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Mercredi 13 septembre 2023, SMART JOB reçoit Éric Cédiey (directeur, ISM Corum) et Maya Hagege (déléguée générale, AFMD)

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00:00 ...
00:11 -Le cercle est rache et le débat de Smart Job,
00:14 débat quotidien, pour parler de la discrimination,
00:17 des discriminations à l'embauche.
00:19 On va revenir sur les typologies, les femmes,
00:21 les personnes d'origine ethnique maghrébine,
00:24 et autres, on y reviendra.
00:26 Essayez de savoir ce qui a changé.
00:28 Il y a eu une loi en 2017 dont personne ne parle jamais.
00:31 Est-ce qu'elle a fait avancer les choses ?
00:33 Pas sûr, quand on regarde les chiffres.
00:35 On en parle avec mes invités.
00:37 Maïa Ajage, vous êtes déléguée générale de l'AFMD,
00:40 l'Association française des managers de la diversité.
00:43 Merci d'être avec nous.
00:45 Et puis Eric Sédier, directeur d'ISM Corum.
00:47 Vous êtes membre, comme personnalité qualifiée,
00:50 je sais que vous y tenez beaucoup,
00:52 du Défenseur des droits,
00:54 et membre de ce collège de lutte contre les discriminations
00:58 et promotion de l'égalité.
00:59 Je m'autorise à me tourner vers vous,
01:01 Défenseur des droits, institution.
01:04 Il y a des études, et une en particulier
01:06 qui est sortie, faite par la Défenseuse des droits.
01:09 37 % des personnes qui ont été interrogées
01:11 déclarent avoir été discriminées.
01:14 Il y a 20 ans, j'ai déjà commencé ma carrière
01:16 en faisant des émissions sur ce sujet.
01:18 J'ai pas l'impression que ce sujet évolue beaucoup.
01:21 -Il y a des périodes où des progrès sont à constater.
01:24 Il y a d'autres périodes où ça se déroule
01:27 et ça se dégrade un peu.
01:29 C'est pas une évolution linéaire et un progrès continu.
01:32 Globalement, je pense que la situation s'améliore,
01:35 et en tout cas, ça a pris en charge son traitement
01:38 par les acteurs concernés.
01:40 Après, par rapport à ce à quoi vous faites référence,
01:43 là, c'est une étude de perception,
01:45 donc la chose telle qu'elle est vécue
01:48 par les premiers concernés.
01:49 -Ce n'est pas une réalité, c'est une perception ?
01:52 -Et surtout, indépendamment de la réalité,
01:55 la perception peut évoluer en elle-même.
01:57 La prise en compte du sujet, y compris par les personnes
02:01 que ça peut concerner, peut évoluer et faire
02:03 qu'on est plus aguerri et plus sensible
02:06 à certaines situations qu'on en était par le passé.
02:09 -Je voudrais présenter ce livre.
02:11 Il sort aujourd'hui, au moment où vous le sortez.
02:14 "Évaluer pour agir, les diagnostics statistiques
02:17 "au service de la politique d'égalité AFMD et ISM Corum".
02:21 Vous avez travaillé la main dans la main.
02:23 Ce document est tout chaud.
02:25 Maïa, je voulais savoir,
02:27 quels sont les grands enseignements à tirer de ce document ?
02:30 -Alors, je vais faire le parallèle avec ce que vous venez de dire
02:34 et ce que vient de dire Eric.
02:36 Jusqu'à maintenant, on regardait et on suivait beaucoup la perception.
02:40 Là, ce qu'on a essayé de faire dans cet ouvrage,
02:43 c'est l'analyse de 75 diagnostics sur les 15 dernières années,
02:48 c'est-à-dire, finalement, les pratiques RH,
02:50 comment elles sont mises en oeuvre
02:53 et est-ce qu'il y a des écarts de traitement,
02:55 pardon, des écarts de traitement
02:57 entre certaines typologies de population.
03:00 -Oui, il y a des écarts. L'origine...
03:02 -Il y a des écarts.
03:03 Il y a plusieurs critères qui peuvent être testés.
03:09 Il y a l'origine ethno-raciale, le sexe,
03:12 le lieu de résidence, le handicap...
03:14 -La taille. -L'apparence physique...
03:16 -On appelle ça la grossophobie.
03:18 Je sais pas si vous l'intégrez dans la liste des discriminés.
03:22 -Tout à fait. L'apparence physique est une...
03:25 Mais ce n'est pas celle qu'on a testée dans ces études-là.
