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News
Transcription
00:00 -E. Wargon : et notre invitée réalisatrice, elle s'appelle Cépidé Farsi.
00:02 Bonsoir, merci d'être avec nous ce soir.
00:05 Votre dernier film, "La sirène", est un film d'animation
00:08 qui nous emmène au cœur du siège de la ville d'Abadan,
00:11 au début des années 80, quand l'Irak a envahi l'Iran.
00:15 C'est une ode à la résistance.
00:17 Et vous faites un parallèle entre la résistance contre le régime
00:21 aujourd'hui et la résistance à l'époque contre l'Irak.
00:24 Comptent-elles en commun ?
00:27 -Le peuple iranien et sa résilience et son inventivité,
00:32 sa force, qui change au fur et à mesure des années et des décennies,
00:37 pour résister à l'époque, c'était contre un ennemi extérieur,
00:41 tout à fait, et contre un régime, un ennemi de l'intérieur,
00:44 parce qu'à cette même époque, en fait, nous étions,
00:48 nous dissidents, réprimés, emprisonnés, tués.
00:51 Moi, à cette époque-là, et précisément à 16 ans,
00:54 j'ai fait de la prison et des milliers de gens comme moi
00:57 ont fait de la prison.
00:57 Il y en a beaucoup qui ont perdu leur vie.
00:59 Leurs familles ont été réprimées.
01:02 Donc, on se battait sur deux fronts.
01:04 Et aujourd'hui... -Intérieur et extérieur.
01:06 -Exact. -Et aujourd'hui, donc,
01:08 il reste cette bataille à l'intérieur.
01:10 -Oui. -On va regarder un extrait.
01:12 ...
01:14 ...
01:42 -En route avec la louche.
01:44 ...
01:49 -On va tout de suite, le drame de la guerre.
01:52 Comment, pour en revenir, justement,
01:53 au mouvement de contestation actuel,
01:54 comment a-t-il évolué depuis un an ?
01:56 -Euh...
01:58 Ça a changé de forme.
02:00 À la fois, la répression du régime,
02:03 comme vous l'avez évoqué dans l'extrait,
02:07 on voit Rodan parler de la reconnaissance faciale
02:11 pour envoyer des alertes, enfin, des...
02:15 Comment dire ? Menacer les gens et les femmes,
02:17 surtout, qui résistent et qui refusent de porter le voile.
02:20 Euh...
02:22 Les dissidents ont changé de méthode aussi.
02:26 Alors, certes, il est toujours très, très dangereux
02:30 et de plus en plus dangereux de manifester dans les rues,
02:33 mais les femmes tiennent tête.
02:36 Elles refusent, dans les rues,
02:38 en tout cas dans l'espace public, de porter le voile.
02:40 Les fonctionnaires sont obligés.
02:41 Après, on tape sur les familles des victimes.
02:43 On fait du kidnapping.
02:46 Il y a différents types de...
02:48 -C'est-à-dire qu'il y a une répression contre les familles
02:50 de ces femmes, justement, qui refusent de porter le voile ?
02:53 -Absolument. Il y a des amendes, d'abord.
02:54 Parfois, on les chasse de leur boulot.
02:58 Les familles des victimes...
03:01 Par exemple, la mère de Kian Pilfalak,
03:03 elle a disparu des réseaux sociaux, en fait,
03:06 parce que non seulement elle a perdu son fils qui avait 10 ans,
03:09 Kian a été tué par balle,
03:11 quelques mois après, son cousin est mort,
03:14 tué par balle sur la tombe de son fils.
03:16 Et là, en fait, elle est silencieuse
03:18 et tout le monde se demande pourquoi.
03:19 Et après, il y a un proche de la famille qui a dit
03:21 qu'elle est sous menace permanente.
03:24 Donc, du coup, elle ne peut plus manifester son opinion
03:28 sur les réseaux sociaux comme elle le faisait avant.
03:30 Il y a des milliers d'autres exemples.
03:33 -Barmakoy, vous êtes également avec nous,
03:35 journaliste à France 24.
03:36 Vous avez eu un certain nombre de témoignages, également.
03:39 Et il y a effectivement une évolution dans la contestation.
03:43 -Tout à fait.
03:45 La répression, comme vous l'avez dit, était très sévère.
03:50 Néanmoins, même s'il n'y a plus vraiment de manifestations,
03:54 il y a quand même des actes de désobéissance civile
03:56 avec beaucoup d'inventivité, comme vous le mentionniez.
03:59 Mais malheureusement, un certain nombre de personnes
04:01 ont été poussées à l'exil.
