c'est le choc ici dans ce quartier
01:51 plutôt tranquille, dans le 4e arrondissement de Marseille.
01:54 Mais ce qui choque les gens c'est que ça s'est passé à 19h40.
01:58 Vous imaginez, on est dans un quartier très commerçant.
02:00 Vous voyez cette pharmacie, il y a cette boulangerie qui a été ouverte hier à 19h40.
02:05 Il n'y a plus de limite ?
02:07 Les tueurs passent à l'acte à l'heure qu'ils les arrangent en réalité.
02:11 C'est-à-dire quand la cible est facile à atteindre,
02:14 ils se foutent complètement en réalité de ce qui se passe à l'extérieur,
02:17 de ce qui se passe dans la rue.
02:19 Ils sont dans leur monde, dans leur logique criminelle,
02:22 dans leur parcours criminel.
02:24 Et finalement, peu importe ce qu'il y a autour,
02:26 le but, l'objectif c'est d'abattre la cible, l'ennemi, le rival.
02:30 Celui qui, si vous ne le tuez pas, va peut-être vous tuer avant.
02:33 Mais ça veut dire qu'ils n'ont peur de personne, ni de rien ?
02:36 Je crois qu'ils sont vraiment dans leur bulle.
02:38 C'est un peu comme s'ils étaient dans leur salon avec leur tablette vidéo en train de jouer.
02:43 Le monde extérieur n'existe pas, n'a pas prise sur eux.
02:47 Et donner la mort, pour eux, devient une espèce de gymnastique,
02:54 de choses qui n'est même pas réfléchies.
02:57 Je pense que les conséquences de cet acte-là, de l'acte criminel,
03:01 n'atteignent même pas leur conscience et leur cerveau.
03:05 Ils sont vraiment dans leur logique de toute puissance, d'impunité relative.
03:10 Parce que sinon, on ne fait pas ça en pleine rue comme ça.
03:12 Cela dit, les grands voyous marseillais, ça fait un demi-siècle qu'ils se butent dans la rue,
03:16 en plein jour, de cette façon-là.
03:18 La différence entre la grande époque du milieu marseillais et aujourd'hui,
03:22 c'est qu'il y a des gens qui filment avec des vidéos.
03:24 Et donc on voit les images.
03:26 Mais des faits de ce type-là, à Marseille, ça fait un demi-siècle qu'il y en a.
03:30 Il n'y en avait pas moins ?
03:31 Non, il y en avait beaucoup. Il y avait des adeptes, il y avait 20, 25 morts à Marseille.
03:34 Est-ce que l'adverse, les dealers, puisque là on sait que c'est des histoires de dealers,
03:37 est-ce que les dealers ont peur de la mort ?
03:40 En tout cas, eux, j'ai l'impression que non.
03:43 En fait, la vie du trafiquant de stupéfiants, elle est relativement courte, a priori, sur le papier.
03:49 Autrefois, au temps de la French Connection, on avait des vieux trafiquants de 70 balais
03:54 qui trafiquaient l'héroïne et qui l'exportaient vers les États-Unis.
03:59 Aujourd'hui, le plan de carrière, il démarre à 14-15 ans, dans la rue, petit, en bas de l'échelle.
04:06 Vous rentrez dans un monde, vous rentrez dans cet univers, vous en adoptez les codes,
04:11 vous ne rêvez que de ça, votre vie, ce n'est pas de mettre des sous de côté pour préparer la retraite,
04:17 c'est d'en profiter un maximum pendant, en gros, 10 années, entre 14 et 24 ans,
04:22 où vous pouvez vous épanouir, gravir les échelons, renverser, parce que c'est ça l'objectif,
04:27 commencer en bas de l'échelle, il faut renverser, éliminer celui qui est juste au-dessus pour prendre sa place, etc.
04:32 Et à chaque fois que je m'entretiens avec des jeunes de 15 ans, comme ça je suis assez surpris,
04:37 qu'au bout d'un moment, ils m'avouent qu'en réalité, le but ultime, c'est de tuer leur propre patron.
04:44 C'est-à-dire que c'est de tuer leur propre patron, parce que c'est lui qui s'enrichit le plus pour prendre sa place.
04:49 C'est ça la logique. Et donc, à un moment donné, si le patron veut passer de sa place,
04:53 ce qui est à peu près normal, puisqu'il touche l'argent du point de dîne,
04:58 il mûrit chez ce jeune l'idée qu'il va le bousculer, qu'il va être plus fort que lui,
05:03 qu'il va avoir plus de "couilles", pardonnez-moi, c'est comme ça qu'il parle, que lui,
05:07 et qu'il va l'éliminer, l'écarter de son chemin et prendre sa place.
05:11 Et plus tard, évidemment, il y a son petit frère qui va venir et qui va lui dire "écoute Coco, maintenant c'est mon tour".
05:16 Restons dans la délinquance avec Seb Dadi, c'est un youtuber-influenceur qui vit à Miami,
05:22 qui va dire qu'il a quelques business de côté, comme il dit,
05:26 mais au soleil américain, tout ça, avec son petit coke à zéro,
05:30 il tape dans l'ACAF depuis Miami, il l'a confié à Sam Zira, qui a été d'ailleurs un interviewer assez fort.
05:36 Je tape dans l'ACAF, oui je touche le RSA, maintenant j'ai des business sur le côté.
05:40 Mais tu vis pas en France pourtant ?
05:42 Non, je vis à Miami.
05:43 Mais comment tu peux taper dans l'ACAF, avoir le RSA et ne pas être sur le sol français ?
05:47 Parce que j'ai aussi une adresse en France.
05:49 Et quand tu as plus de 28 ou 25 ans et que tu n'as pas d'activité, tu touches le RSA.
05:55 N'importe quel français qui a une adresse en France, qui n'a pas d'activité, qui a plus de 25 ou 28 ans, je sais plus, touche le RSA.
06:02 C'est assez choquant quand même ce que tu dis, non ? Tu trouves pas ?
06:05 C'est choquant, sachant que 90% des français le font, non.
06:09 Tu penses vraiment que les gens qui sont au RSA, ils sont au RSA parce qu'ils le veulent ?
06:13 Tu penses que ça leur fait plaisir ?
06:14 J'ai plein d'amis à moi, des potes de quartier, ils sont au RSA, ils vendent un peu de trucs sur le côté, ils sont bien.
06:19 Mais quel rapport avec des mecs de quartier ?
