Nous allons aujourd'hui aborder ensemble un des épisodes les plus controversés de la Seconde Guerre mondiale : l’opération Catapult. Catapult, c’est l’opération britannique se déroulant du 2 au 8 juillet 1940, ayant pour but la capture ou la neutralisation de la flotte française. Sa phase la plus connue est certainement l’attaque sur les navires au port de Mers El Kébir, faisant plus de 1200 morts. Alors comment ces deux nations, encore alliées quinze jours auparavant, en sont venues à de véritables actes de guerre en si peu de temps ? C’est ce que nous allons voir tout de suite !
➤ Retrouvez la vidéo de Loïc Guermeur parlant du déroulement de la bataille : https://www.youtube.com/watch?v=83TFjskcQDU&t=3s
Écriture : Benjamin Brillaud, Loïc Guermeur & Jean de Boisséson
➤ Un grand merci également à Loïc Guermeur pour la traduction de l'épisode en anglais ! Découvrez sa chaîne Cap-hornier juste ici : https://www.youtube.com/@Cap-hornier
Montage par V pour Valentin : https://www.youtube.com/Salveus
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ÉducationTranscription
00:00 Mes chers camarades, bien le bonjour et bienvenue dans cet épisode un peu spécial, puisqu'aujourd'hui
00:05 on va aborder ensemble un des épisodes les plus controversés de la Seconde Guerre Mondiale,
00:10 l'opération Catapulte.
00:11 Catapulte, c'est l'opération britannique se déroulant du 2 au 8 juillet 1940, ayant
00:17 pour but la capture ou la neutralisation de la flotte française, et dont la phase la
00:22 plus connue est l'attaque sur les navires au port de Mersel-Kébir, faisant plus de
00:27 1200 morts.
00:28 Alors comment ces deux nations, encore alliées 15 jours auparavant, en sont venues à de
00:32 véritables actes de guerre en si peu de temps ?
00:35 C'est ce qu'on va voir tout de suite, mais attention, je vous l'ai dit, l'épisode
00:38 n'est pas comme les autres.
00:39 Ici sur Nota Bene, on va explorer le pourquoi, mais si vous voulez le comment, rendez-vous
00:44 sur le lien en description, direction la chaîne Capornier, où Loïc Germer, qui a aussi écrit
00:49 cet épisode, nous parle des détails plus techniques, du déroulement précis de la
00:52 bataille, de ce qui se passait à bord, etc.
00:55 De notre côté, on va commencer, comme toujours, par les causes historiques de tout ça.
01:00 Au déclenchement de la guerre, la France possède l'une des flottes de guerre les
01:10 plus modernes du monde.
01:12 La marine française est un atout majeur pour les alliés, d'autant plus que les britanniques
01:16 n'ont aucun navire capable de rivaliser en un contre un avec les cuirassés allemands
01:21 et italiens, et n'en auront pas d'ailleurs avant l'automne 1940, soit bien après l'arrivée
01:26 du fameux cuirassé Bismarck, alors que la marine allemande possède déjà des navires
01:30 rapides et puissants, menaçant le trafic britannique.
01:33 Les navires britanniques sont nombreux, mais obsolètes.
01:36 En 1939, nos deux nations sont alliées et le Royaume-Uni compte bien s'appuyer en
01:42 partie sur la flotte française, le temps de rattraper son retard.
01:45 Sur les mers, la coopération entre marins des deux nations est excellente, notamment
01:49 en Atlantique, où les navires français et britanniques coopèrent de façon très
01:53 efficace dans la poursuite des corsaires allemands.
01:56 Mais en mai 1940, tout va changer.
01:59 En effet, le 13 mai, les armées allemandes percent le front dans les Ardennes, menaçant
02:03 tout le dispositif allié.
02:05 A partir de là, plusieurs événements vont alimenter les doutes et la méfiance entre
02:09 les deux alliés.
02:10 Le 16 mai, face à l'avancée allemande et l'effondrement du dispositif, Churchill
02:15 demande au général Gamelin, chef des armées alliées, « Où sont vos réserves ? », ce
02:20 à quoi le généralissime français répond « Nous n'en avons pas ».
02:23 Pour Churchill, la stupeur est totale.
