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Transcription
00:00Évoqué dans les journaux le retour des contrôles aux frontières en Europe, au Sahel c'est tout l'inverse.
00:05Le Mali, le Niger, le Burkina Faso annoncent une harmonisation des titres de voyage.
00:11Première étape, la création d'un passeport biométrique.
00:14Stéphane Ballon, vous nous avez rejoint. Bonjour à vous.
00:16Bonjour Julien.
00:17L'idée c'est quoi ? C'est de créer une zone de libre circulation entre ces trois pays ?
00:20Oui, c'est tout à fait cela. L'intention est très claire.
00:25D'ailleurs, si vous avez suivi, le Burkina Faso a annoncé il y a quelques jours le lancement d'un nouveau passeport.
00:32Je pense que cela rentre dans cet esprit-là.
00:35Le nouveau passeport du Burkina Faso qui ne mentionne plus aucune mention de la CEDAO.
00:42Parce que ce qu'il faut savoir c'est que quand on est ressortissant de la CEDAO, son passeport est émis par son pays.
00:48Mais derrière ce passeport, on a un logo de la CEDAO qui montre qu'on est membre de la CEDAO ressortissant et qu'à ce titre on peut circuler librement dans la région.
00:58Donc ce que font les pays membres de l'AES, c'est un passeport dans la même idée qui leur permet à leur population de circuler au sein des trois pays librement.
01:10Cela rentre, si vous voulez Julien, dans l'esprit de ce qu'ils veulent créer, une zone intégrée à côté de celle de la CEDAO.
01:20Parce que si vous vous souvenez, le 6 juin dernier, les trois chefs d'État du Burkina, du Mali et du Niger ont annoncé ce qu'ils appellent la création de la Confédération des États du Sahel.
01:34Et l'intention ici c'est d'aller au-delà de la coopération militaire et de toucher d'autres domaines de coopération, l'économie, la diplomatie.
01:44D'ailleurs, à cette époque, ça fait quelques semaines, c'était début juillet, ils avaient annoncé la création d'instances communes pour pouvoir mener à bien ce projet-là.
01:55Alors on parle de quoi ? On parle d'un Conseil des chefs d'État, on parle de l'équivalent d'un Conseil des ministres de la Confédération, on parle d'un équivalent d'un Parlement de la Confédération.
02:07Tout cela, c'est pour harmoniser leurs politiques à la fois sur le plan sécuritaire, économique et diplomatique.
02:13D'ailleurs, Assimi Goïta, qui est le président de la transition malienne et qui est aussi le président en exercice de cette Confédération, a prononcé un discours hier, c'est à ça que vous faisiez référence dans votre question.
02:24Il s'est félicité évidemment de ce qu'il qualifie de projet historique et a confirmé à cet effet des projets de développement comme la création d'un fonds d'investissement pour les trois pays pour financer des projets de développement.
02:39Il a confirmé également le lancement d'un fonds de stabilisation qui va permettre à ces économies de faire face à des chocs externes.
02:46Et il a également annoncé ce qu'il a appelé un média qui sera un média pour les trois pays. On est clairement dans la guerre informationnelle là.
02:58La question qui se pose, à supposer que ces trois pays parviennent à mettre en place une zone intégrée, la question qui se pose c'est vont-ils rompre définitivement avec la CDAO ?
03:11Ont-ils intérêt à cela ? Et s'ils décident à l'inverse de conserver des liens avec la CDAO, quelle nature ces relations peuvent avoir ?
03:22Parce que quand vous écoutez les analystes, ce qu'ils disent c'est qu'une région intégrée avec ces trois pays là peut exister au sein d'un ensemble plus large qui serait la CDAO.
03:35Et je pense qu'ils n'ont pas tort.
03:37On va reparler de la CDAO, mais vous le disiez à l'origine de la création de cette alliance des Etats du Sahel, l'objectif c'était de lutter contre le terrorisme dans la région.
03:48Où est-ce qu'on en est un an après ? Parce que ça fait un an que cette alliance a été mise sur pied.
03:53Absolument, s'il y a bien un bilan tiré de la création de l'AES, ce bilan est forcément sécuritaire, parce que c'est l'idée initiale qui a gouverné à la création de cet ensemble.
04:07Eh bien, sur ce plan, quand on regarde un peu la multiplication des attaques des groupes djihadistes, on voit que l'activité dans la région reste intense.
04:20Les groupes djihadistes agistes frappent régulièrement.
04:23On en a parlé encore récemment sur ce plateau, je pense à Barçalogo ou au Burkina Faso où il y a eu ce nombre de victimes considérables, j'allais dire.
