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00:00 - Invité de Capital.fr à l'occasion de la rencontre des entrepreneurs de France, David Lysnard, président de l'association des maires de France et maire de Cannes.
00:14 Bonjour David Lysnard. - Bonjour. - Merci d'être sur notre plateau. On va parler bien sûr des finances locales, de la situation des villes, des impôts locaux aussi, parce qu'il y a une actualité qui est forte.
00:24 D'abord quand même, on vient de vivre un été où des maires ont été attaqués. A la REF, s'est exprimé Vincent Jambrin, le maire de L'Eil-et-Rose.
00:34 Jusqu'à présent, dans la crise démocratique que tout le monde constate, les maires étaient préservés.
00:40 Sentinelles, remparts de la République et la figure du maire était préservée. Désormais, elle semble aussi victime de cette défiance et de cette crise démocratique.
00:49 Comment vous l'interprétez et quelles sont les solutions pour redonner toute sa légitimité et toute son autorité à la fonction de maire sans que ceci ne soit amené à se décourager ?
01:01 C'est une question très très vaste parce que la MF, la première, avait tiré la sonnette d'alarme il y a deux ans. Nous avions créé un observatoire des violences sur les élus locaux.
01:10 Et effectivement, il y a eu une croissance exponentielle de ces phénomènes de violence physique ou psychologique, morale, de dénigrement, etc.
01:20 Mais qu'on rencontre dans le corps enseignant, que l'on rencontre chez les médecins, chez les policiers, les juges, etc.
01:27 Et paradoxalement et parallèlement, la figure du maire reste très populaire. Et dans l'exercice quotidien du mandat, c'est plutôt une communion...
01:36 Pour la majorité des français. Exactement. On vit en communion avec sa population. On est un habitant parmi les habitants.
01:42 C'est un mandat magnifique, très très exigeant, très difficile. C'est 7 jours sur 7, H24, quelle que soit la taille de la commune, du village à la plus grande ville.
01:49 Mon premier ouvrage, c'était "Contre l'incivisme et comment retrouver du lien civique". Nous sommes dans une période où un certain nombre d'individus ne se considèrent plus comme citoyens,
02:02 mais comme consommateurs d'espaces publics, et qui... Donc avec des comportements parfois d'adolescents capricieux. Donc quand vous dites "Non, je refuse de recruter toute votre famille à la mairie,
02:13 je recrute de vous accorder un passe-droit, je fais fermer votre établissement parce que c'est un lieu de communautarisme islamiste ou parce qu'il fait des nuisances, etc.",
02:21 mais des individus ne l'acceptent pas. C'est ainsi. Ça renvoie à tous les débats sur la post-modernité, la nécessité de retrouver de l'autorité, la légitimité, sur l'instruction...
02:33 - De "reciviliser" ce qui s'est décivilisé, peut-être, vous acceptez ces termes-là ?
02:37 - Non seulement, mais je l'ai exprimé il y a longtemps dans mon livre, en reprenant Norbert Elias. Norbert Elias invente ce concept de décivilisation face à la montée du nazisme dans les années 30,
02:48 et on a des nouvelles... - Et c'est aussi fort que ça aujourd'hui ?
02:51 - En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'il y a cette approche très consumériste de l'espace public, à tous les sens du terme, et qui crée... et qui alimente des comportements violents.
03:01 - Vous voyez une solution ? - Oui, oui, moi je suis par définition, on doit avoir des solutions. Il va falloir... D'abord, je pense que les mentalités sont en train d'évoluer pour un retour à une autorité légitime.
03:14 On doit retrouver de la verticalité dans l'école. On doit aussi retrouver le sens du temps long, c'est-à-dire apprendre à se désintoxiquer des écrans, de tout ce qui crée de la frénésie et de la frustration.
03:27 Bien sûr, on doit aussi retrouver de l'efficacité régalienne. Lorsqu'un système vous punit systématiquement si vous faites un excès de vitesse, mais que celui qui vous brûle votre bagnole en bas de chez vous n'est jamais puni,
03:39 eh bien vous créez de l'énervement social, vous créez de la frustration. Et puis, apprendre à... Enfin, si vous voulez, c'est tellement complexe !
03:47 Donc il y a des mesures immédiates régaliennes, il y a l'instruction, il faut condamner les gens qui trichent et qui transgressent et qui sont violents, et puis il y a la reprise en main d'un phénomène d'éducation, c'est essentiel !
04:02 Donc ça, c'est un mouvement de fond qu'il va falloir mener. - C'est la raison critique. Je crois qu'il y a de la corrélation, même de la causalité, entre la montée de ces phénomènes de violence, la baisse du niveau de l'instruction.
04:12 On est une période charnière. Donc moi, je ne suis pas ni pessimiste ni optimiste. Il faut être réaliste et reprendre en main très profondément tous ces paramètres.
