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Chroniqueur : Guillaume Daret 




Ce matin, Guillaume Daret reçoit Patrick Martin, président du MEDEF, dans les 4 vérités. 





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Transcription
00:00 Bonjour Patrick Martin, bienvenue dans les 4V.
00:06 Alors le Medef tient aujourd'hui et demain ses universités d'été de rentrée à l'hippodrome de Longchamp à Paris.
00:11 Alors à l'aube de cette rentrée, vous les chefs d'entreprise, dans quel état d'esprit est-ce que vous êtes ? Optimiste ou pessimiste ?
00:18 On tient notre rencontre des entrepreneurs de France, on aura plus de 10 000 personnes, on a 150 intervenants, 30 débats.
00:25 Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a une mobilisation des chefs d'entreprise qui ne se dément pas et il y a une soif de compréhension de leur part
00:32 parce qu'on est dans un environnement assez incertain pour toutes sortes de raisons.
00:36 Et sur le plan strictement conjoncturel, on a fait un tour de table hier de toutes nos fédérations.
00:41 Alors, qu'est-ce qu'ils vous disent ?
00:43 Il y a des préoccupations. Tout le monde se réjouit des bonnes performances en moyenne des secteurs d'activité sur le premier semestre,
00:48 mais on voit que ça ralentit, on voit que l'investissement ralentit, on voit que la consommation ralentit et en toile de fond,
00:54 il y a la pression des taux d'intérêt qui, évidemment, pèsent sur le niveau d'activité.
00:59 Ça veut dire quoi ? Vous êtes inquiet ?
01:01 On n'est pas inquiet à proprement parler, on est préoccupé par la conjoncture et puis on observe dans le même temps que les pays voisins,
01:07 nos principaux concurrents, sont en train d'accélérer sur l'investissement.
01:11 Par exemple ?
01:12 Les États-Unis, l'Allemagne, avec des pouvoirs publics derrière qui injectent à haute dose,
01:17 quelle que soit d'ailleurs la situation budgétaire de ces pays, qui injectent à haute dose des subventions pour verdir l'économie,
01:23 pour attirer des investissements internationaux.
01:25 Donc on est dans une compétition mondiale et à un moment où l'activité ralentit un peu, on est très mobilisés, très positivement mobilisés.
01:32 Donc ni optimistes ni pessimistes, vigilants vous diriez ?
01:35 C'est une résignation et puis des explications que l'on se doit d'avoir très constructivement, très respectueusement avec les pouvoirs publics,
01:42 le gouvernement lui-même, le Parlement, pour qu'on reste cohérents sur cette politique qui a marché jusque-là, la politique de l'offre.
01:48 Alors justement, parmi les invités que vous en parliez, il y aura notamment la Première ministre Elisabeth Borne,
01:53 qui sera là en début d'après-midi pour prononcer un discours. Qu'est-ce que vous allez lui dire ?
01:56 On va lui dire, je l'évoquais à l'instant, que tout ce qui a été fait depuis, avant même la première élection du président Macron,
02:04 le crédit d'impôt pour l'emploi, ça a marché. Il y a 2 millions d'emplois qui ont été créés depuis 2017.
02:10 La France a repris des couleurs encore ces derniers mois en termes de commerce extérieur.
02:15 Les entreprises françaises investissent. Il ne faut pas à la fois en termes de signal, de symbolique,
02:19 mais également en termes de mesures objectives, il ne faut pas enrayer cette belle dynamique, parce qu'on en a bigrement besoin.
02:26 Oui, parce qu'il y a quelque chose qui ne vous plaît pas quand même, il faut bien le dire,
02:28 c'est que le gouvernement a annoncé qu'une partie des impôts de production qu'il comptait réduire,
02:33 voire même supprimer dès cette année, qui seraient finalement étalés.
02:36 On parle d'un nom un petit peu barbare, la CVAE, une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
02:41 La deuxième partie, c'est 4 milliards, je crois, devait être totalement supprimé en 2024.
02:45 Le gouvernement a confirmé que ça serait étalé jusqu'en 2027. Pourquoi ça vous fait bondir ?
02:50 Il faut déjà bien comprendre ce que sont les impôts de production.
