Valérie Masson-Delmotte, climatologue et membre du Haut Conseil pour le Climat et François Gemenne, spécialiste de la gouvernance du climat et des migrations, directeur de l’Observatoire Hugo à l’université de Liège, enseignant à HEC Paris, sont les invités du Grand Entretien. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mercredi-13-decembre-2023-6322878
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00:00 - Vous avez deux invités dans le grand entretien du 7-10 aujourd'hui. La première est climatologue,
00:04 membre du Haut Conseil pour le Climat. Elle fut coprésidente jusqu'en juillet dernier
00:09 du GIEC, le second et spécialiste du climat et des migrations, professeur à HEC, auteur
00:15 principal pour le sixième rapport du GIEC. Vos questions et réactions au 01-45-24-7000
00:21 et sur l'application de France Inter. Valérie Masson, Delmotte, François Gemmene, bonjour.
00:26 - Bonjour. - Et bienvenue sur Inter. Alors on vit l'histoire
00:30 en direct avec vous ce matin. On fait le bilan de la COP qui vient de s'achever sur un accord
00:37 il y a dix minutes. Pour la première fois dans l'histoire des COP, l'idée qu'il faille
00:44 transitionner hors des énergies fossiles, pétrole, gaz, charbon, cette idée est écrite
00:51 noire sur blanc. François Gemmene, vous revenez il y a deux heures à peine de Dubaï. Vous
00:58 aviez dit avant d'aller à la COP que la COP 28 commençait bien et que c'était rare.
01:04 Vous dites quoi ce matin en en revenant ? Qu'elle finit bien, mieux que vous ne l'espériez
01:10 ou que c'est carrément historique ? - Elle se termine très bien, mieux qu'espéré
01:15 et j'irai même jusqu'à dire, il ne faut pas galvauder les mots, mais c'est quand
01:17 même quasiment historique. On dessine quand même un futur largement décarboné pour
01:22 les énergies fossiles. Honnêtement, je pense que peu aurait parié sur un accord aussi
01:28 ambitieux. Je pense que peu aurait parié sur le fait qu'on allait pouvoir maintenir
01:33 le niveau de jeu de la première semaine en deuxième semaine.
01:35 - Oui d'ailleurs vous disiez ça, vous aviez été interviewé à la fin de la première
01:41 semaine et vous disiez "écoutez la première semaine se passe très bien, j'espère qu'on
01:43 ne va pas reculer la deuxième semaine". - Et là très clairement l'accord qui sort
01:47 aujourd'hui est au niveau de la première semaine puisque ce qu'on acte, grosso modo
01:51 il y a encore quelques faiblesses évidemment, mais ce qu'on acte c'est quand même la
01:54 sortie des énergies fossiles. Alors le terme de sortie en anglais fait zignote, était
01:59 un peu une sorte de tabou, d'une ligne rouge, donc on a trouvé une paraphrase un peu habile
02:03 mais ça dit la même chose, on acte ici la sortie des énergies fossiles.
02:06 - Voilà, le mot utilisé, puisque tout a été débattu sur le mot utilisé, ce n'est
02:10 pas la sortie des énergies fossiles comme l'espéraient les associations, ça c'était
02:15 pas possible, mais en revanche le terme utilisé et écrit dans l'accord qui vient d'être
02:19 signé c'est "transitioning away", ce qui veut dire "transitionner hors d'eux"
02:24 ou "s'éloigner des énergies fossiles". Donc le chemin c'est s'éloigner des énergies
02:28 fossiles. Valérie Masson-Modelmot, vous ne rentrez pas de Dubaï cette nuit, vous venez
02:31 de chez vous, mais tout de même est-ce que vous aussi vous dites que c'est un accord
02:34 historique ? - C'est un accord qui est extrêmement important
02:37 puisque là ce dont on parle c'est le premier bilan mondial de l'accord de Paris sur le
02:41 climat qui fait le point finalement sur l'action à ce jour, le décalage entre l'action
02:47 qui a été faite, ce qui est promis à horizon 2030 et ce qui serait nécessaire pour limiter
02:52 le réchauffement à un niveau aussi bas, largement sous 2 degrés, proche de 1,5 degré,
02:57 le bilan mondial acte aussi ce décalage. Et on peut l'illustrer en soulignant que
03:02 les promesses si elles se réalisent, toutes, elles impliqueraient une baisse d'environ
03:07 5% des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030 et celles qui sont uniquement
03:12 conditionnelles de 2%, alors que pour limiter le réchauffement largement sous 2 degrés
03:17 c'est une baisse d'un quart, proche de 1,5 degré, ce serait une baisse de 43%. Donc
03:21 on voit aussi dans ce texte qui est grave un certain nombre de limites. Ces limites
03:27 c'est les financements. Les financements pour le déploiement des alternatives aux énergies
03:32 fossiles, les financements pour l'adaptation avec un objectif mondial qui reste faible,
03:37 et les financements pour les pertes et dommages, c'est-à-dire les pays les plus vulnérables.
