France : Emmanuel Macron reçoit les oppositions

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Transcript
00:00 On en parle avec Philippe Moreau-Chevrolet,
00:02 professeur de communication politique à Sciences Po,
00:04 président du MCBG Conseil.
00:07 Bonsoir, merci d'être avec nous.
00:09 Bonsoir.
00:12 Vous êtes un spécialiste de la communication,
00:14 bien sûr, Philippe Moreau-Chevrolet.
00:16 Pour vous, est-ce que c'est une opération de communication,
00:17 tout simplement ?
00:18 Oui, c'est une opération de communication.
00:21 Il y a aussi une opération de vieille politique politicienne,
00:24 ce qu'on appelle la "popole",
00:26 puisque le président, comme ça vient d'être dit,
00:28 est en quête d'une majorité.
00:29 Donc il essaie de rassembler autant de monde que possible
00:32 autour de la table.
00:32 Un, pour signaler qu'il est toujours au centre
00:35 de la politique française,
00:36 donc personne ne lui prend cette place.
00:38 Il n'y a pas de succession ouverte,
00:40 il n'y a pas de rivalité.
00:41 Pour l'instant, il est le seul à pouvoir être
00:44 à ce point d'accord de tous les partis politiques.
00:46 Et puis le deuxième message, c'est bien sûr,
00:48 donnez-moi une majorité,
00:49 je vais avoir un projet de loi immigration.
00:51 Et puis surtout, surtout,
00:52 je vais avoir un budget à passer à l'automne.
00:54 Et je n'ai pas envie, peut-être,
00:55 si je suis président de la République,
00:57 d'avoir un nouveau psychodrame,
00:59 comme l'année dernière avec le 49-3,
01:01 avec énormément de dommages collatéraux.
01:04 On peut dire que ça pourrait être un succès
01:06 qui va réussir à convaincre les chefs de majorité
01:09 avec cette méthode ?
01:12 Alors, il est possible qu'il négocie.
01:13 En fait, c'est le rôle traditionnel du Premier ministre.
01:15 Là, pour la première fois, effectivement,
01:17 comme vous l'avez dit,
01:18 c'est le président qui le fait directement.
01:20 C'est assez nouveau.
01:21 Il est possible qu'il arrive à négocier des partenariats,
01:25 des majorités de circonstance sur tel ou tel projet.
01:27 C'est tout à fait envisageable.
01:28 En tout cas, ça ne lui coûte rien
01:31 et ça lui rapporte pas mal en termes d'image
01:32 et même au plan politique
01:34 de rassembler toutes ces personnalités autour de la table.
01:36 D'autant plus qu'il a ouvert ça à à peu près tout le monde,
01:39 à part Liot, qui est le groupe
01:41 qui avait menacé, plus que menacé,
01:43 qui avait mis en place toute une procédure de censure.
01:45 En fait, il a écarté de la table
01:48 le seul groupe qui, véritablement,
01:50 avait menacé son gouvernement précédemment.
01:52 Donc, il a plutôt bien joué à ce niveau-là.
01:55 Est-ce que ça change son image ?
01:56 Justement, vous parliez d'image
01:57 après les utilisations successives du 49-3,
02:00 d'essayer de rassembler.
02:02 Oui, c'est le rôle traditionnel du chef de l'État en France.
02:05 En fait, Emmanuel Macron,
02:06 il a tendance à beaucoup jouer la division.
02:08 C'est-à-dire que, par exemple, quand il a géré le Covid,
02:10 il a dit "on va emmerder les antivax",
02:13 c'est pas assez moi l'expression, mais c'était la sienne.
02:16 Il avait tendance à jouer sur les divisions,
02:18 les clivages pour être le point d'équilibre
02:20 entre les différentes parties.
02:22 C'est tout l'ardu en même temps, on va dire.
02:23 Là, pour l'une des premières fois,
02:25 il se pose en rassembleur,
02:26 il essaie de faire en sorte de canaliser les oppositions.
02:30 C'est assez nouveau dans cet exercice-là.
02:33 On va voir comment il s'en sort.
02:35 Et puis, on va voir surtout ce qu'en disent les parties
02:37 après chaque réunion et comment ça évolue.
02:40 Alors, cette idée de référendum avec un P devant,
02:45 c'est Olivier Véran qui a évoqué ce référendum,
02:48 qui permettrait de poser plusieurs questions le même jour.
02:51 Est-ce que ça ferait partie vraiment d'un renouveau démocratique ?
02:55 Alors oui, c'est le renouveau démocratique à la sauce Macron.
02:58 C'est-à-dire qu'en gros, ce qu'il aime bien dans ce type de procédure,
03:01 c'est que c'est nouveau.
