• l’année dernière
Transcription
00:00 Un thriller social de plein pied dans la réalité, c'est le pari de Nicolas Cilolle dans son nouveau film "Anti-Squat".
00:05 Je m'appelle Inès Viviani, je me vois bien en property manager chez Anti-Squat.
00:09 Je ne connaissais pas la protection par l'occupation.
00:12 C'est quelque chose qui a du sens, donc j'ai tout de suite sauté sur votre annonce.
00:15 Le rôle du resident manager, c'est de recruter les résidents.
00:20 Ceux qui payent la caution tout de suite, vous pouvez rentrer, les autres vous partez.
00:23 Les installer dans l'immeuble et s'assurer qu'ils ont bien compris le règlement.
00:26 Le film sort quelques semaines seulement après la promulgation d'une loi qui faisait qu'on pouvait louer de manière un petit peu détournée
00:33 des logements vides à des gens précaires pour éviter que ces logements soient squatés.
00:37 Et c'est ce que raconte assez magistralement le film de Nicolas Cilolle à travers un personnage d'une agente immobilière
00:44 qui se retrouve elle aussi dans la précarité.
00:45 Le seul boulot qu'elle arrive à trouver, c'est de bosser pour cette entreprise qui s'appelle Anti-Squat.
00:49 Les managers sont soumis aux mêmes règles que les résidents.
00:51 Pas le droit de s'absenter plus de deux jours sans autorisation.
00:54 Pas plus de deux invités.
00:55 Pas de fête.
00:56 Pas d'enfant.
00:57 Pas d'enfant.
00:58 Poser un regard un peu clinique, un peu froid sur le cynisme du monde du travail, du monde du logement, sur la précarité,
01:07 c'est le parti pris de Nicolas Cilolle et le début du film est très réussi.
01:12 C'est-à-dire que ce soit Inès face à son propriétaire qui veut la virer de son logement,
01:17 face à son ordinateur où elle passe un entretien d'embauche,
01:22 c'est quasiment une machine qui lui pose des questions.
01:24 Elle répond à un ordinateur.
01:26 Enfin, voilà, cette déshumanisation complète, on la sent très bien dans le film.
01:30 Malheureusement, ça dure très peu de temps.
01:32 Et ce que je reprocherais au film, c'est qu'au bout d'une demi-heure, on a compris où il allait et on ne va pas se tromper.
01:39 Marie est très sévère.
01:40 Oui.
01:41 Le film n'est pas si prévisible que ça.
01:42 Et c'est ça que j'aime bien dans le film.
01:43 C'est qu'on devine un petit peu l'itinéraire que vont avoir cette mère et ce fils.
01:49 Et c'est un petit peu plus complexe que ce que Marie laisse entendre.
01:51 C'est à dire qu'il y a quand même vraiment de l'incompréhension qui va rester jusqu'au bout.
01:55 Une fin assez ambiguë sur le rapport.
01:57 Est-ce qu'il y a à sa mère, est-ce qu'il y a vraiment une fracture définitive entre les deux ?
02:02 Est-ce qu'il y a encore de la compréhension ?
02:04 Est-ce qu'il y a encore de la complicité entre les deux ?
02:05 Je trouve que la fin est assez subtile là-dessus.
02:07 T'as bien dîné ?
02:10 Ouais, j'ai mangé chez Jules.
02:11 Sa mère dit que tu m'as abandonné.
02:12 C'est nous ou eux ? C'est ça ?
02:14 On a bien compris, elle va devenir petit à petit inhumaine.
02:17 En même temps, il ne faut pas qu'elle le soit trop.
02:19 Donc il y a une espèce comme ça d'équilibre
02:22 où il faut à la fois la sauver un peu, cette héroïne,
02:26 et puis à la fois montrer qu'elle ne peut pas s'en sortir.
02:29 Du coup, on va charger les personnages secondaires.
02:32 Donc le patron, la patronne deviennent des tickets comme ça,
02:37 ou des trucs au néon.
02:38 "Attention, je suis le grand méchant patron très cynique
02:41 qui va te dire des choses épouvantables auxquelles on finit par ne presque plus croire."
02:46 Il y a des moments assez formidables
02:48 qui sont sans arrêt surlignés par la mise en scène.
02:51 Par exemple, son gamin, Adam, 14 ans, il aime le rap,
02:54 et il écrit une chanson assez émouvante qui s'appelle "La vie des gens".
02:58 Ils sont sur un toit d'immeuble et il se met à lui raper sa chanson.
03:02 Et l'émotion prend jusqu'au moment où quoi ?
03:06 Jusqu'au moment où la caméra vient pile sur les yeux de Louise Bourgoin
03:09 pour nous montrer qu'elle a les larmes qui lui montent aux paupières,
03:13 au cas où nous, on n'aurait pas compris que ce qui se jouait là, c'était assez émouvant.
03:17 C'est ça que je reproche au film.
03:18 Finalement, on en vient à se dire, bon ben ok,
03:20 mais c'est quand même vraiment du sous-sous Ken Loach,
03:22 et qui n'a jamais ni le punch, ni le suspense.
03:26 C'est un des travers du cinéma social français,
03:29 c'est-à-dire un film à sujet où le scénario fait tout le taf,
03:33 quitte à forcer un peu pour que ça rentre.
03:36 "Je peux pas les renvoyer comme ça."
03:37 "Il y a plein de moyens pour faire partir des gens."
03:39 "C'est qui ces mecs ?"
03:40 "C'est toi qui t'es mise toute seule dans la merde."
03:42 "Bon !"
03:43 Le film a quelques défauts dans la caractérisation des personnages secondaires,
03:47 et en même temps, c'est intéressant de voir le panel de résidents
03:51 qu'a "recruté" le personnage d'Inès,
03:54 parce que Marie l'a dit, il y a un prof,
03:55 et il est fonctionnaire, mais donc il n'a pas les moyens de se payer un logement décent.
03:59 Il y a une infirmière aussi qui est dans la même situation.
04:01 Il y a un chauffeur Uber.
04:02 Voilà, donc c'est une espèce de panorama de la société,
04:04 alors qu'on pourrait dire peut-être un peu trop typé,
04:06 mais moi je le trouve très très intéressant pour dire que la précarité
04:08 concerne finalement un petit peu tout le monde,
04:11 et la morale du film, qui est quand même assez sinistre,
04:14 mais en même temps c'est bien qu'elle soit dite dans un film plutôt grand public,
04:17 et en même temps assez divertissant par son côté film à suspense,
04:20 c'est que dans le monde actuel,
04:22 les précaires pour s'en sortir doivent exploiter les gens qui sont encore plus précaires qu'eux.
04:27 Donc voilà, c'est un film un peu difficile pour ça,
04:29 mais qui en même temps a le grand mérite d'exister et d'être assez prenant.
04:32 "Anti-squat", c'est très bien.
04:34 Pour moi "Anti-squat", c'est bof.
04:36 [Générique]

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