03:41 Simplement reconstruire post-catastrophe, ce qui est mis sur la table, 400 millions
03:46 de dollars, c'est le salaire des 3 footballeurs les mieux payés au monde. Vous voyez le
03:51 décalage en montant qui sont mis sur la table.
03:54 Marie-Masson Mandelmatt, on va voir les limites, mais juste d'abord, il n'y a pas beaucoup
03:59 de raisons de se réjouir en ce moment. Est-ce que vous dites quand même que cette COP 28
04:03 est une des plus importantes peut-être depuis la COP 21, l'accord de Paris ? Est-ce qu'il
04:09 y a quand même une vraie avancée ? Est-ce qu'on pourrait être là autour de la table
04:13 en disant c'est une catastrophe, c'est une régression ?
04:15 C'est une avancée par rapport à la COP 26 qui avait acté le fait de sortir du charbon
04:20 sans abattement, donc qu'il élargit aux autres énergies fossiles. Le texte est intéressant.
04:26 Transitioning away, c'est la transition vers l'abandon des énergies fossiles dans les
04:31 systèmes énergétiques. Ça laisse la place à leur utilisation, notamment pour produire
04:36 beaucoup de plastique. Il y a un certain nombre de points faibles. La possibilité par exemple
04:40 de les utiliser avec abattement, suggérant capture, stockage. Le fait qu'il n'y ait
04:46 pas de cibles quantitatives sur les émissions de méthane à horizon 2030, c'est aussi
04:51 un point faible. Et l'utilisation de combustible de transition, ça peut laisser la place à
04:58 beaucoup d'utilisations de gaz.
05:00 François Gemmene, qu'est-ce que vous lui répondez à Valérie Masson-Delmattre ?
05:02 Elle a raison, mais il faut quand même se réjouir.
05:04 Elle a raison indéniablement. Il y a encore toute une série de points faibles dans l'accord.
05:08 Cela étant, regardons d'où l'on vient, regardons le compromis qui est quand même
05:12 assez historique. Rendons-nous compte qu'on est ici aux Émirats Arabes Unis et qu'on
05:16 va acter aux Émirats la sortie des énergies fossiles. C'est comme si la France renonçait
05:21 au cinéma et à la gastronomie.
05:23 Cette comparaison vous appartient !
05:26 Et qu'on est ici dans un contexte géopolitique qui est extraordinairement délicat. En termes
05:33 de diplomatie pure, c'est quand même un tour de force, je trouve, d'avoir réussi
05:37 à rassembler l'ensemble des pays, y compris des pays en guerre, sur une trajectoire pour
05:43 l'avenir qui est une trajectoire post-fossile. Et ça c'est quand même vraiment important.
05:47 C'est vrai que ça a été signé à Dubaï. On rappelle quand même que toute la fortune
05:51 de ces États-là, de ces Émirats-là, c'est le pétrole. C'est là qu'on a signé le
05:56 « Transitioning Away », l'éloignement des énergies fossiles.
06:00 Oui, probablement que seule la diplomatie d'un pays et d'un président très lié
06:05 au secteur des énergies fossiles a rendu cela possible de le rédiger de cette manière-là,
06:11 avec l'accord des Saoudiens qui ont joué un rôle très fort jusqu'à présent pour
06:18 atténuer le langage en lien avec les énergies fossiles, même lors de l'approbation des
06:23 rapports du GEC. Je l'ai vu directement.
06:25 Vous avez vu les Saoudiens toujours essayer de diminuer les choses ?
06:28 Historiquement, les Saoudiens avaient toujours à peu près gain de cause, en tout cas dans
06:34 les COP. On le voit bien au moment de l'approbation des rapports du GEC, comme ils essaient souvent
06:37 d'affaiblir le texte. Et il faut savoir que le principe des COP, c'est que tous les
06:41 textes sont approuvés au consensus. Ça veut dire qu'un État à lui tout seul peut s'opposer
06:47 à l'approbation d'un texte. Et jusqu'ici, les Saoudiens avaient en quelque sorte souvent
06:51 fait usage de leur droit de veto pour essayer d'amoindrir et d'affaiblir le texte.
