Russie : que retenir de la rencontre entre Erdogan et Poutine à Sotchi ?

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Transcript
00:00 On retiendra cette phrase qui résume finalement cette rencontre,
00:03 cette phrase de Vladimir Poutine, c'est l'Ukraine qui a jeté cet accord à la poubelle.
00:07 L'espoir de voir cet accord autour des céréales reconduire, ressusciter, il ne faut plus y compter du tout.
00:13 "Nous ne le ressusciterons pas", ont dit les Russes par la voix de leur président tout à l'heure.
00:18 C'est-à-dire, c'est un peu le serpent qui se mord la queue cette affaire-là,
00:22 parce que dans les faits, vous voyez bien que la Russie n'a pas renouvelé cet accord depuis, je crois...
00:28 Le 17 juillet dernier.
00:29 Et que ça n'a pas changé grand-chose, c'est-à-dire qu'au fond, les exportations ukrainiennes peuvent avoir lieu,
00:37 qu'en théorie, les exportations russes peuvent également avoir lieu,
00:41 simplement quand elles sortent du périmètre de cet accord,
00:45 c'est-à-dire, en gros, la mer Noire et la sortie des ports ukrainiens,
00:50 eh bien, les marchandises russes sont soumises à l'embargo.
00:54 Et qu'il y a quelque chose qui a été décidé indépendamment de cet accord céréalier.
01:00 Donc, ça ne veut pas dire que les Russes ne peuvent pas produire, ne peuvent pas exporter,
01:03 ça veut dire simplement que compte tenu des mesures qui ont été prises à l'encontre de l'agression russe...
01:11 - Des sanctions, vous voulez dire ?
01:12 - Des sanctions, bien sûr.
01:13 Il y a cet empêchement.
01:15 D'où la volonté pour la Russie de mettre cet accord à la peine,
01:19 sans que pour autant, et vous aurez remarqué qu'il n'y a pas eu d'agression russe vis-à-vis de navires,
01:25 tout simplement parce que s'il y en avait une,
01:27 Vladimir Poutine aurait beau jeu, après, de faire appel à ce qu'il appelle ses grands amis africains,
01:32 qui tout d'un coup ont une importance capitale pour lui,
01:35 notamment la faim dans le monde, ça ne l'avait pas effleurée, mais tout d'un coup ça l'effleure.
01:38 - Il le met en avant.
01:39 - Et évidemment que si des navires russes prenaient pour cible des exportations de céréales fustelles ukrainiennes,
01:46 ça serait un scandale sur le dos des Russes.
01:48 Donc il n'y a pas empêchement, il y a simplement le fait que la Russie, de part le jeu des sanctions, est empêchée,
01:55 et que d'un autre côté, les céréales ukrainiennes, par exemple,
01:59 lorsqu'elles parviennent en Europe, puisque c'est leur destination première et principale,
02:02 elles sont ensuite répercutées vers l'Afrique.
02:04 Et ça, Poutine ne peut pas l'admettre, parce que c'est lui manger en quelque sorte son gâteau sous les yeux,
02:10 puisque lui veut être non seulement le principal fournisseur de l'Afrique,
02:14 mais aussi cette espèce de panache blanc de l'Afrique anticoloniale, vous vous souvenez des propos qu'il a tenus.
02:24 Et donc il est très important pour lui de ne pas perdre la face dans cette affaire,
02:28 parce que sinon les Africains se diront "finalement les céréales ukrainiennes, elles ont la même odeur que les céréales russes".
02:34 - Est-ce qu'il n'y en a pas un qui a perdu la face aujourd'hui ?
02:36 C'est le président turc qui se pose en médiateur depuis le départ.
02:39 Il a fait, avant cette prise de parole, il avait promis de faire une annonce cruciale, importante,
02:44 et puis finalement tous ces efforts, cette initiative, c'est un échec pour l'instant.
02:48 - Alors, à moins qu'on ne sache pas tout, parce que les deux hommes n'ont peut-être pas tout dit dans cette conférence de presse,
02:55 il en a connu d'autres, des échecs entre guillemets Erdogan.
02:59 Il sait toujours se relever même des choses les plus imprévisibles.
03:03 Il a un atout, qui est à la fois un risque, mais un atout dans sa besace,
03:08 et c'est ce grand écart permanent qu'il fait entre justement la Russie, entre l'Ukraine,
03:13 en se présentant comme un médiateur.
