Ségolène Royal explique le harcèlement scolaire dans TPMP !

  • l’année dernière
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00:00 C'est un peu d'ailleurs une continuité par rapport à ce qu'on a dit la semaine dernière
00:04 parce que vous allez voir qu'il y a des choses communes sur la façon dont on s'adresse aux victimes.
00:09 Donc là, on est en pleine rentrée scolaire et bientôt en pleine rentrée universitaire
00:14 et vous avez vu qu'il y a eu plusieurs événements malheureux sur le harcèlement
00:19 qui est souvent accompagné de raquettes, donc harcèlement, raquettes et bizutage.
00:24 C'est les trois éléments clés de la violence en milieu scolaire.
00:28 Donc moi je pense, comme je vous l'ai dit la dernière fois, que quand on connaît bien les choses,
00:33 on peut les regarder en face et donc on peut lutter contre.
00:37 Et c'est ça qui est important, c'est que ces émissions servent à faire reculer la violence scolaire.
00:42 Et je pense que quand on met des mots, c'est un peu l'effort que je fais en vous présentant des choses toutes simples.
00:46 C'est elle qui fait tout.
00:47 Voilà, c'est-à-dire de dire à partir de la connaissance que j'ai, du droit, de l'expérience que j'ai eu aussi,
00:53 parce que j'ai fait voter par exemple la loi.
00:54 Vous avez été ministre de l'enfance puis de l'éducation.
00:56 C'est ça.
00:57 Donc j'ai fait par exemple les premières actions contre le racket à l'école avec des campagnes d'affichage.
01:02 J'ai fait voter la loi d'interdiction du bizutage.
01:05 Et vous avez vu que le bizutage recommence.
01:07 On va en reparler d'ailleurs avec cet étudiant qui mange une souris vivante.
01:11 On a vu aussi sur le harcèlement ce qui s'est passé dans un collège d'Alfortville.
01:17 Et on a vu aussi encore récemment le suicide d'un jeune qui s'est fait harceler.
01:23 Et ça c'est inadmissible dans la France d'aujourd'hui.
01:26 C'est inadmissible.
01:27 Parce que d'abord toute la réglementation existe, toutes les lois existent.
01:31 Donc c'est pas la peine d'annoncer encore des plans, je ne sais quoi.
01:34 Ça existe. Il suffit juste de faire appliquer les choses et que tout le monde soit au courant,
01:39 les parents, les enfants, les enseignants, les adultes des établissements scolaires,
01:44 que tout le monde soit au clair sur de quoi on parle.
01:48 Alors premièrement de quoi on parle.
01:50 L'école doit être un lieu de protection et de travail dans la sérénité.
01:53 C'est tout.
01:54 Il ne doit pas y avoir un seul enfant qui va à l'école le matin
01:57 ou un seul étudiant qui va en rentrée universitaire en ayant la boule au ventre.
02:01 Soit à l'université parce qu'il sait qu'il va subir un visitage,
02:04 soit à l'école parce qu'il y a du harcèlement et qu'il sait qu'il va subir cette épreuve.
02:08 C'est tout. C'est la règle fondamentale.
02:11 Donc c'est le zéro tolérance à l'égard de la violence.
02:15 Ensuite, pourquoi c'est difficile de parler des violences en milieu scolaire pour les victimes ?
02:20 Pourquoi c'est si difficile ?
02:22 D'abord parce que c'est un signe de faiblesse.
02:24 C'est-à-dire l'enfant ou l'adolescent qui n'a pas la capacité de se défendre
02:28 face à un groupe de sa classe ou un groupe dans la cour de récréation,
02:32 même sur des choses anodines mais qui vont devenir pour lui rapidement insupportables.
02:36 Par exemple, un cas concret que j'ai connu et que j'ai eu à gérer,
02:40 c'est un enfant qui se faisait chatouiller tous les matins.
02:42 Tous les matins dans sa classe, il y avait dix autres enfants
02:45 qui venaient le chatouiller, le papouiller, le toucher partout, etc.
02:48 Puis tout le monde riait bien évidemment.
02:50 Au bout de quinze jours, le gamin était complètement détruit.