03:02 Donc, ça crée une espèce de buzz et ça crée du commentaire, de la nouveauté.
03:06 Ça montre qu'il est moderne et puis surtout, ça ne l'oblige à rien.
03:09 C'est la grosse différence avec le référendum avec un grand R,
03:13 qui lui, est contraignant.
03:15 Si vous posez une question aux Français et que les Français vous répondent,
03:17 si vous les prenez à rebrousse-poil, comme ça avait été le cas
03:20 notamment après le référendum européen de 2005,
03:23 vous avez un prix politique qui est majeur.
03:24 Donc, vous êtes obligé finalement de suivre la décision populaire.
03:28 Avec le préférendum, vous avez des questions à choix multiples.
03:32 On va retenir la réponse qui a eu le plus de suffrages,
03:36 mais ça n'a aucune valeur légale.
03:39 Le Président peut décider d'en tenir compte.
03:41 Dans ce cas, il va être obligé soit de passer par un vote au Parlement,
03:44 soit par un référendum avec un grand R.
03:46 Et de toute façon, il faudra une autre confirmation.
03:48 Il faudra un vrai vote.
03:50 Donc, c'est une sorte de consultation mi-chèvre, mi-chou,
03:53 qui tient plus de la communication ou du marketing politique
03:56 que véritablement de la décision politique.
03:59 Parce qu'en fait, sur l'idée d'un référendum manifestement à droite
04:02 et à l'extrême droite, on souhaiterait même un référendum sur l'immigration.
04:06 La NUP à gauche, ils sont plutôt favorables à un référendum sur la réforme des retraites.
04:11 Est-ce qu'on pourrait aller, est-ce que le chef de l'État pourrait aller jusque là ?
04:15 A priori, Emmanuel Macron n'aime pas beaucoup les référendums
04:17 parce que c'est un risque politique.
04:19 On risque de faire un référendum contre lui plus que contre une réforme.
04:22 Et puis, ça l'obligera après à prendre une décision,
04:25 ce qu'il déteste particulièrement.
04:27 C'est un peu, ça empiète sur sa liberté.
04:28 Donc, lui a aussi une notion de sa légitimité.
04:32 Et comme il le répète souvent, j'ai été élu, ma légitimité vient du vote.
04:36 Le vote a lieu tous les cinq ans.
04:38 Donc, entre les deux échéances, en gros, laissez-moi tranquille, laissez-moi gouverner.
04:42 S'il commence à rentrer dans un processus référendaire,
04:45 ça veut dire qu'il remet en cause sa légitimité.
04:47 Ça veut dire qu'il a besoin de se ressourcer auprès des électeurs.
04:50 C'est aussi un signe de faiblesse.
04:52 Et lui est assez contre ça.
04:54 Vraiment, il est très dans la centralisation
04:57 et dans le fait qu'on a un vote tous les cinq ans, ça suffit, en quelque sorte.
05:01 S'il n'en sort pratiquement rien, finalement,
05:03 quels sont les leviers qu'il reste au chef de l'État
05:06 pour ouvrir une nouvelle séquence politique ?
05:09 Alors, les leviers qu'il restera pour ouvrir une séquence politique,
05:11 ils ne seront pas énormes parce qu'il a une grosse difficulté,
05:14 c'est qu'il a déjà des successeurs.
05:16 Gérald Darmanin a carrément fait un acte de candidature cet été
05:23 avec le soutien de Nicolas Sarkozy,
05:24 qui est quand même un énorme soutien à droite,
05:26 avec des soutiens dans le patronat aussi.
05:29 Bernard Arnault a été cité dans la presse comme un de ses soutiens.
05:32 Ce n'est pas des petits soutiens,
05:34 ce n'est pas un petit signal qu'il ait osé faire ça cet été.
05:37 C'est quand même une vraie menace directe sur la suite du quinquennat
05:40 puisqu'à partir du moment où la succession est ouverte,
05:43 il n'y a plus vraiment de quinquennat possible.
05:46 Donc il se bat un peu contre des moulins à vent, Emmanuel Macron,
05:49 et c'est une situation particulièrement difficile.
05:52 Donc il a intérêt, objectivement, à agir, à faire des choses,
05:56 à montrer qu'il est au centre du jeu.
05:58 Là, il le réussit très bien.
06:00 Est-ce que c'est durable ?
06:01 C'est vraiment une autre question.
06:03 Merci beaucoup d'avoir été avec nous ce soir, Philippe Moreau-Chevrolet,
06:06 professeur de communication politique à Sciences Po,
06:08 également président de MCBG Conseil.

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