03:29 -Pour entrer dans le livre, il y a beaucoup de RH sur ce plateau
03:32 qui réfléchissent, réforment,
03:34 proposent sur la parentalité, sur l'inclusion, la diversité,
03:38 et elles sont impliquées sur ces sujets,
03:40 je dis "elles" car elles sont majoritairement des femmes.
03:44 Quand même, souvent, elles nous citent le testing.
03:47 Est-ce que vous, qui êtes des acteurs et qui avez remis ce...
03:50 Est-ce que c'est l'unique et le meilleur moyen
03:53 de savoir si leur modèle RH fonctionne ?
03:55 Je vois sourire car en préparant l'émission,
03:58 j'ai vu que le testing, dont les journalistes parlent,
04:01 n'est pas la meilleure méthode. -Non, il faut qu'elle soit adaptée
04:05 à la situation qu'elle teste.
04:07 Cet ouvrage, sur la base de 75 diagnostics,
04:09 on est dans le dur de la réalité des situations
04:12 telles qu'on peut les tracer par des données.
04:15 Le testing, vous prenez 2 CV fictifs
04:17 que vous construisez pour qu'ils soient comparables,
04:20 sauf sur un critère, un homme, une femme,
04:23 et vous testez les réactions des recruteurs.
04:25 -Premier niveau de discrimination ? -Voilà.
04:28 C'est un exemple que j'ai pris.
04:30 Vous avez relevé la chose importante.
04:32 On va tester le premier niveau de la réception des CV.
04:35 Avec des CV fictifs, on ne pourra pas aller plus loin.
04:38 Dès lors qu'on veut des données sur la personne réelle,
04:42 on ne peut plus faire du testing.
04:44 Cet ouvrage insiste sur le fait
04:46 qu'il y a au moins 3 grandes familles de méthodes
04:49 aujourd'hui maîtrisées pour faire du chiffre
04:51 sur d'éventuels écarts discriminatoires.
04:54 Le testing est limité à ce moment dont on a parlé.
04:57 Et des statistiques sur des données RH réelles,
05:01 les vraies personnes qui ont candidaté...
05:04 -Physiquement. -Physiquement.
05:06 Leurs données constituent un fichier de candidature.
05:09 C'est une autre façon d'explorer ce qui se passe
05:11 dans le recrutement.
05:13 Et troisième famille, les données RH réelles des salariés,
05:16 donc les fichiers carrière, les fichiers RH.
05:19 On va pouvoir tester d'éventuels écarts discriminatoires
05:22 selon le critère qu'on veut, dans les données,
05:24 dans les carrières, dans l'accès à l'information.
05:27 -Mais, Maya, les discriminations ethno-ethniques,
05:30 j'évoquais tout à l'heure les personnes d'origine maghrébine
05:34 qui, dans l'étude, évoquent un sentiment de discrimination.
05:38 Le sexe...
05:39 Euh...
05:41 L'âge et le lieu de résidence.
05:44 Les biais, c'est des biais cognitifs.
05:46 Les RH sont victimes à leur insu de biais cognitifs.
05:49 Comment on fait pour, justement, les gommer
05:52 et faire en sorte qu'une personne compétente,
05:55 mais qui ne soit pas dans les critères,
05:57 puisse être recrutée ? C'est ça, le fond de l'histoire.
06:00 -Je pense pas qu'on peut dire qu'on va effacer les biais...
06:04 -C'est impossible. On est d'accord.
06:06 -C'est pas ça, l'objectif.
06:08 On doit prendre conscience de ces biais et adapter les procès RH
06:11 pour que, dans la façon de gérer et de suivre
06:14 les étapes de présélection, de sélection et de recrutement,
06:19 on ne soit pas impacté par ces biais.
06:21 Dans ce qu'on voit,
06:23 on voit, par exemple, depuis cette quinzaine d'années,
06:28 qu'il y a plus... -2006-2023, l'étude.
06:31 -Exactement. Il y a vraiment un aspect évolutif, longitudinal.
06:35 Ce qu'on voit d'abord, c'est que, selon les critères,
06:38 on ne va pas être discriminés au même moment.
06:41 Il y a finalement peu d'écarts dans le recrutement femme-homme,
06:45 mais il va y avoir des écarts dans le recrutement
06:48 en lien avec le critère ethno-racial.
06:51 Pareil sur le handic.
06:53 -Pour être concret, on met de côté des CV
06:56 parce qu'ils sont de nom à consonance maghrébine, africaine.
07:00 Pour être concret, c'est ça ?
07:02 -Une des méthodologies, c'est de partir
07:04 sur les patronymes et donc d'analyser la façon
07:07 dont, selon le patronyme sur le CV,
07:10 on va proposer un entretien ou pas.