02:54 Et quand il dit "je ne vais pas bien parce qu'on me chatouille",
02:58 qu'est-ce que les adultes disent ?
02:59 "Bon, on chatouille, c'est pas grave, c'est pour jouer, etc."
03:02 Sauf que celui qui subit ça tous les matins,
03:05 ça devient dans le répétitif une violence insupportable.
03:09 Donc signe de faiblesse et c'est pour ça que les enfants n'osent pas parler
03:12 parce qu'ils vont se dire "on va penser que je suis une poule mouillée, etc."
03:15 – Une victime, à temps près.
03:16 – Toute la bêtise.
03:17 – Ils ne sont pas une victime en cours.
03:18 – C'est ça.
03:20 Et puis deuxièmement, c'est la honte d'être différent.
03:22 Parce que souvent, l'enfant est harcelé dans ce qu'il a de différent.
03:26 Il est trop gros, on va se moquer de lui, il est trop maigre,
03:28 le handicap, la couleur de cheveux, sa situation familiale,
03:32 tout va y passer pour servir de prétexte à un groupe d'énergumènes
03:37 pour lui mettre la pression.
03:39 Ensuite, et l'enfant, le rêve de tout enfant,
03:42 c'est d'être intégré au groupe.
03:43 Et dans un groupe de maltraitants, il y a les leaders,
03:47 qui vont être des maltraitants, qui vont vite recadrer, vite punir.
03:50 Il y a les suiveurs, qui vont suivre ceux qui vont maltraiter
03:54 parce qu'ils ne veulent pas être dans les non-suiveurs,
03:56 c'est-à-dire qu'ils ne veulent pas être du côté des victimes,
03:59 ils veulent être du côté des maltraitants.
04:01 Et puis enfin, parce qu'on s'est connu à l'école,
04:04 c'est pareil pour le bisutage,
04:05 quand il y a un bisutage en dehors des grandes écoles,
04:08 mais qui a été organisé parce qu'on a donné aux bisuteurs,
04:10 par exemple le listing des étudiants,
04:12 la responsabilité et la complicité est la même.
04:15 – On a vu par exemple la réponse du rectorat sur Nicolas,
04:20 c'est dramatique.
04:21 – Dramatique.
04:22 – Et c'est vrai que souvent, il y a plein de gens qui nous disent,
04:24 le chef d'établissement a dit "ah ben non",
04:26 parce que c'est pas…
04:27 – C'est périscolaire.
04:28 – C'est périscolaire, donc ça ne vous concerne pas.
04:30 – Voilà.
04:31 – Est-ce que la loi dit ça ?
04:32 – Non, la loi dit que tout ce qui est organisé
04:35 grâce au contact pris dans l'école,
04:37 eh bien la complicité des responsables et des encadrants
04:41 du système scolaire est engagée,
04:42 parce qu'ils sont complices d'avoir rien dit dans l'école
04:46 et de n'avoir pas arrêté le harcèlement en dehors de l'école.
04:48 Ça c'est effectivement très important.
04:51 Donc qu'est-ce que c'est que le harcèlement ?
04:53 Vous voyez, c'est des questions toutes simples,
04:54 mais parfois, mettre des mots sur les choses,
04:57 ça va aider aussi ceux qui nous écoutent
04:59 à lutter et à prendre conscience des choses.
05:01 D'abord, c'est une violence répétée.
05:03 Si on vous chatouille une fois, ce n'est pas un harcèlement,
05:05 si on vous chatouille dix fois, ça devient un harcèlement,
05:07 parce que ça devient une souffrance.
05:08 Donc une violence répétée qui peut être verbale,
05:11 c'est une insulte qui est répétée tous les jours.
05:13 Physique, donc un contact physique.
05:15 Sexuel, parce qu'on vous touche tous les jours,
05:17 ni vu ni connu, on passe dans le couloir et hop,
05:20 on vous fait un geste, "ah ben non, je n'ai rien fait".
05:23 Donc c'est très difficile à coincer, ceux qui font ça,
05:25 et puis éventuellement avec raquettes.