06:21 À un moment, ce n'est pas mon problème si la société ouvre des portes aux gens comme moi pour taper dans le RSA.
06:31 Et t'as pas honte ?
06:33 Bah non, j'ai pas honte.
06:34 Un auditeur me dit qu'Aurore Berger a démenti ses propos, il n'est dans aucun fichier de la CAF.
06:41 C'est ce que me dit un auditeur. Néanmoins, il m'est arrivé de prendre une fois un chauffeur d'un VTC qui m'a raconté vivre en Algérie
06:48 avec sa femme, ses enfants, tous chez les allocations familiales, les aides, et revenir régulièrement pour gagner de l'argent.
06:54 15 jours, mais vivre là-bas. Est-ce que c'est un phénomène qui vous parle ?
07:00 Moi, je crois que la drogue rapporte plus que le RSA.
07:03 Mais est-ce que c'est en plus ?
07:05 En fait, si vous voulez, l'idée, moi j'ai rencontré des profils comme ça en enquêtant sur le trafic de stupéfiants,
07:11 d'individus qui, en fait, il faut être un peu un fantôme sur le territoire pour ne pas se faire repérer.
07:16 Donc si vous vous débrouillez pour toucher le RSA, pour montrer que vous êtes plutôt pauvre,
07:22 que vous voulez rouler avec une petite bagnole un peu pourrave, comme ça, que vous n'avez pas les moyens,
07:28 vous avez moins de chances d'attirer l'attention des voisins, du quartier, de la police ou de la gendarmerie,
07:33 et de vous fondre dans le décor.
07:35 Donc effectivement, ça peut être un outil de dissimulation en réalité.
07:40 C'est-à-dire qu'il y a un certain nombre de trafiquants qui ne conservent pas l'argent sur le territoire français.
07:47 Parce que c'est difficile, vous pouvez vous le faire confisquer à tout moment, etc.
07:52 Donc le flux de l'argent de la drogue, vous savez, moi j'ai évalué à environ 4 milliards le chiffre d'affaires de la drogue annuel,
07:58 4 milliards d'euros le chiffre d'affaires de la drogue annuel en France.
08:01 Sur les gains, les bénéfices, il y en a une partie qui doit être ré-expatriée pour ré-exporter du produit.
08:07 Évidemment, parce qu'il faut payer le produit, donc il y a de l'argent qui repart au Maroc, en Colombie, en Amérique du Sud,
08:12 ou au Moyen-Orient pour l'héroïne.
08:15 Et il y a une partie de l'argent qui va être...
08:17 Parce que sinon ça n'a pas d'intérêt de prendre autant de risques si vous ne mettez pas de l'argent un peu de côté.
08:22 Et donc cet argent, il disparaît pour beaucoup, il est investi dans l'immobilier dans un certain nombre de pays
08:28 avec lesquels la coopération judiciaire et policière est faible.
08:32 Là, je pense notamment au Maroc, il suffit d'aller à Tangier pour se rendre compte
08:37 à quel point le boom immobilier ne peut pas être expliqué uniquement par les succès des entrepreneurs locaux.
08:44 - C'est grave comme ce que vous dites ?
08:47 - L'Algérie, c'est pas une question, c'est un constat que j'ai fait.
08:51 - Ça veut dire que le Maroc, c'est un monsieur ?
08:53 - Et d'autres pays... - Est-ce que vous le voyez ?
08:55 - Même au sein de l'Europe, il y a des pays qui ferment les yeux sur l'argent de la drogue.
08:59 En cas de crise économique, l'Espagne, pendant la grande période de crise économique récemment,
09:03 qu'est-ce qu'elle a fait l'Espagne ? Elle a fermé les yeux, il y a eu un boom immobilier en Andalusie
09:08 qui a absorbé une grande partie de la manne du trafic de stupéfiants.
09:11 Si au sein même de l'Europe, il y a des pays qui sont hyper accueillants avec l'argent de la drogue,
09:18 je pense qu'à la Hollande, les banques hollandaises par exemple,
09:21 elles sont accueillantes avec tout, il suffit que vous disiez que vous êtes un commerçant banal, etc.
09:26 A partir de là, vous pouvez aussi reprocher à des pays comme le Congo, le Sénégal, le Mali, le Maroc, l'Algérie ou Dubaï
09:34 d'accueillir cet argent, mais au sein même de l'Europe, pour aller encore plus près, au Luxembourg même,
09:40 vous avez des banques, des systèmes de sociétés off-shore, etc. qui accueillent cet argent aussi.
09:46 - Alors, on continue le zapping. On a appris qu'une association allait offrir, écoutez-moi bien,
09:52 500 téléphones portables aux migrants de Calais. C'est une association, si ça vous choque, qui va leur offrir.
09:59 Il y a eu un débat vif sur le plateau "Touche pas à mon poste" et une colère de Guillaume Janton.
10:03 - C'est complètement des magos. On sait que ces gens-là sont dans une énorme misère.
10:07 A priori, malheureusement, leur parcours est destiné à être chaotique.
10:09 Et là, pour se donner une bonne conscience, on va leur offrir un smartphone.
10:12 Encore une fois, qui paie l'abonnement ? Pour faire quoi ? Qu'est-ce qu'ils vont faire avec ?
10:15 Ils ne vont pas jouer à Candy Crush alors que les pauvres vont peut-être être envoyés dans leur pays.
10:18 Non mais c'est n'importe quoi. C'est vrai, c'est complètement des magos.
10:21 - Et encore une fois, pourquoi est-ce qu'on ne donne pas ces smartphones à des travailleurs
10:26 qui n'arrivent pas à boucler leur fin de mois ou à des SDF qui sont dans nos rues ?
10:31 - L'un n'empêche pas l'autre. On n'est pas obligés de poser des misères.
10:33 - Déjà, si c'est un sans smartphone, je pense qu'on peut déjà aider des gens qui sont vraiment dans le besoin
10:36 et qui se lèvent malgré tout, tous les matins en France.
10:38 - Est-ce que les toxicos sont aidés par des associations ?
10:42 - Les toxicos ? Non, les dealers.
10:45 - Pardon, les dealers. Est-ce qu'il y a des dealers ?
10:47 - Les toxicomanes, oui.
10:48 - Mais les dealers, non.
10:50 - Les dealers, je ne connais pas d'association qui fournisse des téléphones cryptés aux trafiquants de stupéfiants.
10:56 Je ne connais pas encore. Vous pouvez essayer d'en fonder une, si vous voulez, ça pourrait vous rapporter beaucoup d'argent.
