La cité des sciences lance sa plus grande exposition permanente consacrée au réchauffement climatique : Adrien Stalter, muséographe à la Cité des sciences, et co-commissaire de l’exposition est l'invité de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-mercredi-17-mai-2023-7076895
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00:00 plaquettes de beurre qui font. Voilà l'affiche de la toute nouvelle exposition de la Cité des Sciences et de l'Industrie à Paris.
00:05 Exposition qui rend concret le réchauffement climatique. Bonjour Adrien Stalter.
00:10 Bonjour.
00:10 Vous êtes l'un des commissaires de cette expo, muséographe à la Cité des Sciences.
00:13 Alors on a du temps pour aller la voir cette expo puisqu'elle va rester en place pendant dix ans.
00:18 Il y a déjà eu des expositions aussi longues à la Cité des Sciences ?
00:21 Oui, il y a des expositions qui durent dix ans à la Cité des Sciences, mais c'est vrai que là de traiter de ce sujet du
00:25 réchauffement climatique sur une période aussi longue
00:27 et sur un plateau d'exposition qui est assez grand. On est sur 2000 mètres carrés donc c'est l'une des plus grosses
00:32 expositions de la Cité actuellement. Voilà c'est quelque chose d'assez fort et un message envoyé aussi sur
00:38 l'importance que l'Univers Sciences accorde à cette thématique.
00:42 Pardon mais vous craignez pas que les gens saturent ? Ils entendent parler de réchauffement, d'intempéries, de sécheresse
00:47 et vous pensez que pendant leur loisir, pour leur loisir, ils ont envie d'aller voir une telle expo ?
00:51 Alors justement on s'est posé cette question depuis le début du projet
00:54 et donc on a choisi d'opter pour un angle qui aille à l'encontre de l'éco-anxiété.
00:59 Donc de ne pas insister sur des images que l'on voit au quotidien dans les médias,
01:03 à savoir les méga-feux, les inondations, voilà des images qui sont très impactantes pour le public.
01:08 Mais d'aller au-delà en fait de se dire que voilà le réchauffement climatique est là, c'est un fait, un consensus scientifique,
01:14 on ne peut pas aller à l'encontre de ce message là.
01:16 Mais du coup qu'est ce qu'on fait ? Voilà c'est l'heure du défi, c'est l'heure de se retrousser les manches et
01:22 il faut tous qu'on y aille, c'est un engagement collectif autant qu'individuel pour faire face au réchauffement climatique.
01:29 Quels sont les premiers retours ? Parce que l'expo a ouvert hier, est-ce que vous en dit les premiers visiteurs qui sont passés ?
01:33 Bah qu'apparemment ça plaît beaucoup.
01:36 On a aussi pris le parti d'avoir une ambiance scénographique qui soit très chaleureuse, très conviviale,
01:42 justement pour encore une fois ne pas être dans un esprit trop morbide ou catastrophiste,
01:46 même si voilà on fait face à la réalité des choses.
01:48 Et donc d'adopter aussi une tonalité parfois un peu pop avec des sculptures de données
01:53 qui nous rendent, enfin qui permet de se rendre compte de la réalité des choses mais d'une manière on va dire un petit peu décalée, très visuelle.
01:59 Adrien Stalter, je rappelle que c'est vous qui avez conçu cette exposition.
02:02 Alors dites-moi, j'arrive, j'entre, c'est quoi la première chose que je vois ?
02:05 Alors la première chose que vous voyez c'est une grande fresque illustrée qui
02:08 insiste sur l'origine des émissions de gaz à effet de serre,
02:11 encore une fois pour véritablement poser le constat que le réchauffement climatique est dû aujourd'hui aux activités humaines.
02:18 Donc c'est un constat que l'on veut un peu
02:20 sarcastique dans cette fresque d'introduction pour justement
02:24 interpeller le visiteur. Et cette fresque guide le visiteur vers l'intérieur du parcours d'exposition, vers une grande table d'orientation
02:30 qui elle va
02:32 orienter le public vers trois thématiques principales,
02:35 la décarbonation, l'action et l'anticipation.
02:39 Et on les fait dans le sens qu'on veut ?
02:40 Exactement, vu qu'on est sur un très grand plateau d'exposition,
02:42 l'objectif est de laisser le visiteur libre de faire le parcours tel qu'il le souhaite.
02:47 Et concrètement on voit quoi ? Est-ce que, je sais pas, il y a des vidéos ?
02:50 Est-ce que, comme souvent, et c'est ça qui est chouette d'ailleurs à la Cité des sciences, il y a des choses à manipuler, il y a de l'interactivité ?
02:55 Alors on est effectivement sur une exposition qui ressemble à celle de la Cité des sciences et l'industrie avec, oui, des multimédias,
03:02 des interviews, des manipulations, mais on a aussi souhaité dans cet esprit d'éco-conception qui a accompagné tout le projet,
03:09 ne pas
03:11 mettre une multitude d'écrans et donc d'être assez sobre dans les usages des outils
03:17 de médiation auprès du public. Et donc effectivement,
03:19 on a limité au maximum pour revenir à des dispositifs plus graphiques, plus tactiles,
03:25 et limiter notre impact carbone de l'exposition.
03:28 Et on peut réaliser son propre bilan carbone d'ailleurs ?
03:30 Oui, on peut réaliser son propre bilan carbone.