02:26 L'armée française, la plus prestigieuse, au réolé de sa victoire de la première guerre
02:31 mondiale, n'avait pas de réserve pour une telle bataille et s'effondrait en quelques
02:35 jours.
02:36 La situation de la flotte française, ce puissant instrument qui permettait, sur mer, de faire
02:42 changer la balance d'un camp ou dans l'autre, est alors dans toutes les têtes, en France
02:47 comme en Angleterre.
02:48 Le 24 mai, l'armée britannique, présente sur le continent et sous l'autorité de
02:52 l'armée française, bat en retraite sans en avoir reçu l'ordre et sans prévenir
02:56 ses alliés, laissant l'armée belge seule au nord et empêchant toute chance de stabilisation
03:01 du front.
03:02 Cette manœuvre provoque la colère du général Weygand, qui a remplacé Gamelin à la tête
03:06 des armées alliées.
03:07 L'état-major français rend les britanniques responsables de l'échec de la contre-attaque,
03:12 même si elle avait peu de chances de succès.
03:14 Puis, le 27 mai, les britanniques déclenchent la fameuse opération « dynamo », c'est-à-dire
03:19 l'évacuation de leur armée depuis Dunkerque, sans informer les français et sans se concerter
03:24 avec eux, en tout cas au début.
03:26 L'opération privilégie évidemment l'évacuation des soldats britanniques.
03:30 Même si le tiers des soldats évacués est français, des cas de soldats blessés français
03:35 refusés à bord des navires anglais ou d'autres repoussés sous la menace d'un fusil scandalisent
03:40 les armées françaises.
03:41 D'autant que pour permettre l'évacuation, l'armée française mène une défense particulièrement
03:46 acharnée et sanglante lors de la bataille de Lille pendant laquelle 40 000 soldats français
03:51 et coloniaux encerclés se battent jusqu'à la dernière cartouche.
03:54 Après l'abandon des Belges, cette opération accentue le sentiment anglophobe en France,
04:00 alors que l'évacuation est jugée indispensable chez les britanniques.
04:03 Churchill refuse d'envoyer l'aviation anglaise pour soutenir la France, refus qui fut vécu
04:08 comme une trahison.
04:09 Même si sacrifier les avions anglais à ce stade n'aurait eu aucun impact sur l'avancée
04:14 allemande et aurait laissé les îles britanniques sans défense pour la suite.
04:17 Mais l'accumulation des griefs à l'encontre des britanniques commence à peser sur les
04:22 autorités françaises.
04:23 Les échanges entre britanniques et français sont très réguliers, que ce soit entre amiraux
04:28 ou entre hommes politiques, et si la perspective de la demande d'armistice de la part de
04:32 la France se fait de plus en plus évidente, dès le 11 juin, l'amiral Darlan, commandant
04:38 en chef de la marine française, assure à Churchill que la flotte ne sera jamais livrée
04:43 et que les navires seront sabordés en cas de menaces ennemies.
04:46 C'est tout simplement une question d'honneur.
04:48 Le 17 juin, alors que la France et le Royaume-Uni s'étaient promis de ne pas signer la paix
04:53 séparée, Pétain demande l'armistice.
04:55 Mais ce jour-là, Darlan envoie un message à tous les navires de la marine pour leur
05:00 signifier de continuer la guerre à outrance, permettant ainsi à des dizaines de navires
05:05 de guerre, dont le fameux cuirassé Richelieu, de quitter Brest le 18, évitant ainsi la
05:11 capture ou le sabordage.
05:12 Ça serait trop long d'évoquer tous les échanges de l'époque entre les alliés.
05:19 Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que de mi-juin jusqu'au 29 juin 1940, toutes
05:25 les autorités françaises, de l'attaché naval à Paul Reynaud, le président du conseil
05:29 en passant par Pétain, assurent maintes et maintes fois aux britanniques que la flotte
05:34 ne serait pas livrée ou qu'elle se saborderait en cas de menace, et que l'armistice serait
05:38 même refusé si l'Allemagne demandait la livraison de la flotte.
05:43 Ce qui va tout changer, c'est l'article 8 de la Convention d'armistice imposée
05:47 par l'Allemagne à la France.
05:49 Cet article règle le sort de la marine française et précise que la flotte sera rassemblée
05:54 et désarmée sous le contrôle de l'Allemagne et de l'Italie.