11:00 - Les justifications et le lien ?
11:02 - En revanche, les toxicomanes, oui.
11:04 Notamment les toxicomanes à l'héroïne.
11:07 Il y a des associations, heureusement, parce qu'en fait, c'est aussi un problème des fonds publics.
11:11 - Non, ce que je voulais dire, en fait, je me suis mal exprimé, c'est qu'avec Valérie,
11:13 on a été choqué que plusieurs dealers soient maintenant dans la rédemption,
11:18 font des spectacles, écrivent des livres, et puis, certains bienveillants...
11:25 - Ça dépend quel est le message. Moi, j'ai été contacté récemment par un gros dealer marseillais qui est en prison,
11:31 depuis dix ans, donc si vous voulez, il est hors jeu, hors circuit, etc.
11:35 Et dès lors qu'il me dit qu'il a besoin que je l'aide pour formuler un message
11:41 à l'intention des générations d'après, de ses petits frères, pour leur dire en gros,
11:46 n'y allez pas, ce n'est pas la peine, il n'y a rien à gagner, moi, je considère que ça, ça peut être utile.
11:50 Ça peut être utile et nécessaire. Si le message, il est celui-là, si c'est pour eux.
11:54 Si le gars m'appelle pour me dire, je vais écrire à Frédéric, je vais écrire un bouquin
11:57 pour te raconter comment je suis devenu milliardaire, et comment je me la pète,
12:00 et comment je me fous de la gueule de tout le monde, je vais l'envoyer chier.
12:03 En gros. Mais si c'est pour... Là, je suis en train précisément de réfléchir à un projet de ce type-là.
12:08 Si le gars, il écrit, il fait un livre pour dire aux jeunes Marseillais,
12:12 c'est une vie pourrie, je vais passer dix ans en prison, maintenant je n'ose plus sortir,
12:16 et puis si je sors de prison, j'ai peur de me faire buter.
12:19 Ça peut peut-être un peu décourager, je ne sais pas, quelques mauvaises volontés.
12:24 On marque une pause et on se retrouve dans un instant.
12:27 A tout de suite.
12:39 - Notre invité du jour, c'est Frédéric Ploquin, journaliste spécialiste du crime, des criminels.
12:45 Et vous avez écrit un certain nombre de livres, réalisé un certain nombre de reportages.
12:50 Et dimanche, c'est vraiment à ne pas manquer, la drogue est dans le pré.
12:53 Je pense que vous allez tous être assez surpris.
12:55 Alors vous allez me dire que si vous habitez dans ces régions, vous les voyez peut-être, ces points de deal,
12:59 mais il y a des endroits totalement improbables où aujourd'hui, désormais,
13:02 les dealers se sont installés et mènent leur petit business ou leur très gros business
13:07 avec énormément de facilité.
13:10 Gilles, juste avant d'aborder, de parler du doc, on voulait vous faire entendre un son très fort.
13:16 - Oui, on n'a pas l'habitude dans le zapping de passer des extraits radio,
13:21 parce qu'on est un zapping télé, mais on le reprend quand c'est des sons radio,
13:24 mais qui ont été diffusés en télé, en gageant que ça va être le cas.
13:27 Car ce matin, chez Yves Calvi, Bruno Guignon est revenu sur son home, jacquigne,
13:32 et à l'antenne, il a craqué.
13:35 Ils ont cassé un carreau au rez-de-chaussée, ils sont montés à l'étage discrètement.
13:40 Je vois ma femme...
13:42 avec un pistolet sur la tempe.
13:46 Je suis désolé.
13:48 Je vois mon fils qui est menacé par deux gars.
13:53 Tout de suite, on m'attache les mains dans le dos.
13:57 On m'emmène dans la chambre de mon fils.
13:59 On me dit que si jamais on fait quoi que ce soit, ils vont nous tuer.
14:04 Je vois ma femme avec quelqu'un d'autre, avec une arme sur la tempe,
14:07 et ils l'emmènent dans le couloir.
14:09 Alors je leur demande de me prendre moi, et de laisser ma femme avec mon fils.
14:15 Mais ils partent et ils nous renferment dans la chambre avec mon fils, qu'ils attachent.
14:20 Ils n'arrivent pas à l'étacher les mains dans le dos, donc ils lui attachent les mains devant.
14:24 Et là, on reste renfermés pendant ce qui sera, je pense, les 30 minutes les plus longues de ma vie.
14:30 Ils sont capables d'appuyer sur la gâchette ?
14:34 Jusqu'à présent, ce n'est pas l'objectif.
14:36 Le home-jacking, c'est ce qu'il y a de plus terrorisant pour l'individu.
14:41 Si ça vous arrivait, si ça m'arrivait, je pense qu'on serait tous dans l'état dans lequel il est là.
14:46 C'est ce qu'il y a de plus terrorisant, parce que ce n'est pas une agression.
14:49 On vient dans votre intimité.
14:52 On vient dans votre intimité, vous êtes en famille, vous êtes avec vos enfants, vous êtes chez vous.
14:57 Vous avez a priori en face de vous des individus qui de toute façon vous font croire qu'ils peuvent appuyer sur la détente,
15:02 même s'ils ne le feront pas, parce que c'est le but du jeu.
15:04 Parce qu'en général, quand on vient chez vous, c'est qu'on croit...
15:07 Les footballeurs, par exemple, sont souvent victimes de ce genre de choses, de home-jacking,
15:10 parce qu'on sait qu'ils ont la belle montre, éventuellement la clé de la belle voiture, etc.
15:15 et qu'on va repartir avec.
15:16 Donc, ils ciblent comme ça ce genre de délinquants.
15:19 C'est aussi la facilité.
15:21 Vous cassez un carreau, vous savez que les gens ne sont pas armés.
15:24 C'est plus facile que d'attaquer une bijouterie ou une banque.
15:28 Donc, c'est la facilité. C'est souvent des petits délinquants, pas des grands professionnels.
15:35 Et donc, le fait que ce ne soient pas des grands professionnels les rend encore plus dangereux.
15:39 - C'est ce qui est arrivé à Bernard Tapie aussi.
15:42 - Exactement. Vous avez affaire à des gens qui ne sont pas des pros,
15:46 et qui peuvent ne pas se tenir, qui n'ont pas forcément le sang-froid nécessaire.
15:49 Et c'est là où il faut soi-même...
15:52 - Il y a la limite.
