Quel est l’animal qui tue le plus d’humains chaque année ? Le moustique. Et la maladie la plus mortelle du monde ? Le trouble cardiaque, tout simplement ! En fait, ce sont les trucs les plus banals qu’on devrait craindre, mais on ne peut pas s’empêcher de rester horrifiés par les grandes catastrophes, les éruptions volcaniques, les explosions industrielles ou les tsunamis qui fauchent, en quelques heures, des milliers de vies. En France, le plus grand accident industriel a aussi été la plus grande catastrophe minière d’Europe, et a eu lieu à Courrières. Elle a été foudroyante, fauchant la vie de 1 099 personnes en seulement 2 minutes. Aujourd’hui, on va se rappeler de ses victimes, et de comment et pourquoi elles sont mortes.
➤ Vous souhaitez en savoir plus sur l'histoire des mines de charbon ? Ces vidéos pourraient vous intéresser :
➜ Histoire de la mine et des mineurs du Nord - Entretien avec Virginie Malolepszy : https://youtu.be/4A41cWs5Njg
➜ Germinal : comment filmer l'Histoire ? Entretien avec le réalisateur David Hourrègue : https://youtu.be/WEW5sYf2Gm0
Écriture : Benjamin Brillaud et Jean de Boisséson
Montage par V pour Valentin : https://www.youtube.com/Salveus
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00:00 Mes chers camarades, bien le bonjour ! A votre avis, quel est l'animal qui tue le plus
00:03 d'humains chaque année ? C'est le moustique. Et la maladie la plus mortelle du monde ? C'est
00:08 le trouble cardiaque tout simplement. En fait, ce sont les trucs les plus banals qu'on
00:13 devrait craindre, mais on ne peut pas s'empêcher de rester horrifié par les grandes catastrophes,
00:18 les éruptions volcaniques, les explosions industrielles ou les tsunamis qui fauchent
00:23 en quelques heures des milliers de vies. En France, le plus grand accident industriel
00:27 a aussi été la plus grande catastrophe minière d'Europe. Contrairement aux canicules et
00:31 aux épidémies, elle a été foudroyante, fauchant la vie de 1099 personnes en seulement
00:37 deux minutes. Aujourd'hui, on va se rappeler de ces victimes et de comment et pourquoi
00:42 elles sont mortes.
00:43 La révolution industrielle du 19ème siècle a un carburant principal, la houille, qui
00:53 s'est formée sous terre 300 millions d'années plus tôt. Le bassin minier du Nord Pas-de-Calais
00:58 joue un rôle essentiel dans la production de ce combustible. Du coup, un tiers de ses
01:02 habitants sont des mineurs qui se concentrent sur un tout petit territoire d'à peine
01:07 un dixième de la surface régionale. La fièvre du charbon les force à creuser 100 000 kilomètres
01:12 de galeries. C'est plus de deux fois le tour de la Terre. Il faut dire que cette activité
01:17 génère une avarice incroyable. Les compagnies cherchent à accroître leurs bénéfices à
01:22 tout prix, même au détriment des mineurs. D'autant plus que les vieilles corporations
01:26 de métiers de l'ancien régime ont été dissoutes par la révolution française en
01:30 1791. Les syndicats et les grèves sont alors devenus des délits, et les travailleurs n'ont
01:37 plus personne pour les protéger. Alors les compagnies en profitent pour diminuer les
01:40 salaires de leurs mineurs, parfois de 30% d'un coup. De grandes grèves éclatent
01:46 à Anzin en 1884 et à Decazeville en 1886. Il y a des morts et s'inspirant de ces événements,
01:54 Émile Zola publie Germinal en 1885. Lisez-le ou regardez-en une adaptation pour comprendre
02:01 la situation sociale des mineurs de l'époque. En un mot, ça peut se résumer par épouvantable.
02:06 Et du coup, il n'y a rien d'étonnant à ce que ces crises minières s'accélèrent
02:11 encore.