06:55 Alors qu'est-ce qui s'est passé là ?
06:56 Cette fois-ci, ils ont laissé passer, ils ne se sont pas opposés à l'accord.
06:59 Ils ont désapprouvé ? Parce qu'on a le droit de désapprouver ? Si on désapprouve
07:03 sans voter contre, je crois, ça passe.
07:05 Il n'y a pas de vote, c'est-à-dire qu'il faut lever la main et manifester son objection.
07:09 Alors, Mme Jean-Belbache ?
07:10 Moi, je pense que c'est aussi quelque part la reconnaissance d'un constat scientifique
07:15 qui est très solide, qui est irréfutable et qui ne laisse pas la place en fait à toutes
07:20 les formes de déni qui existent. Néanmoins, quand on regarde le contenu de l'inventaire
07:26 global, ce document dont on parle, ce qu'on peut aussi souligner, c'est un fort accent
07:31 mis sur l'ensemble des solutions technologiques, très peu sur la demande par exemple.
07:37 Et lorsqu'on regarde notamment les investissements récents de la compagnie pétrolière saoudienne,
07:43 Saoudia Ramco, on voit qu'en ce moment, par exemple, ils investissent sur la production
07:48 de moteurs thermiques pour maintenir la demande en pétrole.
07:51 Et donc, on voit ce jeu ambigu qui est toujours présent.
07:55 Et je rappelle, dans le monde, sur l'énergie primaire consommée, ça reste 82% de l'énergie
08:02 fossile.
08:03 Et donc, l'enjeu, ce n'est pas simplement des changements incrémentiels dont on parle,
08:08 c'est d'arriver à changer d'échelle pour éliminer le plus rapidement possible l'utilisation
08:12 des énergies fossiles.
08:14 Et c'est à cette condition-là qu'on pourra stabiliser le niveau de réchauffement planétaire.
08:18 Alors justement…
08:19 Et le risque en fait, c'était qu'on aille uniquement sur la voie de l'augmentation
08:24 des renouvelables et qu'en fait, ces énergies décarbonées, on parle du nucléaire aussi,
08:28 ne fassent que s'ajouter aux énergies fossiles dont la consommation était en hausse.
08:32 L'enjeu, c'était d'acter aussi une sortie des énergies fossiles pour que les
08:36 énergies décarbonées puissent remplacer les énergies carbonées.
08:39 Sinon, ça ne reste à rien.
08:40 C'est comme si vous mangez une salade à côté d'une fondue au fromage, vous n'allez
08:43 pas maigrir pour autant.
08:44 J'aimerais revenir à la phrase « transitionner hors des énergies fossiles dans les systèmes
08:49 énergétiques d'une manière juste, ordonnée et équitable ».
08:53 En accélérant l'action dans cette décennie cruciale, afin d'atteindre la neutralité
09:00 carbone en 2050 conformément aux préconisations scientifiques.
09:04 Dans cette décision décennie cruciale, est-ce que ça, vous l'interprétez comme une feuille
09:13 de route contraignante ?
09:17 Contraignante, non.
09:18 Mais c'est un signal important qui est donné aux marchés et aux industries.
09:21 Il faut l'écouter, bien sûr.
09:22 Il y a une unité de temps.
09:23 On souligne que ce sont les 10 prochaines années qui vont être cruciales parce que
09:27 le changement climatique, c'est un problème d'accumulation.
09:29 Donc tous les gaz à effet de serre qui sont émis maintenant vont s'accumuler.
09:32 Et puis vraiment, très clairement, cet accord, c'est une trajectoire et un signal qui est
09:37 donné aux industries et aux marchés.
09:39 Où sera l'investissement demain ? Bien entendu, les prix de pétrole ne vont pas s'arrêter
09:43 demain mais ça trace une direction.
09:45 La neutralité carbone en 2050, on va y arriver avec cette COP28 ou non ?
09:50 En fait, je pense qu'une étape critique va être 2025 puisque c'est à cette date
09:55 que les pays doivent remettre sur la table leurs engagements à horizon 2035.
10:00 Donc là, pour l'instant, on regarde les promesses à horizon 2030.
