Yamina Saheb, chercheuse à l’OFCE et co-autrice du dernier rapport du Giec, était mardi 26 septembre l'invitée de la matinale de franceinfo. Elle répondait aux questions de Jérôme Chapuis.
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00:00 Bonjour Yamina Saeb, ingénieure chercheuse à l'Observatoire français des conjonctures économiques,
00:04 l'une des co-autrices du dernier rapport du GIEC et invitée d'actu de France Info ce matin.
00:09 On va revenir avec vous sur le plan annoncé hier soir par Emmanuel Macron
00:13 pour tenir les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique d'ici 2030, c'est-à-dire demain, dans 7 ans.
00:19 D'abord, dans l'ensemble, est-ce que ça vous semble cohérent et réaliste ?
00:24 Ce plan-là, c'est une transposition de l'objectif européen de réduire les émissions de l'ensemble de l'Union de 55%.
00:33 Donc de ce point de vue-là, c'est bien que la France se mette à jour pour être dans les objectifs européens.
00:40 Mais au-delà d'une mise à jour ?
00:41 Au-delà d'une mise à jour, après, il y a les moyens qui sont proposés.
00:46 Ils proposent 7 milliards pour 2024, mais on ne sait pas ce qui va se passer après.
00:49 7 milliards de plus, par rapport, oui.
00:51 On ne connaît pas la suite. 7 milliards de plus semble être le bon chiffre.
00:57 Mais s'il n'y a pas de suite, 2025, 2026, 2027, et s'il n'y a pas de continuité, ça n'ira pas très bien.
01:04 Après, les mesures proposées. Il faut aller regarder les mesures proposées.
01:07 On regarde dans le détail, puisqu'on parle par exemple beaucoup de pompes à chaleur.
01:10 C'est la solution miracle ?
01:11 Alors, ce n'est pas la solution miracle. On aura besoin de pompes à chaleur.
01:14 Mais ce n'est pas la solution miracle. Il faut rénover les bâtiments.
01:18 Rénover les bâtiments, ça veut dire isoler les bâtiments et les rénover à un niveau de performance,
01:22 au niveau bâtiment basse consommation, comme on l'a dans la loi.
01:26 Et ça, il ne dit pas un mot là-dessus.
01:28 Il y a 4 milliards prévus l'an prochain quand même.
01:30 2 milliards et demi cette année, 4 milliards l'an prochain, c'était déjà annoncé.
01:33 En fait, ajouter de l'investissement pour faire de la mauvaise rénovation, c'est gaspiller de l'argent public.
01:39 Et partir juste de la pompe à chaleur, parler juste de la pompe à chaleur,
01:44 sans rien dire sur l'isolation, le niveau de performance énergétique globale d'un bâtiment.
01:50 Donc, ça ne se révélerait pas à grand chose.
01:52 Et puis en plus, lorsqu'il dit à la fin du quinquennat, on aura produit,
01:56 on va faire l'hypothèse qu'on aura installé 1 million de pompes à chaleur en France.
02:00 Il faut savoir que nous avons un peu plus de 30 millions de résidences principales.
02:04 Si on installe 1 million par quinquennat, je vous laisse faire le compte, donc 150.
02:09 Ça prendra un certain temps, oui.
02:11 - C'est possible de reprendre le contrôle du prix de l'électricité pour qu'il reste assez bas et donc incitatif ?
02:16 - Alors, c'est bien qu'il se penche sur la question du prix de l'électricité,
02:20 parce qu'il y a un problème avec le prix de l'électricité.
02:22 Il y a plusieurs problèmes avec le prix de l'électricité,
02:24 mais il y en a un qui est très important dont il ne parle pas.
02:26 C'est le fait que plus vous consommez, moins... plus bas est le coût de l'unité.
02:33 Donc en fait, vous pénalisez ceux qui consomment le moins,
02:35 et vous encouragez, vous pénalisez la sobriété, vous encouragez les gens à consommer plus.
02:39 Ceux qui consomment le plus ne vont pas s'en rendre compte, ça ne peut pas avoir un effet prix.
02:44 Après, il y a un autre problème, c'est qu'il dit "on a nationalisé", etc.,
02:48 mais le prix de l'électricité, on est dans le marché de l'union.
02:50 On a fait une révision du règlement de l'union sur le marché de l'électricité en 2019,
02:55 qui a été votée par la majorité.
02:57 Moi, j'attends de voir comment il va faire ça. Je ne sais pas.
02:59 - Il y a un gros sujet politique, en tout cas.
03:01 - Il y a un gros sujet politique.
03:02 - Il y a un mot qui revient, c'est le mot "sobriété", mais il parle de sobriété mesurée.
03:07 Ça veut dire quelque chose pour vous ?
03:09 - C'est un nouveau concept qu'il faudra qu'il nous définisse, Emmanuel Macron.
03:12 Non, en fait, c'est très bien que le président de la République parle de sobriété.
03:15 Nous sommes le seul pays de l'OCDE et le seul pays de l'Union Européenne
03:18 où nous avons la plus haute autorité de l'État qui parle de sobriété.
03:21 La sobriété n'existe dans aucun instrument de l'Union Européenne,
03:23 alors que ça existe dans la loi française sur la transition depuis 2015.
03:27 Par contre, la sobriété transformatrice, c'est une sobriété structurelle
03:32 qui va demander de grandes transformations.
03:34 - Et donc de gros efforts.
03:35 - De gros efforts d'investissement, de véritables politiques publiques.
03:38 - Et puis même peut-être des privations.
03:40 Sobriété, on entend privation.
03:41 - Non, non, c'est pas privation.
03:42 La sobriété, en vérité, c'est une protection des plus vulnérables
03:45 et ça serait une privation pour ceux qui polluent le plus.
03:47 Donc, c'est une minorité.
03:50 - Parce qu'il y a quelque chose dans ce que dit Emmanuel Macron hier,
03:53 c'est un changement de cette ampleur sans douleur.
03:56 Il ne faut pas que ce soit une purge, dit-il.
03:58 C'est possible, ça ?
04:00 - Je pense que le mot "transition" n'est pas le bon mot
04:03 parce que la transition, ça veut dire on garde le même système,
04:05 on fait des petites mesures à droite à gauche
04:08 et on a l'impression qu'on change les choses.
04:09 Ce qu'il nous faut, c'est une métamorphose de notre économie
04:11 et le plan, il ne parle pas de métamorphose de notre économie.
04:13 - Voilà, ça va très très vite.
04:14 Je le disais, 7 ans, c'est demain.
04:16 - C'est très très court.
04:17 Mais il faut retenir une chose, c'est que, en principe,
04:20 si la France tenait compte de ses émissions cumulées, passées,
04:23 à la fin de ce quinquennat-là,
04:25 à la fin du dernier quinquennat d'Emmanuel Macron,
04:28 la France devrait être neutre en carbone, en principe.
04:30 Mais c'est pas ça notre objectif.
04:31 Notre objectif, c'est 2050.
04:32 - Merci beaucoup, en tout cas, Yamina Saeb,
04:34 d'avoir décrypté avec nous ces nombreuses annonces.
04:36 On va continuer d'en parler sur France Info.
04:38 Je rappelle que vous êtes chercheuse à l'Observatoire français
04:40 des Conjonctures économiques et l'une des coautrices du rapport du GIEC.
04:43 Vous étiez l'invité d'actu de France Info.