03:15 Et le médiateur, vous savez, il a un avantage, c'est que finalement, il peut toujours dire "ce n'est pas moi".
03:20 "Moi, je suis plein de bonne volonté, j'ai fait tout ce que je pouvais, c'est l'autre".
03:24 Alors c'est un tel ou c'est l'autre, ou ce sont les deux.
03:26 "Mais moi, vraiment, je n'y suis pour rien".
03:28 C'est-à-dire que vous verrez très rarement un médiateur dire "j'ai été nul".
03:32 - Ne pas s'engager, ne pas promettre de faire une annonce tonitruante,
03:35 et au final, qu'est-ce qui a pu se passer lors de cet entretien privé ?
03:39 - Je ne sais pas, si vous voulez, par exemple, on peut imaginer que pour Vladimir Poutine,
03:43 la situation est compliquée sur ce plan des céréales,
03:46 et qu'il ne voudrait surtout pas donner l'impression,
03:49 c'est le grand président turc qui dénoue l'affaire,
03:53 que lui, Poutine a quand même des choses à faire valoir en tant que grande puissance.
03:56 Mais encore une fois, je ne vois pas Erdogan plus gêné que ça.
04:00 Il pourra toujours dire que les circonstances n'étaient pas favorables,
04:04 ni d'un côté ni de l'autre, mais que lui est toujours prêt à faire assaut de bonne volonté,
04:09 et à acheter des armes à la Turquie et en fournir d'autres à l'Ukraine.
04:13 Alors, vous allez me dire que c'est très cynique, vous avez raison.
04:16 - C'est la réalité de la guerre telle qu'elle est.
04:19 On aura sans doute dans quelques instants, ou dans les heures qui viennent,
04:23 une réaction peut-être des Ukrainiens, du président notamment Zelensky,
04:27 le ministre des Affaires étrangères ukrainien tout à l'heure disait qu'il y aurait peut-être une rencontre après cet entretien
04:33 entre le président turc et le président ukrainien.
04:37 Est-ce que le président russe ne met pas aussi la pression sur les Ukrainiens en disant justement
04:42 "Voilà, c'est d'accord, nous on l'a respecté, eux ne l'ont pas fait, ils ont bombardé notamment en mer Noire".
04:47 Est-ce que dans tous les cas, ça ne crée pas une forme de pression ?
04:50 Dans tous les cas, ces 130 000 tonnes de céréales estimées cette année par le président russe,
04:55 il va bien falloir les exporter, sinon elles vont pourrir dans les entrepôts.
05:00 Est-ce que ce n'est pas une façon de mettre la pression sur le président ukrainien pour qu'il cède sur une question, sur l'autre ?
05:06 - Bien sûr, bien sûr, mais tout est bon, si vous voulez, pour mettre la pression sur les Ukrainiens.
05:13 En l'occurrence, dans la situation de l'Ukraine, les exportations de céréales sont capitales, même en temps de paix.
05:20 Alors a fortiori en temps de guerre, ce n'est pas l'Ukraine directement, c'est là qu'il y a le danger,
05:25 ce n'est pas l'Ukraine qui est à l'origine des sanctions.
05:28 Ce qui est à l'origine des sanctions, c'est la Russie qui a déclenché une guerre.
05:32 Il ne faut jamais perdre ça de vue, même si aujourd'hui...
05:35 - L'agresseur est un agresseur.
05:36 - Mais oui, l'agresseur est l'agresseur, même si aujourd'hui vous avez un Poutine qui est prêt justement,
05:41 d'ailleurs pour faciliter l'avenir, si tant est qu'il en est un,
05:45 mais pour faciliter l'avenir, il est prêt même avant à donner gratuitement aux Etats africains
05:50 une partie de cette production de céréales, à condition que cette production puisse y arriver.
05:56 D'où le recours éventuel à la Turquie, qui ferait espèce de plaque tournante pour redistribuer ses marchandises,
06:04 ou recours au Qatar, c'est-à-dire au fond, se mettre sur une position parallèle de l'Ukraine
06:09 qui exporte vers l'Union européenne, laquelle l'Union européenne retransmet et redistribue
06:16 un certain nombre, une partie de ses marchandises vers les pays africains.
06:20 - Merci Gauthier, merci pour cette analyse.

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