10:03 Et donc donner un cap et une ambition plus forte sur les trajectoires que chaque pays
10:09 choisit de se donner sur la sortie des énergies fossiles, la réduction des émissions de
10:14 gaz à effet de serre est particulièrement important si on veut limiter le réchauffement
10:18 proche d'un degré et demi.
10:19 Il s'agit de baisser les émissions mondiales de l'ordre de 60% à horizon 2035.
10:25 Oui, alors justement John Kerry, qui est l'émissaire américain de la COP28, a déclaré que cette
10:30 COP là, celle de Dubaï, celle qui vient de se terminer, était la dernière chance
10:33 pour tenir la limite des 1,5 de réchauffement.
10:36 On entend beaucoup dire qu'on ne les tiendra pas.
10:41 Qu'est-ce que vous en pensez l'un et l'autre ? Est-ce qu'il faut abandonner l'idée
10:44 des 1,5 ? Est-ce qu'on est déjà au-delà ?
10:46 Le texte fait référence à la notion de budget carbone résiduel, c'est-à-dire la
10:49 marge de manœuvre qui nous reste.
10:51 Si on veut limiter le réchauffement à ce niveau-là, c'est l'équivalent de 6 années
10:54 d'émissions au niveau actuel.
10:56 Donc s'il n'y a pas une baisse franche maintenant, ce sera inéluctable de dépasser
11:01 1,5 la prochaine décennie.
11:03 Donc on voit bien le lien entre ce qui est mis en place et la capacité à tenir le niveau
11:08 de réchauffement.
11:09 Et il faut garder cet objectif de 1,5 parce que c'est vraiment un marqueur d'ambition
11:12 politique.
11:13 - Beaucoup de questions au Standard Inter, on va donner la parole à nos auditeurs.
11:19 Bonjour François.
11:20 - Bonjour.
11:21 - Vous nous appelez de Cannes, on vous écoute.
11:22 - Oui, merci de prendre mon appel.
11:25 À vous entendre, la crise écologique qu'on traverse ne concerne que le réchauffement
11:33 climatique.
11:34 Et je trouve ça lamentable de promotionner le nucléaire.
11:39 Alors que Fukushima c'était en 2011, si je ne me trompe pas.
11:46 Bon là aujourd'hui ils en sont à jeter leurs déchets dans la mer.
11:49 Faut pas perdre sa vie quand même.
11:51 - Donc peut-on parler d'une COP réussie qui prône le nucléaire comme un outil de
11:57 lutte contre le réchauffement climatique ? J'imagine que c'est ça votre question.
12:01 - Les COP ce ne sont que mascarades.
12:03 De toute façon 8 milliards d'habitants sur Terre, on va forcément dans le mur.
12:08 - Merci François pour cette question qui veut répondre.
12:11 - On parle du climat parce que c'est une COP qui porte sur la question du changement
12:15 climatique.
12:16 On a décidé au moment du sommet de la Terre de Rio en 1992 de scinder les problèmes et
12:20 donc de discuter du climat, de la biodiversité, de la désertification.
12:24 Et donc ce matin, oui, désolé chers auditeurs, on parle du climat parce que c'est une COP
12:28 sur le changement climatique.
12:29 - Et la place du nucléaire dans l'arsenal des mesures pour contrôler le changement
12:36 climatique ?
12:37 - C'est indéniablement une énergie décarbonée.
12:38 Elle est mentionnée dans le texte aujourd'hui.
12:40 Alors bien entendu, comme toute énergie, c'est une énergie qui a certains défauts.
12:45 Cela étant, on ne peut pas dire que le texte soit centré sur la question du nucléaire.
12:50 - Valérie Masson-Delmotte, beaucoup de questions ce matin.
12:52 - Moi je veux souligner qu'il y a une vingtaine de pays qui ont poussé pour doubler la production
12:58 d'électricité nucléaire à horizon 2050.
13:01 Mais il y a un nombre immense de pays qui s'engagent à tripler la montée en puissance
13:06 des renouvelables qui peut être faite très rapidement à horizon 2030.
13:09 Et enfin, ce texte de bilan mondial, il souligne l'importance de tenir compte à la fois des
13:15 enjeux climat mais aussi des enjeux biodiversité et écosystème d'une manière beaucoup plus
13:19 forte que précédemment.
13:20 - Donc il n'y a pas que le réchauffement climatique et les énergies fossiles, il y
13:23 a aussi les renouvelables, le paquet mis sur les renouvelables.
