Le spécialiste du Moyen-Orient et de l’Islam contemporain, Gilles Kepel, était l’invité de #LaGrandeInterview de Sonia Mabrouk dans #LaMatinale sur CNEWS, en partenariat avec Europe 1.
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00:00 C'est la grande interview sur CNews et Europe 1. Bonjour à vous Gilles Kepel.
00:04 Bonjour.
00:05 Et bienvenue, vous êtes professeur des universités, politiste, arabisant.
00:09 Votre tout dernier livre à paraître demain s'intitule "Prophète" en son pays aux éditions L'Observatoire.
00:16 On ne va beaucoup pas en parler, c'est un livre qui résonne avec l'actualité
00:19 puisque vous avez identifié, Gilles Kepel, très tôt, depuis de nombreuses années,
00:22 les mouvements islamistes, les offensives islamistes, alors qu'aujourd'hui on parle beaucoup de l'Abaya.
00:29 À ce sujet, Gilles Kepel, la rentrée s'est globalement bien passée en cette première journée.
00:33 Il y a eu ici et là des incidents qui restent mineurs.
00:37 Est-ce que vous pensez qu'il peut y avoir là, à ce sujet, une offensive grandissante,
00:41 une massification du phénomène ou que ça va rester anecdotique selon vous ?
00:45 Vous savez, il y a 20 ans exactement, j'étais membre de la commission Stasi.
00:50 Ça me rappelle des temps lointains, mais la situation est assez semblable.
00:56 À la fin des travaux de la commission Stasi, nous avions préconisé,
01:01 je m'étais beaucoup impliqué là-dessus parce qu'avec le regretté Mohamed Harcoun,
01:04 j'étais le seul arabisant de la commission et nous étions les seuls à comprendre
01:08 quelles étaient les logiques mises en place par les frères musulmans à l'époque de l'UOIF.
01:12 La commission n'existe plus, elle a changé depuis lors.
01:15 Et c'était une logique de rapport de force avec l'État.
01:18 Et à partir du moment où la commission a préconisé et le gouvernement de l'époque a suivi
01:26 la prohibition des tenues religieuses ostentatoires à l'école, les choses se sont arrêtées.
01:32 Puisque l'organisation en question n'arrivait plus, si vous voulez, à utiliser le port du voile
01:39 pour faire pousser ses propres arguments politiques.
01:43 Et du coup, les chefs d'établissement ont pu pendant les années suivantes
01:48 vaquer à leurs occupations normales au lieu de passer leur temps à faire du contentieux.
01:52 Vous pensez que ça va être le cas avec la BANIA ?
01:54 Ce que vous m'apprenez là indique que le tour de vis que donnait M. Attal a une efficace.
02:02 Puisque le port de la BANIA à l'école, comme celui du voile à l'époque de l'UOIF,
02:08 a pour but de tester les limites.
02:10 Et ça s'inscrit aujourd'hui dans une stratégie que le salafisme appelle en arabe
02:15 "al-walaa wal-baraa", c'est-à-dire l'allégeance et la rupture ou le désaveu.
02:20 C'est-à-dire on fait allégeance à la loi divine telle que les salafistes l'imaginent
02:25 et la manière très rigorise dont ils la voient.
02:28 Et on rompt avec les lois des mécréants qui sont celles de la République
02:32 pour essayer de marquer un territoire, de rompre,
02:35 de faire en sorte qu'au lieu de prôner l'intégration républicaine,
02:39 c'est-à-dire que ce qui nous rassemble, quelles que soient nos origines,
02:43 est plus important que ce qui nous divise,
02:45 on essaye de favoriser ce que le président de la République appelait,
02:49 en d'autres termes, le séparatisme.
02:50 - Marquer un territoire, dites-vous, Gilles Kepes,
02:53 c'est-à-dire il y a une volonté aussi d'appropriation territoriale
02:56 à travers ce vêtement que vous qualifiez, vous, évidemment, de religion.
03:00 - Alors, appropriation territoriale, oui, et aussi de territoire virtuel,
03:05 parce qu'à l'époque de l'UOIF, il y a 20 ans, il n'y avait pas de réseaux sociaux.
03:09 Aujourd'hui, tout ça fait partie d'une espèce d'atmosphère du salafisme,
03:12 du djihadisme, qui est répercutée à longueur de prédications
03:17 par des groupes d'imams itinérants.
03:19 Il faut bien voir que la mouvance islamiste politique,
03:21 aujourd'hui, en France, est en état de faiblesse.