03:32 On invite le visiteur à le faire, à se rendre compte que pour arriver à la neutralité carbone en 2050,
03:38 il faudrait que l'on soit à 2,2 tonnes de CO2 émis par français/française
03:42 d'ici la moitié de ce siècle.
03:44 En général, la moyenne ces dernières années est plutôt aux alentours de 8.
03:47 Mais l'objectif aussi n'est pas de culpabiliser le visiteur.
03:51 On n'est pas là pour lui dire que tout repose sur ses épaules.
03:53 Donc certes, c'est bien de se rendre compte que nous avons tous des actions individuelles à mener pour limiter l'impact du réchauffement climatique,
03:59 mais qu'au-delà,
04:01 la grande majorité des gaz à effet de serre aujourd'hui sont émis par l'industrie et par l'économie.
04:05 Comment faites-vous pour représenter les émissions de CO2 ? Parce que c'est pas franchement visuel comme chose ?
04:10 Non, c'est vrai. Donc tout à l'heure, je parlais des sculptures de données.
04:13 On a décidé de mettre en images, en volume, ces quantités qui peuvent paraître un peu abstraites aux visiteurs.
04:19 Donc on montre par exemple le bilan carbone de la ville de Paris. On a empilé des piles de fûts très colorées
04:24 en montrant chacun des secteurs émetteurs de la ville de Paris.
04:27 La ville de Paris qui est partenaire financier de l'exposition, qui n'a rien dit quand vous avez mis...
04:32 Non, au contraire, on a travaillé avec eux main dans la main pour mettre en place ce dispositif.
04:36 Et d'autres sculptures de données, par exemple une sur le secteur des transports en France.
04:43 Et qui montre sous la forme d'une grande suspension un peu à la caldère, très très haute,
04:47 comment est-ce qu'aujourd'hui le secteur des transports en France émet 30% des émissions de gaz à effet de serre au niveau national.
04:54 Est-ce qu'en gros on peut dire que finalement ce que vous avez fait c'est de mettre en expo les rapports du GIEC ?
04:58 C'est un peu plus compliqué que ça. On s'est servi des rapports du GIEC.
05:04 Vous avez travaillé d'ailleurs avec plein de scientifiques pour élaborer cette exposition.
05:09 Qui aussi permet de rendre honneur au travail depuis plus de 30 ans de la communauté scientifique,
05:15 que ce soit le GIEC ou le CNRS, pour ne citer qu'eux, sur ces thématiques du réchauffement climatique.
05:21 Et du coup, on cherche aussi à vulgariser ce propos qui n'est pas simple.
05:27 C'est-à-dire que comprendre un scénario ou un SSP du GIEC, ce n'est pas quelque chose de très aisé pour le public.
05:32 Donc on a décidé par exemple, sur une grande sphère suspendue, de vidéo projetée différents scénarios du GIEC.
05:39 Et de donner la possibilité aux visiteurs d'interagir avec ce globe, cette projection,
05:43 en décidant par exemple de montrer l'évolution des précipitations jusqu'à 2100,
05:47 ou la montée des océans, ou encore l'évolution du niveau des températures.
05:51 Et ça, ça ne favorise pas l'éco-anxiété vous trouvez ?
05:53 Alors en fait, ce dispositif lui permet derrière d'aller vers l'action.
06:00 C'est-à-dire qu'on montre les impacts du réchauffement climatique sur les prochaines décennies.
06:05 Ce qui est essentiel pour vraiment avoir une prise de conscience.
06:08 Je rappelle quand même qu'aujourd'hui, selon un baromètre qu'a fait Universciences justement sur l'esprit critique,
06:15 environ 63% des personnes sont convaincues que le réchauffement climatique existe.
06:20 Mais il y a 30% derrière qui ne sont pas entièrement convaincus encore que cela est dû aux activités humaines.
06:26 Donc il y a encore une prise de conscience à mener pour convaincre les personnes qui restent à convaincre.
06:31 Mais derrière, on est aussi là pour montrer que les actions existent, les solutions existent aujourd'hui.
06:36 Et que tout n'est pas perdu.
06:39 Et donc vous avez fait attention au bilan carbone de l'exposition.
06:42 Vous l'avez évoqué d'un mot tout à l'heure, pas trop d'écran.
06:44 Quoi d'autre pour limiter l'empreinte carbone de l'expo ?
06:48 Une exposition qui était conçue avec du bois issu de filières courtes et aussi de bois de recyclage.
06:54 Et de réfléchir à un cycle long, c'est-à-dire que cette exposition dans 10 ans pourrait être intégralement démontée, recyclée.
06:59 Et effectivement, nous avons aussi fait notre bilan carbone qui est de 330 tonnes de CO2 équivalent émis.
07:06 En tout cas pour la conception et la réalisation, on n'a pas pu faire le bilan pour l'exploitation pour l'instant encore.
07:11 Vous avez fait attention aussi aux lumières, le plus de lumière naturelle possible.
07:15 Exactement, pour limiter au maximum l'apport artificiel de lumière.
07:17 Urgence climatique, c'est donc la nouvelle exposition permanente à voir à la Cité des sciences à Paris.
07:22 Ça veut dire qu'il y aura des mises à jour en fonction de l'évolution des connaissances ?
07:25 Parce que si ça dure 10 ans, on peut en apprendre encore.
07:27 Il y aura des campagnes d'actualisation prévues en cours de route.
07:30 Merci beaucoup Adrien Stalter, muséographe à la Cité des sciences de Paris.
07:34 Vous étiez l'invité du 5/7.