07:12 -Et croiser avec le lieu de vie.
07:14 -On peut. -C'est une autre indication.
07:17 -Exactement. -On voit souvent des jeunes
07:19 qui disent que quand ils mettent Saint-Denis-Aulnay,
07:22 ils ont moins de chance qu'un jeune qui met Paris 7e.
07:25 -Tout à fait.
07:26 Et là, tout le travail qu'on a fait avec ESM Corum,
07:30 ça a été de dire que les employeurs
07:32 peuvent s'emparer de ces méthodologies,
07:34 de ces diagnostics, pour agir et être proactifs
07:37 et non pas subir, parce qu'on sait,
07:40 les débats de 2023 autour de "testing",
07:42 "pas testing", comme vous en avez parlé,
07:45 quel type de testing, sur quels critères...
07:48 Donc, nous, on s'est dit, non, on a le recul nécessaire
07:51 pour dire, voici comment mettre en place un diagnostic.
07:55 -Hors testing, qu'on évoquait tout à l'heure,
07:58 même s'il a existé, notamment dans le cas des discothèques,
08:02 la discrimination sur les lieux festifs,
08:04 on se souvient de "testing" d'SOS Racisme,
08:07 qui, sur les plages, allait physiquement tester.
08:10 Ca, ça ne se fait pas encore en RH.
08:12 On n'envoie pas des testeurs, des faux candidats,
08:16 pour voir la manière, même jusqu'à filmer l'entretien.
08:19 Ca ne va pas jusque-là.
08:21 -On ne fait pas des choses avec cet objectif,
08:24 celui qui était l'objectif qu'avait SOS Racisme,
08:27 mais donc on ne le fait pas de la même façon.
08:29 -Dans tout ce qu'on présente dans cet ouvrage,
08:32 on parle de méthode statistique,
08:34 c'est-à-dire que ce n'est pas un coup ou une entrée
08:37 dans une discothèque, c'est des coupes de CV
08:40 par centaines de milliers,
08:42 ou des statistiques longitudinales.
08:44 C'est très utile par rapport à ce que vous disiez.
08:47 Je reprends une autre formule que vous avez eue,
08:50 on met de côté des CV maghrébins.
08:53 Ca ne veut pas dire que, de façon délibérée,
08:55 il y a peut-être quelques cas marginaux,
08:58 mais on dit que celui-là, on ne le met pas de côté.
09:01 C'est du préjugé, c'est les habitudes,
09:03 les contraintes sous lesquelles on travaille,
09:06 il faut aller vite, on n'a pas les outils,
09:09 on n'a pas certains réflexes,
09:11 on n'a pas déconstruit certaines visions des choses.
09:14 La production d'indicateurs statistiques
09:17 sur les écarts que l'on repère,
09:19 ça permet de visibiliser ça, de faire sauter le déni.
09:22 -Peu de gens se retournent vers le défenseur des droits,
09:26 le défenseur des droits, qui peut répondre
09:28 à ce sentiment ou à cette réalité de discrimination.
09:32 Les gens ont eu le sentiment d'avoir été discriminés,
09:35 mais souvent, ils ont raison, mais il ne se passe rien.
09:38 -Alors, c'est vrai que... -Faux.
09:40 -Je ne vais pas dire que vous avez tort.
09:43 -Mais faites-vous plaisir.
09:45 -Je vais plutôt dire que, dans un premier temps,
09:48 en termes de recours pour les victimes,
09:50 il y a une première étape qui va être de se tourner
09:53 dans le cercle du travail.
09:55 Donc, auprès des RH, du manager, des collègues,
09:58 avant de passer à l'étape suivante,
10:00 si les recours internes n'ont pas donné lieu à une action.
10:04 -Là, le défenseur des droits.
10:06 -Et là, il y a une saisie.
10:07 -Je ne veux pas qu'on se quitte.
10:09 La question du handicap, j'ai parlé de la grossophobie,
10:13 mais il y a aussi la question du handicap.
10:15 On voit une volonté politique de réduire
10:18 le nombre de demandeurs d'emploi en situation de handicap.
10:21 On voit qu'il y a beaucoup de postes,
10:23 de demandes de personnes en situation de handicap
10:26 qui ne trouvent pas et font partie des discriminations.
10:29 -En fait, je trouve que c'est une situation...
10:32 Je ne sais pas si le mot "intéressante"
10:34 est le bon mot, mais dans cette analyse qu'on a faite,
10:37 on s'est rendu compte qu'au niveau du recrutement,
10:40 il n'y avait pas d'écart entre une personne avec un handicap
10:44 et une personne sans handicap.
