L'une chante, l'autre pas - L'édito culture

  • l’année dernière
Avec Laurent Delmas.
Retrouvez les éditos culture sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-culture/l-edito-culture-du-mardi-29-aout-2023-1536836
Transcript
00:00 9h47, regard critique sur l'actualité culturelle, le mardi ce sera avec vous, Laurent Delmas,
00:06 bonjour ! Ce matin, la culture, Laurent, passe encore par Vichy et ses années sombres ?
00:13 Oui, vous avez cru que j'allais encore vous parler du nouveau JDD et du rappeur Midi,
00:17 non, pas du tout, puisqu'on est sur la culture, ça ne sera pas ça. Mais oui, Vichy toujours,
00:21 parce que, comme si le venin et le chagrin pour reprendre le beau titre du passionnant
00:25 livre de l'historien Pierre Labory sur l'occupation et ses idées reçues, restait toujours d'actualité,
00:31 avec en l'occurrence deux figures féminines que deux nouveaux livres font revivre. L'une
00:36 chante, l'autre pas, serais-je tenté de dire. Daniel Darieu d'abord, la sublime
00:42 DD du cinéma français qui pouvait tenir tête à Gabin et qui, souvenez-vous, avait
00:46 refusé dans Les Demoiselles de Rochefort d'épouser Michel Piccoli alias Simon Dame parce qu'elle
00:51 ne voulait pas devenir Madame Dame. L'an dernier, un premier livre signé Jérôme
00:56 Babinet lui était consacré, lui reprochant son attitude sous l'occupation et sa participation
01:01 au fameux voyage à Berlin de star française en 1942. Fort heureusement, Clara Laurent
01:06 fait paraître le 5 septembre aux éditions Le Nouveau Monde, Daniel Darieu, une femme
01:11 moderne, une nouvelle édition de sa magnifique biographie dans laquelle elle réhabilite
01:15 une bonne fois pour toutes, Darieu, totalement blanchi d'ailleurs, en son temps par la commission
01:20 d'épuration. Alors on se demande bien pourquoi ? Il est nécessaire de déployer tant d'énergie
01:25 pour dire la simple vérité et pulvériser le soupçon d'une Darieu un peu collabo
01:30 et sous influence alors qu'il n'en fut rien.
01:32 Vous parlez de Daniel Darieu, mais vous nous avez dit qu'il y avait deux femmes, quelle
01:36 est l'autre figure féminine ?
01:37 Et oui, Léa, les hasards de l'actualité éditoriale font que paraît au même moment
01:42 chez Lattes un, je cite, « roman » de Julie Héraclès, intitulé « Vous ne connaissez
01:47 rien de moi ». Pour son entrée dans le monde littéraire, cette autrice a choisi le mentir
01:53 vrai, cher à Louis Aragon, un récit romanesque certes, mais absolument inspiré de faits
01:57 réels et désormais historiques.
02:00 Employant la première personne, Julie Héraclès se met dans la peau d'une femme rendue universellement
02:05 célèbre sous le nom de « La Tendue d'Orléans », soit une photo désormais mythique prise
02:09 en août 44 par le photographe américain Robert Capa. On y voit une jeune femme tendue
02:15 marquée au front et portant un enfant dans ses bras. Alors tout a été dit sur la violence
02:20 à vomir de ces moments, d'accord. Oui mais alors pourquoi y revenir avec ce bizarre tripatouillage
02:25 de la vérité ? Pourquoi cette quasi-réhabilitation d'une jeune femme qui, loin de pratiquer
02:31 seulement la collaboration horizontale, terme abominable, fut dans la réalité une véritable
02:37 collabo au sens propre du terme, affichant ouvertement des convictions nationales socialistes
02:42 bien avant l'occupation, travaillant ensuite pour les Allemands dans la France de Pétain,
02:47 puis dans l'Allemagne d'Hitler, finissant même par adhérer au parti fasciste de Dorio.
02:51 Puis elle fut fortement soupçonnée à la libération d'avoir été à l'origine
02:55 de la dénonciation de cinq hommes dont deux mourront en déportation et fut condamnée
03:00 in fine à 10 ans d'indignité nationale. Alors non, décidément, la Tendue d'Orléans
03:06 ne peut être ce simple personnage de roman persécuté parce qu'elle fut amoureuse d'un
03:11 soldat allemand. Alors, et pardon d'oser paraphraser Eluard ce matin, moi, mon remords,
03:17 c'est le soupçon injurieux sur Dario et non le destin d'une Orléanaise au regard
03:22 de collabos convaincus.

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