• l’année dernière
Publication du rapport "Pornocriminalité : mettons fin à l’impunité de l’industrie pornographique" du Haut Conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes : Sylvie Pierre-Brossolette, présidente du HCE, est l'invitée de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-mercredi-27-septembre-2023-3614831

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00:00 industrie pornographique, humilie, objectifie, déshumanise, violente et torture des femmes.
00:06 Et pourtant, elle profite d'une impunité totale. Il faut en finir avec cette zone de
00:10 non-droit. Ces mots sont les vôtres. Bonjour Sylvie-Pierre Brossolette.
00:13 Bonjour.
00:14 Vous présidez le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes. Et le rapport
00:18 que vous publiez ce matin est vraiment effarant. Merci de venir sur France Inter le détailler.
00:22 Vous avez mené une étude sur les quatre principales plateformes pornographiques sur
00:26 lesquelles transitent des millions de vidéos. Et vous nous dites que ces vidéos sont pour
00:31 la plupart illégales.
00:32 Il n'y a pas que moi qui le dit. D'abord, bonjour et merci de m'avoir invitée pour
00:35 parler de ce sujet très important. C'est la procureure de Paris, Laure Bécuot, qui
00:42 dans ses déclarations au Sénat lors de leur excellent travail fait l'année dernière
00:47 et qui a donné lieu à un rapport transpartisan et consensuel et qui a fait les mêmes constats
00:51 que nous, a déclaré que 90% des contenus de la pornographie actuelle contenaient tellement
00:59 de violence qu'ils relevaient du code pénal.
01:02 C'est de la violence non simulée.
01:04 Et c'est bien sûr, il faut bien mettre les poids sur les i, c'est de la violence, ce
01:11 n'est pas simulé, ce sont de vraies souffrances, ce sont de vraies femmes, ce n'est pas du
01:16 montage et donc on n'a pas le droit de provoquer ces violences chez les femmes, de les violer,
01:23 de les torturer.
01:24 On n'a pas le droit non plus de l'enregistrer, de le diffuser.
01:27 C'est l'article 222-33-3 du code pénal.
01:31 C'est puni des mêmes peines.
01:33 Donc, il n'y a aucune raison de tolérer dans la France de 2023, au moment où on en
01:39 est à la deuxième fois à la grande cause du quinquennat, que ces illégalités qui
01:45 vont subir à toutes ces femmes des tortures insupportables et font voir à des mineurs
01:51 ces spectacles avec les conséquences que l'on sait sur les mentalités.
01:55 C'est de la fabrique de futurs violeurs, de futurs auteurs de féminicides quand on
02:04 ne les détraque pas complètement mentalement.
02:06 Il faut vraiment, cette école du sexisme, cette école des violences sexistes qui est
02:10 devenue la pornographie, doit cesser, à la fois pour les femmes et pour les gens qui
02:16 la regardent.
02:17 Juste un chiffre pour se rendre compte de l'ampleur.
02:18 Il y a un million et demi de vidéos qui montrent des pratiques sadiques.
02:21 Et vous nous dites que la signature d'un contrat ne protège pas contre ça, parce
02:24 que les acteurs signent des contrats.
02:25 Vous dites que ça ne sert à rien.
02:27 Mais ces contrats sont complètement illégaux.
02:28 D'abord, on n'a pas le droit de contractualiser sur l'exploitation de la personne humaine.
02:35 On ne peut pas consentir à sa propre torture.
02:38 Déjà, on ne peut pas consentir à sa propre torture.
02:40 Mais en plus, toute exploitation sexuelle n'est pas contractable.
02:47 Donc, tout ça est illégal.
02:48 Les consentements ne valent rien.
02:49 Et en plus, pire, ils dupent les pauvres femmes qui croient avoir signé quelque chose
02:54 qui les protège et pas du tout.
02:56 À partir de ça, on leur fait subir n'importe quoi.
02:58 Donc, ce n'est pas du cinéma.
03:00 Les consentements ne sont pas valables.
03:02 Les contrats sont illégaux.
03:04 Les violences sont évidemment illégales.
03:06 Et le fait d'enregistrer et diffuser, c'est illégal.
03:08 Donc, que font les pouvoirs publics ?
03:10 Je vous pose la question, pourquoi cette impunité ?
03:13 Parce que vous entendrez les plateformes expliquer à longueur de temps avec des lobbies très puissants
03:18 que les milliards qu'ils gagnent sont en partie consacrés à payer toute l'activité de lobbying
03:25 avec les avocats les plus forts de la Terre.
03:27 Pour dire que c'est de la liberté de création.
03:29 On ne voit pas du tout l'intention artistique derrière ces séquences.
03:32 Mais enfin, ils prétendent ça.
03:33 C'est la liberté de création.
03:34 C'est du cinéma.
03:36 C'est la liberté d'expression.
03:37 C'est la liberté sexuelle.
03:38 N'oublions pas que la liberté sexuelle s'arrête où les attaques à l'intégrité du corps humain commencent.