05:58 On soulignera les différences de traduction.
06:00 Le mot « contrôle » en français fut interprété comme une surveillance large, alors qu'en
06:06 anglais, le verbe « to control » est bien plus contraignant.
06:09 Cette différence sémantique fut décisive dans la perception de la menace et la dégradation
06:14 de la situation.
06:15 Mise au courant des clauses de l'armistice le 21 juin, les britanniques sont terrifiés
06:20 par cet article 8.
06:21 Pour eux, cela ne signifie ni plus ni moins la mainmise de l'axe sur la flotte française.
06:27 A partir de là, français et britanniques entament un dialogue de sourds pendant plusieurs
06:31 jours durant, menant à la catastrophe.
06:33 Les multiples incidents, les mauvaises interprétations accentuent le fossé entre les anciens alliés.
06:39 De nombreuses unités navales, comme le cuirassier Richelieu, au large de Dakar, ou le croiseur
06:44 Émile Bertin au Canada, observent des manœuvres suspectes, voire agressives de la part de
06:49 la Royal Navy dès le 18 juin.
06:51 Entre les anglais et les français, le dialogue se poursuit tant bien que mal sur la situation
06:56 de la marine française, mais se fait souvent de façon détournée par des attachés, des
07:02 télégrammes incomplets en langage diplomatique qui ne reflètent pas toujours les pensées
07:06 réelles et les incompréhensions se creusent définitivement.
07:09 Les britanniques veulent absolument que la flotte française rejoigne les ports britanniques,
07:14 seule condition pour une paix séparée.
07:16 Pour Londres, les français manquent à leur parole et ne sont plus dignes de confiance,
07:21 alors que pour les français, cette condition correspond à une demande peu précise.
07:25 De plus, les renseignements de Darland l'avertissent que Lord Halifax, ministre de Churchill, effectue
07:31 des démarches pour conclure une paix avec Hitler.
07:34 Enfin, le 24 juin, Darland envoie un message à tous les navires français leur ordonnant
07:39 de partir vers les Etats-Unis ou de se saborder en cas de menace de capture.
07:43 Je cite « En aucune circonstance, les navires français ne doivent tomber aux mains de l'ennemi
07:48 ». Et ça, c'est suivi d'un autre message invitant à se méfier de possibles attaques
07:52 anglaises.
07:53 Dans les faits, Churchill, qui connaît cet ordre, a pris sa décision depuis bien longtemps.
07:58 Le 22 juin, dans un discours au ministère des Affaires étrangères, il déclare que
08:03 la priorité est de « capturer ou de détruire le richelieu », déclarant même que la Grande
08:09 Bretagne et la France seraient bientôt en guerre.
08:11 Mais malgré l'opposition parfois virulente de la plupart des amiraux, Churchill impose
08:16 l'opération catapulte.
08:17 Le 2 juillet, lorsque l'ordre définitif est donné par Churchill, la flotte française
08:23 est dispersée du Canada à l'Indochine.
08:25 Mais les principales forces sont réparties à Toulon, à Alexandrie, à Dakar et à
08:31 Mersel-Kébir, non loin d'Oran, en Algérie, alors colonie française.
08:35 Les flottes de Toulon et d'Alger étant trop protégées par les défenses côtières,
08:39 ce sont les flottes d'Alexandrie, Mersel-Kébir et Dakar qui seront concernées par l'opération,
08:45 ainsi que les navires stationnant en Angleterre.
08:47 Les navires français en Angleterre étaient assez nombreux mais ne représentaient pas
08:51 une grande importance militaire en dehors de plusieurs sous-marins.
08:54 Le 2 juillet au soir, des officiers britanniques montèrent à bord des navires français par
08:59 ruse, prétextant venir trinquer avec leurs alliés ou discuter de la situation.
09:03 Par la menace et dans la nuit, tous les navires sont capturés par l'armée, la plupart
09:09 du temps sans violence, à quelques exceptions près.
09:12 Les équipages furent internés comme des prisonniers de guerre pendant quelques semaines.
09:16 Certains s'engagèrent par la suite avec les forces françaises libres, mais la plupart
09:20 furent rapatriés.
09:22 Là encore, le traitement que certains marins français subirent, avec vexation, menaces
09:27 et humiliations, contribua à la légende noire de l'opération catapulte.
