Que se passe-t-il dans le Haut-Karabagh ?

Sud Radio

l’année dernière

Avec Hovhannes Guevorkian, représentant de la République d'Artsakh en France.

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##LE_FAIT_DU_JOUR-2023-09-20##

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00:00 Charles Aznavour, effectivement, l'Arménie, Arménie et Arménie.

00:04 Voilà, de temps en temps, effectivement, on se dit voilà, il y a déjà l'Ukraine, la Russie, etc.

00:08 Et puis voilà, le haut Karabakh, on en a parlé, j'en ai parlé un peu en introduction.

00:13 Et puis voilà qu'aujourd'hui, bon, un cessez le feu, un cessez le feu, on demande.

00:18 Je rappelle que la présidence d'Azerbaïdjan a demandé aux forces armées arméniennes, illégales, dit-dit, selon l'Azerbaïdjan,

00:26 doivent hisser le drapeau blanc, rendre toutes les armes et le régime illégal doit se dissoudre.

00:32 Autrement, les opérations antiterroristes continueront jusqu'au bout.

00:35 Alors voilà, on en est là aujourd'hui, donc cessez le feu, cessez le feu, effectivement, il faut que les armes cessent,

00:42 il faut quand même qu'on discute, on dit toujours ça, mais ce sont des mots.

00:47 Bonjour, M. Kivorkian.

00:49 Bonjour, monsieur.

00:50 Vous êtes représentant du haut Karabakh en France.

00:53 Alors, à votre avis, c'est une situation qui reste extrêmement, je dirais, préoccupante, dangereuse, ce cessez le feu,

01:02 bon, tant mieux si on arrête un peu les morts et les tueries, mais à votre avis, c'est provisoire, qu'est-ce qui se passe, où en est-on aujourd'hui vraiment ?

01:10 D'abord, un grand merci de votre aimable invitation et m'a donné la possibilité de dire, de raconter ce qui se passe depuis hier dans mon pays, le haut Karabakh.

01:23 Donc ce petit pays, comme vous l'avez rappelé, où il reste seulement 120 000 Arméniens désormais, est attaqué.

01:32 Il y en avait beaucoup plus encore il y a...

01:33 Il y avait plus avant la guerre que nous avons eue il y a trois ans, avant l'agression de 2020 de la part de l'Azerbaïdjan.

01:40 Donc, depuis hier, il y a une nouvelle attaque, nouvelle agression de la part de l'Azerbaïdjan, de Bakou, avec l'objectif de finir définitivement de cette population arménienne qui reste sur ce territoire.

02:00 Vous savez, cette guerre déclenchée par l'Azerbaïdjan, in fine, n'a pas cessé depuis 2020.

02:10 Nous avons passé trois grandes étapes.

02:12 Première étape, c'est la possession, la prise sous contrôle azerbaïdjanaise de vastes territoires.

02:20 Ce qui nous reste désormais, ce n'est plus 4 400 km² que vous rappeliez tout à l'heure, mais seulement 3 000, 2 900 km².

02:30 Ça, c'était la première étape en septembre-novembre 2020.

02:35 Deuxième étape, ça a été la tentative, et je crois que l'Azerbaïdjan a réussi, ou est en train de réussir, c'est de couper tout lien avec la République d'Arménie.

02:46 Et ce lien se passait par ce couloir de la Chine, la seule route, le seul couloir qui reliait l'Euro-Karabakh à l'Arménie et donc au monde extérieur,

02:59 parce que l'Euro-Karabakh est totalement enclavé par l'Azerbaïdjan.

03:03 Et donc, cette troisième phase est arrivée hier, et aujourd'hui nous sommes contraints, contraints de déposer les armes.

03:12 Tout ce qui nous restait, ce sont nos maigres forces d'autodéfense qui n'ont pas suffi à résister un jour, donc plus d'un jour,

03:21 même si les nôtres ont combattu héroïquement, l'aidé était jeté d'avance, et nos forces armées d'autodéfense ont déposé les armes.

03:33 Avec une perspective extrêmement noire, extrêmement sombre, ce qui va s'apparenter à mon sens et à ma conviction, un nettoyage ethnique acté, accepté, fait par l'Azerbaïdjan.

03:47 - Donc M. Kiborkian, parce que c'est grave ce que vous dites, et c'est grave si ça se passe, évidemment, terrible,

03:53 vous vous dites que l'intention quand même de l'Azerbaïdjan, c'est que l'Euro-Karabakh soit vidé des Arméniens,

04:01 qu'il n'y ait plus de population arménienne dans l'Euro-Karabakh. C'est ça l'intention d'après vous ?