02:12 A l'aube du XXe siècle, les priorités de la IIIe République sont la séparation
02:15 de l'Église et de l'État et la tension diplomatique croissante avec l'Allemagne.
02:20 Bref, le drame du monde minier passe au second plan et on se contente de réagir ponctuellement.
02:26 En cas de grève, on envoie l'armée pour rétablir l'ordre par la force et, au pire,
02:31 on concède une augmentation salariale, voire une loi pour calmer le jeu.
02:36 Mine de rien, ces progrès commencent au niveau des normes de sécurité, des salaires
02:40 et finalement de la défense des travailleurs.
02:42 En 1884, la République rétablit enfin les syndicats.
02:47 Mais le contexte reste tendu en 1906 quand notre histoire commence dans le secteur de
02:51 la compagnie des mines de courrières.
02:53 Comme partout, le monde de la mine est bien structuré.
02:56 En surface, le carreau de mine réunit l'ensemble des structures nécessaires à l'exploitation
03:03 du minerai.
03:04 Des mines, bureaux, voies de circulation et trains, stockage mais aussi les fameuses
03:09 têtes de puits.
03:10 Les têtes de puits sont l'interface entre le sol et le sous-sol.
03:14 Des chevalements permettent de descendre des mineurs et de remonter du minerai.
03:18 Et des ventilateurs gigantesques font entrer ou sortir l'air des conduits.
03:22 Enfin, sous la surface, la fosse réunit les puits et les galeries qui suivent les filons
03:27 de houilles.
03:28 Les mineurs se divisent donc en deux catégories.
03:31 Les mineurs de jour sont les machinistes, les trieurs et les lampistes qui travaillent
03:35 en surface.
03:36 Et les mineurs de fond s'activent sous le sol.
03:40 Ce sont les piqueurs et haveurs qui extraient le charbon.
03:43 Herrscher, pâle-fronier, receveur et freinteur le charrie le long des galeries à l'aide
03:49 de wagons, de chevaux, d'ascenseurs et de treuils.
03:53 Pour étendre la galerie, l'ouvrier du rocher perce le roc au pic et à la baramine.
03:58 Et lorsqu'il a recours à la dynamite, le bout de feu est là pour l'aider.
04:02 Enfin, le boiseur crée les étais qui soutiennent l'ensemble.
04:05 L'existence de tout ce petit monde est rude et le métier est difficile.
04:09 Pourtant, on reste souvent mineur de père en fils.
04:13 C'est que la compagnie fidélise ses travailleurs en leur fournissant des logements familiaux,
04:17 les célèbres corons.
04:18 Proches, fonctionnels, modernes, ils accueillent des mineurs de tout âge, parmi lesquels les
04:24 galibots âgés de 14 à 15 ans environ.
04:27 Mais aussi les mineurs adultes, les pourrions, contre-maîtres responsables de la fosse,
04:32 qui ne creusent pas mais surveillent.
04:33 Ils poireaudent quoi.
04:34 D'ailleurs, en patois picard, poireau se dit pourrion.
04:37 Et puis enfin, il y a le délégué mineur, celui qui a été élu par ses camarades à
04:42 cause de son expérience.
04:43 On compte sur lui pour se charger de la sécurité des travailleurs auprès de la compagnie.
04:48 Un poste plutôt galère puisque la compagnie cherche parfois à le soudoyer, voire à truquer
04:52 son élection.
04:53 Une anecdote, cette tricherie patronale est tellement fréquente qu'elle généralise
04:57 l'usage de l'isoloir en France.
04:59 Et oui, la prochaine fois que vous irez voter, vous aurez une petite pensée pour les mineurs
05:03 de courrières.
05:04 Car leur travail n'est pas seulement harassant, il est aussi dangereux.
05:09 En plus des accidents de chantier, l'atmosphère de la mine charrie trois fléaux.
05:13 Tout d'abord, la silice en suspension dans l'air, sous forme de particules qui blessent
05:18 les poumons.
05:19 Au long terme, les mineurs ont donc une maladie respiratoire très grave, la silicose.