15:53 - C'est là où ça peut basculer à tout moment.
15:55 - C'était chez nos confrères d'RTL ce matin, Stéphane Guillon,
15:58 qui a accordé ce témoignage très fort.
16:01 Moi, c'est arrivé à une de mes amies qui en a gardé des traces pendant des années.
16:06 - Je pense qu'on ne s'en remet pas.
16:08 - On ne s'en remet pas.
16:09 - C'est comme une prise d'otage en réalité. C'est une prise d'otage.
16:11 - C'est d'une violence absolue.
16:12 - C'est une prise d'otage à la maison, à domicile. Donc, on ne s'en remet pas.
16:15 - C'est fini le zapping ?
16:17 - Oui, oui.
16:18 - Bon, on va parler de votre...
16:20 - Tu sais, vous en voulez encore.
16:22 - Le monde en face, la drogue est dans le pré.
16:25 Ce doc que vous avez réalisé, Frédéric Ploquin, est sidérant au sens propre du terme.
16:32 C'est diffusé dimanche soir sur France 5.
16:34 Il fait écho à une tribune qui est parue dans Le Monde la semaine dernière
16:38 d'élus de grandes villes et de métropoles qui appelaient à un plan national contre le trafic de drogue.
16:43 Et là, vous, ce que vous montrez, c'est une chose qu'on évoque assez peu souvent.
16:46 Ce sont ces dealers qui ont infiltré pratiquement toutes les petites villes de France.
16:52 - Oui, ce documentaire, c'est trois ans de travail, trois ans d'enquête.
16:56 Je cite le nom de mon co-auteur qui est Julien Johan.
16:59 C'est diffusé effectivement dimanche soir sur France 5 à 21h.
17:03 Et les découvertes que j'ai pu faire à travers...
17:06 Moi, j'ai pour habitude d'aller voir un peu, à chaque fois que j'enquête, les deux côtés de la marée.
17:10 C'est-à-dire que comme je travaille à la fois sur la police et j'ai des contacts à la fois dans la police,
17:15 avec l'agent Lamory, la douane, qui parle dans le film,
17:18 et de l'autre côté avec les trafiquants eux-mêmes,
17:20 j'aime bien avoir les deux sons de cloche et les confronter.
17:23 Parce que c'est comme ça que j'avance et c'est comme ça qu'à mon avis,
17:25 même le téléspectateur, il va découvrir, il va comprendre des choses.
17:29 Et quand vous avez notamment ce petit dealer que j'interview dans le film
17:34 et qui explique comment il a quitté finalement une zone urbaine trop dense,
17:40 en région parisienne, où il y avait trop de concurrence, trop de dangers,
17:44 où s'il voulait prendre la place, s'il voulait s'installer et s'il voulait prospérer,
17:48 il fallait peut-être qu'il en vienne à tuer quelqu'un,
17:50 et donc qu'il risquait lui-même de se mettre sa vie en danger.
17:52 Donc à un moment donné, il a basculé et il s'est dit,
17:54 pourquoi est-ce que je n'irais pas tout simplement à la conquête de nouveaux territoires ?
17:58 Et c'est intéressant parce que c'est tout ce qui s'est...
18:01 On va dire que c'est un résumé du basculement du trafic de stupéfiants
18:05 vers les territoires secondaires, on va dire,
18:08 les villes moyennes, les petites villes et les zones rurales.
18:11 Lui, il symbolise à lui tout seul ce phénomène,
18:13 c'est-à-dire qu'il dit, moi je suis allé, en l'occurrence dans une petite ville de la Normandie,
18:18 je me suis installé là-bas et j'ai vu qu'il y avait des clients.
18:21 Et les clients...
18:23 - Ah oui, il a sa technique, il faut se mettre près d'une boulangerie,
18:26 il faut se mettre dans des endroits où il y a du passage...
18:28 - Pour recruter, et en réalité c'est ça, c'est qu'aujourd'hui,
18:31 s'il n'y avait pas des clients dans ces zones-là, il n'y aurait pas de dealers,
18:35 les dealers repartiraient tout de suite,
18:37 je veux dire, s'il n'y a personne pour vous acheter les produits, vous ne restez pas.
18:40 Donc lui, il s'est installé, et jusqu'à un moment,
18:43 pendant un certain temps, il est tout seul sur le marché,
18:45 donc ça se passe très bien, et puis à un moment donné,
18:48 va se reproduire ce qui se produit en ville,
18:51 c'est-à-dire qu'il va y avoir de la concurrence, de l'excitation,
18:54 l'un qui balance l'autre, l'autre qui dit "tu m'as balancé, je vais te tuer", etc.
18:58 Et on se retrouve, c'est de ce constat que je suis parti pour faire ce documentaire,
19:02 c'est quand j'ai vu qu'il y avait aujourd'hui des règlements de compte à Châteauroux,
19:06 à Besançon, au Mans, à Blois...
19:09 - Alors Dreux était un peu... - Dreux, Vierzon, Vierzon-sur-Yves...
19:12 - Vierzon ! Vous connaissez Vierzon ?
19:15 - Oui. - Non mais attendez...
19:18 Tout d'un coup, il y a des policiers qui m'ont dit "va voir Vierzon, tu verras, ça va être..."
19:22 Pour moi, Vierzon, c'est la diagonale du vide en France, il ne se passe pas grand-chose...
19:26 - Il y a une blancherie, une église, et un tabac...
19:29 - C'est une ville un peu en déshérence, vous savez, beaucoup de commerces fermés...
19:33 Et sur cette déshérence a poussé, à Vierzon même, un trafic de stupéfiants,
19:39 et je me suis retrouvé effectivement la nuit à Vierzon, à constater qu'il y avait un point de ville ici,
19:43 un autre là, et même en plein jour, et puis après il y a quelqu'un, un habitant local qui m'a dit "Viens voir, viens voir,
19:49 regarde là, il y a des traces de balles et tout, à tel endroit..."
19:52 Je dis "Ah bon, il y a..." Oui, ils se sont tirés dessus à plusieurs reprises, ici et là...
19:55 Donc même dans une ville comme Vierzon, vous vous rendez compte,
19:58 qu'il y a aujourd'hui des trafiquants de stupéfiants qui règlent leur compte.
20:01 - Mais ça dit quoi des Français ?
20:04 Je vois que ça fait beaucoup réagir évidemment chez nous, sur notre compte Facebook,
20:11 Xavier dit "Perpignan, 110 000 habitants, 15 cités HLM, 50 points de deal..."