13:26 - Les solutions fondées sur la nature.
13:28 - Voilà, et le respect de la biodiversité qui sont aussi dans ce texte.
13:32 - Et il y a de plus en plus de liens qui sont créés d'ailleurs entre le climat et la
13:34 biodiversité, tant dans les négociations politiques que dans les travaux scientifiques.
13:39 - Et je veux revenir sur un point, c'est incorrect de dire que les COP ne servent à rien.
13:43 C'est un moment de coordination de dialogue.
13:47 - Vous allez l'entendre pourtant, à hausse standard.
13:48 - Mais on peut voir qu'on a déjà évité, notamment protocole de Kyoto et depuis l'accord
13:53 de Paris, les émissions de plusieurs milliards de tonnes de CO2.
13:56 On était sur une hausse des émissions, maintenant on est plutôt sur le début d'une légère
14:00 baisse et il faut accentuer cet effort-là.
14:03 On a rendu moins plausible des trajectoires de réchauffement de 3 degrés ou davantage,
14:07 mais on n'est pas encore sur une trajectoire qui va permettre de limiter le réchauffement.
14:12 - Jean-Luc, vous nous appelez du Var, bonjour, bienvenue.
14:15 - Bonjour à tous, merci pour vos émissions.
14:17 Donc je téléphonais pour dire justement que je pense que les COP ne servent à rien.
14:21 Voilà, au moins ça se dit.
14:23 - Pourquoi vous dites ça ?
14:24 - On paie des voyages à des gens qui sont là pendant un certain temps dans un des pays
14:29 qui est le plus peuplé au monde, notamment, à Voseth Vallée, et d'autre part c'est
14:34 le président des sociétés pétrolières qui est le président de cette COP, qui en
14:40 profite pour donner des rendez-vous à des gens pour étudier les futurs forages.
14:46 Donc ça, je pense qu'on dépense de l'argent pour rien parce que de toute façon ceux qui
14:51 signent ne pratiquent jamais ce qu'ils ont signé.
14:54 Donc là je trouve que c'est totalement hypocrite et à mon avis très coûteux.
14:58 Il y a mieux à faire.
14:59 - Merci Jean-Luc pour cette question.
15:01 - François Gemmene qui avait pris l'avion pour aller à Dubaï.
15:03 - Je vous retourne une question, sincèrement, qu'est-ce qu'il vous faut ? On arrive, on
15:07 a ici un succès diplomatique majeur, on a un engagement sur la sortie des énergies
15:12 fossiles à partir de pays qui partent de points de départ très différents, qui ont
15:16 des contraintes très différentes, certains pays qui n'ont pas encore eu accès à ces
15:19 énergies fossiles.
15:20 Je ne comprends pas sincèrement qu'on puisse dire que les COP ne servent à rien.
15:24 Valérie Masson-Delmotte a rappelé à l'instant que sans ces COP nous serions sur une trajectoire
15:28 de réchauffement au-delà de 4°C.
15:31 On a aujourd'hui une COP importante avec un succès majeur et vous trouvez encore des
15:34 gens dans ce pays pour dire que ça ne sert à rien et que c'est de l'argent dépensé
15:38 au commerce.
15:39 - Là c'est votre côté belge qui vous énerve contre les français qui ne sont jamais contents.
15:42 - Je le vois autrement, c'est-à-dire, effectivement, il y a une montée en puissance de la participation
15:48 d'acteurs des énergies fossiles dans les COP.
15:50 C'est très net, c'est net au niveau de la présidence, du pays haute, mais aussi des
15:54 personnes dans les différentes délégations, entreprises pour l'environnement en France,
15:59 et représentées dans les COP par Patrick Pouyanné, PDG de Total Energy.
16:02 - Qui était là-bas, qui était là-bas.
16:04 - Pourquoi ? Parce qu'on rentre dans le dur.
16:06 Et cela est montré très clairement notamment par la lettre de l'OPEP.
16:09 Quand je l'ai vue circuler, j'ai cru que c'était un canular.
16:12 C'était une lettre qui disait aux membres des pays exportateurs de pétrole et de gaz
16:17 "Attention, on est devant un risque de point de bascule irréversible".
16:22 Cette terminologie, c'est une terminologie qu'on utilise par rapport aux risques climatiques.
16:27 Notamment, par exemple, chaque incrément de réchauffement, les conséquences pour
16:31 les glaces, pour la montée du niveau de la mer à très long terme.