05:24 Ensuite, le grisou, lui, est un gaz émanant du charbon.
05:28 Hautement inflammable, il peut déclencher des explosions mortelles en présence d'une
05:32 étincelle.
05:33 Inodore et incolore, c'est une véritable mort invisible, le pire ennemi du mineur.
05:38 Alors pour survivre, on s'équipe de grisoumètres et de lampes de sûreté, et l'aération
05:43 des puits est maximisée.
05:44 Enfin, les poussières de charbon sont aussi des particules inflammables en suspension.
05:49 A leur sujet, les scientifiques anglais et français sont en désaccord.
05:53 Outre manche, les nombreux accidents observés permettent à une commission royale de statuer
05:57 en 1894.
05:58 Les poussières peuvent, à elles seules, déclencher de graves explosions.
06:03 Pire, elles décuplent les effets d'un tout petit coup de grisou, théoriquement à l'infini.
06:08 Mais en France, peu d'incidents de poussière ont été observés, et au contraire, le grisou
06:13 fait beaucoup de morts.
06:14 La théorie poussiériste est donc rejetée et en 1877, une commission statue.
06:19 L'ennemi principal, c'est le grisou, les poussières ne viennent que loin derrière.
06:24 Vu toute la description assez hardcore que je viens de faire du monde de la mine, et
06:28 puis vu le titre de l'épisode, je ne sais pas si vous êtes très rassuré, et franchement,
06:33 vous avez raison !
06:34 Le 10 mars 1906, il fait encore nuit lorsque les travailleurs de courrières descendent
06:41 sous la surface.
06:42 L'aube arrive, il est 6h30.
06:45 Soudain, une explosion a lieu dans le fond de la fosse.
06:49 Plus tard, les ingénieurs s'interrogèrent sur l'origine du premier feu.
06:52 Un peu de grisou, un incendie mal étouffé, des fumées concentrées ? En tout cas, c'est
06:58 suffisant pour réveiller le véritable ennemi, la poussière de charbon, soulevée du sol
07:03 par l'onde de choc, elle s'embrase.
07:05 Une flamme intense parcourt en deux minutes les 110 kilomètres de galeries voisines,
07:10 c'est presque 1 km par seconde.
07:13 Quasi instantanément, c'est toute la mine qui devient un enfer incandescent.
07:17 Les puits dégueulent des torrents d'air brûlant, les ascenseurs et les chevalements
07:20 de plusieurs tonnes sont projetés dans le ciel et retombent lourdement, écrasant les
07:25 puits d'accès, tordant les structures qui s'éboulent.
07:27 Tout est bouché.
07:28 Si jamais des mineurs ont survécu aux flammes, les voilà enterrés vivants.
07:33 Les galeries plongées dans le noir s'emplisent de gaz nauséabond, étouffant et toxique.
07:39 Il n'y a plus aucun espoir d'en réchapper.
07:42 Ce matin-là, 1664 mineurs étaient descendus dans la fosse.
07:46 A la surface, on comprend tout de suite l'ampleur du drame et on s'active à toute vitesse.
07:50 Tous les corons voisins ont ressenti la secousse et entendu l'explosion qui a roulé sous
07:55 la surface du sol.
07:56 Les familles sortent des maisons et se dirigent effrayées vers les carreaux de mines.
08:00 Auguste Lavaur, directeur de la compagnie, est déjà sur place pour constater avec les
08:05 ingénieurs le blocage des puits.
08:07 On ne peut plus descendre ni aérer les souterrains.
08:10 Alors quel soulagement de voir aux puits 10 et 11 sortir de 200 à 300 rescapés ! Mais
08:17 à la fosse n°3, on a moins de chance.
08:20 Après une journée entière à dégager les débris pour secourir les 500 mineurs descendus
08:24 ce matin-là, on n'en retrouve que 14.
08:27 Les femmes emportent aussitôt leur mari à la maison, du moins si c'est possible.
08:31 Certains sont méconnaissables, leurs peaux brûlées se détachent par plaques et on
08:36 les soigne aussitôt.