02:52 Ce ne sont pas les impôts sur les bénéfices, au premier euro de chiffre d'affaires, au premier emploi,
02:56 au premier euro d'investissement, vous êtes taxé. C'est assez stupide.
02:59 Et la France est championne du monde, notamment sur ses impôts de production.
03:03 Mais pourquoi est allée cette suppression ? Ça vous fait bondir ?
03:05 Ça nous fait bondir parce qu'on a besoin de cet argent.
03:07 J'évoquais à l'instant le durcissement de la compétition internationale,
03:10 tout ce qu'on doit engager en investissement pour préparer l'avenir.
03:13 Et puis par ailleurs, ça a été dit, ça a été mieux que dit, ça a été voté.
03:17 Et je pense que dans le panorama un petit peu confus, parfois anxiogène que l'on traverse,
03:21 pas que les chefs d'entreprise, il faut un principe de cohérence, il faut un rapport de confiance.
03:26 Nous, chefs d'entreprise, on investit dans la durée, sur des matériels, sur de la recherche, sur des emplois.
03:31 Et donc tout ce qui vient perturber les trajectoires crée du doute, et le doute c'est ce qu'il y a de pire.
03:36 Est-ce que ça veut dire que la confiance dont vous parliez à l'instant est rompue
03:38 avec le président de la République et le gouvernement ?
03:40 Non, on n'en est pas là. Le président de la République d'ailleurs nous fait l'honneur
03:44 d'intervenir en début de notre manifestation. Un message vidéo.
03:47 Et son propos est lucide, combatif mais lucide.
03:53 Donc on n'est pas du tout dans un rapport de force, on n'est pas dans une confrontation.
03:57 Mais les choses méritent d'être dites. Il y a une interrogation, il y a un doute,
04:00 il y a une crainte de la part des chefs d'entreprise autour de ces mesures.
04:03 Le gouvernement dit que c'est aussi une façon de contribuer au désendettement de la France
04:07 dont il parle ces dernières semaines, et que donc il faut étaler ces réductions d'impôts.
04:11 On sait que le gouvernement va demander aussi aux Français de faire des efforts.
04:15 Pourquoi les chefs d'entreprise, en tout cas les entreprises, ne feraient pas un effort aussi
04:19 pour participer à ce désendettement ?
04:20 Mais je vais vous dire, les meilleurs efforts que puissent faire les chefs d'entreprise,
04:23 les entreprises elles-mêmes, c'est de créer des emplois, elles le font.
04:26 C'est d'augmenter les salaires, elles le font.
04:28 Dorénavant, au-delà de l'inflation, c'est d'investir, elles le font.
04:32 Donc il ne faut pas confondre les différents sujets.
04:34 Les entreprises françaises sont les plus taxées au monde.
04:37 Donc il y a une trajectoire très intéressante qui a été engagée.
04:40 Il faut à un rythme raisonnable la prolonger.
04:43 On n'est pas indifférent à l'état des finances publiques.
04:45 On est victime de la dette et des déficits.
04:47 Mais quand vous regardez les marges d'économie qui peuvent exister sur les dépenses courantes de l'État,
04:53 je ne dis pas qu'il ne faut pas...
04:54 Concrètement ?
04:55 Il y a des frais d'administration, de l'administration.
04:57 Il y a des études absolument imparables, par exemple, sur les coûts administratifs
05:02 du système de santé français, par comparaison avec ceux des pays voisins, l'Allemagne en particulier.
05:08 Il ne s'agit pas de dégrader la qualité des salaires économiques.
05:10 Pour vous, ça doit être ça la priorité.
05:11 Vous parliez il y a quelques instants des salaires.
05:15 C'est quelque chose d'extrêmement important qui concerne évidemment,
05:17 qui nous concerne nous tous, la plupart des gens évidemment qui nous regardent.
05:21 Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, il a fait sa rentrée politique hier
05:24 et il a invoqué justement cette question-là.
05:27 Il vous a en quelque sorte interpellé.
05:28 Je vous propose de l'écouter.
05:30 Je pense que c'est bien aussi de dire aux patronats, aux chefs d'entreprise,
05:35 que je respecte profondément, qu'ils doivent aussi augmenter le salaire des salariés, des ouvriers.
05:40 Est-ce que vous êtes prêt à augmenter davantage le salaire des travailleurs, des ouvriers ?
05:44 Qu'est-ce que vous lui répondez ?