20:16 Stéphane nous dit... Alors ce qui est bizarre, c'est que tout le monde les voit, les connaît,
20:20 mais ils ne sont pas arrêtés. Mais en tout cas, là c'est deux choses différentes.
20:24 Mais ma première question, c'est qu'est-ce que ça dit de ces Français, dans ces villes ?
20:27 Dreux, Vierzon, vous parlez de villes exsangues, qui se mettent à consommer du cannabis.
20:33 Le documentaire est très bien fait, parce que cannabis, cocaïne, héroïne,
20:37 ce sont des drogues qui ont infiltré partout.
20:40 - Déjà, ça nous dit que le monde rural d'aujourd'hui n'est plus celui des années 70-80.
20:45 - Vous dites que pour les agriculteurs, c'est la seule chose qui n'a pas augmenté,
20:49 c'est la cocaïne, pour quand on se lève à 6h du matin et qu'on finit à 20h.
20:53 - C'est le fait que les trafiquants de stupéfiants, ils ont leur business plan,
20:57 ce sont des commerçants, les trafiquants de stupéfiants.
21:00 Et donc leur but, c'est de fidéliser de nouveaux clients.
21:04 Et ça, c'est l'un des grands changements de ces dernières années, je trouve.
21:08 C'est que notamment concernant la cocaïne, elle a été consommée par une petite élite parisienne,
21:13 autrefois le showbiz, dans le monde des médias, de la pub, etc.
21:17 Elle a été réservée à une petite élite. Et finalement, pour les trafiquants, c'est pas bon,
21:21 parce que c'est pas assez de clients, c'est trop petit, comme clientèle.
21:25 Donc ils sont partis à la conquête des gens ordinaires, des travailleurs.
21:30 Ils sont tombés sur des gens qui avaient besoin, dans le cadre de leur travail,
21:34 de ce palliatif, de cet excitant, pour tenir dans des conditions de travail difficiles.
21:41 Et ils ont commencé à fidéliser des marins pêcheurs ici, des boulangers, des agriculteurs éventuellement,
21:47 des gens qui bossent 10-15h par jour, de nuit, etc.
21:52 Et ça, pour un trafiquant, c'est beaucoup plus intéressant qu'un jeune bobo parisien
21:56 qui va vous commander 2g de cocaïne une fois par semaine le samedi pour aller en boîte.
22:01 - Oui, mais il y a que du rosan ! - Là, c'est tous les jours !
22:03 - Il y a des médicaments, il y a la médecine normale. Pourquoi ils se tournent vers la cocaïne ?
22:07 - Effectivement, on est un pays... - Psychologiquement, c'est différent.
22:11 - On est le pays d'Europe, je crois, où on consomme le plus de psychotropes.
22:14 Donc à partir de là, du psychotrope au produit cocaïne,
22:18 ça veut dire que vous avez un terrain favorable aux addictions en France.
22:22 Et donc pour les trafiquants, c'est pain béni.
22:26 C'est tout bénéfice, c'est-à-dire qu'ils profitent de cette faille,
22:29 de ces failles psychiques, on va dire, et de ce terrain addictif.
22:33 Et aujourd'hui, vous retrouvez, lorsque les gendarmes font...
22:36 Ça, c'est une des données qui m'a le plus surpris.
22:38 Les gendarmes font des contrôles routiers aujourd'hui,
22:41 sur les routes au fin front d'un département de Normandie, par exemple.
22:46 Là où il y a 20 ans, on avait énormément de contrôles...
22:51 - L'alcoolémie positive. - Qui permettaient de découvrir
22:54 que des conducteurs conduisaient sous l'emprise de l'alcool.
22:57 Aujourd'hui, il y a plus de cas de conduite sous l'emprise des stupéfiants.
23:01 C'est un signe, c'est un indicateur.
23:03 - Pour rebondir sur la question de Valérie Desfrançais et la drogue,
23:06 est-ce qu'on sait combien de Français, le pourcentage de Français
23:09 qui ont déjà touché au cannabis, à la cocaïne ou à l'héroïne ?
23:14 Est-ce qu'on est à 60-70% des Français ?
23:17 - Non, je ne vais pas vous donner un pourcentage,
23:19 mais ce que je peux vous dire, c'est que les Français roulent
23:23 environ pour 1 tonne, 1 tonne 3 par jour de chit ou d'herbe.
23:29 Donc ça fait beaucoup, il faut se les faire.
23:31 C'est 1 tonne 3 par jour en France de produits stupéfiants
23:35 et roulés pour faire... Là, je parle des joints.
23:37 Je ne parle pas pour le cocaïne, je n'ai pas de chit de ce type-là.
23:41 Ils roulent des joints, 1 tonne 3 qui est fumée
23:44 de cannabis ou d'herbe par jour, c'est-à-dire une quarantaine
23:47 de tonnes par mois. Après, ce n'est pas 4 tonnes.
23:50 - Et Mehmet, il écoule en une journée 1 kg de cocaïne.
23:53 C'est ce qu'il dit dans le documentaire.
23:55 - C'est ce qu'il dit, c'est-à-dire que...
23:58 - Donc 1 tonne 3 de chit et 1 kg de cocaïne.
24:02 - Oui, mais qui n'est pas consommé par une personne.
24:04 - En réalité, c'est que... Non, mais Mehmet, il vend en gros, en semi-gros.
24:07 - Oui, c'est pas la même chose. - C'est pas comparable.
24:10 - Non, lui, il récupère le kilo, il le dissémine,
24:14 il le distribue, il le vend à des semi-grossistes
24:17 qui ensuite vont le revendre. C'est un système de toile d'araignée
24:20 dans la journée. - On va parler de cette forme
24:22 d'industrialisation, de la... - De professionnalisation.
24:26 - Professionnalisation, oui. - On peut parler d'une professionnalisation
24:28 de travail avec des stupéfiants en France.
24:30 - Parce qu'on voit, il y a une ferme isolée dans votre doc,
24:32 il faut revenir à un trafic qui fait 4 millions d'euros
24:34 de chiffre d'affaires. Et puis, ce qui est vraiment très fort,
24:39 c'est pas une ville moyenne qui y échappe.
24:41 Pas une ville moyenne. On va y revenir, Frédéric Ploquin,
24:44 dans un instant.
24:46 (Générique)
24:48 - Le 10h30, Sud Radio Média.
24:50 Valérie Expert, Gilles Anzmann.