09:31 A Alexandrie, la situation est plus complexe.
09:35 L'escadre française, appelée Force X, y stationne depuis des mois, menant des opérations
09:41 conjointes avec la Royal Navy.
09:43 Composée d'un cuirassé, de quatre croiseurs, un sous-marin et des torpilleurs, elle est
09:48 à l'encre dans le port égyptien, au milieu de la flotte britannique, en état de combattre.
09:52 Le vice-amiral Godefroy, qui commande la Force X, et l'amiral Cunningham, commandant de
09:57 la flotte britannique, se connaissent bien et sont de bons amis.
10:01 Cunningham est très francophile et la femme de Godefroy est anglaise.
10:05 Ces éléments seront décisifs dans la crise qui monte.
10:08 En effet, dès le 23 juin, l'amérité britannique interdit aux navires français de quitter
10:14 les ports britanniques en attendant la clarification de l'armistice.
10:17 Ainsi, du Canada à l'Egypte, des navires de guerre et des navires marchands sont immobilisés,
10:24 y compris le célèbre paquebot Normandie à New York, malgré les protestations françaises.
10:28 Le 29 juin, les ordres de l'opération Catapulte arrivent à Alexandrie.
10:33 Cunningham doit capturer ou démilitariser les navires français.
10:37 Scandalisé, l'amiral britannique s'oppose fortement à ces ordres, mais il n'a pas
10:42 vraiment le choix devant la pression mise par Churchill et l'amirauté.
10:46 Convoquant l'amiral français le 2 juillet, dans une atmosphère tendue, il lui présente,
10:51 avec grande précaution, les ordres de Churchill.
10:54 Godefroy a le choix entre remettre ses navires aux Britanniques, les désarmer ou se saborder.
11:00 Pendant plusieurs jours de tensions, les navires allant jusqu'à pointer leur canon sur l'autre,
11:05 les deux amiraux vont temporiser et s'entendre sur un règlement pacifique, désobéissant
11:11 tous deux aux instructions arrivant de France et de Londres, afin d'éviter un carnage
11:15 généralisé.
11:16 Ainsi, les navires resteront français et ne seront pas sabordés, mais immobilisés
11:22 en Égypte.
11:23 Churchill, qui compte utiliser les navires français, est furieux, mais il n'a pas
11:28 vraiment le choix.
11:29 On le voit, il s'en est quand même fallu de peu pour que l'affaire tourne à la bataille
11:33 générale.
11:34 Malgré les ordres, malgré la tension, ce fut bien la volonté de deux hommes, dotés
11:39 d'une grande intelligence politique et humaine, qui a permis d'aboutir à un compromis
11:43 relativement satisfaisant pour toutes les parties.
11:46 Malheureusement, à Mersel-Kébir, l'affaire prend une tournure totalement différente.
11:50 Mersel-Kébir est une base française construite dans les années 30, située sur la côte
11:59 algérienne, à côté de la ville d'Oran.
12:01 Sous le commandement de l'amiral Jean Soule, l'escadre présente est composée de quatre
12:06 cuirassés, le Dunkerque, le Strasbourg, le Bretagne et le Provence, de six contre-torpilleurs
12:11 et d'un transport d'hydravions.
12:12 Jean Soule est un vrai marin et un militaire loyal.
12:16 Il a commandé une escadre franco-britannique lors de la chasse aux cuirassés allemands
12:20 dans l'Atlantique et il n'est pas suspect d'anglophobie.
12:23 Peu au fait de la politique, il connaît mal la situation en France et ignore tout
12:28 de l'appel du général de Gaulle, qui n'a pas été diffusé en Algérie.
12:32 Pour diriger l'opération de Mersel-Kébir, Churchill rappelle James Somerville, un amiral
12:38 à la retraite, afin d'éviter de nommer un amiral trop francophile et plus au courant
12:42 des faits.
12:43 Lui exposant la situation de façon très biaisée, Churchill envoie Somerville pour
12:48 Mersel-Kébir avec le porte-avion Arc-Royal et quelques cuirassés et croiseurs, dont
12:53 le fameux Hood.
12:54 Le 3 juillet au matin, un petit destroyer britannique, le Fox-Hound, se présente devant
13:00 le port et envoie un message optique.