16:34 - Donc ils reprenaient la sémantique écologique pour basculer.
16:36 - Ils reprenaient cette sémantique de point de bascule pour souligner les risques pour
16:40 leur propre secteur.
16:41 Et ça, on dit beaucoup, parce que c'est une forme aussi, je pense, d'inquiétude très
16:46 profonde devant cette sortie des énergies fossiles, pour laquelle, bien sûr, tout reste
16:51 à faire.
16:52 Et nous pouvons agir.
16:53 Il y a des solutions qui permettent de s'en affrontir.
16:55 - Mais si les COP nous servaient à rien, ils ne le feraient pas ça.
16:57 Ils ne dépenseraient pas des fortunes pour envoyer 2500 lobbyistes à Dubaï.
17:00 Martine Austandard, vous nous appelez d'Aix-en-Provence, soyez la bienvenue.
17:04 - Bonjour, je vous appelle parce que malheureusement, je vais continuer sur la tonalité pessimiste.
17:10 - Mais comment est-ce possible d'être à ce point pessimiste ?
17:13 - Attendez, laissez-la finir.
17:14 - Au niveau des COP, à quoi servent-elles ? J'avoue que j'ai 64 ans.
17:21 Je participe, je vote pour les écologistes, je participe à des manifestations, je signe
17:28 des pétitions, je produis mon électricité, etc.
17:32 Et je me rends compte que tout ce qu'on appelait des petits gestes, ce n'est pas du tout à
17:38 la mesure de ce qui se passe.
17:40 On a mis tellement longtemps à essayer de démarrer quelque chose.
17:44 Pour moi, il y a plus de 40 ans de retard, puisque Dumont le disait déjà que ça n'allait
17:50 pas.
17:51 Et donc maintenant, je vous demande, je suis profondément légaliste, républicaine, etc.
17:57 Mais je me demande ce que je peux faire, j'ai des enfants, ce que je peux faire pour le
18:02 futur.
18:03 - Et vous avez une réponse à ça ?
18:05 - Ben non, j'en ai pas.
18:06 Et quand j'étais professeure, je l'étais encore il y a quelques mois, j'entendais
18:11 des jeunes qui avaient un discours de plus en plus radical.
18:13 - La violence, c'est ça ?
18:15 - C'est-à-dire non seulement ne plus du tout manger de viande, non seulement partir le
18:22 plus loin possible et vivre presque en autarcie, mais certains même penser à des actions
18:28 violentes.
18:29 Violentes contre les biens, peut-être pas contre les personnes, mais contre les biens.
18:32 - Merci Martine.
18:33 - Valérie Masson-Dalmaud.
18:34 - Moi j'entends votre inquiétude, je l'entends, et je l'entends aussi en regardant l'état
18:39 du climat l'année 2023, puis la suivante, qui vont être les plus chaudes enregistrées,
18:43 30 degrés hier en Espagne.
18:46 - C'est de la folie.
18:47 - Voilà, on est dans un changement climatique dont les conséquences s'intensifient avec
18:52 des effets graves, et le fait d'avoir souvent un manque de vision partagée, c'est-à-dire
18:57 d'avoir la perception d'un effort, d'une transformation profonde, partagée et portée,
19:03 ça conduit aussi à une radicalisation parce qu'on a l'impression que les actions ne
19:08 sont pas à la hauteur des enjeux.
19:09 Donc vous avez souligné l'importance des gestes qui sont faisables à l'échelle individuelle,
19:14 mais qui ne sont pas suffisants, d'où l'importance des stratégies à l'échelle nationale, à
19:18 l'échelle territoriale, des changements dans les infrastructures, et aussi de cet
19:23 effort collectif, d'où l'importance de ce dialogue international.
19:27 - Oui, je voudrais dire, je vais donner la parole à François-Germaine, mais à notre
19:30 auditrice, je ne sais pas si elle a écouté la matinale de jeudi dernier, quand on a fait
19:33 cette matinale spéciale avec l'atelier 2 tonnes pour mesurer notre empreinte carbone
19:37 et comment on pouvait la baisser, et que c'était ludique, on a fait ça pendant une heure,
19:41 Zabou Bretman et Daniel Morin ont baissé, ont calculé qu'en mangeant un peu moins
19:46 de viande, qu'en prenant un peu moins l'avion, etc., ils passaient de 15 tonnes par an de
19:50 CO2 à 7 ou 8 tonnes.