24:53 Sud Radio, le supplément média.
24:56 - On va mettre plus cher, manger mieux.
24:58 - On a plein de questions. - On discute en rentaine,
25:00 Frédéric Ploquin est avec nous, journaliste,
25:02 qui a réalisé un documentaire étonnant à regarder,
25:07 le dimanche soir sur France 5,
25:09 "Le monde en face, la drogue est dans le pré",
25:11 sur la façon dont les dealers se sont installés
25:13 dans toutes les villes, les grandes et petites métropoles,
25:17 avec une organisation mafieuse qui s'infiltre.
25:21 Ça, c'est la fin du documentaire,
25:23 ce sera peut-être une suite, de façon...
25:25 même au sein des États.
25:27 - Vous avez raison, ça me donne une idée pour la suite.
25:30 - Non mais c'est intéressant, parce que vous dites
25:32 qu'aujourd'hui, des policiers sont obligés,
25:34 je vais à la fin, obligés de travailler de façon anonyme
25:37 pour pouvoir infiltrer les différents blocages
25:40 qu'il peut y avoir des policiers,
25:42 ou des douaniers corrompus, des choses comme ça.
25:44 - Les organisations criminelles internationales,
25:46 mafieuses, ne sont pas sympathiques, aimables,
25:50 on n'est pas dans un monde de bisounours,
25:52 comme vous le savez, on est dans un monde
25:54 où on torture dans les ports,
25:57 où on a des salles de torture dans les ports,
25:59 dans des containers, on est dans un monde
26:01 où, comme cette scène qu'il y a dans le film,
26:03 que vous verrez dans le film, qui est inouïe,
26:05 où il y a un camion qui sort des kilos de cocaïne
26:08 du port du Havre, qui tombe en panne en pleine rue
26:11 à 8-9h du matin, à l'heure où les gens vont au boulot,
26:14 et tout d'un coup, vous voyez arriver,
26:16 on met la vidéo dans le documentaire,
26:18 vous voyez arriver des individus qui sont armés,
26:21 qui viennent, on va dire, dépoter, décharger le camion
26:24 vite fait avec plusieurs voitures, comme ça,
26:26 donc il y a une logistique derrière importante,
26:28 et qui partent avec la marchandise,
26:30 et qui s'échappent, et qui tirent éventuellement
26:32 sur leurs poursuivants, on est dans ce monde-là.
26:34 Donc vous comprenez que les policiers, les douaniers,
26:36 les gendarmes doivent prendre un certain nombre
26:38 de précautions, et se prémunir aussi
26:40 contre la corruption, parce qu'effectivement,
26:42 ces mafias ont tellement d'argent,
26:45 brassent tellement de millions, qu'elles sont capables,
26:47 on va dire, de corrompre aussi bien des dockers
26:49 que des douaniers, que des policiers.
26:51 - Il y a un éclairage très intéressant sur le Havre,
26:53 où il y a eu tout un réseau organisé
26:55 avec les dockers.
26:57 - Oui, le jour où on est allé tourner au Havre,
27:00 on n'a pas fait exprès,
27:03 on tombe sur une saisie de 800 kilos
27:06 de cocaïne, donc on filme en direct,
27:08 mais c'est pas, je veux dire, téléspectateurs,
27:10 c'est pas quelque chose qui a été programmé, organisé,
27:13 on est là, et ce jour-là, ça veut dire
27:15 qu'il y a énormément de saisies qui sont opérées.
27:17 - Est-ce qu'on peut lutter ?
27:19 Est-ce qu'on peut lutter ? Un auditeur demande
27:21 est-ce que c'est de la négligence, la complicité des autorités,
27:23 de l'incompétence ? Est-ce qu'on n'est pas débordé
27:25 face à ce phénomène aujourd'hui ?
27:27 - En fait, le trafic de stupéfiants,
27:29 le trafic international de stupéfiants,
27:31 aujourd'hui, est relativement hors de contrôle,
27:33 mais on ne peut pas dire que les États ne font rien.
27:35 En tout cas l'État français.
27:37 Mais l'État français ne peut pas faire tout, tout seul.
27:39 Il y a besoin de coopérer avec un certain nombre de pays,
27:42 parce que le produit vient de l'étranger,
27:44 parce que l'argent repart à l'étranger.
27:46 Et si l'État français, tout seul dans son coin, mène la bataille,
27:48 on va dire la guerre,
27:50 si vous demandez aux policiers, aux douaniers
27:52 ce qu'ils en pensent, ils vont vous dire qu'elle est
27:54 presque perdue.
27:56 - Mais elle est perdue parce qu'il y a des consommateurs.
27:58 - Oui, mais néanmoins, je voudrais quand même dire
28:00 qu'on a des policiers, des gendarmes et des douaniers
28:02 qui toujours se battent.
28:04 - Mais qui ont des moyens incroyables.
28:06 - Si la guerre est perdue, eux considèrent
28:08 que chaque jour ils peuvent gagner une bataille.
28:10 Et ils les gagnent, ces batailles.
28:12 - Quand on regarde votre documentaire, c'est quand même une ode aux dealers.
28:14 C'est-à-dire qu'il y a deux dealers
28:16 qui sont interviewés, qui sont justement dans les campagnes.
28:18 Et alors, on découvre...
28:20 Moi j'ai eu l'impression d'être
28:22 dans un documentaire de Capital.
28:24 Ils font des business plans,
28:26 ils repèrent, ils ont une logique,
28:28 ce qu'on appelle les nourricières
28:30 dans des anciennes fermes qui louent.
28:32 Il y a des maisons dont la façade
28:34 ne peut pas être filmée par la police
28:36 parce qu'on est dans des maisons de campagne.
28:38 Enfin, tout ça est très calculé, ils sont très intelligents.
28:40 - C'est pas du tout une ode aux dealers.
28:42 - Un peu quand même.
28:44 - Non, pas du tout. Je fais de l'enquête journalistique,
28:46 je suis un journaliste d'investigation
28:48 et je vais écouter les dealers parce qu'ils ont des choses à nous dire.
28:50 C'est très intéressant de découvrir
28:52 parce qu'il ne faut pas sous-estimer l'adversaire.
28:54 Il ne faut pas sous-estimer l'adversaire.
28:56 Les policiers ne sous-estiment pas ses adversaires.
28:58 Et effectivement, quand vous les écoutez, vous comprenez
29:00 que ce ne sont pas tous des imbéciles.
29:02 - Non, c'est ça qui est pas pour nous.