13:02 "Nous envoyons le commandant Hollande pour discuter, rangez-vous à nos côtés pour
13:07 éviter tout malentendu futur, la flotte britannique est au large pour vous accueillir."
13:12 La menace est à peine voilée.
13:14 Hollande, qui est aussi le commandant du porte-avion Arc-Royal, est résolument francophile.
13:19 Parlant couramment le français et ancienne attachée navale à Paris, il est un choix
13:23 logique pour Somerville qui pense qu'envoyer un ami des français sera bien reçu et facilitera
13:29 les négociations.
13:30 Mais il réalise une première boulette.
13:32 Dix jours auparavant, c'était un amiral britannique prestigieux qui venait discuter
13:37 avec Jean Soule sur la situation de la flotte française, qui est l'un des plus grands
13:40 amiraux de la marine française.
13:42 Dans des négociations, la tradition et la logique veulent que des discussions soient
13:46 menées à grade équivalent.
13:47 Ainsi, la grande différence de grade entre les deux officiers fut prise comme une marque
13:53 de désinvolture par Jean Soule qui refusa de le recevoir et envoya le lieutenant de
13:58 vaisseau Duffet à bord d'une vedette pour écouter ce que l'anglais avait à dire.
14:02 Hollande tenta tout d'abord de négocier pour monter à bord du Dunkerque, navire amiral
14:07 de Jean Soule, mais sans succès.
14:09 Ainsi, Hollande transmit un texte donnant les choix suivants à l'amiral Jean Soule
14:14 « Appareiller pour continuer le combat aux côtés des britanniques.
14:17 Appareiller avec un équipage réduit sous contrôle britannique pour gagner un port
14:21 anglais, c'est-à-dire donner les navires au Royaume-Uni.
14:25 Conduire les navires aux Etats-Unis ou aux Antilles sous escorte britannique.
14:29 Ou se saborder.
14:30 En cas de refus dans les 6 heures, j'ai ordre de vous couler.
14:34 » Le texte est écrit en rouge et il n'est même pas signé.
14:37 Le manque de tact et la menace sont interprétés comme une insulte, voire comme un acte de
14:42 guerre par Jean Soule.
14:43 Celui-ci commence par faire transmettre un message à l'amirauté française en métropole,
14:51 mais ne précise que deux des possibilités de l'ultimatum.
14:54 Soit se saborder, soit être attaqué.
14:57 Puis il ordonne à tous les navires de la base d'allumer leurs machines et de se préparer
15:02 au combat.
15:03 Il faut savoir que tous ces navires sont à vapeur et qu'il faut plusieurs heures
15:07 pour « allumer les feux » comme on dit, et commencer à manœuvrer.
15:10 A 9h, Jean Soule transmet sa réponse.
15:14 « Les bâtiments français ne tomberont jamais aux mains des Allemands.
15:17 Nous répondrons à la force par la force.
15:21 » Pour comprendre toute cette lenteur, il faut
15:23 savoir que les négociations se déroulent sur une petite vedette à l'entrée du port.
15:27 Le trajet entre le bureau de l'amiral Jean Soule et l'entrée du port prend 40 minutes.
15:32 Donc chaque message doit être envoyé aux amiraux, qui prennent leur temps avant de
15:36 répondre, et de renvoyer la réponse.
15:38 Et pendant tout ce temps, l'ultimatum continue à courir.
15:42 A 11h30, harcelé par les télégrammes de Churchill qui suivaient les événements depuis
15:47 Londres, Somerville indique qu'il compte ouvrir le feu à 13h30.
15:51 En métropole, l'amirauté est en plein déménagement, l'amiral d'Arland est
15:56 sur la route, quelque part entre Clermont-Ferrand et Vichy.
15:59 C'est son chef d'état-major, l'amiral Leluc, qui reçoit le message de Jean Soule
16:04 un peu avant midi.
16:05 Leluc, qui est peu sensible aux subtilités politiques pour le dire poliment, prend immédiatement
16:11 une série de décisions radicales.
16:13 Il envoie l'ordre non crypté à tous les navires français présents en Méditerranée
16:17 de foncer sur Mersel-Kebir.
16:19 Sur la côte algérienne, cependant, les négociations se poursuivent.