08:37 Une unité médicale a été montée sur le carreau.
08:40 Les médecins des compagnies voisines, de l'île et du régiment, sont sur place pour
08:45 donner un coup de main.
08:46 A chaque puits, c'est désormais une foule qui s'attroupe.
08:49 Aux épouses et aux soignants s'ajoutent les journalistes, les secouristes et les
08:53 gendarmes venus maintenir l'ordre.
08:54 La confusion est maximale.
08:56 Les ingénieurs, par groupe, tentent de dégager chacun de leur côté une fosse, si bien qu'il
09:02 est impossible d'élaborer un plan de secours général.
09:05 Et parmi les sauveteurs, les accidents ne tardent pas à avoir lieu.
09:09 Ceux qui descendent sont à leur tour asphyxiés, certains ne reviennent pas, et ceux qui en
09:14 réchappent annoncent à la surface que désormais, les gaz sont partout.
09:18 Ils témoignent, là-dessous, les cadavres sont innombrables, méconnaissables, noircis
09:25 et amputés de leurs membres.
09:27 Pourtant, pendant trois jours, des secouristes continuent de descendre, héroïquement, dans
09:32 l'espoir de sauver encore ceux qui peuvent l'être.
09:34 Ils veulent y croire, mais ils ne sont pas forcément suivis, parce que très vite après
09:38 l'explosion, les désaccords commencent.
09:40 Déjà, entre les mineurs qui veulent sauver leurs camarades et les ingénieurs de la compagnie
09:44 qui déclarent certains accès impraticables et renoncent à des travaux qu'ils jugent
09:48 désespérés alors qu'on a besoin de bras ailleurs.
09:51 Ensuite, c'est l'Etat qui intervient.
09:53 Le préfet du Pas-de-Calais, Jean Duréo, arrive accompagné du conseil général des
09:58 mines.
09:59 Ces ingénieurs d'Etat se substituent alors aux ingénieurs de la compagnie.
10:02 Au nom de l'intérêt national, c'est à eux de prendre les grandes décisions.
10:06 Ils demandent des réunions d'information pour cerner le problème, et cette fois-ci,
10:10 c'est au tour des mineurs pressés de sauver des vies de refuser de collaborer à ces réunions
10:15 jugées inutiles.
10:16 La gendarmerie nationale participe au maintien de l'ordre, ce qui consiste bien souvent
10:21 à empêcher les mineurs d'approcher pour laisser faire les ingénieurs, jugés seuls
10:25 capables.
10:26 Enfin, le 14 mars, lorsqu'on commence à remonter les cadavres, il est décidé de les
10:30 recouvrir de chaud afin de limiter les risques d'épidémie, ce qui les rend impossible
10:35 à identifier par leurs proches.
10:37 Pour toutes ces raisons, le fossé se creuse entre les mineurs et les familles, et les
10:41 protocoles appliqués par les fonctionnaires.
10:43 La tension va donc monter, les supérieurs hiérarchiques prennent des décisions surprenantes,
10:49 voire franchement dures.
10:50 Par exemple, dès la nuit du 11 au 12 mars, moins de 48 heures après l'explosion, le
10:55 service des mines décide de mûrer certains accès.
10:58 On inverse la ventilation pour étouffer les derniers feux qui pourraient causer des incidents
11:03 ou consumer le précieux charbon de la compagnie.
11:06 Mais cette ère irrespirable ralentit les secouristes, voire condamne les éventuels
11:11 survivants.
11:12 Le lendemain, le 12 mars, des sauveteurs allemands arrivent.
11:16 Avec leurs masques à gaz, ils sont bien mieux équipés que les français et se proposent
11:20 de descendre pour sauver un maximum de gens.
11:22 Mais cette solidarité internationale est parasitée par le contexte géopolitique,
11:27 les deux pays étant en crise diplomatique, on les accueille froidement et l'accès
11:32 au souterrain leur est longtemps refusé.
11:34 En fin de compte, ils peuvent descendre, mais en vain.