04:36On parle de plus de 200 morts, on pense que c'est bien plus que ça.
04:40Parlant de morts justement, quand on regarde les chiffres qui sont fournis sur ce graphique par exemple, on voit que ce nombre est en constante progression au fil des années.
04:52Et surtout, augmente fortement sur ces derniers mois.
04:58Je précise, et c'est important de le dire, que sur ce graphique, les chiffres que donne ce graphique, c'est des chiffres qui prennent en compte à la fois le nombre de morts dans les rangs des groupes djihadistes au sein des rangs des armées et parmi les civils.
05:15Donc c'est un chiffre global.
05:17Ce qui montre aussi l'intensité ou la dégradation accrue de la situation sécuritaire.
05:24Je vous parlais tout à l'heure de Barçalogo, c'est l'attaque la plus meurtrière qu'ait jamais connue le Burkina.
05:31Donc on est dans un contexte sécuritaire qui est loin d'être instable.
05:37D'ailleurs, quand on pose la question aux analystes, encore une fois, aux gens qui suivent ces trois pays-là, sur quel est le bilan un an après cette coopération militaire, qu'est-ce que ça donne, la réponse est très claire.
05:52Le bilan est, pour le moins, mitigé.
05:55Et d'ailleurs, notre confrère de RFI que j'écoutais ce matin, David Bachet, a posé la question à Arthur Banga, qui est enseignant-chercheur à l'université au Fuebwani.
06:04Ecoutez ce qu'il dit.
06:08D'un point de vue opérationnel, il y a souvent des drones maliens au Burkinabé, sur le terrain, et vice versa.
06:13Actuellement, sur le terrain, les militaires maliens burkinabés, nigériens, ne combattent pas côte à côte.
06:18Oui, mais il y a des appuis, notamment des appuis de drones, des appuis aériens, des échanges d'informations.
06:23Et puis, n'oublions pas aussi que, d'un point de vue psychologique, c'est très important.
06:27On l'a senti quand la CEDUAO menaçait d'intervention au Niger.
06:31Donc oui, de ce point de vue-là, c'est un succès.
06:33Après, d'un point de vue de la réussite opérationnelle, ce bilan est beaucoup plus mitigé.
06:38L'idée, l'engagement n'est pas la seule chose.
06:40Il faut aussi le mettre en application à travers d'abord la doctrine des états-majors communs, des exercices d'entraînement, des exercices d'intervention.
06:47Il y a tout ça qui manque.
06:49Et ça montre d'ailleurs, au-delà de la US, les difficultés qu'ont les questions de sécurité collective en Afrique.
06:54Donc, des appuis aériens, quelques échanges d'informations.
06:58Mais on voit bien qu'on est bien loin de cette coopération militaire entre ces trois pays qui permettraient d'inverser définitivement la situation en leur faveur.
07:08Coopération qui est complètement rompue avec la CEDUAO, on en parlait.
07:12Les gens avaient décidé de claquer la porte pour se différencier de cette grande organisation régionale.
07:19Ça a laissé des traces, forcément ?
07:21Oui. Si vous voulez, la stratégie de chantage portée par un discours populiste a finalement marché.
07:31Aujourd'hui, la CEDUAO est inaudible.
07:33Elle est passée d'une position de fermeté à une position conciliante.
07:40Je dirais même trop conciliante.
07:42Aujourd'hui, je pose des questions sur la raison d'être de la CEDUAO.
07:48On ne sait plus ce qu'est la politique de la CEDUAO en matière de gouvernance.
07:53Quand il y aura des coups d'État à l'avenir dans la région, quelle sera la stratégie de la CEDUAO ?
07:58D'ailleurs, on voit en Guinée qu'elle ne se mêle plus de ce qui se passe en Guinée.
08:02Pourtant, là aussi, on a affaire à une jante qui est en place depuis près de trois ans maintenant
08:09et qui mène une transition de la manière dont on voit, on entend la presse, les médias qui font l'objet de répression sévère.
08:19Tout cela interroge sur l'existence même de la CEDUAO.
08:24Pourtant, c'est une organisation qui a des acquis, des acquis qu'il faut protéger.
08:30Ce n'est pas Bachir Dioumaïfaye qui me contredira.
08:33Lui-même, quand il a rendu visite au pays de l'AES, le disait.
08:38La CEDUAO, c'est une organisation qui a des avantages qu'il faut préserver.
08:44Mais la CEDUAO doit se réformer.
08:46Et cela, on ne l'entend pas aujourd'hui.
08:48Et c'est ça, là-dessus, qu'il faudrait travailler, je pense.
08:51Merci infiniment Stéphane Ballong pour ces éclairages sur l'AES.

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