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00:00 - Le livre du jour Nicolas Carro ce matin, vous nous avez choisi un livre qui n'est pas tout à fait un roman.
00:06 - Mais sans conteste un grand livre, c'est vous savez on en parle souvent ici, de la non fiction narrative.
00:11 Ça veut dire donc que tout est vrai, en tout cas vérifié, documenté comme le travail d'un historien ou d'un journaliste,
00:16 mais raconté avec les techniques de narration romanesque. Et là en l'occurrence, c'est le maître du genre,
00:22 journaliste par ailleurs au New Yorker, l'américain David Graham. On lui doit la cité perdue de Z,
00:27 adapté au cinéma. Le prochain film de Scorsese aussi avec DiCaprio, Killers of the Flower Moon, est aussi une adaptation
00:33 d'une de ses enquêtes. Son nouveau livre vient d'être publié aux éditions du sous-sol, ça s'appelle Les Naufragés du Wager,
00:40 et c'est incroyablement génial. - Alors sur la couverture du livre on voit un navire pris dans la tempête.
00:45 - C'est le HMS Wager. En 1742, une trentaine de marins ont débarqué dans un état lamentable sur une côte brésilienne,
00:52 faméliques en haillons, le visage à moitié mangé par les algues,
00:55 si faibles qu'ils avaient du mal à tenir debout ou éveillés.
00:58 30 mais au départ sur l'épave de radeau qui les a conduits là, ils étaient 81, une cinquantaine sont mort en chemin, mon dieu.
01:04 Ce sont les rescapés du Wager, ce navire britannique disparu depuis près d'un an.
01:08 Allez les gars, votre cauchemar est terminé, on va s'occuper de vous. Ouf ! Oui mais six mois plus tard,
01:13 sur un radeau encore plus petit, doté d'une voile faite de vieilles couvertures, trois hommes encore, trois survivants, accostent à leur tour.
01:19 - Et eux aussi viennent du Wager. - Oui, mais ils accusent les premiers d'être des menteurs, des escrocs et surtout des mutins.
01:25 Et chacun maintient sa version, des cours martials se tiennent, chacun risque de descendre dans la rue du chambre,
01:30 comme on disait, c'est-à-dire la pendaison.
01:33 David Graham reprend toutes les pièces du dossier, il fouille les archives, il recoupe les témoignages, il a retrouvé des pièces inédites.
01:38 Et il s'attache en particulier au récit de John Byron, le grand-père du poète Lord Byron,
01:44 jeune officier subalterne sur le Wager, et on apprend comment le Wager faisait partie d'une escadre
01:49 de cinq navires qui poursuivait le trésor d'un gallion espagnol.
01:52 Comment il a été pris dans une tempête dantesque au Cap Horn, comment ils ont échoué sur une toute petite île au large de la Patagonie,
01:58 et comment cette île a confisqué leur âme en les transformant en bêtes et en cannibales.
02:03 - Très joliment dit. - C'est un roman, une enquête sur l'humain, sur la vérité aussi, les versions s'affrontent, et c'est aussi un récit addictif,
02:10 incroyable, traduit par Johann Friedrich Elgage.
02:14 - Eh bien, garçon ou fille ? - Garçon.
02:17 Les naufragés du Wager, donc David Graham aux éditions du sous-sol, et on pense très fort
02:22 au radeau de la méduse, le fameux tableau de Géricault. Oh la belle transition !
02:27 Avec Marie Gickel, qui a une idée de sortie, avv pour vous, direction Caen et son musée des beaux-arts,
02:33 pour une exposition sur Méduse, alors non pas l'animal, mais la créature de la mythologie grecque aux cheveux de serpent, vous savez qui d'un regard
02:41 pétrifie, elle inspire Méduse l'art depuis l'Antiquité Marie.
02:45 Une ambiance envoûtante, une inquiétante
02:47 étrangeté flotte dans ce parcours, avec tout de même une quête ludique, trouver Méduse dans la soixantaine d'oeuvres exposées.
02:54 Méduse, pour rappel, c'est cette jeune femme punie d'avoir passé la nuit avec Poséidon, punie par Athéna, qui la condamne à avoir cette chevelure
03:02 diabolique avec ses serpents, et donc la transforme en monstre. Méduse, avec ses yeux exorbités,
03:07 apparaît sur ses vases antiques ou dans ses tableaux de Rubens, mais les sculptures restent les oeuvres les plus
03:14 impressionnantes de l'exposition, comme ce buste du sculpteur italien Le Bernin, un buste en marbre
03:19 surplombé par cette coiffe avec de multiples serpents bien ciselés.
03:24 Le visiteur a l'impression qu'il bouge. On va écouter Emmanuelle Delapierre, la directrice du musée des beaux-arts de Caen.
03:30 "C'est un thème qui intéresse beaucoup les sculpteurs. En quelque sorte, chaque sculpteur est une Méduse en puissance.
03:36 Chaque sculpteur pétrifie son modèle, le change en pierre, et c'était là le pouvoir de Méduse. Et Le Bernin, notamment,
03:42 avec ce buste, en joue, puisqu'il représente Méduse, non pas dans le temps qui suit sa décapitation par percées, mais dans le temps de sa
03:49 métamorphose, puisque Méduse au départ est une très belle jeune femme avec des longs cheveux.
03:53 Bernin montre cette jeune fille qui est en train de sentir
03:57 sur sa tête les cheveux se transformer en serpents. Donc il y a un double mouvement d'horreur et d'épouvante,
04:02 celui ressenti par Méduse et celui que nous nous ressentons face à elle."
04:05 Méduse est aussi une figure poétique,
04:07 saviez-vous que c'est selon la mythologie, toujours grâce à Méduse, que les coraux existent ? Son sang déversé dans la mer aurait
04:14 pétrifié les algues, devenu donc nos coraux. Et puis c'est Méduse qui a donné son eau aux animaux. Bref, on referme cette parenthèse zoologique.
04:22 L'exposition se termine avec une œuvre déroutante, contemporaine, celle de l'argentin Garbati. Une sculpture de Méduse
04:29 guerrière tenant la tête de percée. Les rôles sont inversés.
04:34 Méduse exposition à voir jusqu'au 17 septembre. C'est donc au musée des beaux-arts de Caen.
04:40 Voyez comme quoi tout ne se passe pas à Paris, tant mieux. Dépêchez-vous d'aller
04:43 rencontrer le monstre.
04:45 Garantie sans pétrification. - Ah ça va, on risque rien.