11:37 Cependant, ils partagent matériel, expérience et compte rendu de leurs explorations avec
11:42 les français, ceux qui les aident d'une certaine façon.
11:44 Le 13 mars, on estime à un millier le nombre de victimes.
11:47 Il n'y a plus aucun espoir de trouver des survivants.
11:50 Certains mineurs sont persuadés que les ingénieurs ont sacrifié leurs camarades.
11:54 Des obsèques sont organisés, vous imaginez bien l'ambiance.
11:58 15 000 personnes s'attroupent pour rendre un dernier hommage aux victimes.
12:02 Une tempête de neige s'abat sur le cortège recouvrant la fosse où sont déposés les
12:06 18 corps non identifiés remontés jusque là.
12:09 Ce n'est que le lendemain que la remontée d'un grand nombre de cadavres sera autorisée.
12:13 La colère règne et elle ne va pas tarder à déborder.
12:17 Le 14 mars, une fois enterrés les premières victimes, le bras de fer peut commencer.
12:22 Ce jour-là, deux syndicats de mineurs entrent en grève à Lens, Courrières, Dourges et
12:28 Austricourt.
12:29 Ils sont concurrents.
12:30 Le vieux syndicat mené par Émile Bali se repose sur son ancienneté et sur le mythe
12:34 de la gueule noire.
12:35 Le mineur, l'ouvrier par excellence, le prolétaire parfait.
12:39 Ce prolétariat est organisé depuis longtemps en pôle très concentré.
12:44 Dans certaines fosses, la grande majorité des mineurs sont syndiqués et ce syndicalisme
12:48 de masse est représentatif de la profession.
12:50 Ils votent tous d'un bloc, ce qui leur permet d'avoir des élus et de promulguer
12:55 des réformes.
12:56 Émile Bali, par exemple, est un ancien mineur et pourtant député de la République.
13:01 Pour résumer, ces syndiqués sont nombreux avec 6000 à 7000 adhérents.
13:06 Socialistes, ils sont réformistes, c'est-à-dire non-révolutionnaires.
13:10 Et d'ailleurs, ils ne veillent qu'aux intérêts des mineurs et des mineurs seulement.
13:15 Les autres prolétaires, ça ne les concerne pas.
13:17 Face à eux, le jeune syndicat dirigé par Benoît Broutchoux se rapproche davantage
13:22 des grandes lignes de la CGT.
13:23 C'est un syndicalisme qui se dit apolitique, ils ne sont pas socialistes, ils veulent soutenir
13:29 tous les prolétaires, quitte à prôner une révolution censée renverser l'ordre
13:33 social tout entier.
13:34 Ce petit mouvement d'avant-garde, sans surprise, ne compte que 500 à 600 cotisants.
13:39 Pour résumer, les uns peuvent faire la révolution mais ils ne le veulent pas, les autres, qui
13:44 aimeraient bien, sont au contraire trop peu nombreux pour la faire.
13:46 Et quand je dis qu'ils s'opposent, c'est vraiment violent.
13:49 Déjà en 1901, le mineur Gilbert Cotte se moquait des responsables de la CGT en les
13:54 traitant de « partisans sans raison, sans cause » de la grève générale.
13:58 Pour lui, ces grévistes de pacotille n'ont qu'à s'incliner et demander la permission
14:03 de s'unir aux mineurs.
14:04 Alors, et alors seulement, les mineurs leur montreront ce qu'est une vraie grève et
14:09 une vraie révolution.
14:10 Et il en rajoute, tous les représentants de tous les syndicats, de tous les corps de
14:14 métier de tout le pays, ont moins de pouvoir politique que les mineurs à eux seuls.
14:19 Et le pire, c'est qu'à l'époque où il parle, c'est pas complètement faux.
14:22 Comme on a dit, dans des lieux très concentrés, les mineurs contrôlent quasiment le pays.
14:27 D'ailleurs, une autre figure s'ajoute au tableau, la célèbre Madame Sorgue.