04:07 - Oui. L'Azerbaïdjan demande le départ des forces arméniennes du Euro-Karabakh, mais en disant des forces arméniennes...

04:15 - Mais il ne demande pas le départ de la population.

04:17 - Il parle de la population également, parce que, cher monsieur, tout à l'heure vous disiez qu'il y a eu une proclamation non reconnue de l'indépendance du Euro-Karabakh,

04:27 qui est survenue en 1991 à la suite de l'Union soviétique.

04:33 - Le défaut du monde.

04:35 - Sachez que cette question n'a jamais été une question de principe pour la population du Euro-Karabakh.

04:41 D'autres régions azerbaïdjanaises, avant la fin de l'Union soviétique, étaient peuplées, jadis, d'Arméniens, comme c'est le cas du Euro-Karabakh.

04:50 Aujourd'hui, ces régions, aucune région jadis peuplée d'Arméniens n'existe en Azerbaïdjan.

04:57 Ces exemples sont suffisants pour que nous puissions les voir et comprendre quel est le véritable objectif de l'Azerbaïdjan.

05:06 Et si nous avons proclamé notre indépendance, et si nous nous sommes organisés en autodéfense, pour nous défendre tout simplement,

05:14 c'est parce que pour que nous puissions rester sur ce territoire.

05:18 La guerre en 2020, la victoire écrasante de l'Azerbaïdjan, le blocus et l'arrêt, en fait, la fin de ce cordon ombilical entre l'Arménie et l'Euro-Karabakh.

05:37 Et puis enfin, la disparition, la dissolution des maigres forces d'autodéfense qui nous restaient, sonne, hélas, le glas, la fin des Arméniens du Euro-Karabakh.

05:51 Et les négociations qui s'annoncent seront certainement des négociations du départ forcé des Arméniens du Euro-Karabakh.

06:00 Parce qu'il faut aussi, et merci aussi de me permettre de le dénoncer, dire que l'Azerbaïdjan est un État raciste anti-arménien,

06:11 où tous ceux qui tuent les Arméniens, les civils, les militaires, sont glorifiés, sont considérés comme des héros de la nation.

06:20 - Et dites-moi, comment est l'Arménie ? Alors, la République arménienne, puisque, enfin, c'est votre... je dirais que c'est la métropole, si je peux dire,

06:29 elle n'a pas réagi, elle a réagi, alors évidemment elle a réagi, elle vous soutient, etc.

06:34 Mais elle n'a pas les moyens, donc, ni militaires ni autres, de peser sur ces événements.

06:40 - Exactement. L'Arménie, la République d'Arménie, face au danger de mort qui a toujours pesé, en fait, depuis...

06:48 avant même l'indépendance, mais surtout depuis l'indépendance de la République d'Artsar, s'est toujours posée comme le garant de la sécurité des Arméniens du Haut-Karabakh.

07:01 Cette Arménie... - Mais elle ne peut pas la garantir aujourd'hui, c'est ce que vous dites. - Extrêmement affaiblie suite à la guerre de 2020,

07:07 elle n'a plus les forces nécessaires pour garantir cette sécurité. Et cette sécurité n'est plus garantie par personne.

07:14 Et c'est là la réalité dans notre pays.

07:19 - Et vous dites qu'elle n'est plus garantie par personne, on entend quand même des puissances, notamment Emmanuel Macron,

07:26 enfin la France, puis d'autres, qui disent qu'on condamne fermement l'agression de la Zérie, il faut se remettre sur la table des négociations, etc.

07:35 D'autres pays aussi ont pris position, pas tous loin de là, mais en fait, soyons clairs, ce sont des déclarations,

07:43 et elles ne peuvent pas être suivies d'effets. - Ce sont hélas des déclarations, cher monsieur.

07:49 Ça fait 9 mois, 9 mois que l'Azerbaïdjan bloque le seul couloir qui alimentait ou qui alimente la population du Haut-Karabakh

08:00 en énergie, en gaz, en vivres de première nécessité, en médicaments.

08:05 Là-haut, la population du Haut-Karabakh mourrait et meurt, au moment où je vous parle, de la famine que l'Azerbaïdjan a imposée à cette population.

08:16 - Aujourd'hui, vraiment, ils sont affamés, il manque de beaucoup de choses.

08:20 - Ils sont affamés depuis 9 mois, et malgré l'ordonnance, normalement juridiquement contraignante, de la Cour internationale de justice,

08:31 qui a demandé et qui a ordonné à l'Azerbaïdjan d'ouvrir dans les deux sens la circulation du couloir de la Chine, l'Azerbaïdjan a ignoré.