04:03 Des gens qui ont payé un lourd tribut.
04:05 Ce sont des Iraniens qui viennent d'arriver en Europe
04:09 après avoir passé un temps de latence en Turquie
04:11 et qui désormais peuvent parler assez librement
04:14 de ce qui leur est arrivé.
04:15 Donc, nous nous sommes entretenus avec plusieurs d'entre eux,
04:18 notamment un professeur de la ville de Sarez,
04:20 qui est la ville d'origine de Marsohamini
04:22 dans le Kurdistan iranien.
04:24 C'était quelqu'un qui connaissait bien la famille de Marsohamini
04:26 et qui a vécu les toutes premières manifestations,
04:30 qui était là au funérail de Marsohamini
04:32 et qui a vu la violence déchaîner contre les manifestants
04:37 et des jeunes se faire tirer dessus au fusil à pompe sous ses yeux.
04:42 Cet homme, il a fait de la prison pendant plusieurs semaines
04:45 et suite à ça, il a décidé de partir.
04:47 On a également parlé avec un jeune homme qui a perdu un œil.
04:51 Lui s'est fait tirer dessus par des agents de sécurité
04:55 avec un projectile en caoutchouc, mais d'assez près.
04:59 Donc, il ne peut plus utiliser son œil gauche.
05:02 Il est aveugle de l'œil gauche.
05:03 Lui, il a fui en Allemagne où désormais,
05:05 il peut se faire soigner et se reconstruire.
05:10 Et également une jeune femme de 22 ans
05:11 qui a participé aux manifestations à Téhéran
05:14 et qui, elle, a disparu plusieurs jours et réapparu.
05:16 Et alors, pendant sa captivité, elle a été agressée sexuellement.
05:20 Donc, elle nous l'a confiée avec beaucoup de douleur.
05:24 Et depuis, elle n'a jamais plus retrouvé une vie normale.
05:28 Elle a quitté le pays.
05:29 - C'est pité farci. On voit que la répression continue.
05:31 Elle a aussi évolué, en particulier contre les femmes.
05:34 Vous le mentionnez, Barre, il multiplie les procès contre les femmes.
05:38 Il y a aussi de l'intox sur les réseaux sociaux.
05:41 - Complètement. Beaucoup d'intox.
05:43 Tout récemment, je crois hier, aujourd'hui,
05:45 il y a eu une vidéo qui a été publiée par le régime
05:47 sur le site de Mise en News,
05:49 qui est un média complètement à la botte du régime
05:55 et où ils mettent en scène, en fait,
05:57 mais c'est une mise en scène grotesque,
05:59 mais c'est pour faire peur et intimider les dissidents
06:01 qui sont à l'étranger de ne pas militer.
06:04 Ils montrent, soi-disant, des activistes iraniens de la diaspora
06:10 qui ont été arrêtés à l'étranger, ramenés en Iran
06:13 et qui se sont répandus devant la télé.
06:15 Sauf que les visages sont floutés.
06:16 Mais pour dire que le régime a très, très peur,
06:20 quand même, à la veille du 16 septembre,
06:22 parce qu'il y a énormément de choses qui sont prévues
06:24 et puis surtout beaucoup de choses imprévues qui vont arriver.
06:27 - Imprévues, vous voulez dire ?
06:27 Qu'est-ce que vous voulez dire ?
06:28 Vous pensez qu'effectivement,
06:29 il va y avoir plus de manifestations autour de cette date ?
06:31 - Je pense qu'à l'intérieur, les gens vont bouger quand même.
06:34 On ne sait pas comment,
06:35 mais le régime est assis sur un volcan, c'est clair.
06:38 - Beaucoup de témoignages également qui vont dans ce sens, Barre,
06:42 sur l'évolution de la répression.
06:44 - Oui, bien sûr, bien sûr, il y a des témoignages.
06:46 Comme le disait Cépidé Farsi,
06:48 les familles des victimes ont été,
06:54 comment dire, mises sous pression.
06:55 Certaines d'entre elles ont disparu.
06:57 Il y a des tombeaux qui ont été profanés,
06:59 de nombreuses arrestations.
07:01 Mais malgré tout, ce qui est important de souligner,
07:03 c'est qu'en effet, il y a une certaine chape de plomb qui s'est abattue,
07:07 mais les femmes continuent de se balader sans le voile
07:11 dans certaines rues des grandes villes.
07:13 - Elles prennent des risques.
07:15 - Tout à fait, elles prennent des risques,
07:16 mais elles le font quand même.
07:19 Et semble-t-il, elles sont félicitées par les passants maintenant aussi.