16:23 A 13h30, alors que l'amiral français semble sur le point d'accepter une des propositions
16:29 britanniques et que Somerville décale l'ultimatum à 15h, des avions britanniques mouillent
16:34 des mines devant l'entrée du port afin d'empêcher les navires français de partir,
16:39 ce qui provoque la colère des Français.
16:41 A 16h, le commandant Hollande est finalement reçu par Jean Soule, les discussions sont
16:45 tendues et le français finit par tendre l'ordre de Darlan du 24 juin, ordonnant aux navires
16:51 de partir aux Etats-Unis ou de se saborder en cas de menace de capture.
16:55 Hollande, qui ne connaissait pas cet ordre, estime que ça pourrait tout changer.
17:00 Mais Somerville, qui a intercepté l'ordre de Leluc, sait désormais que les renforts
17:04 arrivent et à 17h15, il annonce qu'il va ouvrir le feu.
17:09 Hollande tente désespérément de contacter Somerville afin de transmettre une contre-proposition
17:14 de Jean Soule.
17:15 Mais il est trop tard, Somerville, qui a maintes fois repoussé l'échéance malgré l'insistance
17:20 de Churchill, ne peut plus attendre.
17:22 Hollande quitte donc le Dunkerque, dépité, et Jean Soule envoie l'ordre à tous les
17:26 navires d'appareiller.
17:27 A 17h55, la ligne d'horizon s'illumine des premiers coups de canon.
17:33 Les navires britanniques pilonnent les navires français qui ne peuvent quasiment pas répliquer,
17:37 l'essentiel des canons étant tournés vers la terre.
17:39 On assiste plus à une exécution qu'à une bataille.
17:42 Dès le premier obus anglais, les contre-torpilleurs français, qui étaient prêts à partir,
17:47 larguent les amarres et foncent vers la sortie du port.
17:50 Mais le Mogador, premier de la file, est coupé en deux par un obus.
17:55 Les cuirassés Dunkerque et Provence encaissent plusieurs salves dévastatrices et vont s'échouer
18:00 au fond de la baie afin d'éviter de chavirer.
18:02 Le Bretagne, lui, n'a pas cette chance.
18:06 Gravement endommagé par plusieurs obus, ils chavirent dans le port, entraînant la mort
18:11 de près de 1000 marins.
18:12 Le cuirassé Strasbourg, par une superbe manœuvre, parvient à s'échapper avec 5 contre-torpilleurs
18:18 en tirant plusieurs salves vers le navire amiral britannique.
18:21 Somerville se lance à la poursuite des navires français pendant plusieurs heures, mais
18:26 il va finir par abandonner en cours de route.
18:28 Mais c'est pas pour autant que l'affaire va en rester là.
18:30 Le 5 juillet, l'amiral Esteva, commandant de la flotte de Bizert, publie un communiqué
18:37 de presse très imprudent indiquant que le Dunkerque est indemne.
18:40 Churchill est furieux et il exige une nouvelle attaque pour achever le cuirassé, qui était
18:45 l'un des objectifs principaux de l'opération.
18:48 Une nouvelle attaque sur le Dunkerque par avion-torpilleur fait 29 morts le 6 juillet.
18:53 L'affaire de l'opération Catapulte n'est pas tout à fait terminée puisqu'une dernière
18:57 attaque fut menée contre le cuirassé Richelieu à Dakar.
19:01 De l'aveu même de Churchill, le Richelieu est LE grand navire qu'il faut capturer.
19:06 Ainsi, le 7 juillet, un petit bâtiment de guerre se présente devant Dakar pour présenter
19:11 le même ultimatum qu'à l'amiral Jansoul, 4 jours auparavant.
19:15 Mais scandalisé par l'attaque de Mersel-Kébir, l'état-major envoie pètre les britanniques
19:20 sur les ondes radio d'une façon pas très diplomatique.
19:22 Le lendemain, à l'aube, une attaque d'avion-torpilleur anglais endommage le Richelieu.
19:28 Mais celui-ci reste opérationnel.
19:30 Alors qu'est-ce qu'on peut retenir de l'opération Catapulte ? Du point de vue
19:35 des objectifs, on peut considérer que c'est un demi-échec.