19:53 Ils ont tous les deux divisé par 2 s'ils prenaient des petites mesures.
19:55 Ce que je veux dire, c'est qu'on peut effectivement toujours voir le verre à moitié vide, c'est
20:01 vrai, et c'est vrai qu'on aimerait peut-être que ça aille plus vite, mais enfin il y a
20:04 quand même des trucs qui progressent.
20:05 François Gemmene.
20:06 Moi ce qui m'inquiète, c'est que de tous les pays du monde où ce type de sondage est
20:11 mené, c'est en France que les gens sont les plus défaitistes face au changement climatique.
20:16 Il y a aujourd'hui 16% des Français, c'est-à-dire un Français sur six, qui considèrent qu'il
20:21 n'y a plus rien à faire et que c'est fichu.
20:22 C'est dramatique, il faut absolument se dire qu'il y a des choses qui avancent, que bien
20:27 sûr la coopération internationale ça ne fait pas tout, mais c'est crucialement important
20:31 parce que les impacts en France dépendent évidemment des émissions de tous les pays,
20:35 donc il y a des tas d'entreprises qui se mettent en route, des tas de choses qui se
20:38 passent dans les médias, dans l'éducation, qu'aujourd'hui il y a quand même une prise
20:42 de conscience planétaire de ces enjeux, et il faut se dire qu'on peut y arriver, et ce
20:46 qui compte c'est de se mettre tous ensemble pour agir.
20:49 Valérie Masson-Demotte, François Gemmene, souvent à notre micro, s'étonnent du défaitisme
20:53 des Français.
20:54 On avait eu un débat sur les voitures électriques où vous dites « pourquoi est-ce que les
20:56 Français sont les plus suspicieux à l'endroit des voitures électriques dès qu'il y a
20:59 une nouveauté technologique ? ». Ils n'y croient pas.
21:01 On peut aussi montrer qu'en France par exemple, les énergies fossiles, c'était 89% de la
21:06 consommation primaire d'énergie en 1965, on a réussi à le réduire à 46%, il faut
21:11 continuer et donc voir le chemin qui a été accompli, mesurer ce qu'il reste à faire,
21:16 et puis avoir une idée plus claire de la trajectoire sur laquelle on est, pour donner
21:20 sens.
21:21 Tout à fait, la trajectoire c'est clé.
21:22 Question de Mathieu sur l'application d'Inter, comment se réjouir d'un accord pris en l'absence
21:26 de la Chine et de l'Inde ?
21:27 Mais non, ils étaient là ! C'est pas parce que leur président ne vient pas que les pays
21:31 ne sont pas représentés, il faut arrêter avec ces bobards !
21:33 « Dont les populations représentent plus d'un tiers de la population mondiale et qui
21:37 sont d'énormes pollueurs ».
21:39 Alors, je peux vous dire que si la Chine ou l'Inde n'étaient pas satisfaits des documents,
21:43 ils n'auraient pas de documents.
21:44 Au moment de la COP26 par exemple à Glasgow, ils ont fait changer au dernier moment la
21:49 formulation qui portait sur la sortie du charbon.
21:51 Donc, le négociateur chinois extrêmement aguerri avait d'ailleurs travaillé avec
21:55 le négociateur américain en amont de cette COP.
21:58 On sait qu'entre la Chine et les Etats-Unis, il y a de multiples sujets de tension, mais
22:02 au moins sur la partie climat, ce dialogue entre les différents pays se poursuit et
22:06 il est essentiel.
22:07 François Gemmell, le mot de la fin.
22:08 Ne vous énervez pas !
22:09 Non, simplement, réalisons que nous sommes aujourd'hui face à une situation où les
22:16 pays viennent de points de départ complètement différents, ont des contraintes, des régimes
22:20 politiques, des économies complètement différentes.
22:22 Parvenir à les mettre d'accord sur un texte ambitieux, sur un sujet aussi fondamental,
22:27 dans un monde qui est aussi morcelé et fracturé qu'aujourd'hui, je suis désolé, ça tient
22:31 du tour de force.
22:32 Merci à tous les deux, François Gemmell, Valérie Masson-Delmotte, c'était passionnant.
22:37 Le téléphone sonne ce soir sur ces enjeux également.
22:41 Et puis merci aux auditeurs de France Inter d'avoir été là ce matin et d'avoir participé
22:47 également au débat.