03:23 Après ce qu'on appellerait en arabe "marhalat el-estedraf",
03:26 c'est-à-dire après l'époque de Daesh,
03:30 où il y a eu la violence avec presque 300 morts et plus de 1 000 blessés,
03:36 aujourd'hui, les coups portés font que les djihadistes se dissimulent,
03:42 sont plus prudents, avancent à pas compter.
03:45 Et donc, de ce fait, il y a la volonté de construire
03:49 une espèce d'atmosphère de rupture.
03:51 Donc la baïa rentre dans le djihadisme d'atmosphère
03:53 que vous aviez théorisé.
03:55 La baïa, forcément, plutôt, disons, le salafisme d'atmosphère,
03:58 c'est-à-dire, quand on porte la baïa,
04:01 on n'est pas nécessairement, souvent pas, dans une logique de violence,
04:04 mais dans une logique de rupture, et avec les mécréants.
04:09 Si vous voulez, on se distingue de ce qu'on appelle les kofars,
04:11 les mécréants ou les mortades, c'est encore plus compliqué.
04:14 C'est-à-dire ce qu'on considère comme mauvais musulmans.
04:16 Et à la commission, on s'est dit déjà, nous avions œuvré pour éviter,
04:20 justement, que les jeunes filles d'origine musulmane
04:24 ne se retrouvent prises en otage par les militantes qui leur disaient,
04:28 si tu ne portes pas le voile, tu es une mauvaise musulmane.
04:32 - Et Gilles Kepel, si on vous entend, l'interdiction va donner
04:34 un coup d'arrêt, j'allais dire, dans les faits, concrètement,
04:36 mais dans les têtes, comment on fait ?
04:38 Parce que là, on parle de l'uniforme,
04:39 mais comment on fait quand des adolescentes françaises,
04:42 certes de confession musulmane, ne veulent pas ou ne veulent plus
04:45 partager les mœurs de leur propre pays,
04:47 quel que soit d'ailleurs l'origine ou le pays d'origine
04:49 de leurs parents ou grands-parents ?
04:50 Comment on fait quand elles refusent les mœurs et l'esprit
04:53 de la loi française ?
04:55 - Il y a deux choses différentes.
04:56 D'abord, là, on parle de l'école.
04:58 Est-ce qu'on maintient un espace de l'école,
05:02 un espace éducatif républicain où les choses sont les mêmes pour tous ?
05:05 Et la contrepartie, l'école sans sanctuariser,
05:09 c'est la création depuis lors.
05:11 Et j'ai vu dans l'un des jours de votre groupe
05:13 que ça s'était beaucoup développé depuis lors,
05:16 des écoles confessionnelles hors contrat,
05:19 de diverses confessions.
05:20 Du reste, il y a les musulmans, des juifs,
05:22 des catholiques "intégristes".
05:25 Et bien sûr, ça, c'est un problème, mais à la limite,
05:28 ça, c'est le choix des parents et éventuellement des enfants.
05:31 Là, on parle d'une chose déjà qui est assez importante,
05:34 qui est l'école de la République.
05:36 Et c'est dans celle-ci que le mélange s'effectue,
05:42 le "melting pot", pour comprendre d'un terme anglais,
05:44 s'effectue pour faire en sorte qu'à la suite,
05:47 quelle que soit la confession des uns et des autres,
05:50 le partage d'un espace commun, d'une affirmation...
05:55 - Qui est à le mettre dans les têtes, dans les esprits,
05:56 quand ce salafisme d'atmosphère est en train d'infuser.
06:00 Hier, à la fois sur Europe 1 et sur CNews,
06:02 nous avons recueilli des témoignages de jeunes filles qui affirment
06:05 que c'est un problème, mais moi, je vais continuer à le porter.
06:07 Je vais quand même tester et je le porte
06:09 parce que ce n'est pas un vêtement religieux,
06:11 c'est par tradition, c'est culturel.
06:13 Comment on répond à ça ?
06:14 - Alors, j'allais vous répondre là-dessus.
06:16 En fait, ça n'est pas un vêtement musulman au sens propre,
06:20 puisque on peut être musulman,
06:23 tout à fait croyant et respectueux de la foi dans sa tête et son esprit,
06:29 sans se vêtir avec une abaya.
06:31 Qu'est-ce que c'est que l'abaya ?
06:32 L'abaya, en arabe, ça veut dire vêtement,
06:35 simplement robe ou féminin, principalement.