04:20 - Alors un autre aspect auquel vous avez à faire face dans vos fonctions de maire et que vous pouvez observer comme président de l'Association des maires de France, c'est la situation de la fiscalité.
04:30 Et là, nos concitoyens, il y a à peu près un foyer sur deux qui est propriétaire en France. Et on observe en cette rentrée une flambée de la taxe foncière.
04:40 D'abord, parce qu'on appelle un effet de base. J'allais dire là, les élus n'y sont pour rien. C'est ce qu'on appelle les valeurs locatives sur lesquelles est calculée la taxe foncière.
04:49 Mais il y a quand même des effets de taux, c'est-à-dire c'est ce que votent les assemblées municipales. Et là, on est surpris de voir que dans certaines communes, dans certaines villes,
05:00 on a des augmentations de taxes qui vont jusqu'à 30, voire 50 %. Est-ce que c'est raisonnable de la part des élus locaux de se livrer à une telle surenchère fiscale ?
05:11 - C'est pas surprenant. On l'annonçait. Vous savez, quand vous supprimez des fiscalités locales, des moyens et que vous augmentez les charges sur ces collectivités,
05:19 à un moment donné, et que vous n'avez pas le droit d'emprunter pour du fonctionnement, contrairement à l'État qui emprunte pour son fonctionnement, ce qui est interdit dans une collectivité,
05:27 il y a parfois des variables d'ajustement qui sont sur cette injustice, qui résulte aussi de la suppression de la taxe d'habitation.
05:34 Alors c'est toujours facile de dire "on supprime la taxe d'habitation", mais... - Mais elle a été compensée par l'État, la suppression ?
05:38 - Elle n'est pas complètement compensée, absolument pas. Et en plus, elle déresponsabilise. Alors, pour donner quelques données, j'ai pas tous les chiffres, mais il semble qu'il y ait plus de 80 % des communes
05:49 qui n'augmentent pas leur taux de foncier bâti. Moi, je n'augmente pas mon taux et il n'y a pas de fiscalité additionnelle. Donc, 4 communes sur 5 pratiquent la sobriété des taux.
05:58 Et certaines, vous l'avez dit, augmentent fortement. Ensuite, c'est à chaque habitant de juger localement. Il y a peut-être des cas de figure où la fiscalité était très très basse
06:07 et où le pourcentage d'augmentation est en fait très faible en valeur absolue. Il y a peut-être des cas de figure où la commune est très mal gérée. Il y a des communes bien gérées, des communes mal gérées.
06:15 Mais c'est la force du contrat social local. C'est aux habitants de s'investir dans ces questions, d'évaluer leurs élus.
06:23 — Est-ce que vous appelez les élus locaux ici à la modération fiscale ?
06:26 — Ah non, je ne les appelle pas du tout. C'est les habitants. Les maires sont des habitants parmi les habitants, mandatés par les habitants.
06:32 Personne n'a à dire à l'extérieur de la commune ce que le maire doit faire. Ce sont les habitants de la commune qui doivent décider.
06:39 — Ce que vous dites, c'est que malgré certains chiffres, dans 4 communes sur 5, il n'y a pas eu d'augmentation des taux.
06:45 — Oui, pas d'augmentation des taux. Et surtout, ce que je dis, c'est que le contrat social, il est local. C'est-à-dire que c'est aux habitants de changer leurs élus.
06:52 S'ils n'en sont pas contents, ils se présentent eux-mêmes. Mais le système pervers qui a consisté progressivement à enlever de la responsabilité fiscale sur les maires
07:00 pour nationaliser les impôts parce que les prélèvements obligatoires n'ont jamais été aussi élevés, on n'a jamais payé autant d'impôts et de charges en France...
07:08 Donc l'État a supprimé les impôts des autres, ne compense pas intégralement. Rien que la CVAE, qui a fait débat ici, il manque 750 millions d'euros
07:15 dans les finances des collectivités sur la première tranche de suppression. — Voilà, qui est un impôt pour les entreprises.
07:20 — Voilà. Et donc... Et voyez, il y a tellement d'injustices. Vous avez plus de la moitié des Français qui paient pas l'impôt sur le revenu.
07:26 Tous les apologues et les idéolâtres de l'égalité ne sont pas surpris qu'il n'y ait que 47% des Français qui paient l'impôt sur le revenu.
07:33 Donc on est au bout d'un système qui a été une somme de recentralisation, de perte de responsabilité. Donc les maires n'ont plus qu'un seul levier.
07:42 C'est le foncier bâti, qui a une part minoritaire dans les recettes d'une mairie. Donc si vous voulez avoir un peu plus de recettes,
07:49 les taux augmentent mécaniquement de façon très élevée. Et puis surtout, il faut que les habitants s'emparent de la démocratie locale.