03:45 Et je vais vous dire quand même en direct, malgré l'heure où peut-être les gens prennent leur petit déjeuner,
03:51 quelles sont les fameuses pratiques illégales.
03:53 C'est par exemple quelque chose qu'on appelle le gangbang,
03:56 c'est-à-dire que plusieurs hommes pénètrent des femmes dans plusieurs orifices en même temps,
04:01 déchirant parfaitement tous ces orifices et les laissent dans un état lamentable.
04:08 Le prolapse, et puis je m'arrête Elra là, qui est peut-être le pire,
04:11 c'est la descente d'organes, l'extériorisation des organes qui descendent dans le vagin et l'anus
04:18 parce que les pénétrations ont tout démoli chez la femme.
04:22 Donc on en est là. C'est de la torture.
04:24 - Vous décrivez de manière très crue ces vidéos, mais il faut mettre évidemment des mots sur ce qui se passe.
04:29 - Appelez un chat un chat et dire ce qui se passe.
04:31 - Alors cette impunité, vous nous dites qu'elle est due notamment à la puissance du lobby,
04:34 mais aussi à la défaillance des outils de contrôle Pharos,
04:37 qui est la plateforme qui permet de signaler des contenus illicites.
04:40 En gros, vous nous dites que ça ne sert à rien, vous l'avez testé,
04:42 vous avez fait des signalements et aucun n'a été suivi d'effet.
04:45 - Il y a deux choses différentes.
04:46 Il y a d'une part, pour ce qui est des compétences déjà actuelles de Pharos,
04:50 qui est supposé enlever les séquences concernant le terrorisme et la pédopornographie,
05:00 sur le terrorisme c'est très bien fait, sur la pédopornographie,
05:03 nous trouvons que ça n'est pas satisfaisant,
05:06 parce qu'ils ont une conception trop restrictive des images pédopornographiques.
05:10 Dès qu'une fille est prépubère, ils considèrent qu'il y a peut-être un risque qu'elle soit majeure,
05:17 parce qu'il y a un article du Code fédéral qu'il faut modifier qui dit
05:20 qu'on ne retire pas les séquences si l'actrice, qui est évidemment une victime,
05:26 était majeure au moment du tournage.
05:28 Donc il faut changer cet aspect du code pénal.
05:30 Évidemment, il suffit qu'une fille ou une femme apparaisse ayant l'aspect d'un enfant ou d'une mineure
05:37 pour qu'on retire les séquences.
05:38 Et puis il y a la nouvelle compétence qu'on veut donner à Pharos
05:42 concernant les atteintes à l'intégrité des personnes, à l'intégrité corporelle des personnes.
05:47 - Vous dites par exemple que vous avez signalé une vidéo qui s'intitulait "Une rousse se fait".
05:51 Je vais citer les mots aussi, un électrocuté torturé et baisé,
05:54 et que ça n'a rien changé, que cette vidéo est restée en ligne.
05:56 - Parce qu'ils ne regardent pas les sites pornographiques,
05:58 ils regardent surtout les signalements qui sont sur les réseaux.
06:02 Donc ça c'est à parfaire.
06:04 Mais ce qui est très important aussi, c'est de mettre une nouvelle compétence pour que...
06:09 C'est très facile, l'intelligence artificielle peut les aider,
06:13 il n'y a pas besoin de recruter des dizaines de personnes à Pharos.
06:16 L'intelligence artificielle pour leur sélectionner les séquences de violences et tortures,
06:19 d'ailleurs elles sont généralement annoncées avec les mots clés,
06:21 torture, fouettage, tout ce qu'on veut.
06:24 Et à ce moment-là, on demande aux hébergeurs de retirer ces séquences,
06:27 et si les hébergeurs ne le font pas parce qu'ils sont récalcitrants ou qu'ils sont à l'étranger,
06:31 on demande aux fournisseurs d'accès de couper.
06:33 - Et rapidement, parce qu'il ne nous reste vraiment que quelques secondes,
06:35 le projet de loi sur le numérique dont on parle beaucoup,
06:37 et qui va retourner à l'Assemblée bientôt, est-ce qu'il sera efficace sur ce sujet-là ?
06:41 - Mais pour l'instant, c'est le grand trou pour les femmes.
06:43 Donc moi j'ai regretté dès le mois de juillet qu'on ne parle pas de la protection des femmes.
06:48 C'est très bien de protéger mieux les mineurs, mais il ne faut pas oublier les femmes.
06:51 Et je demande au gouvernement, dans la commission spéciale qui a préparé le projet de loi
06:56 qui arrive le 4 octobre en séance publique,
06:59 on a déjà tenu compte des volontés du HCE et voté un amendement
07:04 demandant un rapport sur Pharoes et la faisabilité de notre proposition.
07:09 J'en suis très flatté.
07:10 Maintenant j'aimerais que ça rentre dans les faits et qu'on avance.
07:13 Merci Sylvie Pierre-Brosselet, présidente du Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes.

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