19:38 Une partie de la flotte française est neutralisée, qu'elle soit désarmée ou endommagée,
19:44 mais la plupart des navires principaux sont globalement peu endommagés ou indemnes.
19:48 La flotte reste puissante et, même diminuée, elle est vue comme un atout par Vichy.
19:53 Surtout, certains navires majeurs rallient tout long, plus proche d'une éventuelle
19:57 capture ennemi que si elle était restée en Afrique.
20:00 En France, la colère est totale.
20:03 L'amiral Darland souhaite un moment d'éclarer la guerre aux britanniques et il n'est pas
20:07 le seul.
20:08 Des négociations furent menées avec l'Italie pour une action commune contre Alexandrie
20:12 afin de libérer la force X.
20:14 Au bord d'une nouvelle guerre, Pétain refusa finalement cette option.
20:18 Rappelons que, lorsque les britanniques tirent sur Mersel-Kébir, la France est toujours
20:24 officiellement sous le régime de la Troisième République et il n'y a pas encore de régime
20:28 vichyste collaborant avec Hitler.
20:30 On entend souvent dire que l'attaque sur Mersel-Kébir a diminué l'afflux de volontaires
20:35 pour les forces françaises libres.
20:36 Ça, c'est à relativiser mais si en juin 40, la région de Dakar et de nombreuses
20:41 colonies étaient largement en faveur de la continuation des combats, l'opération catapulte
20:46 change la donne et l'Afrique occidentale française reste loyale au gouvernement après
20:52 le choc de l'attaque.
20:53 Avant Mersel-Kébir, de nombreux équipages sont en faveur d'une continuation du combat,
20:58 comme celui du croiseur Lamotte-Piquet en Indochine.
21:01 Après l'attaque, la plupart changent d'avis.
21:04 De nombreux témoignages montrent qu'au matin de Mersel-Kébir, beaucoup de marins
21:08 mais aussi des pilotes de chasse de l'armée de l'air étaient heureux de l'apparition
21:12 des navires anglais, croyant qu'ils partiraient continuer le combat.
21:16 Mais la responsabilité de la tournure du drame incombe aussi à certains français.
21:21 Ainsi, si les acteurs et les historiens s'accordent à dire que les négociations étaient sur
21:26 le point d'aboutir, le message non crypté de l'amiral Leluc, annonçant l'envoi des
21:31 renforts, a mis le feu aux poudres.
21:33 Leluc savait que l'ordre serait intercepté par les britanniques.
21:37 Enfin, l'amiral Jansoul porte évidemment une grande part dans la tournure des événements.
21:42 Si beaucoup l'ont critiqué de ne pas avoir appareillé pour les Antilles comme le proposait
21:47 l'ultimatum, nous avons vu que ce n'était pas une alternative plausible.
21:50 En effet, devant Dakar, à la fin du mois de juin, le croiseur HMS Dorsetshire avait
21:56 pour ordre d'empêcher toute tentative du cuir assez riche lieu d'aller aux Antilles,
22:01 y compris en les prônant.
22:02 De l'avis général, l'amiral Jansoul, c'était tout simplement la "mauvaise
22:07 personne au mauvais moment".
22:09 Il était doté d'un sens politique assez moyen, il a fait passer des questions de protocoles
22:14 avant le reste, ce qui a ralenti dramatiquement les négociations.
22:17 Alors que la Royal Navy avait une attitude menaçante depuis plusieurs jours, il n'a
22:23 rien anticipé et s'est laissé surprendre tactiquement.
22:25 Un autre reproche évident qui fut fait à Jansoul est la teneur de son message à l'amirauté
22:31 qui ne donne pas la totalité des alternatives de l'ultimatum anglais.
22:35 En effet, la réaction de l'amiral Leluc d'envoyer tous les renforts possibles fut
22:39 dictée par les éléments envoyés par Jansoul.
22:42 Du côté anglais, si cette opération fut encensée par les politiciens, elle est l'objet
22:46 de critiques virulentes du côté de l'amirauté.
22:49 Cunningham a désobéi à Alexandrie et Somerville ne cacha pas son dégoût.
22:54 En repoussant sans cesse l'inévitable, en faisant cesser le feu dès que possible
22:59 et en mentant à Churchill afin de mettre fin à la poursuite du Strasbourg, Somerville
23:04 a montré à quel point il répugnait à la tâche.