05:28 Deuxièmement, envers un élève qui n'arrive pas à se défendre,
05:31 il faut savoir que les groupes de harceleurs repèrent très vite
05:35 les autres, ceux qui sont en situation de fragilité,
05:38 en situation de souffrance, où ça se passe mal dans leur famille,
05:41 donc ils sont mal à l'aise,
05:43 ou ils sont en situation d'échec scolaire,
05:44 donc ils vont très vite repérer leur proie.
05:46 Ça, c'est très important.
05:48 Ensuite, les enfants et les adolescents sont vulnérables
05:50 par leur allure physique, j'ai dit tout à l'heure,
05:52 le handicap, la situation familiale, etc.
05:55 Et au total, on estime qu'entre 10 et 20 % des élèves
05:59 sont concernés, donc c'est beaucoup, presque 1 sur 5, c'est beaucoup.
06:03 Et du côté des harceleurs aussi, il y a des très jeunes enfants
06:07 qui peuvent aussi être victimes, c'est-à-dire,
06:09 vous avez des enfants qui deviennent harceleurs
06:11 parce qu'ils ont été harcelés, ou parce que dans leur famille,
06:15 ils subissent des violences.
06:16 C'est-à-dire que quand l'enfant est petit,
06:19 je ne parle pas des adultes, où là, ils ont la responsabilité
06:21 de ce qu'ils font, mais quand l'enfant est mineur,
06:24 il faut absolument regarder si le harceleur n'est pas aussi
06:28 une victime de violences, soit dans la famille,
06:30 soit dans la rue, soit dans le quartier, etc.
06:33 - Alors, les sanctions ?
06:34 - Les sanctions, parce qu'on pense que c'est anodin, le harcèlement,
06:37 mais non, c'est interdit par la loi, les sanctions sont très lourdes.
06:41 D'abord, il y a les sanctions disciplinaires,
06:43 c'est-à-dire qu'un chef d'établissement
06:44 doit immédiatement intervenir par un avertissement, un blâme,
06:49 une exclusion temporaire ou définitive.
06:51 C'est là qu'on voit la lenteur de ce qui s'est passé,
06:54 pour Nicolas qui s'est suicidé.
06:56 - Dans les cas qu'on a ici, c'est Golen,
06:58 je veux dire, c'est souvent l'enfant harcelé
07:00 qui est obligé de quitter l'établissement.
07:02 A chaque fois, on a eu que des cas comme ça.
07:03 - Eh bien, ce n'est pas normal.
07:04 - C'est ça.
07:05 - Et un chef d'établissement a tout pouvoir
07:08 pour exclure du jour au lendemain un élève harceleur
07:12 en attendant de voir ce qui se passe.
07:13 - Le problème qu'il y a, c'est que l'élève harceleur, il n'est pas tout seul.
07:16 Donc, derrière ses potes,
07:17 elles vont s'en prendre à l'élève qui a fait sortir,
07:21 donc exclure le harceleur
07:23 et ça devient aussi encore plus compliqué pour lui.
07:25 C'est ça le problème.
07:25 - C'est ça, ils ont peur.
07:26 C'est pour ça qu'ils ont peur.
07:27 Et puis souvent, les parents, ils se révoltent
07:29 parce que les parents ne peuvent pas imaginer
07:30 que leur enfant est un harceleur.
07:31 - Et le harceleur devient victime.
07:32 - Donc les parents vont venir faire pression sur le chef d'établissement.
07:34 - C'est ça, parce qu'il devient victime.
07:35 - Non mais ce n'est pas vrai.
07:35 Et le harceleur dit qu'il n'a rien fait.
07:37 Donc, comme on l'a vu la semaine dernière,
07:39 le harceleur se pose en victime.
07:41 Et comme c'est du harcèlement souvent oral ou physique,
07:44 il n'y a pas de preuve.
07:45 Et les témoins n'osent pas parler.
07:46 Donc, ça veut dire que si tout le monde n'est pas au clair
07:48 et si le harceleur sait maintenant qu'il peut risquer
07:51 jusqu'à un an et demi de prison, de un an et demi à cinq ans de prison,
07:54 même si c'est avec sursis, mais si c'est prison ferme,
07:57 si justement ça se termine par...
07:59 - S'il a plus de 13 ans, ça.