10:46 Dans le recrutement, mais que les écarts de traitement
10:49 se faisaient dans la carrière.
10:51 C'est vraiment intéressant. -Donc, ça a progressé ?
10:54 -Ça a progressé, mais ça n'explique pas
10:56 pourquoi il y a des personnes en situation de handicap
10:59 qui ne trouvent pas de travail.
11:01 -J'ai le sentiment que c'est plutôt l'entreprise
11:04 qui, elle, n'est pas prête à accueillir,
11:06 sur des questions de mentalité.
11:08 Est-ce que c'est ça, le sujet ?
11:10 C'est l'incompréhension de l'autre
11:12 qui fait qu'on ne prend pas l'autre ?
11:14 -Euh...
11:15 Ca joue, mais c'est pas que de la représentation
11:18 et de la vision les uns des autres.
11:20 -C'est pas que de la sociologie ?
11:22 -C'est pas que de la représentation.
11:24 C'est pas que de la façon dont on se voit les uns les autres.
11:27 C'est aussi les procédures concrètes de travail.
11:31 Un logiciel est tout à fait capable de discriminer,
11:34 si il est mal construit.
11:35 -On se souvient de l'Amazon...
11:37 L'algorithme discrimine.
11:39 -Voilà, donc, l'algorithme discrimine.
11:42 Les organisations sont plus ou moins faibles
11:44 par rapport aux risques discriminatoires.
11:47 Une organisation décentralisée
11:50 avec un nombre multiple d'intervenants
11:53 pour recruter, avec des gens dont c'est pas forcément
11:56 le métier principal,
11:57 il y a le recruteur, le manager, le directeur d'établissement,
12:01 et des collègues qui vont faire pression.
12:03 Le risque discriminatoire sera bien plus fort
12:06 qu'un exercice de recrutement dédié à quelqu'un de professionnalisé
12:10 qui aura été formé contre les risques discriminatoires.
12:13 -J'évoquais tout à l'heure la loi, excusez-moi,
12:16 sur l'égalité et la soyenneté 2017.
12:20 -Sur l'obligation de formation des recruteurs.
12:24 -Ca touche directement votre sujet, l'idée qu'on les forme.
12:27 Elle a apporté ses fruits, cette loi ?
12:29 -Il y a une enquête, une grande enquête,
12:32 en ce moment, par l'Adares,
12:34 pour vérifier si ça a apporté ses fruits.
12:37 C'était aussi l'idée d'analyser les diagnostics RH.
12:41 L'idée, c'est aussi de voir
12:44 s'il y a des progrès avant cette loi, depuis cette loi.
12:48 -C'était ma première question.
12:50 Quelle est la trajectoire ?
12:52 On était dans une courbe qui faisait des hauts et des bas.
12:55 -Je pense que ça progresse quand même
12:57 dans la prise en charge et les outils pour le faire
13:00 de la question.
13:01 Je pense que c'est un des intérêts
13:04 pour lequel vos auditeurs RH peuvent lire ce guide.
13:08 C'est qu'on essaie de montrer dans cet ouvrage
13:11 la variété d'outils de mesure statistique à disposition
13:15 pour, aujourd'hui, détecter des écarts discriminatoires,
13:20 à peu près partout et à peu près sur n'importe quel critère,
13:24 pour peu qu'on utilise la bonne méthode
13:26 et appliquer au bon endroit.
13:28 -Guide est donc tableau de bord très instructif
13:31 pour l'ensemble des DRH et des équipes RH.
13:33 C'est ça, l'idée.
13:35 C'est aussi la preuve statistique en chiffres
13:38 qu'il existe toujours des discriminations
13:41 et qu'il faut lutter pour les réduire.
13:43 -Tout à fait.
13:44 -Merci à vous, AFMD,
13:46 l'Association française des managers de la diversité,
13:50 ainsi que ISM Corum, vos équipes,
13:52 Eric Cédier, qui ont travaillé sur ce guide.
13:55 Allez donc voir les sites respectifs de chacun,
13:58 engagez-vous sur ces questions.
14:00 Vous, les DRH, je vous invite à regarder, lire ce guide,
14:03 qui est un tableau de bord.
14:05 Maya le fait en parallèle avec moi,
14:07 car je crois qu'elle est très heureuse
14:10 que ce travail soit sorti.
14:11 Merci de nous avoir éclairés sur ce sujet important,
14:15 parce que c'est un enjeu RSE pour les entreprises,
14:17 c'est un enjeu fort. Merci de nous avoir rendu visite.
14:20 On termine notre émission avec Fenet sur l'emploi,
14:23 notre dernier invité, et on l'accueille tout de suite.

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