23:06 On notera également que lors de l'attaque à la Torpille du 6 juillet, quatre torpilles
23:10 furent retrouvées sabotées au fond du port par des britanniques rechignants à tirer
23:15 sur leurs anciens compagnons d'armes.
23:17 Le commandant Hollande demanda même à être relevé de son commandement.
23:20 Ulcéré par la fronte de ses officiers, Churchill fit mettre Hollande à la retraite avant d'être
23:26 contraint de le rappeler sous la pression populaire.
23:28 L'amiral North, à Gibraltar, critiqua violemment Churchill et fut, lui aussi, écarté
23:35 par le premier ministre quelques semaines plus tard, dès sa première erreur.
23:38 Même Lord Mountbatten, proche de Churchill, fut tourmenté de nombreuses années par cette
23:44 affaire.
23:45 Mais si elle fut approuvée par le cabinet de guerre britannique, l'opération Catapulte
23:49 est une décision unilatérale de Churchill qui a savamment propagé la peur de la possible
23:55 capture des navires français par l'Allemagne nazie, un mythe qui perdure encore de nos
23:59 jours pour justifier l'attaque de l'ancien allié.
24:02 En attaquant la flotte française, Churchill tente un double coup politique, couper l'herbe
24:07 sous le pied des partisans de la paix au Royaume-Uni et convaincre Roosevelt que son pays continuerait
24:12 la guerre coûte que coûte.
24:14 Et de ce point de vue, c'est un succès, car quelques mois plus tard, le président
24:19 américain commence à livrer du matériel aux britanniques.
24:23 Si beaucoup ont critiqué Jean Soule et l'attitude de la marine française, on peut aussi mettre
24:28 cette décision en perspective.
24:29 A l'été 40, quand Roosevelt proposa à Churchill d'accueillir la Royal Navy aux
24:35 Etats-Unis en cas d'invasion allemande, le premier ministre anglais a eu exactement
24:39 les mêmes mots que les français.
24:41 « Nos navires se saboteront plutôt que de tomber aux mains ennemies ».
24:45 Et en novembre 1942, lorsque les Allemands tentèrent de s'emparer de la flotte de
24:50 Coulon, les marins français sabordèrent leurs navires, prouvant que les risques de
24:54 capture en juillet 40 étaient inexistants.
24:57 Quant à de Gaulle, il justifia l'opération en déclarant dans deux allocutions que le
25:01 gouvernement de Bordeaux était sur le point de livrer la flotte, ce qui est faux et ça,
25:06 il l'a reconnu dans ses mémoires.
25:08 L'intérêt de de Gaulle, à peine connu et peu considéré, était de se légitimer
25:12 auprès de Londres et de Washington, mais également de discréditer le gouvernement
25:17 français.
25:18 A la question « le drame était-il évitable ? », il n'y a pas de véritable réponse.
25:23 Les amiraux britanniques ont déclaré que ce n'était pas une nécessité stratégique,
25:27 Churchill a estimé que c'était une nécessité politique.
25:30 De nombreux historiens britanniques, comme R.T.
25:33 Thomas et Richard Lamb, écrivirent que ce fut la plus grande erreur de la guerre de
25:37 Churchill, portant un grave coup à la cause alliée.
25:41 Vous le voyez, l'affaire de Mersel-Kébir, c'est une affaire qui est complexe, bien
25:45 loin des clichés et des contre-vérités que de nombreuses personnes ont véhiculées
25:49 après le conflit, de chaque côté de la manche, et qui alimente encore de nos jours
25:54 les forums de tonnes de commentaires.
25:56 Un grand merci à Loïc Germer pour avoir exploré le contexte de l'opération Catapulte
26:00 avec nous.
26:01 N'oubliez pas, vous pouvez immédiatement retrouver la suite de cette vidéo sur la
26:04 chaîne Capornier pour encore plus de détails liés à la navigation et aux navires militaires
26:09 de l'époque.
26:10 Merci à tous d'avoir suivi cet épisode, on se retrouve très bientôt pour décrypter
26:13 le passé, même si c'est parfois complexe, voire polémique, c'est comme ça qu'on
26:17 avance ! A vos commentaires, à vos pouces bleus et à la prochaine !