08:00 - Moins de 13 ans.
08:03 Déjà, si le harceleur a plus de 13 ans, mais s'il est mineur,
08:07 il peut faire de la prison.
08:08 Et pour les moins de 13 ans, bien évidemment,
08:10 c'est une mesure éducative et c'est le juge pour enfants.
08:13 Mais ce que je veux dire par là, c'est que ce que les gens ne savent pas,
08:16 c'est que la loi prévoit des sanctions très lourdes.
08:18 Et s'il y a des affichages dans tous les établissements scolaires
08:22 en début d'année, il faut que les jeunes et les harceleurs
08:26 se rendent compte de la gravité, que ce n'est pas anodin.
08:29 Et je pense que du coup, la violence peut reculer très, très vite
08:32 si chacun est au clair et si tout le monde regarde en face
08:35 la réalité des choses.
08:37 Alors qu'est-ce que c'est que le bizutage ?
08:38 Le bizutage, c'est une suite de brimades, en général accompagnées
08:43 d'alcool obligatoire, imposée aux nouveaux arrivants
08:46 dans les grandes écoles et les universités pour faciliter,
08:50 et certaines universités pour faciliter, soi-disant, l'intégration.
08:54 Et moi, je garde toujours en mémoire le premier bizutage,
08:57 le premier jeune qui est mort en bizutage,
09:00 et qui m'avait conduit, quand j'étais ministre, à faire cette loi.
09:03 Donc un jour, je vois arriver deux parents dans mon bureau de ministre,
09:06 ils me demandaient à me voir, c'était vraiment très important.
09:08 Donc je les reçois et ils me disent, voilà, leur fils était
09:11 dans une école de commerce, une grande école de commerce à Paris,
09:14 et il est mort en bizutage parce que d'abord, on l'a fait boire de force.
09:19 Et ensuite, il l'avait déshabillé, et le bizutage consistait
09:23 à rester tout nu dans la neige.
09:25 Donc ils étaient partis en montagne toute la nuit.
09:27 Bien sûr, le jeune est mort, et les parents étaient là devant moi
09:32 de façon à dire, comment ça se fait ?
09:36 Et ensuite, avec tous les cas que j'ai eu à régler,
09:38 par exemple, il y avait au Beaux-Arts de Paris, à une époque,
09:41 on déshabillait les élèves, on les peignait de deux couleurs différentes,
09:45 on les forçait à se frotter l'un contre l'autre,
09:47 et ensuite, on les mettait dans un matelas
09:50 et on balançait le matelas de troisième étage.
09:51 Et il y a eu des morts.
09:53 Et à l'époque, c'était la loi du silence, vous voyez ?
09:56 Il y a, tout le monde a entendu parler, peut-être des arts et métiers.
09:59 On avait l'usinage.
10:01 Pendant plusieurs semaines, le bizutage durait,
10:03 mais le bizutage très violent.
10:05 Et là, il y a un élève qui est mort parce qu'on l'a obligé à ramper
10:07 dans un tuyau d'évacuation d'eau, et l'élève est mort.
10:11 Et puis récemment, à Saint-Cyr, vous vous souvenez aussi,
10:13 il y a un jeune qui est mort d'un bizutage parce qu'on le faisait nager
10:17 dans un lac non éclairé la nuit à 9 degrés et il s'est noyé.
10:22 Et donc, tout ça, c'est intolérable, insupportable.
10:25 Et redisons bien clairement que le bizutage est interdit.
10:28 Et s'il y avait plus de sanctions, plus rapides aussi,
10:31 sur les chefs d'établissement qui tolèrent
10:33 ou qui donnent les listes des élèves, etc.,
10:36 je pense que ces pratiques-là seraient éradiquées.
10:41 Et quand j'étais en charge de cette question,
10:43 à chaque rentrée universitaire, dans le dossier des étudiants,
10:46 je rappelais l'interdiction du bizutage et les peines encourues.
10:49 – Pourquoi ça reprit là ?
10:51 – Parce que… Pourquoi ça reprend ?