07:56 — Et est-ce que les collectivités peuvent encore participer du développement économique local et investir pour les services publics locaux de qualité,
08:06 parce que les habitants sont assez exigeants, tout en se situant dans un contexte de maîtrise de la dépense publique ?
08:13 — Oui. D'ailleurs, l'essentiel le fait. Je suis maire d'une commune qui a d'énormes charges de centralité, qui est connue dans le monde entier
08:21 sans être très grande, une ville qui a un taux de pauvreté supérieur à la moyenne nationale, 21% de taux de pauvreté.
08:26 — Donc c'est pas parce qu'il y a un festival et un papier rouge qu'il n'y a pas des questions sociales qui se posent à Cannes aussi.
08:31 — 21% de taux de pauvreté à Cannes. La moyenne française, c'est 13,8. C'est bien plus que Paris et bien plus que l'endroit où on se trouve ici,
08:36 l'Ouest parisien. Et dans cette commune, depuis maintenant 2014, on a réussi avec mon équipe à multiplier par 4 la capacité d'autofinancement,
08:45 à augmenter la productivité des services et le rendement des services avec un bon dialogue social en faisant du management participatif,
08:50 à réduire la dette de 65 millions d'euros. On n'a pas créé de fiscalité additionnelle sur les ménages par l'intercommunalité.
08:56 On est la seule intercommunalité de France, donc uniquement par l'optimisation. Et on a amélioré les conditions de travail des salariés.
09:02 On a essayé de transformer du fonctionnement en investissement, de faire des plans CAPEX, comme on dit dans le monde patronal et entrepreneurial.
09:09 Et ça fonctionne. L'État a besoin de ce management. Aujourd'hui, l'État est un canard sans tête. Vous avez des gens de qualité.
09:17 Ce n'est pas du tout un jugement de valeur sur les personnes, mais vous avez des doublons, des triplons. Vous avez la DREAL qui va contredire ce que va dire la DDTM,
09:24 qui va elle-même faire appel aux autorités de l'environnement. Donc une confusion administrative. Une confusion administrative.
09:28 Et donc avec ce qui crée des surcharges, des surcoûts, des surdélais et qui éloigne de la performance publique. Défendre le service public, défendre l'usager,
09:37 c'est aussi défendre le contribuable. Ce n'est pas du tout antinomique, mais ça nécessite de sortir des simples débats entre moins de moyens, plus de moyens,
09:43 entre ceux qui disent "il faut tout réduire" et ceux qui disent "il faut dépenser plus". La France a le record du monde de la dépense publique.
09:49 Et malheureusement, c'est comme vous savez la courbe de l'affaire en fiscalité. Trop d'impôts tue l'impôt. Trop d'administration tue le service public.
09:56 Ça génère de la surcharge bureaucratique qui se fait au détriment des usagers, des contribuables et des fonctionnaires eux-mêmes.
10:02 - Alors pour terminer, David Lyssenaar, je vais vous offrir le spécial immo de Capital, la cote immobilière dans 150 000 de France.
10:08 - Je demande de l'autologue si j'ai le droit d'accepter. - Je pense, oui. C'est important. On mesure l'évolution de l'immobilier avec plutôt une tendance à la baisse,
10:18 mais des taux d'emprunt qui montent. Donc ce n'est pas forcément facile pour ceux qui cherchent à acquérir leur résidence.
10:23 - Une crise du logement qui va être le problème social des prochains mois pour plein de raisons.
10:28 - Un mot peut-être, ça vous semble utile dans le débat public d'avoir un journal comme Capital qui essaie de faire de la pédagogie sur ces questions.
10:35 - Il me semble très utile dans le débat public d'avoir beaucoup de presse pluraliste, dont Capital et dans laquelle Capital a toute sa place.
10:42 - Parce qu'il faut faire de la pédagogie sur ces questions de finances publiques et de finances locales.
10:46 - De finances publiques, de finances locales. Un de vos confrères de la presse quotidienne payante du matin, qui a une formule de Beaumarchais en devise,
10:54 sans la liberté de blâmer, il n'est pas Léloche Flater, c'était hier ou ce matin, a montré une enquête qui témoigne qu'une part importante des Français
11:05 n'a pas été formée avec les réduiments essentiels financiers, d'un point de vue financier. C'est très très grave parce que...
11:11 - Et on essaie de faire une forme de... - Une qualité de démocratie passe par une bonne presse, donc je salue la place de Capital là-dedans.
11:16 - C'est ce qu'il fallait que je dise. - Exactement. - Merci.
11:18 - Merci beaucoup David Lissnard, maire de Cannes et président de l'Association des maires de France. Invité ici à la REF organisée par le MEDEF, ici à l'Hippodrome de Paris-Longchamp.

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