08:39 Et depuis hier, l'Azerbaïdjan, par les armes une fois de plus, c'est-à-dire par la violence, non seulement par la menace, mais par la violence,

08:49 a imposé sa volonté. C'est ça l'action de l'Azerbaïdjan, et quand on parle de dialogue, quand on parle de la négociation ou des négociations,

08:57 ce sont des mots vides, si derrière chaque début de négociation, chaque début de pourparler, il y a une violence imposée.

09:06 - Mais est-ce que c'est, hélas, le triste rapport de force, je parle dans le monde en tout cas, dans le monde en général,

09:14 mais dans cette partie du monde en particulier, qui fait que la Turquie, que d'autres pays font des déclarations,

09:23 mais se tiennent tranquilles en disant "nous n'intervenons pas en fait, nous n'allons pas intervenir, c'est pas nouveau, hélas, dans le monde,

09:29 nous avons vu des pays se faire fracasser". Et puis, rappelons-nous quand même l'Arménie, vous avez quand même des souvenirs, en 1915,

09:38 le génocide, 1 000 000 et demi de personnes, voilà, il y a eu des peuples qui ont des mémoires aussi, sans comparaison, les paraisons bien sûr.

09:47 Mais au fond, est-ce que vous pensez que ça peut aller jusqu'à toucher l'Arménie elle-même, la République arménienne elle-même ?

09:57 - Vous savez, monsieur, je suis tout à fait d'accord, les guerres, les destructions font partie de l'histoire de l'humanité, de l'être humain, hélas.

10:06 En revanche, des crimes contre l'humanité, des crimes contre la population civile désarmée, sans défense, qui ne représentent aucune menace

10:16 pour une partie des conflits, en l'occurrence l'Azerbaïdjan, la volonté d'éradiquer la présence d'une population civile sont tout de même rares dans l'histoire de l'humanité.

10:27 Et c'est ce qui se passe dans notre région aujourd'hui, larmes de la famine, tout de même, peu de pays ont utilisé, heureusement, fort heureusement, dans les guerres pour imposer leur volonté.

10:39 C'est ce que fait l'Azerbaïdjan. Oui, ça peut toucher l'Arménie, bien entendu, parce que cette population restante, 120 000 personnes aujourd'hui, comment va...

10:53 - Comment l'Arménie va absorber cette population ?

10:57 - De quelle manière, qu'est-ce que fera cette population ? Est-ce que le pouvoir résistera à ce choc, le pouvoir arménien ?

11:04 Tout ça ce sont des questions qui vont... - Une question que je voulais poser, les Arméniens sont dans ce territoire, disons Azerbaïdjan, dans d'autres régions, depuis combien de temps ? Depuis quand ?

11:16 Historiquement, cette population arménienne est là depuis... ?

11:20 - Depuis le début de l'histoire. Nous nous considérons depuis 3000 ans, parce que c'est notre foyer, c'est dans ce foyer que nous sommes, que notre peuple, que notre nation est née.

11:32 Vous savez, le Haut-Karabakh, comme d'ailleurs tout le reste de l'Arménie, depuis le IVe siècle, est devenu chrétien, parce que l'Arménie, dans son ensemble, a pris la décision de devenir la première nation, le premier état chrétien.

11:48 Le Haut-Karabakh a adopté aussi l'alphabet arménien dès sa création, et la première école en langue arménienne a été créée en Arménie, sur tout le territoire arménien, du royaume d'Arménie,

12:02 au Haut-Karabakh, dans ce monastère du IVe siècle qui s'appelle la Marasse.

12:07 - Il faut rappeler, c'est des millénaires, c'est pas seulement des siècles, c'est des millénaires.

12:09 - C'est des millénaires que les Arméniens vivent, et contrairement à d'autres territoires arméniens, le Haut-Karabakh, faisant partie, en 1915, ou au début du XXe siècle, de l'Empire tsariste,

12:25 n'a pas connu, et avant le Haut-Karabakh faisant partie de l'Empire perse, n'a pas connu le génocide.

12:32 Donc il y a eu une vraie discontinuité de la présence arménienne sur ce territoire, contrairement à d'autres territoires où le génocide américain...

12:39 - Ils ont toujours été là, et écoutez, ce qu'on peut vous dire, et vraiment espérer, c'est qu'ils seront toujours là, en dépit, effectivement, des vicissitudes et des drames qui se passent.

12:50 Merci, monsieur Kéberkian, et on continuera évidemment à vous suivre et à vous accueillir.

12:55 - Merci à vous, monsieur.

12:56 - Merci, monsieur Kéberkian. Je rappelle que vous êtes représentant du Haut-Karabakh.

13:00 En France, on va...