06:38 C'est quelque chose qui a été imposé par le wahhabisme saoudien
06:42 avant Mohammed bin Salmane.
06:43 Aujourd'hui, ce n'est plus du tout obligatoire en Arabie saoudite.
06:47 - Donc en Arabie saoudite, ce n'est plus obligatoire.
06:49 On en voit de moins en moins quand on en voit en France.
06:51 - Voilà.
06:52 - Ça mérite d'être souligné quand même.
06:54 - Oui, cet été, sur la côte d'Azur, encore à l'aéroport de Nice,
06:57 j'étais assis au salon à côté de deux Saoudiennes
07:00 en minishorts et en débardeur,
07:03 qui se filmaient avec un selfie très performant.
07:06 J'ai discuté avec elles en arabe.
07:08 C'était la surprise qu'un khaouaga, comme ils disent, parle arabe.
07:12 Et elles m'ont dit, nous, on n'en a rien à faire,
07:14 on est ici pour la liberté, etc.
07:16 Et effectivement, vous aviez ailleurs des dames,
07:18 probablement françaises, d'origines diverses,
07:21 qui, elles, étaient non seulement avec cette robe,
07:23 mais aussi avec un voile sur la tête et le masque sanitaire
07:28 sur la figure pour tourner l'interdiction
07:31 de la dissimulation des voyages en public,
07:34 et d'énormes lunettes.
07:35 Alors, les lunettes de soleil et le masque sanitaire
07:38 ne sont pas un vêtement religieux.
07:40 - On a bien compris que c'est pour dissimuler la face et les formes du corps.
07:42 - Donc, si vous voulez, le législateur, bien sûr,
07:47 a besoin de s'adapter à ce genre de choses.
07:49 Il faut aussi trouver un moyen terme.
07:52 Mais l'important, en l'occurrence, c'est l'école.
07:56 C'est la première chose, c'est l'école.
07:58 - Mais après, est-ce que c'est une génération ?
08:01 Parce qu'on entend d'autres experts.
08:03 Je cite par exemple Florence Bergeau-Blackler,
08:05 ici même, sur CNews, dans l'émission de Mathieu Bocote,
08:09 qui a parlé d'une génération halal, "way of life".
08:12 C'est-à-dire, quand même, une partie de cette troisième génération,
08:16 aujourd'hui, de ces enfants français, de confession musulmane,
08:20 dont les parents ou les grands-parents étaient originaires,
08:22 soit d'Algérie, de Tunisie ou de Maroc,
08:24 qui sont aujourd'hui, non pas endoctrinés,
08:26 mais qui partagent des mœurs qui ne sont pas les mœurs françaises
08:29 et qui ont envie de s'y attacher.
08:31 - Oui, alors ça, j'avais observé ça dans mes travaux de recherche,
08:35 puisque quand j'étais à Clichy-Montfermeil, en 2010,
08:38 pour étudier les phénomènes qui avaient suivi
08:41 l'explosion des émeutes dans les banlieues, justement,
08:44 on avait fait une enquête et on demandait notamment,
08:47 est-ce que vous acceptez que vous ou vos enfants
08:49 soient invités à déjeuner ou à manger chez un non-musulman ?
08:53 En 1985, lors d'une précédente enquête,
08:55 personne ne parlait du halal.
08:56 Il y avait un refus du porc et de l'alcool par certains,
09:00 mais la plupart disaient, bien sûr, ce n'est pas un problème.
09:02 Et là, ce qui nous a beaucoup frappés,
09:04 c'est l'explosion de ce que j'ai appelé
09:06 l'extension de l'espace du halal,
09:09 qui, effectivement, s'est répandue avec également
09:11 tout un modèle économique sur lequel Mme Laclaire a travaillé,
09:15 et du reste, de boucherie, de commerce, etc.,
09:18 qui ont eu pour but de construire une économie communautaire.
09:22 Alors, ça, ça fait partie de la liberté.
09:26 On peut le déplorer ou s'en réjouir, mais...
09:28 - Mais vous le constatez depuis un certain temps.
09:30 - Absolument, oui, ça, c'est complètement vrai.
09:31 Et effectivement, c'est souvent le cas de jeunes
09:35 de la troisième génération, si j'ose dire,
09:37 dont les parents ne respectaient pas du tout le halal,
09:40 respectaient l'interdiction du porc.
09:41 Et c'est effectivement, c'est l'influence à l'époque
09:45 de la diffusion des idées des frères musulmans un peu partout
09:49 qui a permis de transformer les choses.