05:45 Je lui réponds deux choses.
05:46 La première, je l'évoquais à l'instant, c'est que nous avons augmenté les salaires au premier semestre.
05:50 Pas assez, il trouve.
05:51 Dans le secteur privé, plus que l'inflation en moyenne, plus que dans la fonction publique.
05:56 Et je vais vous surprendre, nous on ne rêve que d'une chose, c'est d'augmenter les salaires
06:00 pour en particulier trouver les collaborateurs dont on a besoin dans beaucoup de métiers.
06:05 Ça va faire plaisir à tous ceux qui nous écoutent.
06:06 Encore faut-il qu'on nous en laisse les moyens.
06:09 Vous n'en êtes pas encore convaincu ? Gérald Darmanin, ça fera un bon président de la République ou pas ?
06:13 Ce n'est pas mon propos.
06:14 Vous ne voulez pas rentrer dans ce propos-là ?
06:15 Non, surtout pas.
06:16 Pas question de vous fâcher notamment avec la première ministre qui va être là tout à l'heure.
06:20 L'un des dossiers qui va devoir mener le ministre à l'intérieur, c'est notamment la question de l'immigration
06:23 qui sera très présente dans les mois à venir.
06:25 C'est un sujet politique, c'est aussi un sujet économique.
06:27 Est-ce que le MEDEF, est-ce que vous êtes favorable à la création d'un titre de séjour pour les métiers en tension ?
06:32 Oui ou non ?
06:33 Il faut prendre les choses en ordre.
06:35 Nous, notre priorité, c'est de faire revenir à l'emploi des gens qui sont déjà en France, de nationalité ou pas.
06:40 Et qui peuvent être des chômeurs de longue durée, qui peuvent être, commençons par le commencement là aussi,
06:45 des personnes qui sont égarées dans des voies de formation, je pense au lycée professionnel, sans débouchés.
06:50 Donc voilà, on va commencer par là.
06:52 Je peux vous dire qu'il y a un réservoir considérable.
06:54 Mais oui ou non à ce titre de séjour ?
06:56 Et par exception, par défaut et à la fin des fins, y compris dans des métiers hautement qualifiés,
07:01 on comprendra probablement que l'on fasse appel à la main-d'œuvre immigrée dans des conditions de parfaite légalité.
07:07 Ce sont des choix politiques.
07:09 Les entreprises s'adapteront.
07:10 Le gouvernement vise aussi à réduire le coût des arrêts de travail qui ont bondi de 8% entre 2021 et 2022.
07:17 Il souhaiterait visiblement, d'après nos confrontes des échos ce matin,
07:20 vous obliger à négocier sur ce point-là avec les syndicats.
07:23 Vous êtes d'accord ?
07:24 Je crois que le dossier n'est pas aussi abouti que ça.
07:28 J'entends ici ou là que si l'absentéisme de courte durée en particulier augmente,
07:32 c'est en partie du fait des entreprises.
07:34 C'est évidemment faux.
07:35 Pourquoi supporterions-nous une charge supplémentaire alors que, je l'ai déjà évoqué,
07:40 les entreprises françaises sont en termes de charges sociales et d'impôts,
07:43 malgré des avancées, toujours les plus taxées du monde.
07:46 Le président de la République va réunir mercredi les patrons des partis qui sont représentés au Parlement.
07:52 Est-ce que vous regrettez que les partenaires sociaux ne soient pas associés à cette rencontre ?
07:55 Non, chacun est dans sa sphère.
07:58 Ça n'exclut pas de bonnes relations, en tout cas des contacts rapprochés avec le gouvernement.
08:02 Le cas échéant avec le président de la République.
08:05 Vous m'interrogez sur ma compréhension des propos de Gérald Darmanin.
08:09 Nous, on n'a pas à se mêler de ces débats-là.
08:11 Ce qui prime d'ailleurs, c'est la légalité républicaine.
08:14 Les partenaires sociaux sont importants quand même, mais ce sont deux choses.
08:17 Ils doivent mettre en avant des priorités.
08:18 Pour vous, ça doit être quoi la première des priorités ?
08:21 La première des priorités, c'est de définir un horizon, un dessin, un récit
08:27 qui mobilise beaucoup plus l'ensemble de nos concitoyens.