10:53 Parce qu'à un moment, quand on ne rappelle plus les interdits et la loi,
10:57 la bêtise, vous savez, la bêtise et la cruauté et le virilisme idiot
11:01 reviennent plus facilement que la sagesse et l'intelligence, malheureusement.
11:05 Même chez des jeunes privilégiés,
11:08 qui sont quand même dans des grandes écoles,
11:10 qui sont dans des universités.
11:11 À une époque, il y avait des bizutages épouvantables
11:14 en faculté de médecine.
11:16 Je pense que ça a cessé en faculté de médecine.
11:18 À une époque, c'était terrible.
11:20 Ou dans les prépas vétérinaires.
11:21 Et ce jeune qui mange une souris, vous avez vu, une souris vivante,
11:25 c'est abominable.
11:26 Mais c'est typique des bizutages,
11:28 notamment dans les filières vétérinaires,
11:30 avec des viscères d'animaux qu'on est obligé de manger, etc.,
11:33 que j'avais interdits, et j'avais pris des sanctions.
11:35 Et d'ailleurs, c'était le même lycétaire de Marseille,
11:37 c'est quand même très étonnant.
11:39 Et quand ce jeu… Vous avez vu que les bizuteurs ont dit
11:41 "Non, mais il était volontaire".
11:43 Mais non, parce que la loi, vous allez voir,
11:45 les sanctions sur le bizutage,
11:47 même si on prétend que le bizuter est volontaire,
11:50 ça n'existe pas.
11:52 C'est-à-dire les témoins qui sont inactifs
11:55 ou les encadrants qui ont laissé faire
11:57 sont considérés comme complices, vous voyez sur ce tableau,
12:01 et la loi réprime le bizutage, même si la personne est consentante.
12:05 Et à ce moment-là, le parquet peut même s'autosaisir directement,
12:08 ou un ami peut saisir le parquet, etc.
12:11 Et même si les autres disent "Mais non, il était consentant",
12:13 forcément, pour venir à une soirée d'intégration,
12:15 ben oui, vous vous déplacez, vous y venez.
12:18 Mais quand vous avez peur d'être exclu du groupe,
12:20 ou qu'on se moque de vous, ou que vous ne savez pas ce qui vous attend,
12:26 à ce moment-là, on prétend que vous êtes consentant,
12:29 mais ça n'est pas du tout le cas,
12:31 et ça dit le bien autour de vous
12:33 si vous avez des jeunes qui sont dans cette situation.
12:36 Et puis enfin, on retrouve des éléments communs
12:40 à ce que nous avons dit la semaine dernière.
12:42 Comment parler à une victime qui se confie ?
12:45 "Je te crois", "Je suis désolée de ce qui t'arrive",
12:48 pour le harcèlement, "Ce n'est pas de ta faute",
12:51 "Je vais te protéger", "Il ne te fera plus de mal",
12:53 "Tu as bien fait de parler", et puis les mots à éviter,
12:56 "Bien sûr, tu es sûr", "Tu ne fais pas l'idée",
12:58 "Mais c'était pour jouer", "Pourquoi tu n'as rien dit",
13:00 "Pourquoi tu n'as pas dit non", etc.
13:02 Et puis, on l'a dit, vous l'avez dit Cyril tout à l'heure,
13:05 comment se protègent les auteurs de harcèlement, de raquettes et de bizutage ?
13:09 Ils disent "C'était pour jouer",
13:11 "On ne savait pas que ça lui faisait quelque chose",
13:14 "Il n'a rien dit", ou pour le bizutage,
13:16 "Ca s'est toujours fait", "C'est facultatif".
13:20 Et ce qu'il faut bien comprendre aussi pour la répétition des choses,
13:23 c'est que souvent, ceux qui ont subi les bizutages les plus violents
13:27 vont reproduire, vont devenir des bizuteurs violents.
13:31 Pourquoi un bizuté violent devient un bizuteur violent ?
13:35 On pourrait dire "Ce que j'ai subi, je ne vais pas le faire subir aux autres".
13:38 C'est pour se convaincre que ce n'était pas grave.
13:41 Et d'une certaine façon, c'est pour se reconstruire.
13:44 Il se dit "Si moi, je suis capable de faire subir ça à quelqu'un d'autre,
13:46 ça prouve que ce que j'ai vécu n'était pas si grave que ça".