07:23 - Et elles fuient en fait, la population fuit lorsque c'est trop dur.
07:27 C'est ce que dit Cépidé Farsi.
07:28 - Lorsqu'elles peuvent fuir.
07:29 - Lorsqu'elles peuvent fuir, donc en fait,
07:31 ils ont, je dirais, cette chance de pouvoir fuir.
07:33 - Comme Barol le disait, il y a quand même,
07:35 comment dire, la zone de transition directe, c'est la Turquie.
07:39 Il y a beaucoup de gens qui, enfin, ceux qui peuvent,
07:41 arrivent en Turquie et ont beaucoup de difficultés pour obtenir des visas,
07:44 pour venir hors de la Turquie, sachant qu'en Turquie,
07:47 c'est quand même dangereux parce qu'il y a quand même
07:49 des arrestations et des rapatriements.
07:50 Les autorités turques, parfois, bon, collaborent aussi.
07:53 C'est une zone grise.
07:55 C'est très, très étrange.
07:57 Mais Narges Mohammadi, qui est une prisonnière politique très connue,
08:02 militante de longue date, elle a été agressée à Évin,
08:06 à l'intérieur même de la prison, parce qu'elle défendait
08:08 quelqu'un qui avait tenté de se suicider, sa codétenue.
08:12 Elle a été tiraillée.
08:14 Elle a quand même donné des slogans.
08:15 Elle est montée sur une voiture.
08:17 C'est elle qui le dit.
08:18 Elle décrit la scène.
08:19 Elle a des marques sur son corps.
08:20 Enfin, c'est incroyable, mais de courage aussi.
08:23 Ça montre à la fois...
08:25 - Ils ont un espoir de changement.
08:26 - Exactement. Il y a ça. Il y a le degré de...
08:27 Il y a la peur du régime. On sent.
08:29 Je veux dire, quand quelqu'un qui est en détention est attaqué
08:32 à l'intérieur même d'une cellule, ça veut dire que le régime a peur.
08:35 Et elle-même, à l'intérieur de la prison,
08:37 elle refuse de porter le voile. C'est important quand même.
08:39 - Donc, une résistance très forte, une résilience.
08:41 Est-ce qu'il y a un espoir que ça change ?
08:42 Est-ce que le régime pourrait changer ?
08:45 Le mouvement n'a pas vraiment de leader.
08:46 Qu'est-ce qui pourrait remplacer ce régime ?
08:48 - Ça, c'est un peu la grande question qu'on se pose.
08:52 L'alternative. Je pense que l'alternative va prendre forme.
08:56 C'est vrai qu'il y a des mouvements qui sont comme ça,
08:59 sans tête, sans leadership connu.
09:01 Mais il y a beaucoup de figures à l'intérieur du pays.
09:03 Je pense que ça va émerger de l'intérieur de l'Iran.
09:05 Je n'ai pas beaucoup de visibilité de l'extérieur
09:10 ou une figure spécifique en tête.
09:13 Je pense que le mouvement...
09:14 - Ça va se passer au sein du mouvement.
09:16 Vous pensez qu'une figure va en émerger
09:18 et que là, il y aura peut-être une organisation,
09:20 une sorte de pouvoir civil ?
09:22 - Des figures. De femmes aussi.
09:24 Je pense à plusieurs femmes.
09:25 - Donc vous pensez que ce régime,
09:26 il y a un moment donné où ça ne tiendra pas ?
09:29 - C'est clair. - Malgré tout.
09:31 - C'est juste l'échéance.
09:32 À quelle échéance le régime va tomber ?
09:34 Je pense que les fractures sont très visibles.
09:37 Les tentatives du régime pour intimider la population
09:41 à l'étranger et à l'intérieur
09:43 montrent bien qu'ils ont vraiment peur.
09:44 S'ils étaient en contrôle,
09:45 pourquoi ils auraient recours à ce genre de...
09:49 Si malgré cette vidéo que je vous ai décrite,
09:52 c'est parce qu'ils craignent énormément
09:54 le soulèvement à venir.
09:56 Mais c'est juste à quand ça va arriver.
09:58 C'est ça qu'on ignore.
09:59 - Merci d'avoir été avec nous, en tout cas,
10:00 Sophie Desfarcis. - Merci à vous.
10:01 - Merci beaucoup, Bar Macoy.
10:03 Votre dernier film, La sirène, c'est un film d'animation.
10:06 On en a vu un extrait au cœur du siège
10:09 de la ville d'Abadan dans les années 80.
10:11 Merci encore d'avoir témoigné.

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