29:04 - Et cette intelligence qu'ils mettent au service de ce commerce illégal,
29:06 ils auraient très bien pu le mettre au service du commerce légal.
29:08 Et je pense qu'un certain nombre de ces individus,
29:10 s'ils n'avaient pas basculé du côté obscur,
29:12 seraient aujourd'hui des chefs d'entreprise,
29:14 des grands chefs d'entreprise éventuellement.
29:16 C'est dommage, on les a perdus pour ça.
29:18 - Et pourquoi ils ne s'arrêtent pas ?
29:20 Puisqu'ils ont gagné 15 millions, 20 millions ?
29:22 - Je pense qu'ils sont pris dans leur logique,
29:24 dans leur spirale.
29:26 - Ça ne se met jamais au vert, un dealer ?
29:28 - Ils n'ont pas cette intelligence.
29:30 C'est peut-être la limite.
29:32 Ils vont jusqu'au bout.
29:34 Et si j'en connais un,
29:36 je ne sais pas,
29:38 il y en a beaucoup.
29:40 Et si j'en connais,
29:42 à partir du moment où vous fondez une famille,
29:44 vous avez des enfants, etc.
29:46 là vous basculez dans autre chose,
29:48 mais c'est plutôt vers la trentaine.
29:50 Mais il n'y en a pas beaucoup qui arrivent vivants ou libres,
29:52 parce que la police fait quand même son boulot.
29:54 Donc à partir du moment où à 25 ans,
29:56 vous vous retrouvez pour 10 ans ou 5 ans en prison,
29:58 déjà votre vie bascule.
30:00 Après quand vous ressortez, qu'est-ce que vous faites ?
30:02 - Oui, puis on voit l'exemple de celui qui est allé en prison
30:04 et qui au contraire est passé à la cocaïne.
30:06 - Alors qu'il n'était qu'un simple vendeur de cannabis.
30:08 - Alors qu'il était un simple vendeur de cannabis.
30:10 - Et ça c'est ce qui s'est passé dans nos campagnes beaucoup.
30:12 Le cannabis était implanté depuis très longtemps.
30:14 Et là c'est le phénomène guyanais.
30:16 C'est-à-dire que tout d'un coup,
30:18 les trafiquants ont considéré
30:20 qu'il y avait une porte d'entrée nouvelle
30:22 vers la France, parce que
30:24 les Hollandais avaient un peu bouché
30:26 leurs aéroports
30:28 et mis en place un certain nombre de dispositifs
30:30 qui empêchaient les Surinamiens...
30:32 Je vous rappelle quand même que la France a un département
30:34 en Amérique du Sud.
30:36 On a un bout de territoire français en Amérique du Sud
30:38 qui est la Guyane, qui est frontalier
30:40 avec le Brésil d'un côté, avec le Suriname de l'autre.
30:42 Le Suriname, c'est la porte d'entrée
30:44 des trafiquants colombiens vers l'Europe.
30:46 Nous avons une frontière avec le Suriname.
30:48 Je suis allé pour ce documentaire,
30:50 vous l'avez vu, vous le verrez,
30:52 on passe au Suriname en barque.
30:54 Il y a 200, 300, 400 barques
30:56 qui passent tous les jours.
30:58 Donc à partir de là,
31:00 la cocaïne passe par là. Là vous avez des coins
31:02 un peu misérables où ils n'ont pas de difficulté
31:04 à recruter des mules, ce qu'on appelle des mules.
31:06 C'est-à-dire qu'en gros, des jeunes filles
31:08 souvent à qui on promet
31:10 2, 3, 4 mille euros si elles font le voyage
31:12 en ingurgitant de la cocaïne, elles se disent "ok j'y vais"
31:14 etc. Et elles se mettent jusqu'à 1 kilo
31:16 quand même dans l'estomac. - J'ai une question
31:18 un peu bizarre là-dessus, parce que
31:20 elles partent de... ça vous sera mes questions
31:22 bizarres de temps en temps, Valérie me connaît.
31:24 Ils partent de la Guyane,
31:26 ils font presque 10 heures, 11 heures de vol.
31:28 Après ils vont à la campagne,
31:30 on le voit, ils ont 2 heures de route pour aller à la campagne.
31:32 Si jamais ça vient, on fait quoi ?
31:34 - Alors c'est une façon
31:36 dont les hôtesses de l'air...
31:38 Les hôtesses de l'air,
31:40 quand vous discutez avec elles sur ces vols, elles vous disent
31:42 "il y a un certain nombre
31:44 de personnes quand même dans le vol aujourd'hui qui ont refusé le plateau
31:46 repas". Et donc
31:48 elles refusent totalement toute nourriture
31:50 pour effectivement conserver dans l'estomac
31:52 cette
31:54 drogue ingurgitée, parce qu'il ne faut surtout pas
31:56 effectivement qu'elles sortent avant
31:58 qu'elles aillent...
32:00 - Dans ce cas c'est perdu.
32:02 - Il y en a qui s'est arrivé.
32:04 - Il y a un cas comme ça d'une jeune fille
32:06 qui a disparu, qui a été tuée.
32:08 Je connais son père qui m'a rapproché
32:10 qui cherche à...
32:12 - Parce qu'elle n'a pas pu se retenir.
32:14 - Elle a été punie en tout cas par le réseau, on ne sait pas très bien pourquoi
32:16 mais probablement pour cette raison là.
32:18 Il y a aussi la possibilité de mourir, parce que si vous voulez
32:20 quelquefois c'est fait de manière un peu artisanale.
32:22 Ces boulettes que vous ingurgitez
32:24 recouvertes de fil plastique,
32:26 elles peuvent exploser dans votre ventre, je vous garantis que ce n'est qu'une
32:28 sur les 15, 20 ou 30
32:30 que vous avez ingurgitées et qui explosent, vous êtes mort.
32:32 Pour l'instant il n'y a pas eu de cas comme ça
32:34 mais c'est possible. - Et puis ils ont une imagination
32:36 sans limite
32:38 avec les crabes évidés
32:40 dans lesquels on a re-rempli
32:42 ces crabes avec de la cocaïne.
32:44 On ne va pas tout raconter du documentaire.
32:46 Donc on a parlé du
32:48 cannabis, de la cocaïne
32:50 et puis de l'héroïne aussi
32:52 qui revient en fait, c'est une drogue qu'on pensait
32:54 un petit peu oubliée,
32:56 non ? - Bah écoutez, déjà il y a
32:58 des pays producteurs qui aujourd'hui ont besoin, notamment
33:00 je pense à l'Afghanistan, qui est un pays
33:02 un peu hors de contrôle.