13:50 Vous voyez, dans l'inconscient.
13:52 Donc, il faut casser cette répétition.
13:54 Et c'est pareil pour le harcèlement.
13:56 Souvent, les harcelés, quand ils peuvent, deviennent harceleurs
14:01 parce que c'est une façon aussi de se réparer par rapport à ce qu'ils ont vécu.
14:07 Voilà. Puis comment l'institution se protège ?
14:09 On l'a vu dans le cas récent.
14:12 "Non, il a des problèmes par ailleurs", "Non, mais il est fragile",
14:16 "Non, mais les élèves qu'il dénonce, en fait, c'est des bons élèves,
14:19 lui, c'est un mauvais élève, c'est parce qu'il est jaloux des bons élèves", etc.
14:23 L'institution qui n'a pas vu va avoir un réflexe tout de suite de protection
14:29 et elle va minimiser la violence subie parce que sinon,
14:33 elle a peur qu'on lui dise "Pourquoi vous ne l'avez pas vu plus tôt ?
14:34 Pourquoi vous n'avez pas parlé plus tôt ?"
14:36 Donc il vaut mieux dire aux encadrants "C'est pas grave si vous ne l'avez pas vu plus tôt",
14:39 il vaut mieux le voir maintenant que continuer à nier.
14:42 Et puis bon, ce qu'on a vu aussi, pour terminer,
14:46 comme la dernière fois, les ravages sur l'enfant,
14:48 c'est les mêmes que pour les agressions sexuelles qu'on a vues,
14:51 c'est les maladies, l'échec scolaire, la violence, l'agressivité,
14:55 les troubles du comportement, les mutilations.
14:58 Et malheureusement, on a eu encore un cas avec les suicides.
15:02 Donc voilà, si vous voulez, c'est un sujet un peu lourd,
15:05 mais je pense que si on l'aborde,
15:07 ça veut dire que c'est aussi avec la conviction que ça peut s'arrêter.
15:11 Vous voyez, dans certains pays, on a réussi à faire en sorte que ça s'arrête.
15:14 Donc on ne voit pas pourquoi en France ça continue.
15:16 Et si tout le monde est bien au clair sur ses droits, ses devoirs,
15:19 et ce qu'on encoure, je pense que ça peut disparaître.
15:22 – Est-ce qu'il y en a un qui a vécu un bizutage ici compliqué ou un truc ?
15:26 À part Géraldine qui nous avait raconté.
15:28 – Oui c'est vrai, je vous en ai parlé.
15:30 – C'est incroyable. – Ça ne m'étonne pas.
15:31 – Sinon, personne ici.
15:33 – La bêtise quoi, la violence médiocre.
15:35 – Bizutage ou harcèlement ?
15:36 – Les deux, harcèlement aussi.
15:37 – Moi, j'estime avoir été harcelé quand j'étais adolescent.
15:42 Durant toute ma période collège, je mangeais seul à la cantine,
15:46 on me traitait de pédé tous les jours,
15:49 parce que j'essayais plutôt d'avoir des copines que des copains,
15:52 j'avais du mal à en avoir.
15:56 Durant toute mon évolution, ça a été compliqué.
15:57 Parce que ça nous suit toute la vie.
16:00 C'est-à-dire que ce qui se passe pendant 2-3 années de collège,
16:03 on pourrait se dire "C'est terminé, au lycée ça va mieux,
16:05 tu grandis, tu te fais des copains enfin".
16:06 Oui, certes, mais ça nous suit, parce que c'est ce qui nous forge.
16:10 C'est un instant crucial, l'adolescence, l'enfance,
16:13 c'est le moment où on se construit, on apprend à se connaître,
16:16 on apprend à s'aimer, on apprend parfois à ne pas s'aimer.
16:19 Et voilà, je pense que ça a rendu mon parcours de vie plus compliqué.
16:24 – Oui, vous dites quelque chose de très important
16:27 dans le mécanisme du harcèlement, c'est l'isolement.
16:30 Le groupe va isoler l'élève harcelé.