09:52 Alors, effectivement, on en a des effets jusque dans l'école,
09:55 mais l'école n'est pas contrainte d'y céder.
09:57 Et je crois que les décisions du ministre, du coup,
09:59 ont eu les conséquences.
10:00 - Gilles Kepel, nos auditeurs, nos téléspectateurs
10:03 vous connaissent bien et c'est ce qu'on apprend.
10:05 On l'apprend, mais en tous les cas, on est conforté
10:07 dans ce livre qui s'intitule "Prophet en son pays".
10:10 Vous êtes un pionnier véritablement dans l'analyse
10:12 des mouvements islamistes.
10:13 Très tôt, vous avez face au déni, à l'incrédulité de beaucoup.
10:17 Alors, ce qui est incroyable, c'est qu'on vous a à la fois
10:19 accusé d'être le cheval de Troie de l'islamisme
10:22 et à la fois d'être, je le mets entre guillemets
10:24 parce que je ne reprends pas cette expression ni cette insulte,
10:28 on vous a dénoncé comme étant islamophobe.
10:31 Donc cheval de Troie de l'islamisme, islamophobe.
10:33 - Si j'ose dire, nul, les prophètes en son pays.
10:36 - N'est-ce pas ?
10:37 - Tout à fait, oui, au début, en Égypte, effectivement.
10:40 Ce livre commence en 1980.
10:41 Quand je commence, j'ai 25 ans et je commence ma vocation,
10:45 je vais faire ma thèse.
10:46 - Personne ne comprend à l'époque où vous vous intéressiez
10:47 à ces mouvements islamistes à l'époque.
10:49 - Voilà, et c'est d'ailleurs votre serviteur qui a créé
10:51 ce terme en français de mouvements islamistes,
10:53 ce qui est la traduction de l'arabe "haraka islamaya",
10:56 mais que j'ai mis en "iste" pour montrer,
10:58 alors que la traduction serait "islamique",
11:00 mais pour montrer que c'est un mouvement politique.
11:02 Et ce qui était assez amusant, c'est qu'effectivement,
11:05 moi j'appartenais, j'étais...
11:06 - Vous dites amusant, je vais rappeler quand même
11:09 que votre vie, votre parcours a été gêné de menaces,
11:12 de condamnations, de morts par Daesh.
11:14 Alors vous le prenez avec philosophie,
11:15 mais c'est ça que vous portez comme bagage aussi.
11:18 - Oui, sur le moment, ce n'est pas facile à vivre,
11:20 effectivement, mais bon, après, de toute façon,
11:22 vous savez, comme on dit, ce qui ne tue pas renforce.
11:26 Et donc aujourd'hui, en plus, comme je suis à la fin
11:29 de ma carrière et que l'université me pousse dehors
11:31 le plus vite possible pour mettre à ma place
11:33 des enseignements wokistes, je me sens dans une totale liberté
11:37 pour m'exprimer.
11:38 - On pousse aujourd'hui Gilles Kepel,
11:40 le duo de ses études, pour le remplacer, si je puis dire.
11:42 - Par des masters, des colonialistes, oui, c'est ça.
11:46 Mais pour revenir à l'Égypte, ce qui était très frappant
11:49 à l'époque, c'est que quand je vais étudier
11:51 ces mouvements islamistes, parce que j'avais lu,
11:53 en fait, dans Le Monde, qui était un journal
11:55 beaucoup plus plural à l'époque, qu'il est devenu aujourd'hui,
11:58 une enquête sur ces jeunes gens qui portaient la barbe
12:01 à l'université.
12:02 Nous, dans les milieux gauchistes, il y avait des gens
12:04 qui portaient la barbe, en France, mais c'était la barbe
12:06 de Che Guevra, si vous voulez.
12:07 Et remarquez, aujourd'hui, entre la barbe de Médine
12:10 et celle de Jalil Baghar, peut-être qu'il y a
12:12 des congruences.
12:14 Et on m'avait dit "mais qu'est-ce que tu vas étudier
12:16 ce genre de choses ? Ce sont des fascistes,
12:17 ce sont des agents de la CIA, antinatériens,
12:20 et du reste, toi-même, est-ce que tu n'es pas
12:23 un agent de l'extrême droite pour étudier
12:25 ce genre de choses ?" Et quand j'ai publié...
12:28 Et après, ces mouvements ont été récupérés
12:30 par une partie de la gauche tiers-mondiste,
12:33 et du coup, je suis devenu l'ennemi de l'humanité
12:35 parce que je gardais une distance critique
12:38 par rapport à eux.