33:04 Il faut d'abord partir du pays producteur. L'Afghanistan,
33:06 au Liban, donc des zones
33:08 de guerre, des zones de tension.
33:10 La drogue pousse toujours sur les zones
33:12 chaotiques et les zones de tension. La drogue
33:14 bénéficie toujours de la
33:16 guerre d'une certaine manière.
33:18 Le produit est là, l'opium
33:20 pousse, il est là, l'héroïne est là
33:22 et là vous avez une autre mafia
33:24 dont on n'a pas parlé encore, qui
33:26 est en train de monter en puissance sur tout le territoire
33:28 dans le monde en réalité
33:30 entier, c'est la mafia albanaise
33:32 qui elle, écoule ce
33:34 produit, et là nous sommes allés pour ce
33:36 documentaire à la frontière en Savoie,
33:38 à la frontière avec la Suisse,
33:40 suivre des douaniers qui là, ont
33:42 découvert un plan de deal
33:44 en pleine forêt. Et ça change quand même un peu
33:46 des plans de deal qu'on a d'habitude au pied
33:48 des tours. Là on a un plan de deal
33:50 d'héroïne en pleine forêt.
33:52 Donc vous arrivez sur un petit chemin de forêt, vous faites
33:54 signe, il y a quelqu'un qui vous dit "coucou, je suis là"
33:56 etc. Vous le suivez sur un petit chemin forestier,
33:58 vous allez jusqu'à un endroit, vous payez,
34:00 vous récupérez votre dose d'héroïne.
34:02 Bon ça c'est effectivement, derrière on a
34:04 donc ça paraît comme ça très artisanal
34:06 ces petits etc. Mais derrière il faut
34:08 quand même savoir qu'on a des mafias mondiales
34:10 et que la mafia albanaise elle est
34:12 implantée, je veux dire, des Etats-Unis à l'Europe
34:14 à New York, partout, et qu'elle est
34:16 en train de bousculer la mafia même italienne.
34:18 Donc derrière on a des pieuvres.
34:20 - Pourquoi les dealers acceptent de faire de la télé ?
34:22 - Franchement je me suis
34:24 posé la question, ils ont été dealers,
34:26 qu'est-ce que tu leur racontais ta vie ?
34:28 - Bah si vous voulez, moi j'ai fait un livre juste avant
34:30 qui s'appelle "Les narcos français
34:32 Brise le Mertin". Je les ai
34:34 fait parler, j'en ai rencontré des dizaines.
34:36 - Mais c'est une histoire d'égo, quel est leur intérêt
34:38 de vous donner une affaire ? - Non mais déjà c'est
34:40 la confiance que j'ai installée
34:42 avec eux. Parce qu'ils ont vu que
34:44 dans ce livre, bon je ne les ménonçais pas,
34:46 je ne les trahis pas, etc. Donc après
34:48 je leur garantis l'anonymat, je suis obligé,
34:50 je suis pas là pour... - Bien sûr.
34:52 - Je suis obligé de leur mettre la cagoule, c'est moi
34:54 qui leur dis "mettez la cagoule". Mais eux ils ont
34:56 d'une certaine manière, ça en dealant aussi sur
34:58 l'impunité qu'ils ressentent. C'est-à-dire que
35:00 de toute façon, ils sont là, ils ont réussi,
35:02 ils sont au sommet un peu de leur puissance,
35:04 ils se pensent
35:06 un peu inatteignables.
35:08 Et donc ils acceptent ce rendez-vous,
35:10 mais c'est après des années,
35:12 ça fait des années que je travaille sur ce sujet,
35:14 c'est pas des dealers que j'appelle comme ça sur Snapchat.
35:16 Ce sont des gens que je connais depuis très longtemps,
35:18 comme les policiers d'ailleurs,
35:20 et les gendarmes qui acceptent de me parler.
35:22 - Mais si vous, vous les connaissez,
35:24 les gendarmes et les policiers les connaissent aussi ?
35:26 - Pas forcément, on ne connaît pas forcément les mêmes personnes.
35:28 - Mais le travail que vous avez fait, vous,
35:30 pourquoi la police ne le fait pas ?
35:32 - Bah si, la police le fait,
35:34 la police a des indicateurs aussi.
35:36 Moi je ne fais pas le même boulot, moi je fais du journalisme
35:38 et je fais de l'enquête. Donc mon but,
35:40 et c'est aussi pour ça qu'ils viennent vers moi,
35:42 moi je ne suis pas là pour les envoyer en prison,
35:44 d'ailleurs ce n'est pas mon boulot, je fais du journalisme.
35:46 Donc je ne suis ni juge, ni policier.
35:48 Et donc il faut savoir, voilà,
35:50 chacun son job.
35:52 - Dernière question, spécialiste que vous êtes,
35:54 est-ce qu'il y a des hommes politiques dans le gouvernement
35:56 ou ailleurs qui sont sur cocaïne ?
35:58 - Alors, je n'ai pas de nom,
36:00 mais dans l'histoire, dans le gouvernement actuel,
36:02 j'en sais rien, mais dans l'histoire,
36:04 on a eu, moi je me souviens très bien de Jacques Chirac et de Jean Tibéri,
36:06 bon ils sont, voilà,
36:08 là pour le coup j'ai interviewé leur dealer de cocaïne,
36:10 quand Jacques Chirac était maire de Paris,
36:12 et là,
36:14 je ne sais pas si c'était pour lui ou pour ses amis,
36:16 mais en tout cas ils commandaient, je peux vous dire,
36:18 de la cocaïne à gogo dans ces années-là.
36:20 - Ah bah, intéressant.
36:22 Merci et c'est à ne pas manquer, dimanche,
36:24 21h10 sur France 5,
36:26 il y a le replay évidemment,
36:28 Le Monde en Face, la drogue est dans le pré,
36:30 c'est un document choc,
36:32 et passionnant, et avec une richesse
36:34 dans les intervenants, assez incroyable.
36:36 - Et bravo à Samir, qui est sous le conducteur.
36:38 - Merci à vous, et à Julien Jau, mon co-réalisateur.
36:40 - Tout de suite, les débats.
36:42 À suivre sur Sud Radio,
36:44 mettez-vous d'accord, Valérie Expert.
36:46 Valérie Expel.

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