16:33 Et donc, il y a une double violence, non seulement sur les faits subis,
16:37 mais en plus parce que le harcelé va être exclu du groupe.
16:41 C'est très fréquent.
16:42 – Heureusement, je n'en suis pas sorti traumatisé,
16:44 mais quand on en parle comme ça, je me souviens
16:45 que j'avais été harcélé sexuellement par mon proviseur
16:48 quand j'étais en 5e.
16:49 Je me souviens, parce que j'ai des flashs comme ça,
16:51 il me faisait toujours venir dans son bureau en me demandant
16:53 "Montre ta cicatrice, tu n'as pas d'ici,
16:54 tu veux toujours que je baisse mon pantalon, etc."
16:57 Je lui ai refusé, etc.
16:57 Et à tel point qu'à la fin, il m'a fait redoubler
16:59 pour que je reste sous sa coute.
17:02 Donc j'ai redoublé en 5e, il a dit à mes parents
17:04 "Jean-Michel n'est pas assez mûr pour passer en 4e,
17:06 il est encore trop bébé dans son âme."
17:08 Et du coup, j'ai redoublé en 5e à cause de le harceler.
17:11 – C'est fou ça.
17:12 – Il existe encore ?
17:14 – Non, je n'en ai pas été traumatisé,
17:16 mais c'est vrai que quand j'y pense, ça me revient quand même.
17:19 – Bien sûr, bien sûr.
17:20 – On ne se rend pas compte.
17:21 – C'est bien d'en parler, comme vous le faites.
17:24 Et d'oser en parler en public, vous allez voir, ça va vous libérer.
17:26 Parce que sinon, ça expulse des souffrances intérieures.
17:30 Et le seul fait d'en parler, c'est un début de guérison.
17:33 – Pas de question si vous avez des…
17:34 – Non, non, moi ce n'est pas une question, c'est juste un contre-pied justement,
17:37 parce que vous demandez qui a été harcelé.
17:39 Moi je pense que quand j'étais plus jeune,
17:41 CM2, 5e, 6e, je pense que je faisais partie des harceleurs.
17:45 C'est un contre-pied en fait, moi je n'ai pas été harcelé.
17:48 Moi je pense que sous l'excuse de la vanne,
17:50 quand on est 5-6 potes, on va vanner le mec qui est différent
17:53 et on le charge à la récré, on le charge, on le vanne,
17:56 on le met de côté, en cours, on lui fait des coups de crasse,
17:58 des coups de… ce n'était pas le mot, c'est plus grossier,
18:01 toute la journée, mais on ne s'en rend pas compte,
18:03 parce que c'est sous le chariage.
18:04 Et je pense qu'il y a plein d'enfants de 10 ans, 12 ans,
18:07 pour faire rire le copain, on va faire une surenchère de vanne,
18:11 sur le même mec, toute la journée, toute l'année.
18:13 Et ça, il faut dire aux mômes, il ne faut pas le faire en fait,
18:15 ne le faites pas parce que sur une vanne, vous allez briser un gars en fait.
18:18 Et aujourd'hui, eux disent qu'ils ont été harcelés,
18:20 moi je ne pense pas que j'ai été harcelé, mais avec le recul,
18:22 je pense qu'on était 5, 6 potes, 10 potes, au collège, au lycée,
18:25 parce que je n'ai pas été beaucoup plus loin,
18:27 je pense qu'on a harcelé nous, je pense qu'avec le recul,
18:29 je pense que j'ai dû harceler des gars moi.
18:30 – C'est bien ce prise de conscience.
18:32 – Et il faut dire aux jeunes, ne faites pas,
18:33 parce que pour une vanne, on fait des dégâts derrière,
18:36 ça fait beaucoup de dégâts derrière.
18:37 – Mais d'ailleurs, ce serait intéressant qu'il y ait des témoignages,
18:39 vous voyez, dans les classes de collège, primaire,
18:41 des gens qui viennent parler, expliquer ce qui se passe,
18:43 pour que les enfants réalisent.
18:45 – Juste pour faire rire en fait.
18:46 – Merci, c'est pas drôle.
18:47 Merci Ségolène, merci d'avoir été avec nous.
18:49 [Musique]

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