14:31 Son vrai nom est Marguerite Durand, une féministe française, déclarée « femme la plus dangereuse
14:36 d'Europe » pour avoir répandu les idéaux syndicalistes en participant aux grandes
14:41 grèves de Galles, d'Ecosse, d'Angleterre, de France, d'Italie et du Portugal.
14:46 Elle fait cause commune avec les veuves des mineurs.
14:49 Face à cette mobilisation, impossible de faire l'autruche.
14:52 Le 17 mars, Clémenceau, qui vient d'être nommé ministre de l'Intérieur le 14,
14:57 va à la rencontre des grévistes.
14:59 Mais la crise ne fait que s'aggraver pour trois raisons.
15:03 Pierre Simon, délégué mineur, donc responsable de la sécurité, rappelle à tout le monde
15:07 qu'il avait signalé la mauvaise aération de la mine et la recrudescence de poussière
15:11 depuis 1905.
15:12 Le 6 mars, il avait même prévenu qu'un incendie enmuré avait été mal étouffé.
15:17 Bref, la compagnie savait.
15:20 Pour Simon, il n'y a pas de hasard le feu repéré le 6 mars à Couvée le temps de déclencher
15:26 le coup de poussière mortel.
15:27 C'est un véritable scandale.
15:29 Deuxièmement, le 30 mars, un miracle se produit.
15:33 13 mineurs surgissent des entrailles de la terre, ils ont survécu pendant 20 jours,
15:37 errant durant des kilomètres dans les ténèbres absolues, survivant en dévorant un cheval
15:42 et en buvant leur urine.
15:43 Et ça, c'est bien la preuve que les ingénieurs d'état ont renoncé trop vite au sauvetage.
15:48 Du coup, les mineurs commencent à compter.
15:50 Lorsqu'on a inversé la ventilation, combien de leurs camarades toujours vivants sous leurs
15:55 pieds ont été tués ? On aurait donc privilégié les infrastructures de la compagnie en sacrifiant
16:00 des vies humaines ? Double scandale.
16:02 Et voilà le troisième coup de tonnerre.
16:05 Pendant tout ce temps, la compagnie s'est organisée pour reprendre son activité le
16:09 plus vite possible.
16:10 Elle a recruté de nouveaux mineurs.
16:12 Et pour l'éloger, elle demande aux veuves, à ces centaines de femmes qui viennent de
16:16 perdre en une journée un mari et parfois un ou plusieurs fils, de déménager immédiatement.
16:23 Scandale, scandale et re-scandale.
16:25 Peut-être qu'on surnomme Clémenceau "le tigre", mais là, le tigre est assis sur
16:30 une bombe à retardement.
16:31 La grève devient violente, le 2 avril les voies ferrées sont sabotées et des maisons
16:35 sont pillées.
16:36 Entre jeunes et vieux syndicats, la baston éclate.
16:39 Les accrochages se multiplient et Clémenceau renforce l'armée.
16:42 Il y a désormais 30 000 soldats pour contenir les 60 000 grévistes du Pas-de-Calais qui
16:47 commencent à déborder sur la Belgique.
16:49 L'ambiance est à la guerre civile, il y a des morts et des blessés graves.
16:54 La répression durcit.
16:56 Le 29 avril, on entre enfin en négociation.
16:59 Celle-ci s'achève le 6 mai par un compromis.
17:02 Comme toujours, il y a le bâton et la carotte.
17:05 Les sanctions et les répressions durcient sa mort et on promet une augmentation salariale
17:09 de 10% et une future réforme.
17:12 Cet accord signe le triomphe des modérés, la révolution n'aura pas lieu.
17:17 Le jour même, Émile Bali, du vieux syndicat, est d'ailleurs réélu aux législatives.
17:21 Il écrase son adversaire Broutchoux, pris en plein scandale.
17:24 Les anarchistes ont fait une levée de fonds destinée aux veuves.
17:27 Mais ils l'ont détourné au seul profit de celle qui refusait tout compromis avec
17:32 la compagnie.
17:33 Le jeune syndicat révolutionnaire est pris la main dans le sac, il a instrumentalisé
17:37 la détresse des victimes.
