Conférence de presse de Réseau Action Climat sur le thème "Où en est la France dans le respect de ses objectifs pour le climat ?" : Anne Bringault, directrice des programmes au Réseau Action Climat, est l'invitée de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-jeudi-14-septembre-2023-9782668
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00:00 6h22, la planification écologique va-t-elle enfin voir le jour ?
00:04 Le gouvernement devait l'annoncer en grande pompe au début de l'été, elle n'a cessé d'être reportée.
00:09 Cette fois, ça semble se préciser.
00:11 Elisabeth Borne réunit lundi les représentants politiques pour leur présenter les grandes lignes de cette planification.
00:16 Bonjour Anne Bringo.
00:17 Bonjour.
00:18 Vous êtes directrice des programmes au réseau Action Climat.
00:20 Pour faire une planification, il faut déjà savoir d'où on part.
00:23 Et vous publiez aujourd'hui un bilan de l'Action de la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
00:28 Vous avez tout passé en revue, tout vérifié.
00:31 Est-ce que les engagements sont tenus ?
00:32 Pas vraiment.
00:34 C'est vrai qu'on a un observatoire climat énergie qu'on peut retrouver sur Internet,
00:38 où on compare les objectifs que la France s'est fixé,
00:42 donc ce n'est pas les attentes des ONG, c'est vraiment ce que l'État a dit qu'il allait faire,
00:45 et ce qui s'est passé réellement.
00:47 Si on regarde en 2022, qui est une année un peu spéciale avec la guerre en Ukraine,
00:51 sur la baisse des émissions nettes d'émissions de gaz à effet de serre,
00:55 la France n'attaque pas son objectif.
00:57 Pourquoi ?
00:58 Sur deux secteurs, on est dans les clous, l'industrie et le bâtiment,
01:02 parce qu'il y a eu une crise énergétique, des prix très élevés de l'énergie
01:06 qui ont fait qu'on a eu tendance à baisser sa consommation,
01:09 soit par des actions de sobriété, soit par des actions de privation,
01:13 des industries qui ont arrêté de fonctionner pendant quelques mois.
01:16 Donc c'est un paramètre externe qui a fait, par la contrainte finalement, qu'il y a eu une baisse.
01:22 C'est en partie externe.
01:23 Il y a eu aussi des politiques de sobriété et d'efficacité.
01:27 C'est difficile de faire la part des choses, mais il y a eu une part de contraintes externes
01:31 et pas de mesures structurelles.
01:33 Par contre, sur d'autres domaines, notamment les transports,
01:35 qui est le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre,
01:38 là on a explosé le budget carbone.
01:40 Pourquoi ?
01:41 Parce qu'on a des véhicules de plus en plus gros,
01:43 et donc on consomme de plus en plus de carburant.
01:45 On est toujours complètement enfermés dans notre dépendance au carburant fossile.
01:50 Et parce que le trafic aérien a repris quasiment comme avant le Covid.
01:56 Et donc ces deux facteurs, malheureusement, sont très négatifs pour le climat.
01:59 Les transports sont dans le rouge, l'agriculture est dans le rouge aussi.
02:01 Mais le pire, d'après vos chiffres, ce sont les forêts qui n'absorbent pas assez de CO2.
02:05 On n'a pas suffisamment de forêts en France ?
02:07 On a beaucoup de forêts par rapport à d'autres pays européens.
02:09 On a vraiment une richesse par nos forêts.
02:12 Par contre, ces dernières années, on a eu beaucoup de sécheresses
02:15 qui sont aggravées par le changement climatique,
02:18 et qui empêchent le forêt de pousser comme avant.
02:20 Et donc le fait de moins pousser fait qu'elle absorbe moins de CO2.
02:24 Il y a aussi des incendies. On l'a vu en 2022, ça a été particulièrement dramatique.
02:29 Et puis des parasites et des maladies.
02:31 Tous ces facteurs font que la forêt ne croît plus comme avant
02:35 et n'absorbe pas autant de CO2.
02:37 Donc il y a vraiment un enjeu à développer, à préserver les forêts,
02:42 donner des moyens aux acteurs, comme l'Office national des forêts,
02:46 dont le travail c'est d'entretenir ces forêts,
02:48 et puis de replonter effectivement des arbres.
02:50 Donc quand on voit ce bilan que vous publiez aujourd'hui au réseau Action Climat,
02:54 on se dit que cette planification, on en a vraiment besoin ?
02:56 On en a vraiment besoin parce qu'on le voit,
02:58 on n'est pas dans les clous de ce qu'il faut faire sur le climat,
03:01 mais en plus il faut accélérer, puisqu'on l'a vu cet été,
03:04 les impacts du changement climatique, les incendies, les sécheresses,
03:07 les inondations dramatiques se multiplient.