08:30 Nous, entrepreneurs, on est prêts à contribuer et on le fait massivement à la réussite de la France.
08:35 Actuellement, on observe une forme de flottement.
08:38 Alors, ce n'est pas illogique, il y a des échéances politiques qui s'annoncent.
08:42 Nous, on ne veut pas rentrer dans ce débat-là.
08:44 Nos horizons sont des horizons de long terme.
08:46 On veut être responsable, on veut contribuer massivement à la réussite,
08:49 la décarbonation, l'emploi en France.
08:52 Donc, on ne veut pas se laisser embarquer, si vous voulez,
08:54 dans des considérations qui sont de pure politique.
08:56 Justement, la décarbonation, c'est un défi absolu pour l'ensemble de la société
08:59 et notamment pour les chefs d'entreprise.
09:01 On n'a pas toujours le sentiment que c'est la priorité des entreprises.
09:04 Est-ce que c'est vraiment une priorité pour vous, grand patron ?
09:07 Je peux vous dire que oui.
09:08 Ça n'était pas forcément vrai il y a quelques années encore.
09:10 Mais le MEDEF lui-même, d'ailleurs, a beaucoup contribué
09:13 à ce que nos adhérents, 190 000 entreprises, en prennent pleinement conscience.
09:16 Et dans les faits, qu'est-ce qui a changé concrètement ?
09:18 Ce qui a changé concrètement, c'est qu'on investit dorénavant
09:21 40 milliards d'euros de plus par an pour décarboner notre économie.
09:24 Ça veut dire des changements de mode de fabrication,
09:26 ça veut dire des changements d'offres, ça veut dire des changements d'organisation.
09:29 Ça veut dire la recherche massive de nouvelles compétences.
09:32 On est en plein dedans.
09:34 On est très motivés, même si c'est menaçant pour un certain nombre de secteurs,
09:37 un certain nombre d'entreprises.
09:38 Mais on n'a pas le sentiment que vous êtes d'accord avec les syndicats, sur ce point-là.
09:40 Vous comptez discuter de ça ?
09:41 Mais bien sûr, c'est même prévu.
09:43 C'est-à-dire ?
09:44 Il y a des négociations qui ont été, pour certaines, abouties,
09:47 pour que dans l'entreprise, cet enjeu soit pris en considération.
09:51 Et puis moi, je vais proposer dès les prochains jours,
09:54 à tous les partenaires sociaux, patronaux ou syndicaux,
09:57 qu'effectivement, on se penche sur cette perspective stratégique
10:01 dans la durée de la croissance responsable.
10:03 C'est la seule voie de passage.
10:05 On ne peut pas réussir la transition écologique
10:08 si on ne se donne pas les moyens économiques, sociaux,
10:11 de réussir cette transition.
10:13 Pour terminer, il y a eu quelques jours un débat,
10:15 à propos de l'ancien président Sarkozy sur Marine Le Pen,
10:18 qui estimait qu'il ne fallait pas la mettre de côté.
10:22 Est-ce que pour vous, Marine Le Pen, aujourd'hui,
10:24 fait partie du champ républicain,
10:26 si elle était présidente de la République en 2027 ?
10:28 Vous discuteriez avec elle en tant que patron des patrons ou pas du tout ?
10:31 Nous, ce qui nous intéresse, c'est de savoir quel est le programme économique
10:34 de Mme Le Pen et du Rassemblement national.
10:36 En l'État, sur l'Europe, sur les retraites, sur les salaires,
10:41 nous ne sommes pas d'accord avec le Rassemblement national.
10:44 Après, ce n'est pas à nous d'apprécier si le Rassemblement national
10:47 est ou pas dans le champ républicain.
10:49 C'est ça qui nous intéresse.
10:51 Est-ce que ça contribuera, si d'aventure elle est élue, et pourquoi pas,
10:54 si d'aventure elle est élue, est-ce que ça contribuera
10:56 à la réussite de la France et de ses entreprises ?
10:58 Ce n'est pas le cas actuellement, sur la base de son programme.
11:01 Merci beaucoup Patrick Martin.
11:03 Bonne université d'été de rentrée, bon débat au cours de ces deux jours.
11:06 C'est à vous.
11:07 Patrick Martin, tout nouveau président du MEDEF,
11:09 au micro de Guillaume Darré.

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