17:39 De toute façon, la plupart des mineurs se méfiaient déjà de ces anarchistes de salon,
17:44 déconnectés du monde ouvrier, qui écrivaient dans leur journal "la classe ouvrière,
17:48 matée par les despotes qu'elle accepte, n'a que ce qu'elle mérite.
17:52 Par sa lâcheté, elle s'est rendue complice des dirigeants et des capitalistes".
17:56 Traiter de lâche une gueule noire, fallait oser quand même.
17:59 Je pense que le journaliste en question l'aurait pas fait au fond de la fosse, seul avec le
18:03 dit mineur en face à face, un pic à la main.
18:05 Mais bon, on est pas là pour plaisanter, la crise de courrières s'achève.
18:09 Alors qu'en est-il du bilan et surtout de la réforme promise ?
18:14 Il aura fallu 1099 victimes pour lancer le processus de réforme de 1906.
18:19 Les 548 veuves sont évidemment indemnisées mais le principal investissement se fait sur
18:25 les normes de sécurité.
18:26 La théorie anti-poussiériste est définitivement rejetée.
18:30 Désormais, la lampe de sûreté est obligatoire, même dans les exploitations réputées sans
18:35 grisou.
18:36 Le masque à gaz est standardisé dans toutes les interventions de secours et des pièges
18:40 à grisou et poussière sont disposés régulièrement le long des galeries, capturant leur souffle
18:46 et limitant les effets de chaîne.
18:47 Et effectivement, mis à part les 1500 victimes de Bensi en Chine en 1942, plus aucun accident
18:53 minier n'a eu l'ampleur de celui de courrières.
18:56 La loi du 3 juillet 1906 rétablit l'équivalent de l'ancien dimanche chômé, c'est le
19:01 repos hebdomadaire pour tous les salariés, qu'ils soient dans l'industrie ou le commerce.
19:06 Le 25 octobre 1906 est fondé un ministère du travail et de la prévoyance sociale, prolongeant
19:12 l'effort de réforme et de contrôle des entreprises privées par l'Etat.
19:15 Et enfin, le 27 mars 1907, le conseil des prud'hommes est réformé.
19:20 En cas de litige entre un patron et son salarié, le collège chargé de juger l'affaire sera
19:25 désormais paritaire à la fois ouvrier et patronal.
19:28 Pas à pas, le droit français rattrape les folies de la révolution industrielle et revient
19:33 à un code du travail plus sensé.
19:35 Certains chantent encore avec nostalgie les corons, le charbon, les mineurs de fonds.
19:41 D'autres pensent que tout ça, c'est du passé puisqu'en 1990, fermait la dernière
19:46 mine de la région.
19:47 Pourtant, cette mémoire reste vive.
19:50 En 2016, le RC Lens, ses footballeurs et ses supporters, se marquent le visage d'un très
19:56 sombre, en hommage aux gueules noires morts à courrières 110 ans auparavant.
20:00 Quand le productivisme passe avant la condition humaine, et quand la technique passe avant
20:06 la science, faut faire gaffe.
20:08 Parce qu'après tout, alors que les chercheurs se questionnaient encore sur les gaz et les
20:12 particules de silice, des mineurs descendaient déjà au fond de la fosse, les poumons pourris
20:17 par la silicose.
20:18 Il aura fallu leur mort pour que progressent les conditions de travail.
20:22 J'espère que leur histoire vous rendra pas trop amer.
20:25 Si cet épisode a été chargé en émotion, c'est la faute de Jean de Boissézon, mais
20:29 il m'a promis que ça restait objectif.
20:32 C'est toujours le but.
20:33 Après tout, le progrès c'est pas mauvais en soi, faut juste être prudent quand on avance.
20:36 J'espère que cet épisode vous a parlé, qu'il vous a plu.
20:40 N'hésitez pas à me le dire en commentaire, merci à tous pour votre soutien, je vous
20:43 dis à la prochaine sur Nota Bene ou en podcast !