12:39 Moi, mon propos, c'était de comprendre
12:41 comment les choses fonctionnent de l'intérieur.
12:42 C'est pour ça que j'ai appris l'arabe.
12:44 Ça fait 40 ans que je le pratique.
12:46 Je n'arriverai jamais à le connaître parfaitement.
12:48 Vous savez, les arabes lisants qui ne sont pas nés arabes
12:50 disent ce qu'ils peuvent dire de mieux d'un autre,
12:52 c'est "il sait de l'arabe".
12:54 - Bien sûr, mais vos thèses et vos études
12:55 ont infusé un peu partout.
12:57 Je voudrais qu'on regarde ensemble, Gilles Keppel,
12:58 cette une de Charlie Hebdo, qui met sur le même plan
13:02 les mollahs iraniens et une partie de la gauche,
13:05 disons-le, la France insoumise, tous les deux
13:08 dénonçant la police du vêtement.
13:10 Je vois à votre sourire que vous êtes Charlie.
13:12 Est-ce qu'elle vise juste cette une ?
13:15 - Écoutez, moi, j'ai été quand même assez stupéfait
13:18 par l'affaire Médine, par cet espèce de pacte de Médine,
13:21 si j'ose dire, qui a été signé avec le rappeur,
13:25 le hipster islamiste Salafiste, comme je l'avais qualifié,
13:29 parce que j'avais étudié ses textes dans mon livre...
13:30 - Vous avez vu qu'il dit aujourd'hui
13:31 qu'il est le premier combattant de l'antisémitisme.
13:34 Vous n'y croyez pas ?
13:35 - Écoutez, d'abord, qu'il commence par cesser
13:37 de faire des jeux de mots ignobles
13:39 sur le patronyme de Rachel Khan,
13:41 en faisant résonner ça avec le camp de concentration.
13:44 - Il va essayer.
13:45 - Ça me semble quand même étonnant.
13:47 Et donc...
13:48 Mais ça ne me surprend pas énormément,
13:51 quand je connais, moi qui suis un ancien trotskiste
13:55 d'une secte opposée à celle de Jean-Luc Mélenchon,
13:58 dès cette époque, ce qu'on appelait le trotskisme lambertiste,
14:02 c'était une sorte de salafisme du trotskisme,
14:04 si vous voulez, qui prenait les choses à la lettre,
14:07 qui faisait de l'antrisme dans les autres organisations.
14:09 - Vous ne reconnaissez plus Jean-Luc Mélenchon ?
14:10 - Ah non, j'étais jamais de sa secte à lui.
14:12 - Vous entendez quand même une partie de l'opposition,
14:14 en tous les cas l'ERN, qui parle de la France islamiste
14:17 en parlant de la France insoumise ?
14:18 - Oui, ou la France soumise, certains disent aussi.
14:20 - C'est le cas pour vous ?
14:22 - En tout cas, je ne veux pas porter de jugement de valeur,
14:25 mais il me semble que là, il y a quand même un problème majeur
14:28 par rapport aux idéaux qui étaient celles de la gauche,
14:31 peut-être d'hier,
14:33 c'est-à-dire de l'émancipation de l'humanité.
14:37 Et là, l'objectif, c'est bien plutôt au contraire
14:39 de flatter un vote communautaire,
14:42 non pas pour faire des divisions, la lutte des classes,
14:46 comme autrefois, mais plutôt une opposition identitaire
14:50 à l'intérieur de la société,
14:51 et profiter d'une fracture identitaire qu'on exacerbe.
14:55 Et ça, évidemment, c'est quelque chose qui, je crois,
14:57 met très mal à l'aise la gauche française.
15:01 À mon sens, ça va faire monter énormément de l'autre côté.
15:04 Et c'est un peu le dilemme dans lequel on se trouve confrontés aujourd'hui.
15:08 - C'est un immense défi, évidemment.
15:09 Vous en parlez, parce qu'on voit aussi à travers ce livre
15:12 l'évolution de la gauche prophète en son pays.
15:14 Je vous remercie, Gilles Kepel, à paraître demain aux éditions,
15:18 l'Observatoire, il y a beaucoup, beaucoup de choses
15:20 sur votre parcours également.
15:22 Je vous remercie, je vous souhaite une très bonne journée.
15:23 C'était ma grande interview sur CNews Europe.
15:25 Merci encore. - Merci à vous.
15:27 - Merci à vous.
15:29 (Générique)
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