03:09 Qu'en attendez-vous donc vraiment concrètement de cette planification ?
03:13 Concrètement, ce qu'il faut c'est une feuille de route très claire,
03:15 avec des ambitions fortes, mais surtout des mesures en cohérence avec les objectifs.
03:20 Jusque là, on a eu souvent des objectifs, parfois ambitieux,
03:23 mais jamais les mesures cohérentes.
03:25 Il nous faut vraiment pour chaque secteur,
03:27 des mesures qui nous assurent qu'on va tenir les objectifs,
03:30 et puis des financements avec une visibilité sur plusieurs années.
03:34 Il faut absolument que l'on sache effectivement
03:36 si on a les financements nécessaires sur plusieurs années
03:39 pour donner la visibilité aux acteurs économiques.
03:41 Ça veut dire que vous allez suivre attentivement la présentation
03:43 du projet de loi de finances là, dans deux semaines ?
03:45 C'est l'un des premiers marqueurs effectivement,
03:48 et ce qu'on va trouver dans ce projet de loi de finances,
03:50 les financements pour la transition énergétique
03:52 et la baisse des dépenses néfastes pour le climat.
03:54 C'est les deux jambes sur lesquelles il faut avancer.
03:56 Il y a un an Anne Bringo, vous avez déjà reçu à ce micro,
03:59 et vous nous disiez le problème, c'est qu'on ne fait que de l'incitatif en France,
04:02 donc c'est insuffisant, ça ne peut pas marcher,
04:04 il faut un moment passer par la contrainte ?
04:06 Il faut un moment passer par la contrainte, effectivement.
04:08 On le voit sur les constructeurs automobiles
04:10 qui ne produisent que des gros véhicules électriques.
04:13 On a besoin de petits véhicules électriques
04:15 accessibles au milieu populaire.
04:18 Et donc à un moment donné, par exemple sur ce domaine là,
04:21 il va falloir contraindre les constructeurs automobiles
04:23 à développer une offre qui correspond finalement à la demande.
04:26 Ce problème, on sait que la France ne peut pas le régler toute seule,
04:30 le changement climatique c'est mondial.
04:32 Au sommet du G20, le week-end dernier,
04:34 Emmanuel Macron a regretté le manque d'ambition de cette réunion
04:37 concernant la lutte contre le changement climatique.
04:39 Aucune annonce sur une sortie des énergies fossiles,
04:42 dont finalement on en est tous au même niveau,
04:44 tous pas au niveau même, plutôt.
04:46 Alors c'est vrai que dans d'autres pays,
04:47 on voit bien les freins sont très intenses.
04:50 Dans l'industrie des énergies fossiles, elle est extrêmement puissante.
04:53 C'est le cas quand même aussi en France avec Total,
04:55 qui développe de nouveaux projets d'énergie fossile à l'étranger.
04:59 Alors qu'on sait très bien, et l'ONU vient de sortir le bilan mondial
05:02 de l'action climatique, il faut stopper maintenant
05:05 toute nouvelle exploitation d'énergie fossile.
05:07 Donc effectivement, les freins sont grands,
05:09 mais c'est aussi une opportunité pour la France et pour l'Europe
05:13 de développer de nouvelles activités,
05:14 dont les énergies renouvelables, la rénovation du bâtiment,
05:17 la mobilité durable, le véhicule électrique,
05:19 mais pas que, les transports collectifs.
05:21 Et donc, on doit entraîner aussi le reste du monde
05:25 vers ce transformation.
05:26 La prochaine COP sur le climat va se tenir à la fin de l'année
05:29 à Dubaï, aux Émirats Arabes Unis, donc un pays producteur de pétrole.
05:33 Est-ce que vous espérez encore quelque chose de ce genre de rendez-vous ?
05:35 En tout cas, la pression de la société civile va être très très forte.
05:39 C'est vraiment, effectivement, on a été un peu estomaqués
05:41 de voir que le président de cette COP 28 sur le climat
05:44 était président de la société pétrolière des Émirats Arabes Unis.
05:48 Et ça choque tellement qu'effectivement,
05:50 je pense que la pression populaire,
05:52 il va y avoir des manifestations ou des marches pour le climat.
05:57 Dès demain, il y a une grève mondiale pour le climat.
05:59 Tout à fait. Donc, j'invite tout le monde vraiment à rejoindre ces marches.
06:02 C'est pour les jeunes, mais pas que les jeunes,
06:04 pour pouvoir ensemble montrer effectivement aux dirigeants du monde
06:07 qu'on attend des changements vraiment importants
06:10 et la sortie des énergies fossiles.
06:11 Anne Bringo, merci, directrice des programmes au réseau Action Climat.
06:15 Merci d'être venue ce matin dans le studio de France Inter.